La solastalgie désigne la détresse que certains ressentent face aux transformations négatives de l’environnement. D’où vient ce terme ? Pourquoi un nouveau mot pour désigner un phénomène qui semble s’approcher de l’éco-anxiété ? Quelles en sont les manifestations ?
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00:00Et enfin, nous avons également de la transmission d'outils et de ressources auprès de nos agents,
00:11donc on a à la fois des formats à destination de tous les agents de notre ministère et des actions
00:16également plus ciblées vers des acteurs de transition. Et donc, plus concrètement sur le
00:21volet acculturation, nous proposons différents formats de sensibilisation, donc qui vont des
00:26fresques et des ateliers collaboratifs que nous organisons, en passant par des parcours élaborés
00:30sur mesure, jusqu'à des niveaux plus poussés comme le cycle supérieur du développement durable.
00:35Et cette série de webinaires, elle fait partie de notre format les webinaires inspirants. Et donc,
00:42pour les mots et les transitions, on vous donne rendez-vous les lundis, une fois par mois,
00:45de 13h30 à 14h30, pour vous proposer un décryptage d'un mot ou d'un concept
00:52relatif aux transitions socio-écologiques. Et comme vous le savez peut-être déjà, ce cycle est
00:59composé de trois webinaires, donc éco-anxiété, solastagie et résilience émotionnelle. Et pour
01:05chacune de ces sessions, nous avons le plaisir d'accueillir Charline Schmerber, qui nous éclairera
01:10du coup sur la signification de ces termes. Et donc, pour ce 14 octobre, vous l'aurez compris,
01:16nous allons parler du mot solastagie, donc d'où vient ce terme, et finalement,
01:21quelle est la différence avec le mot éco-anxiété, donc mot que nous avons traité au webinaire
01:27précédent, où vous trouverez le replay sur notre site. Donc Charline nous l'expliquera,
01:32et avant ça, je passe tout de suite la parole à Sarah pour la suite. Merci.
01:36Merci Laure, bonjour à toutes, bonjour à tous. Merci de nous retrouver pour ce deuxième
01:42webinaire consacré à la solastagie. Je suis donc Sarah Lawrence, la co-fondatrice du Studio Reset,
01:48studio de formation dédié aux questions de transformation écologique des organisations.
01:52Avant de céder la parole à Charline, juste vous rappeler en quelques mots la manière dont ce
01:59webinaire va s'organiser. Nous aurons donc une première partie de présentation qui va être avec
02:10des éléments qui seront présentés par Charline, donc à l'issue de laquelle on aura du temps pour
02:14répondre à vos questions. Pour cela, n'hésitez pas à rédiger vos questions justement dans l'onglet
02:23Q&R, qui est dédié pour ça dans l'outil Zoom. Privilégiez plutôt ce canal-là au canal de chat
02:33pour qu'on identifie bien vos questions. Sachez également qu'on vous mettra à contribution,
02:41c'est-à-dire que vous verrez apparaître à plusieurs reprises des questions de sondage
02:46qui apparaîtront directement sur votre écran et auxquelles je vous invite à répondre. Sachez
02:53que ce webinaire est enregistré, vous aurez donc accès, comme pour les précédentes fois,
02:59au replay du webinaire, ainsi qu'au support que Charline vous présentera aujourd'hui,
03:07dans lequel vous retrouverez bien évidemment tous les éléments de bibliographie si vous
03:12souhaitez aller plus loin. Je vous laisse sur ces mots pour laisser la possibilité à Charline de
03:20se présenter également. Bonjour à tous, je suis Charline Schmerber, je suis psychopraticienne,
03:28j'ai été formée en analyse psychorganique qui est une méthode de psychothérapie qui fait vraiment
03:35le lien entre le corps, qui est traversé par des émotions et par l'esprit, qui est vraiment là
03:41pour mettre du sens. Depuis 2019, depuis cinq ans, je travaille vraiment sur la question des
03:47éco-émotions. Je reçois des patients en individuel, que ce soit en présentiel ou en distanciel,
03:53et depuis deux-trois ans maintenant, je travaille aussi avec des entreprises à qui je propose soit
04:00des webinaires, soit des cercles de parole, ou encore des processus d'accompagnement un peu plus
04:06longs, avec soit des formations, des questions de sensibilisation, avec des cycles d'accompagnement
04:16sur deux mois, des choses comme ça. J'ai créé aussi un réseau en 2020 qui est devenu une
04:24association, qui est le RAFU, le Réseau des Professionnels de l'Accompagnement face à
04:29l'urgence écologique. J'ai écrit un petit guide pratique, donc le petit guide de survie pour les
04:35éco-émotions, et j'ai créé avec Carbone 4 un MOOC en 2023, un MOOC en participation libre et
04:48consciente, qui est vraiment un parcours de sensibilisation sur la question des éco-émotions.
04:54Et du coup maintenant, avant de débuter vraiment ce webinaire, nous avions une première question
05:01sondage à vous poser, donc qui va s'afficher sur votre écran. Est-ce que finalement vous
05:05connaissiez le mot solastagie avant de vous inscrire à ce webinaire ? Oui ou non ?
05:24Eh bien nous avons un 80% non. Charline, est-ce que tu es étonnée de ces résultats ? Eh bien pas tant.
05:32Effectivement, le terme en France le plus connu, c'est le terme d'éco-anxiété. Alors on avait
05:42vu que la plupart des participants qui étaient venus au premier webinaire connaissaient bien
05:47le terme d'éco-anxiété, donc c'est vrai que je ne suis pas très surprise, mais quand même 80%
05:53c'est vrai que ça fait quand même pas mal de monde. Mais le terme effectivement de solastagie
05:59est beaucoup moins connu, on le verra par la suite, mais il est plus complexe, plus difficile
06:05à mémoriser et on a beaucoup plus médiatisé le terme d'éco-anxiété. Donc ce n'est pas non plus
06:13surprenant. Mais je suis ravie de savoir que j'ai pas mal de choses à vous apprendre aujourd'hui.
