Entre les plans d’eau de la région parisienne où il est né, et les côtes bretonnes, Paul Meilhat commence à naviguer très tôt, d’abord en dériveur olympique puis en Figaro. Lorsqu’il arrive dans la classe IMOCA en 2015, il est déjà un des coureurs les plus en vue de sa génération. Sur ce circuit, il va connaître des succès retentissants : sa victoire dans la Route du Rhum 2018, des podiums sur la Transat Jacques Vabre, ou encore son titre de Champion du Monde IMOCA en 2021. Des expériences plus douloureuses, à l’image de son abandon en plein Pacifique dans le Vendée Globe 2016 alors qu’il est 3e position, ou encore un hélitreuillage au nord des Açores, contribueront aussi à forger son vécu de marin. Après quelques années comme co-skipper de luxe avec Charlie Dalin et Sam Davies, il lance en 2022 son propre projet. À la barre de l'IMOCA Biotherm, il prendra le départ de son 2e Vendée Globe, avec de fortes ambitions.
Between the lakes of the Paris region, where he was born, and the coast of Brittany, Paul Meilhat began sailing at a very early age, first in an Olympic dinghy and then in a Figaro. When he entered the IMOCA class in 2015, he was already one of the most promising racers of his generation. On this circuit, he has enjoyed some resounding successes: his victory in the Route du Rhum 2018, podium finishes in the Transat Jacques Vabre, and his IMOCA World Champion title in 2021. More painful experiences, such as his abandonment in the middle of the Pacific in the 2016 Vendée Globe, when he was in 3rd place, or a helicopter rescue north of the Azores, will also help to shape his experience as a sailor. After a few years as a luxury co-skipper with Charlie Dalin and Sam Davies, he launched his own project in 2022. At the helm of the IMOCA Biotherm, he will be setting off on his 2nd Vendée Globe, with high ambitions.
Between the lakes of the Paris region, where he was born, and the coast of Brittany, Paul Meilhat began sailing at a very early age, first in an Olympic dinghy and then in a Figaro. When he entered the IMOCA class in 2015, he was already one of the most promising racers of his generation. On this circuit, he has enjoyed some resounding successes: his victory in the Route du Rhum 2018, podium finishes in the Transat Jacques Vabre, and his IMOCA World Champion title in 2021. More painful experiences, such as his abandonment in the middle of the Pacific in the 2016 Vendée Globe, when he was in 3rd place, or a helicopter rescue north of the Azores, will also help to shape his experience as a sailor. After a few years as a luxury co-skipper with Charlie Dalin and Sam Davies, he launched his own project in 2022. At the helm of the IMOCA Biotherm, he will be setting off on his 2nd Vendée Globe, with high ambitions.
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00:00Paul, on va commencer tout simplement par une présentation, est-ce que tu peux te présenter ?
00:04Bonjour, Paul Meya, je suis skipper de biotherme et je vais participer au Vendée Globe dans 55 jours je crois, non, 65 jours peut-être.
00:13Raconte-nous un peu, parce que toi t'es un banlieusard parisien au départ et la voile tu vas découvrir sur les lacs
00:22Avant d'arriver en mer et de finalement faire ta vie alors que tu étais parti sur des études sportives, raconte-nous ce parcours un peu atypique quand même.
00:36Ouais, alors mon parcours il est atypique, je ne sais pas, ce qui est sûr c'est que j'ai grandi, je suis né à la Garenne-Colombe,
00:41donc j'habitais dans les Tours-Nuages, donc ceux qui ont été à la Défense connaissent bien parce que c'est au 34ème étage,
00:49donc c'est vrai qu'on n'a pas 34 étages ici à Lorient ou au Sable, mais du coup je suis né en région parisienne
00:56mais j'ai eu la chance en fait que mes parents fassent partie de la génération on va dire post-Tabarly,
01:01donc je suis né en 82, 1982 après les victoires transatlantanglaises et démocratisation de la voile
01:10et donc ils se sont lancés dans la voile sans, pour eux, par contre leurs parents n'en faisaient pas du tout,
01:16sans apprendre comme ça, ils ont appris sur le tard et on avait un tout petit bateau, un Cap Corse,
01:22sur lequel on a énormément navigué et en fait moi je suis né le 17 mai et j'ai passé mon été à quelques mois sur un bateau,
01:32donc tout petit, même si on ne faisait pas du tout de régate et tout, j'ai vraiment été immergé dans cette culture de la croisière
01:40et de naviguer au large, on a même fait des grands traversées puisqu'on est parti en Corse par le Canal du Midi, etc.
