Les biais cognitifs entre nos émotions et notre odorat expliqué par Hirac Gurden

  • hier
Que ressentez-vous lorsque l'on évoque le plat signature de votre grand-mère ? Lorsque votre crush porte le même parfum que votre ex ? Ou bien lorsque vous êtes confronté à des odeurs si désagréables (dans le métro, par exemple) qu'elles influencent votre humeur ?
Les biais cognitifs entre nos émotions et notre odorat expliqué par Hirac Gurden, auteur de "Sentir - Comment les odeurs agissent sur notre cerveau", paru aux éditions Les Arènes.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Pourquoi on sent si mauvais après avoir fait du sport ?
00:02Et pourquoi les odeurs induisent des souvenirs aussi puissants ?
00:06On va répondre à toutes ces questions ensemble.
00:10Comment fonctionne l'odorat ?
00:11Tout au fond de notre nez, nous avons des détecteurs qu'on appelle des récepteurs olfactifs.
00:15Une fois que ces récepteurs olfactifs sont stimulés par les odeurs,
00:18l'information remonte dans notre cerveau pour être perçue.
00:21Les parties du cerveau qui sont impliquées dans la perception des odeurs,
00:24c'est d'abord évidemment le système olfactif,
00:26mais aussi perception des odeurs, ça veut dire une image de l'odeur.
00:29Mais aussi toutes les structures de la mémoire, des émotions, du plaisir.
00:34Les odeurs, on les perçoit plus ou moins longtemps,
00:37et ça, les parfumeurs l'ont déterminé depuis longtemps dans leur pyramide olfactive,
00:41où on a à la pointe de la pyramide des odeurs très légères, très volatiles,
00:45comme les agrumes qui sont perçus pendant très peu de temps.
00:48Et puis ensuite, plus on va aller à la base de la pyramide,
00:50plus on va aller détecter des molécules lourdes,
00:53on va parler du muscle, qui va rester longtemps dans la perception olfactive,
00:57jusqu'à par exemple 24 heures de présence pour nous.
00:59Pourquoi certaines odeurs sont-elles désagréables ?
01:02Nos fromages bleus, les Roqueforts par exemple, sentent les pieds.
01:06Ces fromages-là sont fabriqués avec des bactéries qui sont des cousines
01:10des bactéries que nous avons entre les pieds.
01:12Il y a aussi des molécules odorantes qui contiennent des atomes de soufre ou d'azote.
01:17Dès la naissance, on a un dégoût envers ces molécules de façon innée.
01:20Pourquoi ? Parce que ces atomes qui sont dans les molécules odorantes signent la putréfaction.
01:25C'est-à-dire un fruit qui est pourri, ça va sentir une odeur souffrée.
01:29Ou un œuf pourri, bien sûr, ça sent très fort le souffle.
01:32Dès qu'on va passer en mode sport, on va transpirer beaucoup,
01:35on va dégager plein d'hormones qui vont agir sur notre peau,
01:38sur nos glandes sudoripares, les glandes qui libèrent la transpiration.
01:42Et dans cette sudation, il va y avoir des molécules qui vont être dégradées par les bactéries.
01:47Nous avons tous sur notre peau une fine couche de bactéries qui nous est spécifique.
01:51Et ces bactéries vont dégrader ces molécules et libérer des molécules très souffrées,
01:57qui vont sentir très mauvais.
01:59Plus on aura augmenté cette intensité de l'effort physique,
02:02plus on sentira notre corps, nos odeurs corporelles pendant cette transpiration,
02:07qui sera mal perçue par les autres.
02:09Pourquoi il arrive qu'on ne sente plus certaines odeurs ?
02:11Dans mes conférences, on me demande souvent pourquoi je ne sens plus mon parfum préféré.
02:14Si on en met tous les jours avec des grosses doses,
02:17les récepteurs olfactifs qui répondent, qui sont sensibles à notre parfum préféré,
02:21vont moins bien fonctionner et le cerveau va être moins stimulé.
02:24Ça nous arrive aussi beaucoup en hiver avec la raclette.
02:26Pendant un moment, on sent la raclette quand on est en train de manger,
02:29et puis on sort, et on revient, et là on se dit
02:31« Mais attends, ça sent trop fort ce fromage ! »
02:33alors qu'on avait arrêté de sentir ce fromage.
02:35Et en fait, il se trouve que les récepteurs olfactifs,
02:37quand il y a trop trop de molécules odorantes liées à la raclette par exemple,
02:41ils arrêtent de fonctionner pendant un certain temps.