06:17Donc je vais vous partager mon écran et puis on va aller dans le vif du sujet. Alors je vous
06:29partage mon écran et normalement vous allez arriver directement sur le sommaire. Donc je
06:40vous propose un découpage en quatre parties. On va commencer par regarder un peu les origines,
06:48les origines de ce concept, d'où il vient, qui est-ce qui l'a créé. Et je vous proposerai la
06:55définition de la personne qui l'a créé et deux autres définitions. La deuxième partie,
07:04on reviendra sur qu'est-ce que c'est ce néologisme, comment on peut aussi le qualifier,
07:12comment on peut essayer de l'évaluer un petit peu. Ensuite, la troisième partie,
07:20ça sera vraiment ce qu'on appelle les stratégies de coping. Comment on fait pour y faire face,
07:25quels sont un peu les remèdes face à la nostalgie. Et enfin, la dernière partie,
07:33ça sera, je vous proposerai trois limites, trois limites au concept et une proposition
07:41d'ouverture. Voilà, ça c'est la proposition du découpage pour ces 45 minutes, cette heure qu'on
07:49va passer ensemble. Et il y aura de l'un évidemment une partie dédiée à vos questions. Et comme le
07:55disait Sarah, ce temps sera ponctué par des petites questions, sondages, pour que vous puissiez
08:00un peu donner votre avis sur comment vous, vous vivez la solastalgie. Alors, retour sur les origines
08:10et la définition de la solastalgie. Pour les personnes qui étaient présentes au premier
08:19premier webinaire sur l'éco-anxiété, il est possible que vous ayez déjà entendu parler de
08:25la solastalgie un peu dans des termes similaires. C'est-à-dire que souvent, on les emploie l'un pour
08:33l'autre. L'éco-anxiété, la solastalgie, souvent dans les articles de presse, les journalistes les
08:43confondent un peu. On a tendance à vraiment les employer l'un pour l'autre. Or, et j'aime beaucoup
08:49cette expression-là, la médecin de santé publique Alice Desbioles, qui a écrit le premier ouvrage
08:54vraiment sur l'éco-anxiété, c'est l'éco-anxiété, vivre sereinement dans un monde abîmé, elle a
09:01employé cette image un peu de faux jumeaux, que je trouve assez pertinente. Et ça vient bien nous
09:07dire qu'il y a des similitudes. Notamment, l'éco-anxiété et la solastalgie sont tous les
09:14deux rattachés à la santé mentale. Je dis bien santé mentale et non pas la maladie mentale. Donc,
09:20ils ont des similitudes, et on le verra dans la partie vraiment agir face à la solastalgie,
09:27notamment dans les stratégies de coping, c'est vraiment qu'est-ce qu'on fait pour vivre avec,
09:31pour lutter contre. Donc, là, il y a des similitudes, notamment, et je vous donne
09:38quelques éléments qui sont déjà le rapport à l'action, la mise en mouvement, qui sont vraiment
09:45des stratégies pour faire face, comme on avait pu le voir dans le webinaire 1 sur l'éco-anxiété.
09:50Mais il y a aussi des différences qui seront développées par la suite. Donc, l'origine de
09:57ce solastalgie, c'est les années 2000. Donc, je dois ce néologisme à Glenn Albrecht, australien,
10:06professeur et chercheur en durabilité à l'université de Murdoch en Australie. Glenn Albrecht, il est
10:15contacté par des fermiers de la vallée de Lunter, en Nouvelle-Gale du Sud, en Australie, et en fait,
10:22il décide de faire une étude scientifique. Il est contacté par ces fermiers, et en fait,
10:28qu'ils voient leur environnement naturel complètement détruit, dévasté par l'exploitation d'une mine
10:35de charbon à ciel ouvert. Donc, du jour au lendemain, l'environnement qu'ils avaient toujours
10:39connu, dans lequel ils font leur élevage, est complètement transformé, et ils commencent à
10:46ressentir une espèce de malaise, de sentiment de mal-être psychique. Et donc, Albrecht fait
10:55vraiment cette étude, il fait des interviews, il échange avec eux, et ça l'amène à créer ce
11:04néologisme. Dans les interviews, il y a différentes thématiques qui ressortent, notamment le sentiment
11:11d'appartenance, l'identité, la santé physique et mentale, le bien-être général, le sentiment
11:18d'impuissance, pour restaurer ce qui a été détérioré. Il présente son néologisme, ce Nostalgie,
11:26au Forum Ecosanté de Montréal, en 2003. Je vous explique un peu comment il l'a créé. Alors, il l'a
11:36créé avec sa femme, le néologisme. C'est elle, un peu, qui l'a aidée à trouver le terme. Donc,
11:45c'est fait à partir de Solas. En anglais, ça veut dire réconfort, et ça vient du latin Solasium,
11:50l'atténuation de la détresse. Et de Algia, en grec, qui veut dire douleur, souffrance, maladie. Et
12:00donc, finalement, la Solastalgie, c'est la douleur que l'on ressent du fait de la perte ou de la
12:06dégradation de son lieu de réconfort. Ce que dit Albrecht, dans son très bel ouvrage qui s'appelle
12:14Les émotions de la terre, c'est qu'il a construit la Solastalgie, son néologisme, en gardant vraiment,
12:21de manière à faire référence, à la nostalgie. Il a vraiment voulu le construire pour qu'on
12:32retrouve un peu la sonorité de la nostalgie. Et je vous cite Alice Desbioles, parce que je
12:41trouve que cette citation, elle est assez belle. Dans le cas de la nostalgie, le mal du pays,
12:49c'est le pays que l'on quitte, alors que dans la Solastalgie, c'est le pays qui nous quitte.