01:48Donc du coup j'ai baigné vraiment dans l'enfance où les vacances c'était en Bretagne, certains week-ends
01:55et puis à un moment donné, c'est vrai que quand j'ai un peu grandi, on ne pouvait pas aller en Bretagne tous les week-ends,
02:03bien sûr, et donc du coup on a commencé, mon père a commencé à s'initier en fait aux dériveurs sur les lacs et les rivières à Paris,
02:13donc j'étais à Conflans-Saint-Honorin, c'était mon premier club, puis après j'ai changé puisqu'on a déménagé pas mal en région parisienne,
02:19je me suis retrouvé mes plus grandes années à Créteil, mais j'ai commencé assez tard en fait le dériveur
02:26et mon école de formation finalement, c'était plutôt le petit croiseur côtier sur lequel on a fait nos premiers tours du Finistère en famille, avec des amis, etc.
02:38Et puis voilà, après j'ai commencé le dériveur, on va dire que j'ai joué un peu sur ces deux parties, d'un côté toujours l'univers breton, la course croisière, les étés,
02:51et puis de plus en plus, l'optimiste, puis le laser en région parisienne, après j'ai progressé, donc j'ai pu aller rayonner un peu partout en France,
03:01notamment au Havre, où on allait s'entraîner au Havre, faire des championnats de France un petit peu partout, et puis voilà.
03:08Donc ça s'est fait pendant toute ma scolarité, jusqu'à mes 18 ans, et à mes 18 ans, voilà, j'avais atteint un bon niveau en dériveur,
03:17et en fait j'ai eu l'opportunité de basculer, d'être détecté, et de passer en Pôle France.
03:23Et donc de là, commencer à aménager mes études, puisque jusqu'à 18 ans j'étais dans un cursus normal, pour pouvoir, pas en faire mon métier,
03:33mais faire du sport de haut niveau, essayer de préparer les Jeux Olympiques, donc j'ai fait 4 ans de préparation en laser pour les Jeux Olympiques d'Athènes,
03:41entre 2000 et 2004, et 4 ans en 49er, entre 2004 et Pékin 2008, voilà.
03:48Donc je n'ai jamais été aux Jeux, parce qu'il n'y a qu'une place, c'était difficile, on n'était pas les premiers, mais voilà, c'était des super expériences.
03:55Beaucoup de travail, beaucoup d'entraînement, et puis des études en parallèle.
04:00Tout ça sans oublier la partie toujours course-croisière, qui finalement m'attirait énormément.
04:09Je voyais bien que je progressais, que le dériveur c'était super, parce que c'était légitime et que ça me permettait d'aménager mes études, etc.
04:18Mais j'avais toujours cette passion pour beaucoup de tours du Finistère, et puis après les tours de France à la voile, j'ai pu apprendre avec d'autres.
04:31Je suis parti en Australie faire plusieurs Sydney Hobart, et tout ça vraiment en parallèle du dériveur, donc j'avais déjà un peu la tête ailleurs.
04:42Et puis ça s'est fait vraiment en 2008, le basculement après la course au large, qui est une autre histoire, et qui correspond à la fin de mes études.
04:50Et alors la course au large, est-ce que rapidement il y a le Vendée Globe dans ce paysage, ou c'est d'abord Mini, Figaro, la filière classique française ?