02:43C'est temporaire, puis ils vont reprendre leur activité.
02:45Alors ça permet aussi, par exemple à la souris qui est dans l'herbe, qui ne sent que l'herbe,
02:49de ne plus sentir l'herbe, mais aussi d'être en même temps sensible à l'odeur de chat qui peut être autour.
02:55Donc du coup, il y a vraiment une utilité naturelle qui est très très importante
02:59au-delà de notre chat à raclette.
03:01Pourquoi les odeurs nous replongent-elles dans des souvenirs ?
03:03Quand on regarde le schéma cérébral,
03:05on voit que le système olfactif est très en connexion directe
03:09avec une structure des mémoires qui s'appelle l'hippocampe.
03:12Et le système olfactif envoie puissamment, directement, en continu,
03:16des informations à cette structure hippocampique
03:19pour retenir en fait ces mémoires olfactives le plus longtemps possible.
03:23Dès qu'il y a une stimulation olfactive qui nous intéresse dans notre environnement,
03:26une stimulation connue,
03:28ça va activer tout un ensemble de neurones qui vont nous replonger dans le souvenir olfactif,
03:33mais pas que, de tous les sens qui ont été impliqués dans ce souvenir quand on était d'ailleurs enfant.
03:39Souvent c'est très lié à l'enfance parce que les odeurs sont très importantes pendant qu'on est enfant
03:43pour nous guider dans notre vie petite.
03:46Est-ce qu'on sent tous pareil ?
03:47Nous avons chez l'être humain, chez Homo sapiens,
03:50environ 400 types de récepteurs olfactifs différents.
03:54Il y a des personnes qui vont par exemple avoir un type de récepteur en surnombre
03:58et ça, ça va les rendre extrêmement sensibles voire hypersensibles à l'odeur de coriandre.
04:03Ils vont être tout de suite gênés en fait par la présence de l'odeur de coriandre
04:07et ils vont même dire que ça sent le savon ou la punaise écrasée
04:10parce qu'on a aussi entre la coriandre et ces éléments-là des molécules odorantes qui sont communes.
04:14Et puis de l'autre côté de ce spectre en fait il y a des personnes qui ont des trous dans la raquette
04:20c'est-à-dire des récepteurs olfactifs qui manquent dans leur génome.
04:22Certains muscles des personnes ne vont pas les détecter
04:25et ils vont avoir un problème sur certains parfums en disant
04:28bah tiens je sens pas trop ces odeurs un peu chargées, un peu lourdes, je ne sens que les odeurs fruitées.
04:33Bien que l'odorat soit notre compagnon sensoriel fidèle depuis notre naissance jusqu'à notre mort,
04:38et bien après 65 ans il y a des études scientifiques qui ont bien montré
04:42que l'acuité, la sensibilité olfactive diminuait.
04:45Il y a eu aussi des études qui ont montré que si on s'entraîne tous les jours
04:48avec un protocole de rééducation olfactive que vous pouvez voir sur le site anosmy.org par exemple,
04:54et bien il y a une récupération au moins partielle de cette sensibilité olfactive.
04:59L'odorat et le goût sont-ils liés ?
05:01Ça on le sait, c'est bientôt l'hiver, si on attrape un rhume et qu'on a le nez bouché
05:05bah on va avoir du mal à bien bien savourer les aliments.
05:08On va savoir si c'est sucré ou salé mais si on a une soupe orange
05:12bah on va avoir du mal à dire si c'est de la carotte ou du potiron.
05:14Ça c'est parce que notre odorat est pas fonctionnel
05:16et on peut pas distinguer en fait l'odeur de carotte de l'odeur de potiron.
05:20Donc on voit que nez et langue sont vraiment connectés
05:24et c'est des informations que le cerveau va enregistrer en même temps
05:27pour avoir en fait une image complète de l'aliment que l'on est en train de manger.
05:31Alors l'odorat et le goût sont d'autant plus liés que quand on mâche des aliments dans la bouche
05:35on libère des odeurs qui étaient contenues dans l'aliment
05:38que l'on sentait pas en dehors de la bouche
05:40et ces molécules odorantes vont remonter par l'arrière bouche
05:43par un orifice qui connecte la bouche au nez
05:45et on va être capable de détecter olfactivement
05:48les molécules odorantes qui sont contenues dans l'aliment.
05:51Et ça, ça va nous donner encore plus d'informations
05:53pour vraiment construire une image sensorielle olfactive de l'aliment que l'on a en bouche.

Recommandations