12:54Et je vous donne la définition d'Albrecht, que vous voyez sur la droite. Alors, il nous dit
13:04« Je définis la Solastalgie comme la douleur ou la détresse causée par une absence continue de
13:10consolation et par le sentiment de désolation provoquée par l'état actuel de son environnement
13:17proche et de son territoire. Il s'agit de l'expérience existentielle et vécue d'un
13:23changement environnemental négatif ressenti comme une agression contre notre sentiment
13:28d'appartenance à un lieu. » Et je vous propose de vous lire un extrait de « La Désémotion de la
13:39terre », donc de son ouvrage. Il a conçu tout un nouveau vocabulaire, pas que finalement Solastalgie,
13:55et donc l'extrait que je vais vous lire est issu de cet ouvrage. « La propriétaire du range résuma,
14:05à mes yeux, les caractères distinctifs que j'avais vaguement entreaperçus. Dans son entretien avec
14:13notre équipe de recherche, elle disait éprouver, tout comme son fermier qui gérait le range,
14:18une douleur psychologique et physique intense en raison des impacts de la mine de charbon sur
14:26leur propriété rurale. Je cite « Eh bien, j'ai pris conscience de la gravité des impacts de cette
14:34mine quand je suis venue l'affronter vraiment sur place. Mon fermier est venu me dire qu'il ne dormait
14:40plus la nuit. À cause du bruit, parce qu'il charge tout près de la route et qu'il habite juste au-delà
14:47du ruisseau à côté de la route. On entendait le bruit des excavateurs déversant les rochers dans
14:54un camion. Et quand le camion reculait, bip bip bip bip bip bip bip, et le camion suivant arrivait
15:02en vrombissant. Mon fermier me disait « Nous n'en pouvons plus. J'ai perdu beaucoup de poids. Je me
15:11réveillais au milieu de la nuit avec l'estomac comme ça. » Elle serre le poing en songeant « Qu'est-ce
15:18que je vais faire ? Nous perdons de l'argent. Ils s'en fichent. Que vais-je faire ? Est-ce que je
15:24vais être ruinée ? Je ne peux pas vendre la propriété parce qu'elle est juste à côté de la
15:28mine. Mais que faire ? J'étais vraiment sans dessus-dessous. » Ce « sans dessus-dessous » décrit
15:34bien l'impact psychologique et émotionnel de la mine sur cette femme, sur son corps et sur son
15:40sommeil. Nous sommes des organismes complexes où tous les aspects de notre être physique et mental
15:47sont liés à notre santé globale. Voilà un exemple de ce que fait la solastalgie. C'est un
16:04extrait d'une interview qu'il a pu faire au tout début quand il a fait son étude scientifique avec
16:16ses fermiers de la vallée de l'Antarque. Je vous donne deux autres propositions de définition de la
16:24solastalgie. Une de Baptiste Morisot, qui est enseignant-chercheur en philosophie. Il a écrit
16:32un très bel article sur la solastalgie qu'il a appelé « Un mal du pays sans exil ». Et alors
16:36il la définit comme ça, la solastalgie. Il parle de la nostalgie d'un foyer pourtant bien présent,
16:42mais qui fuit sous les pieds sans qu'on l'ait quitté un instant. C'est une saudade depuis la
16:50fenêtre de la cuisine pour un monde familier qui se métamorphose sous les yeux et devient étranger.
16:56Et la définition d'Alice Desbioles, l'expression du lien qui existe entre la détresse des écosystèmes
17:05et la détresse psychologique, entre la première en jambes et la seconde.
17:14Voilà pour cette première partie. Donc on va basculer dans la deuxième qui est « Comprendre
17:19et qualifier la solastalgie ». Alors comme on avait vu dans le premier webinaire, il y a des
17:31échelles de mesures qui permettent un peu d'évaluer ces nouvelles formes de détresse
17:35psychique. Et donc la solastalgie, les échelles de mesures vraiment spécifiques à l'évaluation de
17:44la solastalgie, elles ont été faites plus tardivement. L'étude fondatrice sur la solastalgie
17:59elle date donc de 2000, début des années 2000. Albrecht Avermeylev qui a ensuite fait une autre
18:06étude sur les peuples autochtones au Canada. On voit néanmoins qu'il y a un intérêt un peu moins
18:14prononcé sur la solastalgie. C'est ce qui fait peut-être que vous connaissez plus les co-anxiétés,
18:19enfin en tout cas que ce terme est peut-être un peu moins connu. Il y a moins d'études
18:24spécifiques sur la solastalgie aujourd'hui que sur les co-anxiétés. Et donc il y a aussi moins
18:29d'outils diagnostiques aujourd'hui pour évaluer les symptômes de la solastalgie. Les échelles de
18:39mesures, elles permettent de lister tous les symptômes et ça permet ensuite d'avoir des
18:49chiffres en fait. On s'accorde sur des échelles de mesures, sur des symptômes, après les échelles
18:58de mesures ça permet d'avoir un étalonnage et ensuite d'avoir vraiment un nombre de personnes,
19:06soit éco-anxieuses, soit solastalgiques. Donc là à ce jour je ne peux pas vous donner de
19:12nombres de personnes solastalgiques. En 2007, il y a une grande échelle de mesures qui est sortie,
19:25qui s'appelait l'échelle de détresse environnementale. Elle est assez longue. C'est des
19:30questionnaires en fait, les échelles de mesures, où vous notez, où on vous demande d'évaluer. Dans
19:36cette échelle, les réponses, vous aviez cinq possibilités. Vous notez dans le questionnaire,
19:43si vous devez évaluer entre, c'est quelque chose que je fais, qui m'arrive par exemple,
19:51pensez-vous souvent aux problématiques climatiques ? Jamais, rarement, parfois, souvent, tout le temps.
19:57Voilà, vous évaluez comme ça et à la fin ça vous permet d'avoir un score et de savoir si vous êtes
20:02très concerné, dans une détresse environnementale très importante ou pas du tout importante.
20:10Et donc en 2007, il y a cette échelle de détresse environnementale. Et dans cette échelle,
20:16il y a une partie qui est dédiée à la solastalgie, avec dix petites questions.