04:59Déjà la première apparition du Vendée Globe, elle n'est pas quand je fais de la course au large, elle est bien avant, puisque je suis né en 82,
05:09donc le premier Vendée Globe, j'ai 7 ans, et je viens d'apprendre à lire, et du coup c'est mes premiers souvenirs de lecture,
05:17et où mes parents me retrouvaient de soir tard à la lampe à lire les fiches techniques des bateaux du Vendée Globe.
05:26Vraiment la taille, le poids, les longueurs, et tout, je me rappelle vraiment de tous les...
05:29J'ai vraiment un souvenir très précis des fiches des bateaux dans le voile et voilier, avec Loïc Perron, avec ses trompe-l'œil, la casquette en verre,
05:42enfin pas en verre, mais jaune, de Jean-Yves Terlin, le bateau très fin de VDH et tout, donc vraiment j'analysais toutes les fiches techniques des IMOCA,
05:53et c'est vraiment mon premier souvenir de Vendée Globe, et puis après bien sûr à la télé, à l'époque où il y avait encore Thalassa,
05:59où on suivait en fait tous les vendredis l'actualité, et je dirais que le vrai rêve Vendée Globe, je ne sais pas, je me doutais que...
06:10Je n'étais pas parti pour faire le Vendée Globe, je voulais d'abord progresser, savoir si j'aimais la course au large,
06:15donc quand je suis parti, c'était vraiment Figaro, parce que pour moi c'était cette école-là, il fallait passer par là pour faire n'importe quoi après en fait.
06:23Et alors justement, le Vendée Globe va t'accompagner, j'imagine, tout au long de ta carrière naissante,
06:29qu'est-ce que tu gardes comme souvenir, comme moment fort, comme édition, comme skipper, comme fait de course de toutes les éditions du Vendée ?
06:38Je crois qu'étonnamment, les souvenirs du Vendée que j'ai le plus, c'est la première édition, je pense que c'est vraiment le...
06:45Je me rappelle de tout, de ces vidéos, du sauvetage de Poupon avec Perron, enfin c'est vraiment le...
06:52Je pense que c'est lié à l'âge en fait, vraiment. J'aurais eu 7 ans à l'édition d'après, ça aurait été l'édition d'après,
06:57mais c'est vraiment l'âge où on commence vraiment à comprendre tout, et vraiment cette première édition, j'ai vraiment beaucoup beaucoup de souvenirs.
07:06Après bien sûr, j'ai suivi les éditions, mais après je n'avais plus le regard d'enfant, j'avais tout de suite le regard de régatier,
07:14puisque même dès la deuxième, je commençais à faire de la régate, et la troisième, là où j'étais carrément, je regardais vraiment la...
07:21Et du coup après, je trouve qu'on perd la magie, c'est-à-dire que c'est normal, quand on nous, on sait notre sport,
07:28ça nous impressionne moins que quand on ne le connaît pas au début et quand on le découvre.
07:33Donc c'est logique que la magie, elle diminue quand nous on progresse, puis finalement on se rend compte qu'on y accède peut-être plus facilement aussi.
07:44Tu suis ta carrière, la filière Figaro tu dis, et puis au milieu des années 2010, tu vas avoir l'opportunité de commencer vraiment à rêver d'un Vendée Globe,
07:55en reprenant le bateau de François Gabart, en étant sous le parrainage de Miche Desge.
08:03Est-ce que tu peux nous raconter cette période-là où tu touches un truc quand même assez génial finalement ?
08:08C'est allé très très vite en fait, puisque 2008 c'est ma première course en Figaro, 2009 je fais ma première solitaire de Figaro.
08:17Toujours dans les 2-3 premières années jusqu'à 2011 en fait, je n'ai vraiment pas de budget, je ne fais qu'une régate par an ou deux, j'essaie de me débrouiller.
08:26Et puis en fait ce qui va tout changer, la première rencontre qui va tout changer, c'est de gagner le Skipper Massif en 2011.
