RSE : de la soutenabilité à la survivabilité [Jean-Fabrice Lebraty]

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Xerfi Canal a reçu Jean-Fabrice Lebraty, professeur agrégé des universités, iaelyon school of management, pour parler de la RSE et de la survie.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Jean-Fabrice Lebrati, professeur agrégé des universités,
00:13vous êtes en poste à l'IAE Lyon School of Management, vous dirigez le laboratoire de
00:17recherche, le centre de recherche Magellan. Chapitre co-écrit avec Katia Lobre, l'ARSE,
00:23revenir à la survie. C'est dans un ouvrage, le grand livre de l'ARSE, qui a été coordonné par
00:28Stéphane Trébuch et Rémi Demersemann. Revenir à la survie, alors évidemment tout de suite le titre
00:35ça interpelle, parce qu'il y a l'idée de survie, il y a l'idée d'y revenir à la survie. Donc
00:39expliquez-nous un peu ce que vous entendez par là, pourquoi vous avez choisi ce titre.
00:42Le titre initial a été « Goodbye sustainability, welcome survivability », titre un peu provocateur,
00:52mais qui avait pour but de mettre en avant un changement de paradigme,
00:57changement de paradigme profond concernant cette notion de RSE, et plus précisément le S de RSE,
01:03le côté de sustainability, de durabilité, et un changement de paradigme au niveau de la manière
01:09qui permet de durer. C'est assez révolutionnaire, qui dit changement de paradigme dit révolution,
01:14de toute façon, donc c'est assez révolutionnaire. Alors évidemment la question c'est pourquoi il y
01:17aura une forme d'épuisement du concept de RSE, pourquoi il arrivera à terme en quelque sorte.
01:22Plusieurs éléments nous ont fait prendre conscience d'un décalage entre l'environnement
01:38actuel et un environnement souhaité par la RSE. Quelque chose qui m'avait marqué, c'était le
01:45masque, ce masque pendant cette période 2020 du Covid. Quand deux milliards de personnes mettent
01:52un masque jetable sur le visage et le changent normalement deux fois par jour, la notion de
01:58« sustainable », de durabilité, était remise en question, était remise en question, c'était sur
02:05nous. Les événements dramatiques qui peuvent se passer aussi bien en Ukraine qu'au Proche et
02:10Moyen-Orient, aussi remettent en question cette notion de durée. On sent qu'il y a une bascule.
02:18Mais la crise, pour être plus ancienne, puisque en travaillant sur cette idée et en faisant des
02:24recherches, je suis tombé sur un titre du New York Times de 2012 qui s'appelait déjà « Goodbye
02:30sustainability, hello resilience ». Donc ils avaient eu un peu l'idée avant moi, mais il y avait
02:36déjà cette idée de bascule. Tout cela mène à la question de se dire, ce développement durable qui
02:42a été imaginé et formalisé en 1987, est-il aujourd'hui un chemin pertinent pour durer ?
02:49Une vraie question. Donc on comprend que vous pensez que non et que c'est là qu'il faut
02:55en venir à la survivabilité. Alors qu'est-ce que ça signifie la survivabilité ?
02:59C'est un vieux concept, mais qui a été formalisé il y a plus de 60 ans au niveau
03:07d'une approche systémique. C'est la capacité d'un système de résister à un environnement hostile de
03:13manière à ce qu'il puisse remplir sa mission. Mais c'est bien plus vieux. L'arche de Noé en
03:20est une allégorie, me semble-t-il, pertinente. Il y a des cadres théoriques aussi autour de la
03:26survivabilité. On pourrait en prendre trois. En psychologie, le coping, faire face. La résilience,
03:32ce dont parlait le New York Times. Et la notion de situation de contexte extrême.
03:39Si on devait finalement catégoriser autour de quelques items, quand on change de paradigme,
03:46il y a un avant et un après. Il y en a l'un et l'autre. Comment vous les qualifieriez,
03:49ces deux paradigmes, ce changement, cette bascule ?
03:52Alors pour moi, à quatre niveaux, où il y a des différences et des similitudes. Les
03:58différences, dans l'RSE, il y a un aspect fort de planification, de plan, de trajectoire. Alors
04:05que dans la survie, on est plus dans des boucles d'action-réponse rapide, dans des boucles de
04:11rétroaction très très rapide. Dans l'RSE, il y a un aspect global. Dans la survie,
04:17un aspect beaucoup plus local. Un élément, le troisième élément, me semble très important,
04:24c'est la notion de risque. Dans l'aspect RSE, on cherche quand même à atteindre le risque zéro,
04:31on cherche à se prémunir du risque, il y a une aversion au risque. Dans la survie,
04:35on cherche pas à maximiser le risque, non, mais le risque est partie prenante de l'action,
04:39est complètement intégrée dans l'action. Par contre, il y a similitude dans l'éthique.
04:45On peut être éthique en RSE, il y a de l'éthique dans la survie. Et quelque part,
04:51si on prend une série emblématique, Walking Dead, et ses dérivés, les acteurs, que ce soit
04:59Rick ou Daryl, finalement, ont tous une certaine éthique. Et d'ailleurs, saison après saison,
05:05ils sont toujours vivants. C'est le scénariste qui a fait pour ça. Mais il y a une certaine éthique,
05:08on ne survit pas sans éthique. Méditer ses trajectoires, extrêmement intéressant. Donc
05:13voilà, l'RSE, deux points. Revenir à la survie, on l'a peut-être oublié un peu,
05:19c'est d'abord survivre. Merci à vous. Merci Jean-Philippe.

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