20:25Donc ça c'est en 2007. Et ensuite, là récemment, il y a des échelles de mesures qui sont dédiées
20:33spécifiquement à la solastalgie. Donc en 2022, il y a une échelle qui est faite au Chili,
20:41sur une population qui a vécu de la sécheresse et des feux de forêt. Et en Australie en 2024,
20:52pareil, c'est sur des feux de forêt aussi. Et comment la population vit les choses. Et donc,
21:00voilà, il leur demande de remplir un questionnaire, de voir un peu comment ils ressentent cette fameuse
21:06solastalgie. Dans la définition d'Albrecht, dans la manière dont il a conçu le néologisme,
21:12il y a trois critères importants pour définir qu'on est bien solastalgique. Il y a un vécu de
21:20désolation physique, c'est-à-dire vivre la dégradation d'un lieu familier. Ensuite,
21:27il y a un phénomène de désolation psychique, c'est avoir un sentiment de perte de sens du lieu,
21:34tout en habitant dans ce lieu. Et enfin, c'est avoir un sentiment de désolation. C'est avoir
21:43l'incapacité à trouver du réconfort dans le présent et avoir un sentiment de perte de contrôle
21:50de la situation. Alors, c'est important vraiment d'avoir ces trois critères. On m'a souvent posé
22:01la question, est-ce qu'on est solastalgique quand on se dit, bon, il n'y a plus de saison,
22:07je vous donne au regard de ces trois critères, on se rend bien compte que non. Il n'y a pas de
22:16dégradation d'un lieu familier par rapport au fait qu'il n'y ait plus de saison. C'est important
22:23qu'il y ait ces trois aspects-là pour bien définir la dimension de la solastalgie. Albrecht
22:31insiste vraiment bien là-dessus. Alors, je suis allée regarder un peu cette échelle de détresse
22:40environnementale et j'ai cherché la partie dédiée à la solastalgie que je vous ai mise ici. Alors,
22:45vous allez me dire, oui, c'est en anglais, effectivement. C'est en anglais, je vous l'ai
22:49laissée en anglais parce qu'il y a tout un processus complexe de traduction des échelles
22:54de mesure en anglais en français. On ne s'improvise pas comme ça à traduire, même si
23:02on peut faire de la traduction en anglais en français. C'est un travail particulier de
23:09traduire les échelles de mesure, les échelles psychologiques. C'est souvent fait par des
23:16psychologues cliniciens. Donc, je vous l'ai mise quand même ici et dans le document qui
23:23vous sera envoyé. Je l'ai analysé en mettant des couleurs aussi avec les critères d'Albrecht,
23:31avec la désolation physique, la désolation psychique et le sentiment de désolation. Et
23:37vous verrez dans le document qu'on vous enverra par la suite de ce webinaire, vous retrouverez
23:42des couleurs qui correspondent à ces trois critères. Et vous pourrez regarder, là je
23:51ne le fais pas à l'oral parce que ça serait trop long, mais vous retrouverez dans le document
23:55cette échelle vraiment détaillée. J'ai vraiment mis en lumière les différents éléments et les
24:08différents critères d'Albrecht. J'ai vraiment ressorti tout ce qui se rapporte dans ce questionnaire
24:17aux trois critères d'Albrecht. Je l'ai ressorti d'une autre manière, de manière à ce que ça soit
24:25plus lisible là, plus simple à expliquer à l'oral. Ce qui ressort de l'échelle, c'est la
24:35notion de désolation physique. Il est mention de la perte de la biodiversité, de la perte et de la
24:44dégradation d'un lieu familier, de l'impact du changement climatique sur le potentiel d'un
24:49lieu et d'un changement subi. La désolation psychique, pour rappel, c'est vraiment avoir
24:56le sentiment de perte de sens du lieu tout en étant dans ce lieu. Ce qu'on retrouve dans ce
25:02questionnaire, c'est la perte de sens du lieu et des états émotionnels pas très agréables comme la
25:10tristesse, la colère, l'inquiétude, la honte et la culpabilité. Ensuite, le sentiment de désolation,
25:20c'est-à-dire l'incapacité à trouver du réconfort dans le présent. Ce qui est mentionné dans le
25:26questionnaire, c'est la nostalgie de ce qui apportait de la joie et qui n'est plus, la perte
25:33éternelle de la singularité d'un lieu et l'incapacité à trouver du réconfort dans le présent.
25:39Et la dernière question du questionnaire, il est question de stratégie de coping, donc ces stratégies
25:47pour mieux vivre, pour faire avec. Il me semble que la dernière question, c'est est-ce que ça,
25:55il y a quelque chose de l'ordre, est-ce que ça vous ferait du bien ? Qu'est-ce qui pourrait vous
25:58permettre de restaurer un espace de nature ? Est-ce que ça pourrait vous permettre de
26:06vous sentir mieux ? Donc il y a des éléments de stratégie de coping qui sont proposés dans le
26:13questionnaire. Voilà, donc ça c'est les différents thèmes qui sont, qui émergent vraiment du
26:21questionnaire, donc de cette échelle de mesure, qui fait partie d'une échelle de mesure beaucoup plus vaste.
26:27Même question que pour l'éco-anxiété dans le premier webinaire, s'agit-il d'une pathologie ? La
26:41réponse est non. Donc comme le dit Albrecht, la solastalgie c'est une émotion, c'est à rattacher
26:48à la santé mentale, mais pas à la maladie mentale. On est dans le préventif, pas dans le curatif,
26:56les professionnels de l'accompagnement comme les psychologues, les coachs peuvent tout à fait
27:03accompagner les personnes qui ressentent une détresse émotionnelle et qui ont besoin d'en
27:08parler. On n'est pas là dans le fait d'administrer des médicaments comme peuvent le faire les
27:13médecins et les psychiatres. Là on est vraiment dans le fait de pouvoir ouvrir un espace pour
27:19en parler, mais pas dans le fait de soigner. Albrecht nous dit c'est une émotion, un état
27:27existentiel, mais pas une vision du cerveau. Par contre, comme pour l'éco-anxiété, ça peut
27:36rendre malade la solastalgie si ce n'est pas pris au sérieux, si on n'a pas éventuellement un espace
27:44pour en parler, et peut-être que comme pour l'éco-anxiété, il y aura un degré de solastalgie
27:50qui sera pathologique. C'est une question à vérifier. Alors quelles sont les cibles ? Ça va
27:57toucher qui ? Les jeunes, les personnes âgées, notamment chez les peuples autochtones. Pourquoi ?
28:05Parce que chez les peuples autochtones, c'est eux qui transmettent la culture d'identité. Donc je
28:13vous donne un exemple. Chez les peuples autochtones qui habitent vraiment dans les pôles, au contact
28:19de la glace, qui se transmettent la culture de la pêche à la glace, la glaçon, problématiques
28:26climatiques, ils ne peuvent plus transmettre la culture de la pêche à la glace. Il y a une perte
28:31de l'identité et c'est vraiment les générations des anciens qui se transmettent ça. Donc c'est
28:38eux qui sont vraiment touchés par cette perte d'identité et par ce sentiment de désolation
28:45de voir cet environnement qui se transforme et de cette transformation qui est véritablement subie.
28:53Autre cible, les minorités dans le sens sociologique du terme encore, donc comme les
29:01femmes, les minorités ethniques, les personnes à faible revenu économique. Et enfin donc les
29:07personnes qui vont être exposées aux facteurs artificiels comme les guerres, l'industrie
29:13minière et enfin les facteurs naturels comme les inondations, la sécheresse, les incendies.