08:32Et en fait ça me permet de faire 2011, 2012, 2013, où là contrairement à avant je m'entraîne toute l'année, et du coup je progresse beaucoup.
08:43Ça c'est vraiment le point de bascule qui me fait rentrer dans la course au large professionnelle.
08:49Et du coup à l'issue de ces 3 années-là, j'ai une rencontre avec SMA, où au début on part pour 2 années en Figaro,
08:56et finalement à la fin de la première année, il y a cette opportunité et ce projet, et finalement SMA a envie de partir sur ce Vendée Globe,
09:06et là du coup ça va très très vite. Et du coup je n'ai pas vraiment le temps de chercher, ça m'arrive, ça me tombe quand même vraiment dessus.
09:16Donc du coup, moi en fait j'en ai profité à fond, tout simplement, pour engranger de l'expérience, progresser.
09:23Et c'est vrai que ce premier Vendée Globe, j'ai adoré, mais ça s'est vraiment fait en un an et demi.
09:30Alors que maintenant, là j'arrive 8 ans après, ou ça fait 10 ans du coup qu'on m'a mis le Vendée Globe comme une possibilité,
09:39là du coup il y a beaucoup plus de réflexion, de maturité, et de savoir comment, qu'est-ce que je vais chercher, faire des choix.
09:48Quand j'ai fait mon premier Vendée Globe, il n'y a quasiment aucun choix, c'est-à-dire que j'étais juste en train d'écouter tout ce qui se passait,
09:55j'étais une éponge, je vais prendre le plus possible. Alors qu'aujourd'hui, je prends des décisions, ce qui fait que ça donne une pression supplémentaire,
10:02mais aussi beaucoup de satisfaction, puisqu'on va dire que je vais faire le Vendée Globe plus avec mon propre style qu'il y a 8 ans.
10:10Alors raconte-nous cette édition 2016, comment elle se passe ?
10:15Elle se passe, déjà les débuts sont difficiles, les 6 premiers mois en IMOCA sont super, je navigue avec Michel Desjoyeaux,
10:24donc il m'apprend énormément de choses, et puis après il y a toute une succession, en fin d'année quand arrivent les grandes courses, d'avaries,
10:32et ça c'est quelque chose qui est un peu nouveau pour moi, parce qu'en Figaro, 99% du temps, quand on prend le départ, on va jusqu'à l'arrivée,
10:40c'est-à-dire que le paramètre avarie n'est pas, alors ça m'est arrivé, mais peut-être que j'ai loupé une ou deux courses sur 5 ans,
10:48alors qu'en IMOCA, surtout à cette époque-là, la fiabilité des bateaux, la vitesse des bateaux, le risque de casse, il est énorme,
10:57on est vraiment dans un sport mécanique, beaucoup plus que ce que j'avais pu faire avant.
11:01Et du coup, je prends un peu ça en pleine face, parce qu'on abandonne la Jacques Vabre parce qu'on casse notre quille,
11:08au retour de la Jacques Vabre sur la Transat B2B, j'ai eu un énorme accident, je me fais élitrer, je passe un mois en fauteuil roulant, deux mois en éducation,
11:19le bateau est éclaté, donc le début est vraiment difficile, ça m'a peut-être permis justement de grandir assez vite, d'atteindre peut-être une maturité supplémentaire au départ.
11:31Et puis juste après cette première année 2015, qui a été vraiment dure, on bascule 2016, l'année du départ, où il y a deux Transats de qualification que je termine,
11:40et je sens tout de suite qu'il s'est passé quelque chose, qu'on n'est plus que dans le réglage du penon et de faire le bon routage,
11:50mais qu'à début d'IMOCA, il faut aussi gérer son bateau, ne pas casser, il y a toute une gestion que j'apprends à ce moment-là.
