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Xerfi Canal a reçu Pierre Veltz, ancien Président-Directeur Général de l'Etablissement public Paris-Saclay, pour parler de l'écologie.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Pierre Nelz, bifurcation, bifurcation au pluriel. J'ai envie presque de prendre le
00:15terme au singulier avec vous. Finalement, vous nous dites, allez, on arrête de fémiser tout
00:20ça, on arrête de parler de transition écologique, c'est une bifurcation. Pourquoi ?
00:26Transition et bifurcation. On parle toujours de transition. Je vais prendre une image. La
00:35transition c'est que vous êtes sur un chemin de montagne, qui peut être ardu, mais vous savez à
00:40peu près où vous allez, vous connaissez à peu près la trajectoire. La bifurcation c'est que vous
00:45êtes dans une forêt profonde, il y a des crises de tous les côtés, il y a des dragons, des loups,
00:49et tout ça. Vous avez des carrefours et il faut que vous choisissiez un de ces carrefours.
00:54Franchement, aujourd'hui, je pense qu'on est beaucoup plus dans la deuxième situation que dans
00:56la première. La transition c'est assez doux, mais ça peut être rude. La bifurcation, il y a un
01:03facteur d'incertitude très important et puis il y a des ruptures. Regardez l'énergie. On ne peut
01:08pas dire que le passage des énergies fossiles, des systèmes d'énergie fossiles, à l'éolien,
01:17au solaire, à la géothermie, ce sont des systèmes complètement différents. Il va falloir
01:27donc aller vers ces systèmes. Or, il y a énormément d'incertitudes. C'est un bouleversement radical.
01:31Alors, une de vos grandes thèses, c'est que la manière de piloter cette bifurcation, la réponse
01:38ne sera pas dans les incitations, ne sera pas dans l'économie telle qu'on l'entend ou telle qu'on
01:44la lit très souvent. Notamment, je pense au carbone. Oui, alors les économistes par rapport
01:49à ça, ils ont un réflexe quasi pavlovien. Il faut agir sur les prix d'abord, donc la fameuse taxe
01:56carbone. Il faut augmenter le prix de tout ce qui est carboné et accessoirement mettre des
02:01réglementations. Il ne faut pas jeter ça. Il vaut mieux qu'on ait des prix de carbone élevés. On a
02:09encore beaucoup de choses à faire pour aligner les objectifs avec les prix et les tarifs et les
02:16fiscalités, etc. Ma thèse, c'est que ça ne peut pas régler la totalité du problème pour différentes
02:22raisons. La première, c'est l'urgence. La deuxième raison, c'est qu'on est dans une situation de
02:26changement systémique et de changement même de paradigme. Et surtout, il y a un problème de
02:33substitution. Les gens qui sont dans les petites villes ou dans les campagnes, ils n'ont pas
02:37aujourd'hui de solution autre que la voiture, donc ils vont souffrir avec de l'essence. Ils n'ont
02:41pas d'autre solution. Donc ça, c'est un problème. Et puis même plus globalement, on raisonne comme
02:48si les nouveaux investissements pouvaient être guidés uniquement par les prix ou les profits
02:55dans une logique de transition relativement douce. Ça ne marche pas comme ça. Il y a des effets
03:02systèmes. Il y a énormément de capitaux qui cherchent à s'investir dans le monde, comme vous
03:07savez. Il y a une quantité de capitaux qui cherchent des projets. Mais avant de le mettre,
03:15par exemple, dans les secteurs de renouvelables, il faut que les conditions générales soient assurées.
03:20Donc, en plus, les capitaux sont mimétiques, comme vous savez. Donc, s'il n'y en a pas une
03:24réorientation plus globale, eh bien, on ne va pas y arriver. Et cette réorientation plus globale,
03:28elle peut être pilotée que par l'État. Que par l'État. Alors ça, c'est le grand point que vous
03:33développez. Un État à mission. C'est le grand retour de la planification stratégique, quelque
03:38part écologique. Et il nous faut un État à mission, comme il y a aujourd'hui des sociétés à mission.
03:43Oui. Chaque fois qu'il y a eu des changements de paradigme, on voit que le rôle de l'État
03:48a été central. Alors, ça s'est souvent fait à l'occasion des guerres. Mais vous savez,
03:53William James, le grand philosophe pragmatiste américain, dans les années 20, disait déjà,
03:58il nous faut, pour réorienter notre économie, l'équivalent moral de la guerre. C'est-à-dire,
04:04est-ce qu'on peut avoir un équivalent moral de la guerre qui permette, sans si possible passer
04:09par une phase destruction, de réorienter, de refocaliser la société vers d'autres objectifs.
04:16Aujourd'hui, la grande question, c'est est-ce que le climat, est-ce que la lutte contre l'effondrement
04:22de la biodiversité, est-ce que ça peut être l'équivalent de ça ? Est-ce qu'on va y arriver ?
04:27Ce n'est vraiment pas ça.
04:29Seul l'État peut financer les infrastructures non rentables.
04:32Voilà, il y a les infrastructures non rentables qui permettront aux autres de danser sur la
04:39piste de danse. Seul l'État peut financer la piste de danse. Réinventée par la société
04:43industrielle, par l'écologie. Merci Pierre-Belz.
04:46Merci.

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