29:19Ce que nous dit Albrecht c'est que la solastalgie ce n'est pas nouveau. Le mot est nouveau mais c'est
29:25un phénomène qui est probablement pas nouveau. Par contre au vu des problématiques climatiques,
29:30il estime qu'on va ressentir de plus en plus de solastalgie.
29:38Je vous propose de vous partager l'histoire de Lucie. Lucie elle a 22 ans, elle est étudiante.
29:46Elle fait des études de géographie à l'université de Montpellier, Master 2. Elle est originaire d'un
29:52petit village à 25 km de Montpellier qui s'appelle Saint-Basile-de-la-Sylve. Elle vit
29:58un événement majeur au cours de l'été 2022. Elle vit un feu de forêt qui va durer une journée et
30:05qui va toucher trois communes, Agnan, Saint-Paul-et-Valmane et Saint-Basile-de-la-Sylve.
30:10Il y a un hectare de forêt qui va disparaître en fumée. Les investigations indiqueront que c'est
30:17un incendie volontaire et le responsable à ce jour n'a toujours pas été retrouvé. A travers les
30:23séances que nous allons faire ensemble, j'identifie les trois critères de la solastalgie tel que l'a
30:27défini Albrecht. La désolation physique. Lucie vit la dégradation d'un lieu familier. Elle constate
30:34avec beaucoup de souffrance que la nature est brûlée. Le village a perdu une grande partie de
30:39la forêt. Lucie me décrit avoir du mal à se rendre sur les hauteurs du village. Elle a mis
30:44une semaine à finalement décider à se confronter au réel. Elle a retrouvé la nature calcinée. Elle
30:50me parle d'un décor ravagé, sombre, triste, qui contraste avec les pains autrefois verts,
30:55hauts, puissants, élégants. Je retrouve aussi dans son discours et dans son vécu la désolation
31:02psychique. Elle a perdu le sens du lieu. Elle me parle du nom du village, symbole de la sylve.
31:10La sylve, c'est la forêt. Elle me partage une de ses réflexions au cours d'une séance. Faut-il
31:18changer le nom du village ? Au vu de cet événement qui a dévasté une partie de la forêt, le nom du
31:23village est-il toujours représentatif de son identité ? Dans la palette émotionnelle qui
31:29traverse Lucie, il y a de la tristesse. Elle pleure cette forêt, les hauteurs de ce village
31:35où elle a si souvent andonné, cet espace-ressources pour elle. Il y a de la colère à l'encontre du
31:41ou de l'apyromane qui n'a toujours pas été retrouvé, de l'incompréhension. Les manifestations
31:47climatiques incontrôlables aujourd'hui d'accord, mais des perturbations volontaires, vous y croyez
31:52vous ? Elle me partage son inquiétude aussi. Comment la nature se remet-elle dans tel trauma ? Et les
31:59humains attachés à la terre, combien de temps va-t-il falloir pour que ce champ de ruines
32:03reverdisse ? Ce qui se dégage du discours de Lucie, de son vécu, c'est un sentiment de désolation.
32:09Elle a du mal à voir du positif et n'arrive pas à trouver du réconfort dans le présent. Je
32:14retrouve ici le dernier critère de la seule nostalgie. Elle me parle de ce lieu qu'elle ne
32:19reverra probablement plus, comme autrefois de son vivant, de cette perte pour toujours. Elle me dit
32:25devoir faire le deuil de son lieu-refuge, de cet espace-ressources qui n'est plus.
32:28Voilà pour le partage du récit de Lucie.
32:33Merci Charline pour ces deux premières parties. Du coup, avant de passer à la suite, nous avons
32:46également deux questions-sondages à vous poser par rapport à ce qui a été présenté par Charline.
32:51La première question sur une échelle de 1 à 4, dans quelle mesure pensez-vous avoir déjà
32:56ressenti peut-être de la seule nostalgie dans votre vie personnelle ? Donc de 1 à 4 à plusieurs reprises.
33:20Eh bien, nous avons un plus grand nombre sur le chiffre 2, donc finalement un peu plus que pas
33:40du tout. Vous êtes 16% à avoir dit que vous étiez sous la nostalgie qu'à plusieurs reprises. Est-ce
33:47que, Charline, tu as des réactions à chaud par rapport à ces résultats ?
33:51Eh bien, on a déjà, enfin j'ai envie de dire qu'on a maintenant en France vécu des phénomènes
33:59climatiques, notamment l'été, avec des canicules. Donc il est fort probable que vous ayez déjà
34:08vécu des constatations sur vos environnements respectifs. Ça ne m'étonne pas qu'il y ait
34:18que vous ayez déjà ressenti probablement un peu de la nostalgie. Ce n'est pas flagrant, mais bon,
34:26ça reste quand même quelque chose que vous avez, pour certains, déjà expérimenté.
34:30Eh bien, du coup, pour compléter cette précédente question, nous avons une deuxième question.
34:40Finalement, quelles émotions vous ressentez principalement lorsque vous constatez des
34:43changements environnementaux dans votre région ou votre lieu de récompense ? Est-ce que vous
34:50ressentez plutôt de la tristesse, de la colère, de l'inquiétude, de la honte, de la culpabilité ou
34:56autre chose ? Finalement, c'est les émotions qu'on a reprises dans la présentation de Charline
35:02lesquelles vous ressentez principalement.
35:05Alors, pour les résultats, vous êtes à 20% pour de la tristesse, à 34% pour de la colère.
35:3436% pour de l'inquiétude, 2% pour de la honte ou de la culpabilité et 7% pour d'autres.
35:41Charline, que penses-tu des réponses qu'on a obtenues ?
35:45Ça reste assez cohérent par rapport aux études qui sortent aujourd'hui dans les éco-émotions
36:00des Français, notamment tristesse, colère, inquiétude, ça fait partie du top 5 généralement.
36:07Honte, culpabilité, j'ai envie de vous dire que c'est pas tant de votre responsabilité
36:10et les changements environnementaux, ça dépend, mais c'est assez logique que ça ne fasse que 2%.
36:17Et j'imagine que dans les autres 7%, parfois on peut ressentir des émotions de l'ordre de la
36:26combativité, de la responsabilité, de l'envie de se motiver aussi, de l'envie d'agir.