11:58Et j'arrive au Vendée Globe rassuré et en ayant eu cette maturité, et du coup ce Vendée Globe, c'est allé très vite,
12:07c'est-à-dire que ça allait tellement vite que je n'ai pas vraiment de souvenirs précis, la période d'Ossab par exemple, j'ai l'impression que ça a duré trois jours,
12:15alors que ça dure quand même trois semaines et demie, le chenal, quand je revois des images, mais je n'ai presque pas l'impression que c'était moi qui avais vécu ça,
12:25tellement je pense que j'étais déjà concentré dans ma bulle et tout, et après ce Vendée Globe, ça passe super bien.
12:31Vraiment, quand je rentre de ce Vendée, même si je suis hyper déçu puisque ça va se finir par un abandon, je me dis que je suis quand même assez fait pour naviguer tout seul sur ces bateaux-là,
12:43je me sens bien en mer, j'aime bien que ce soit dur sur le temps long, etc., donc ça m'a quand même bien rassuré et je me sens beaucoup plus serein depuis ce Vendée Globe-là quand je navigue.
12:54Donc ça s'arrête après 50 jours, 52 jours je crois, pour une avarie de quilles. Qu'est-ce que tu gardes toi de cette descente de l'Atlantique qui te fait toucher du doigt ce que représente le Vendée ?
13:10C'est ce que tu dis, maintenant tu matérialises un peu mieux ce que ça doit être.
13:15Oui, la course démarre très bien puisque je me retrouve plutôt dans le peloton de tête. J'avais un bateau à dérive et il y avait déjà les premiers bateaux à foils qui vont finir par faire 1er, 2ème, 3ème.
13:28D'ailleurs, c'est depuis 2016 que les bateaux à foils font 1er, 2ème, 3ème à chaque fois. Et je me bagarre pour la 3ème place puisque je suis assez souvent 3ème, 4ème au gré des avaries.
13:43Et tout l'océan austral, c'est dur, j'ai des petites avaries et tout, mais ça se passe vraiment bien et je me sentais bien dans le rythme.
13:51Malheureusement, mon vérin de quilles éclate, on casse en deux. Et du coup, je suis contraint d'arrêter et c'est assez stressant parce que pendant 8 jours, il faut que je ramène mon bateau avec une quille qui se balade dans tous les sens.
14:03Et du coup, je me retrouve à Tahiti qui n'est jamais arrivé dans un Vendée Globe. Je pense qu'il n'arrivera peut-être plus jamais, j'espère en tout cas.
14:12Voilà pour me mettre là-bas, pour essayer de trouver une solution malheureusement qu'on n'a pas trouvé.
14:17Et bien sûr, il y a une déception énorme. Mais moi, je ne le sentais pas comme ça parce que c'était tellement génial d'avoir cette chance de participer au Vendée Globe.
14:29Je me dis mais voilà, j'étais bien, je me sens fait pour ça. En plus, mon projet continuait avec Assema.
14:36Ce qui a été très dur, c'est la déception de l'entourage. Pas de l'entourage proche, bien sûr, mais le sponsor, etc.
14:44C'est-à-dire que beaucoup de gens suivent le Vendée Globe. Nous, on ne s'en rend pas compte quand on a vie.
14:49Et quand je suis rentré pendant quasiment un an, à chaque fois que je croisais quelqu'un que je connaissais, je voyais dans ses yeux la déception de l'abandon du Vendée Globe.
14:57Et c'est là que j'ai pris vraiment conscience de la mesure de l'événement. Et c'est vrai que pour nous, c'est un sport, c'est un jeu.
15:06Et je pense que pour beaucoup de gens, c'est plus que ça. Et il y a vraiment les gens qui soutiennent quelqu'un à fond et qui suivent l'Acarto jour et nuit.
15:15Et on se rend compte de l'engouement vraiment quand on rentre. Ma déception, elle a été diminuée, soulagée par le fait que ce projet puisse continuer sur les deux années d'après.