36:31Donc peut-être que les personnes qui ont mis « autre », ça peut être des émotions plutôt
36:38de l'ordre de l'envie d'agir. Donc voilà, ça paraît assez cohérent par rapport aux études
36:45qui sortent actuellement. Bon, on passe aux deux dernières parties, qui vont être un peu plus
36:57courtes que les deux premières. Alors, comment est-ce qu'on fait pour agir par rapport à cette
37:04fameuse solastalgie ? Donc quels remèdes face à la solastalgie ? C'est un peu comme pour les
37:15co-anxiétés, c'est la mise en action, le mouvement, le fait d'agir. C'est vraiment
37:21quelque chose qui permet de faire face. Ce qu'Albrecht nous dit, il insiste vraiment sur la
37:32notion de restaurer, sur le fait de réparer l'environnement, d'agir là-dedans, dans cette
37:38dimension-là, d'agir pour réparer l'environnement, d'essayer de restaurer. Et ça, ça permet de
37:45retrouver l'état précédent de plénitude et d'appartenance. En sachant qu'on ne peut pas
37:54forcément, si je reviens sur le premier cas des fermiers de la vallée de Lunter, ils ne peuvent
38:03pas retrouver l'état précédent, la mine est toujours là. Donc l'objectif n'est pas de retrouver
38:10l'état avant le trauma. Ce n'est pas obtenir une réplique exacte du passé, mais c'est améliorer
38:19l'état présent. Et là, je vous invite vraiment à venir au troisième webinaire, parce que ça
38:24rejoint la notion de résilience. Dans la résilience, on ne retrouve pas l'état antérieur, mais on
38:30intègre le traumatisme, et le traumatisme fait partie de soi. Donc ce que propose Albrecht,
38:38par exemple, c'est pour les fermiers de la vallée de Lunter, ok, votre environnement a été détérioré
38:47par l'exploitation de l'industrie minière, une mine de charbon à ciel ouvert, ok, maintenant comment
38:54vous pouvez essayer de vous engager pour qu'il n'y ait pas une autre mine de charbon à un autre
38:59endroit ? Et c'est d'ailleurs ce qu'ont fait certains des fermiers, ils se sont engagés,
39:06et ils ont permis qu'une nouvelle mine de charbon ne soit pas ouverte, et ça, ça a permis d'apaiser
39:14la solastalgie de certains fermiers, et ça c'est vraiment un moyen d'apaiser cette solastalgie.
39:23Donc c'est de travailler sur l'état présent, on ne peut pas enlever ce qui a été fait,
39:29mais on peut travailler sur ce qu'on ressent, en travaillant sur le fait de réparer cet environnement.
39:38Bien évidemment, on est tous des personnes différentes, donc c'est à chacun de trouver
39:48ce qui lui convient. J'insiste vraiment là-dessus, on me demande souvent qu'est-ce qu'il faut faire,
39:55c'est quoi le bon, vraiment, je n'ai pas moi de mode d'emploi pour les gens, c'est aussi important
40:03de trouver ce qui convient en fonction de qui on est. Je vous donne quelques exemples, ça peut
40:10être financer des projets qui vont dans le sens de restaurer l'environnement, par exemple planter
40:14des arbres, trouver une action pour dépolluer les océans, ça peut être aussi axer sur le collectif,
40:21s'engager dans des collectifs qui cherchent à obtenir gain de cause contre des projets écocides,
40:26moi j'ai des patientes qui sont engagées chez Alternatiba, dans le Shift Project, ça peut être
40:32de choisir de travailler dans un secteur qui favorise l'atténuation des conséquences du
40:37changement climatique, si on peut, parce qu'il y a des personnes qui sont engagées dans un travail,
40:43on ne peut pas tous décider de changer de travail, mais par exemple, moi j'ai des patientes qui sont
40:48en train de faire des études, donc ça peut être soit ils bifurquent, qu'ils choisissent de changer
40:55d'orientation, soit on décide si c'est possible de faire une reconversion, mais il faut pouvoir,
41:04donc voilà, ça ça peut être des possibilités, développer des nouvelles compétences utiles
41:11pour restaurer, par exemple l'agroforesterie, faire un jardin en forêt, faire de la permaculture,
41:16ou encore faire des actions concrètes comme nettoyer des espaces naturels.
41:21Je vous parlais en introduction des faux jumeaux que sont l'éco-anxiété et la solastalgie,
41:28là je vous propose de voir quelques différences entre l'éco-anxiété et la solastalgie. Alors,
41:35ces faux jumeaux, ce qui les rassemble, c'est les symptômes et les états émotionnels similaires,
41:41donc il s'agit de détresse psychique non pathologique, et il y a des stratégies de
41:48gestion similaires comme la mise en action collective et ou individuelle spécifique
41:53selon les individus, notamment le fait d'être en mouvement, d'agir, les stratégies de coping,
42:00que ce soit l'éco-anxiété ou la solastalgie, on peut adopter les mêmes stratégies et ça
42:09fonctionne pour les deux. Par contre, il y a des choses qui sont différentes, notamment la
42:14temporalité de la détresse que va vivre la personne. Dans le cas de l'éco-anxiété, on est
42:20plutôt dans une détresse qui va être prospective, présente et prospective, c'est-à-dire c'est une
42:26inquiétude par rapport à l'avenir, alors que dans la solastalgie, on va comparer ce qui était
42:32précédemment avec ce qui est aujourd'hui, et cette détresse va être plutôt rétrospective. On va
42:38regarder vers le passé. Ensuite, il y a la dimension de l'expérience. Dans le cas de l'éco-anxiété,
42:46vous pouvez lire un article de presse qui parle du problématique climatique et ressentir cette
42:52fameuse éco-anxiété, alors que dans la solastalgie, il y a vraiment une expérience terrain. Lucie,
42:57elle a vu cette nature brûlée, elle connaît le village, la forêt au-dessus de chez elle,
43:04elle l'a vraiment vécu. Elle a lu dans les nouvelles qu'il y a un village qu'elle ne connaît
43:11pas, qui a brûlé, et elle a ressenti la solastalgie. Il y a vraiment du vécu expérientiel. Et enfin,
43:18autre différence, il y a un intérêt plus marqué en France pour l'éco-anxiété que pour la
43:23solastalgie. Probablement pour ça que vous essayez 80% à ne pas connaître le terme de solastalgie.
43:30Dernier petit sondage. Alors oui, du coup, peut-être pour respecter le timing, on va
43:38continuer et on verra ensuite si potentiellement on a le temps pour poser cette dernière question.
43:42Ok. Allez, je finis sur les limites. Je vous en propose trois. Il a été reproché à Albrecht
43:51d'avoir une posture un peu dualiste. C'est d'être un peu trop noir ou blanc et de ne pas
43:58avoir l'aspect un peu ambivalent des émotions. C'est une critique qui a été faite par un
44:03professeur de littérature. Je vous lis ce que le professeur écrit. Il nous dit, c'est Ben de
44:11Bruyn, il nous dit « Nos émotions en lien avec l'environnement sont d'empreinte d'ambivalence.
44:16Il existe 50 nuances de vert et de gris, mais peu de noir ou de blanc. Le vrai problème n'est pas
44:22que nous soyons confrontés à un groupe qui s'est concerté pour exprimer sa haine de la planète,
44:26mais que le méchant à la fin s'avère être nous-mêmes, et que nos émotions dans ce contexte
44:31sont donc difficiles à analyser. » En fait, ce qui est reproché à Albrecht, c'est vraiment qu'il
44:37peut avoir tendance à voir l'ennemi dehors, à penser qu'il y a un peu les méchants qui sont
44:56écocides, je vais dire un peu comme ça, et il y a vraiment une notion un peu de noir ou blanc.
45:04Albrecht a monté tout un vocabulaire, il parle d'une dimension très créatrice, il a créé ce
45:15vocabulaire « terranaissant » qui l'oppose à « terrafthorien », donc « destructeur », et ça
45:23manque un peu de gris, en fait. Donc, on peut s'interroger sur ce néologisme quand on voit
45:31la posture un peu dualiste d'Albrecht. Ensuite, autre limite, le terme de Solastalgie, il ne
45:45représente pas toutes les populations, notamment... Alors, on part du principe que toutes les
45:51populations sont pareilles, homogènes, or les peuples autochtones, ils ont une manière de
45:59voir le monde qui est complètement différente de nous. Par exemple, ils vont avoir tendance à
46:06regarder le monde d'une manière qui, pour nous, peuples occidentaux, pourrait paraître à certains
46:14moments un peu... On pourrait voir leur manière de penser, de se dire, c'est un peu les qualifier
46:21de problématiques un peu schizophréniques. Ils estiment qu'ils ont des croyances, où les
46:30ancêtres viennent les visiter, et si leur terre est ravagée, et bien, il y a quand même... La
46:44terre, elle exprime quand même quelque chose. L'océan qui va ravager, sortir de... Enfin,
46:50la rivière qui va sortir de son lit et ravager quelque chose, il y a quand même une terre qui
46:58va être porteuse de ce que nous on va voir un peu comme de la dévastation, quelque chose d'un peu
47:08de mortifère. Eux, il y a quand même quelque chose de... Qui exprime quelque chose. La terre,
47:15elle exprime quelque chose. Et donc, ils ne se reconnaissent pas forcément dans cet aspect de
47:21solastalgie qu'ils trouvent, eux, limité et qui ne leur convient pas, en fait. Et il y a aussi
47:32l'aspect de dire que c'est un mot anglais et que c'est pas quelque chose qui peut être
47:45traduit dans toutes les langues et qui va leur permettre de pouvoir exprimer pour eux quelque
47:53chose dans les croyances qu'ils portent. Voilà. Donc, ça peut être un terme qui ne va pas
48:00correspondre à tout le monde. Et enfin, dernière limite, tout le monde n'a pas compris le sens du
48:08néologisme tel que l'a pensé Albrecht. Donc, il y a eu des tentatives de définition qui étaient
48:14fausses par rapport à ce que pensait Albrecht initialement. Donc, il y a eu aussi des
48:23rapprochements du néologisme d'Albrecht au concept d'œil écologique. Donc, aujourd'hui,
48:31il y a différents articles avec des erreurs qui font que ça crée une notion un peu floue. Donc,
48:43il y a un peu un manque de clarté autour du terme de Solastalgie qui est de base un concept un peu
48:49complexe, donc qui rajoute de la complexité au néologisme. Dernière proposition d'ouverture,
48:58alors ça c'est vraiment une question que je pose. La fonction du néologisme, c'est vraiment
49:08d'expliquer la relation entre la santé des écosystèmes, la santé humaine et le sentiment
49:15d'impuissance. Or, notre société occidentale, c'est vraiment une société qui est clivée,
49:22on clive la tête. C'est vraiment une société qui est basée sur la tête, pensée, qui a du mal à
49:30être dans son corps, dans ses émotions. Or, notre société, est-ce qu'elle peut vraiment s'emparer
49:35d'un néologisme qui fait du lien, alors qu'elle est tellement clivée ? Voilà, ça c'est une
49:40question que je vous pose, une proposition de réflexion. Et enfin, et je conclurai là-dessus,
49:49je vous partage une réflexion, une citation de Baptiste Morisot qui nous dit « Les néologismes
49:55sont des cartes pour explorer autrement le monde qui vient, pour nous faire sortir de la dissonance
50:00cognitive entre d'un côté nos catégories et nos pratiques obsolètes, et de l'autre les formes de
50:05vie humaine inventées pour rendre la planète habitable ». Albrecht, dans son ouvrage, nous
50:16propose de lâcher l'anthropocène pour aller vers le symbiocène. C'est un néologisme qu'il a
50:23inventé, c'est une ère caractérisée par des émotions positives envers la Terre. Le travail
50:30du philosophe, c'est de nous fournir le langage, la mallette à outils, pour changer les normes,
50:34pour transformer notre civilisation. Une civilisation qu'Albrecht perçoit comme en
50:39partie coincée dans le passé. Voilà, je m'arrêterai là-dessus pour laisser le temps pour les questions.
50:44Merci Charline. Effectivement, plusieurs questions. Pour commencer, tu évoquais qu'un certain nombre
50:55de catégories de personnes étaient plus touchées par la solastalgie. Marie demande pourquoi les
51:02femmes et les minorités sont-elles particulièrement plus touchées que d'autres catégories de
51:07population ? Les études scientifiques montrent qu'il y a un conditionnement social, que les
51:23femmes, on leur apprend à plus montrer leurs émotions versus les hommes. On tolère des hommes
51:35qu'ils soient en colère, parce que c'est une émotion qu'on peut accepter, parce qu'il y a
51:41probablement plus de force dans la colère que dans la tristesse par exemple. Et les femmes,
51:48on est plus dans l'acceptation qu'elles se montrent vulnérables que les hommes. Il y a quelque chose
51:57de l'ordre du conditionnement social, où il y a une acceptation comme ça. Et il y a des études
52:04scientifiques aussi, qui ont montré que les minorités pensent qu'elles seront les plus
52:17vulnérables dans toutes les crises, qu'elles seront touchées, et notamment dans le cadre de
52:26crises climatiques. Si jamais il y a un incident, que ce soit un phénomène climatique ou autre,
52:37elles auront moins de ressources que les autres, les hommes ou les personnes plus riches.