15:26Ça a vraiment été de pouvoir se projeter tout de suite. Je pense que c'est pour ça qu'on dit souvent qu'il faut toujours avoir un projet pour l'après Vendée Globe,
15:32parce que c'est un peu nos JO, c'est-à-dire que c'est tellement intense. On se prépare quatre ans avant pour ce projet-là, qu'on rentre au bout de 75 jours sur le podium,
15:47au bout de 85 en ayant terminé ou qu'on rentre avant parce qu'on a abandonné. Je pense qu'avant le départ, il faut savoir ce qu'on va faire en rentrant,
15:55parce que sinon, ça peut être très dangereux.
15:57Et des primes postpartum.
15:59Oui, des primes postcolonie quand on est petit, postvacances quand les enfants rentrent à l'école. C'est tellement d'émotions, d'adrénaline.
16:10Le corps est tellement soumis à une pression intense pendant ces deux mois et demi, trois mois qu'il faut absolument avoir quelque chose à quoi se raccrocher quand on va rentrer.
16:22Finalement, c'est un discours qui est assez proche de toutes proportions gardées, évidemment, de gens qui souffrent d'addiction.
16:32Quand ça s'arrête net comme ça, c'est insupportable. Et à la fois, tous nous disent qu'à peine la ligne franchie, on pense déjà au prochain et on a envie d'y retourner,
16:42alors que pendant qu'on y est, on se demande ce qu'on fait là. C'est assez paradoxal, mais c'est un peu le discours que vous avez tous.
16:50Il y a un côté addictif dans le Vendée ?
16:52Oui, il y a un côté addictif, je pense. Il y en a qui sont quand même pas... On voit qu'ils souffrent pendant cette période-là.
17:03Mais je pense que le fait de donner à son corps pendant aussi longtemps, c'est le seul événement sportif qui dure aussi longtemps sans s'arrêter.
17:13Il n'y en a aucun autre dans le monde, que ce soit en voile ou ailleurs. Et du coup, on va encore plus loin dans le côté le corps.
17:21Il va lui falloir beaucoup de temps derrière pour retrouver une alchimie normale.
17:28Parce que forcément, on sécrète énormément d'hormones qui sont forcément différentes de celles qu'on a quand on est à terre,
17:33puisqu'on a un instinct animal qui est beaucoup plus développé, que ce soit les sens, l'ouïe, les sensations, le toucher, la façon dont le bateau penche, accélère, etc.
17:48Donc on va développer énormément de sens qui font qu'on est un peu désadapté à la vie terrestre quand on rentre.
17:55Et je pense qu'il faut se préparer un peu à ça.
18:00Quand on en fait depuis longtemps, c'est plus facile. Mais ceux qui découvrent vont aussi avoir plus de mal à se mettre dedans et à se remettre à une vie terrestre.
18:14Quand je pars aujourd'hui en course au large, j'ai beaucoup moins d'appréhension. Les premiers jours se passent mieux qu'au début puisqu'on gère le sommeil beaucoup mieux.
18:25La vie à bord aussi, c'est vrai que les bisous peuvent mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines à rentrer vraiment dans un rythme Vendée Globe.
18:35C'est quand même un avantage d'avoir connu ça.
18:38Après cette première édition, tu vas passer sur plein de bateaux, tu vas naviguer avec beaucoup de gens, tu vas gagner des courses avec Sam Davies, avec Charlie Dalin, il va y avoir plein d'aventures.
18:51Et tu vas te retrouver sur le Vendée 2020 sur la touche sans pouvoir participer.
18:58Ça a l'air d'être aussi un moment assez pénible pour toi à vivre, justement, d'être sur le bord du terrain pendant que les autres sont en train de jouer.
19:07Et puis derrière, tu vas réussir à débloquer enfin ce dont tu parlais tout à l'heure, un projet à toi, à ta main avec la construction d'un bateau.
19:14Est-ce que tu peux nous raconter ça ?
19:16Et du coup, une page qui s'ouvre où tu vas pouvoir imaginer un bateau à ta main et puis un programme aussi à ta main avec plein de courses différentes.