52:46Deuxième question qui interroge le mot de Solastagic, qui nous vient de Djamal,
52:55qui se demande si ce n'est pas un mot qui nous met face à la sidération et à notre impuissance
53:04face à la crise climatique. Et donc, de fait, est-ce que ça ne diminue pas le potentiel de
53:11révolte collective et le potentiel d'action collective, je dirais, pour essayer de changer
53:17des choses de manière un peu plus profonde ? Et donc, est-ce que d'une certaine manière,
53:22le concept ne favoriserait-il pas le déni ou éventuellement l'inaction ?
53:29Il y a une des échelles dont j'ai parlé qui compare la Solastagie avec le stress post-traumatique,
53:43donc avec la clinique du trauma. Il y a une notion dans la clinique du trauma et du stress
53:51post-traumatique, il y a une notion de choc, de sidération. On est figé, en fait, dans le cadre
53:59de quand on a vécu un trauma comme ça, on ne bouge pas. Mais finalement, si on regarde la partie 3 sur
54:13quels remèdes face à la Solastagie, ce qui permet d'aller mieux, c'est l'action individuelle collective,
54:22c'est essayer de se mobiliser pour empêcher qu'il y ait des nouvelles mines qui ouvrent. Et c'est ça
54:28qui finalement fait du bien, c'est de se mobiliser pour restaurer l'environnement, c'est d'être
54:34ensemble, c'est l'engagement finalement. Donc, ce n'est pas s'enfermer dans l'impuissance. Mais je
54:42pense que comme la dimension de l'éco-anxiété, quand on ressent de l'anxiété, il y a deux options.
54:49C'est soit les postures d'éco-anxiété de Solastagie, vous avez deux options. L'option 1,
54:56c'est vous êtes figé, comme le petit lapin devant les phares de voiture qui fige et qui s'arrête,
55:03ou alors vous bougez. C'est ça en fait. Il y a l'option 1 ou l'option 2. Soit c'est un aspect
55:10positif sur vous, soit un aspect négatif. Et les études montrent bien ça. Il y a soit l'un,
55:16soit l'autre. Donc, j'ai envie de vous dire, il y a des personnes que ça va mettre en mouvement,
55:20et des personnes que ça va vraiment figer. Donc, ça va être fonction des individus,
55:28et ça va être aussi, à mon sens, fonction de l'histoire des individus.
55:32Ce qui sera notre dernière question, je pense. Élise qui s'interroge sur le fait qu'il y a
55:41très peu d'échelles qui sont traduites en français, et se demande si ça peut avoir un
55:45impact sur la possibilité de poser un diagnostic en France. Je le lis avec un autre commentaire
55:53que nous a fait Benoît, qui dit que devant les dégradations qu'on voit de plus en plus
56:02fréquemment de l'environnement et de l'accélération des événements extrêmes,
56:06comment ça se fait que la solastalise ne soit pas plus répandue ?
56:09C'est arrivé plus tard en France, parce qu'en France, on a été préservé pendant plus longtemps,
56:19versus en Australie ou aux Etats-Unis, où ils ont vécu des feux de forêt. Donc,
56:26ils se sont intéressés au sujet parce que ça les a touchés. Nous, malheureusement et en même
56:31temps heureusement pour nous, on a été préservé de ce sujet-là, parce que les canicules, les
56:39sécheresses, c'était davantage l'été. Donc, on a eu un déni plus long, et je pense qu'on s'est
56:47intéressé à ces sujets-là à partir de 2019, parce qu'on a commencé à avoir en 2019 deux
56:56phénomènes de canicules en juillet et en août, et c'est pas traduit en français, parce que ça a
57:04commencé à rentrer dans les sphères académiques, à intéresser les sphères académiques médicales à
57:09partir de 2021-2022. Donc, les premières personnes qui ont voulu faire des thèses sur l'écho-anxiété,
57:17enfin la première personne qui a voulu faire une thèse sur l'écho-anxiété au début,
57:20elle a dû faire un peu du forcing, parce que ça n'intéressait pas trop au début. Donc, c'est
57:30pour ça qu'on est un peu en retard versus les autres pays qui ont été forcés de se saisir de
57:38ces sujets-là, parce qu'ils ont vraiment vécu des problématiques climatiques qui les ont vraiment
57:45forcées à s'intéresser à ces sujets-là, parce qu'ils les ont vécues. Très bien, je pense que
57:51l'on va s'arrêter là pour vous permettre de vous libérer toutes et tous. Merci beaucoup encore
57:56Charline pour cette présentation. Je vous partage un rapide questionnaire de satisfaction par rapport
58:05à ce webinaire. Avant de vous déconnecter, s'il vous plaît, prenez 30 secondes pour y répondre.
58:11Je vous remercie et je te laisse la parole. Oui, merci beaucoup Charline, et merci aussi à toi
58:16Sarah. Merci à tous pour votre participation. Comme d'habitude, le diaporama vous sera envoyé
58:22par mail à la suite de ce webinaire et nous publierons très prochainement également le replay
58:28sur notre site internet, où je vous transmettrai également le lien. On se retrouve donc pour le
58:34prochain et le dernier webinaire de ce cycle sur la résilience émotionnelle, le 25 novembre de
58:4013h30 à 14h30. Si ce n'est pas déjà fait, merci de vous inscrire sur notre site internet. Je vous
58:46transmettrai également le lien pour vous inscrire. Comme vous l'a dit Sarah, merci également de
58:52répondre aux questionnaires qui s'affichent à votre écran. Si vous avez envie d'en savoir plus
58:58sur nos événements, n'hésitez pas à consulter notre site internet innovation-transformation.écologie.gouv.fr
59:05et aussi à vous inscrire à notre notateur si vous le souhaitez. Voilà, merci beaucoup.