19:26Voilà, raconte-nous ça.
19:28Du coup, ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'après ce Vendée Globe 2016, il reste deux années avec SMA, avec ce bateau.
19:37Voilà, il y a un avant et un après, c'est sûr, le Vendée Globe.
19:40Du coup, derrière, il y a un peu moins de monde en Imoca, quelques leaders qui partent, de nouveaux jeunes qui arrivent, un changement de génération.
19:47Et du coup, c'est vrai qu'il y a beaucoup de victoires sur plein de courses, deux deuxième places Jacques Vabre, victoire à la Route du Rhum.
19:56Donc, c'est une période qui est assez géniale parce que je connais mon bateau par cœur, on navigue beaucoup, etc.
20:03Et puis, en fait, à la fin de ces quatre années de contrat, le projet n'est pas renouvelé.
20:10Donc, c'est vrai que c'est difficile parce que tout se passait bien et je suis quand même un peu très déçu et j'essaie de remonter un projet, ce qui est très difficile.
20:22Et en fait, je découvre autre chose. Pendant les deux années, donc 2018-2020, je découvre le fait de 2021 d'être équipier dans d'autres écuries.
20:34Ça m'a permis de progresser énormément, de voir comment d'autres écuries fonctionnaient, comment d'autres skippers fonctionnaient.
20:42Toute une partie aussi avec Samantha Davis qui était très intéressante, c'était, au-delà de la navigation avec Sam, c'était comment un projet peut avoir aussi une autre influence que le sport
20:53et peut emmagasiner de l'énergie, fédérer des gens autour d'autre chose que le résultat.
21:00Et ça, j'en étais un peu convaincu avant, mais j'avais besoin aussi de voir ça et comment ça marchait et de voir que ça marchait vraiment bien.
21:09C'était super. Puis après, toucher à complètement autre chose avec Apivia et Charly, qui étaient le haut niveau, le bateau le plus performant de la génération.
21:20Avec ces deux bateaux, j'ai aussi découvert les foils et les grands foils, puisque le premier grand foil avec Samantha Davis, puis après sur Apivia où on a vraiment poussé.
21:29On a été le premier bateau à voler auprès, aller très, très vite auprès, etc.
21:34C'était vraiment une époque charnière dans l'IMOCA où les bateaux ont pris sur ces deux années-là 15-20% de performance.
21:41Et c'était super intéressant de vivre ça. Ça m'a permis vraiment de pouvoir aujourd'hui construire mon projet de manière complètement différente.
21:50On va dire que quand je suis arrivé avec SMA, avec Michel Desjoyeaux, je ne connaissais rien.
21:55J'étais une éponge et j'ai pu bénéficier du savoir-faire de toute une équipe autour.
22:01Alors que là, sur le projet, quand je rencontre Biotherme en 2021, je me sens les épaules de leur proposer un projet clé en main
22:10où je vais finalement gérer le projet de A à Z, construire mon équipe et avec bien sûr sur les épaules le plus de poids,
22:21mais pouvoir m'entourer des personnes que je veux, faire des choix de bateaux qui sont un peu différents des autres.
22:28Un bateau plus simple que je voulais à ma main. Biotherme, c'est un bateau qui est quand même assez différent du reste de la flotte.
22:35Et du coup, c'est super parce que le projet tel que je l'avais rêvé en 2021, aujourd'hui on est en 2024, donc deux ans après.
22:45Et on est exactement là où on voulait être. Alors bien sûr, il y a eu plein d'aventures.
22:50On a fait cette course autour du monde, on a fait une super route du Rhum, des régates qui sont un peu moins bien passées avec des avaries.
23:00Mais en tout cas, le cheminement, l'ambiance que je voulais dans le projet, la construction du projet, du bateau,
23:06elle est vraiment exactement comme je l'avais imaginé et ça c'est super.
23:09A l'aube de ce nouveau Vendée, tu te sens prêt ?
23:12Je ne peux pas dire qu'à un peu plus de deux mois du Vendée Globe, je ne peux pas dire que je me sens prêt parce que c'est trop présomptueux.
23:20Parce que notre bateau est en chantier, il n'est même pas à l'eau, on n'a même pas reçu des nouveaux foils.
23:24Parce qu'en fait, on a cassé sur la transat anglaise le foil bas bord.
23:30Et donc du coup, on a relancé une nouvelle paire de foils et on a dû modifier nos puits de foils.
23:36Donc je vais avoir un bateau avec des nouveaux foils, avec un comportement complètement différent,
23:40avec même pas quatre semaines pour le tester avant le Vendée Globe.
23:43Donc ce serait quand même un petit peu bizarre de dire que je me sens prêt.
23:48Je veux dire que je me sens prêt.
23:50Moi, dans mon cheminement, dans ma préparation personnelle, on a navigué, on a validé plein de choses sur le bateau.
23:58Malheureusement, on n'est pas dans les conditions optimales.
24:00Ce n'est pas ce qu'on avait rêvé.
24:02Nous, on voulait un bateau fiable un an et demi ou deux ans avant le Vendée Globe sur lequel on ne faisait pas de modification.
24:06On se retrouve à faire une modification majeure à deux mois du départ.
24:10Donc voilà, c'est une prise de risque.
24:12Mais ça fait aussi partie de ce nouveau projet, je dirais, le bol d'y habitant.
24:18Et là, aujourd'hui, non, je suis entrepreneur, je suis à la tête d'un projet que j'ai monté.
24:24Donc en fait, ce risque, je dois le prendre et l'assumer.
24:27Donc voilà, ce n'est pas du tout la même chose.
24:31Il y a beaucoup plus d'excitation et un peu plus de pression aussi.
24:36Mais je dirais que la pression, c'est plutôt quelque chose qui me réussit.
24:42J'arrive à plutôt bien gérer.
24:44On n'est pas à 100% prêt et dans les conditions optimales, mais je le sens quand même vachement bien.
24:50Raconte-nous, parce que c'est des choses que les gens ne mesurent pas vraiment.
24:54Pour faire ces deux foils, il a fallu que tu t'engages perso et que tu fasses un emprunt supplémentaire.
25:00Avec les foils, ça coûte entre 500 et 800 000 euros pièce.
25:05C'était une décision lourde pour toi et que ton sponsor n'assume pas.
25:10Ce n'est pas un chèque en blanc qu'on te fait, c'est toi qui le fais.
25:13C'est vraiment la différence entre le projet que j'avais avant et le projet que j'ai aujourd'hui.
25:17C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a vendu un projet à biotherme avec une enveloppe et on a resté dans cette enveloppe.
25:22Donc quand on casse ce foil, en quelques jours à New York, j'arrive.
25:27En plus, je suis quand même assez crevé de ma course, mais je me rappelle,
25:29on faisait des réunions avec la France à 7h du mat' tous les jours.
25:34Il faut décider très vite parce qu'on commande les foils à peu près 4 jours après l'arrivée à New York
25:41et on va recevoir le premier foil le 18 septembre.
25:46Chaque journée perdue pour signer cette commande, c'est un risque énorme pour le Vendée Globe.
25:53C'est là aussi que c'est super d'avoir un projet qu'on gère de A à Z.
25:59Du coup, le processus de décision est très rapide, mais ça engage énormément.
26:03C'est-à-dire que pour faire ces nouveaux foils, il a fallu que la banque suive pour nous accompagner,
26:11pour pouvoir financer ces foils parce que ça ne rentrait pas dans l'enveloppe initiale.
26:15Du coup, on prend des risques à tous les niveaux quand on est entrepreneur et quand on gère ce projet.
26:22Alors, sportivement, raconte-nous, parce qu'il y a quand même eu des courses cette année.
26:26Il y a eu l'Ocean Race, évidemment, tu l'as dit.
26:28Vous faites une super perf, il se passe plein de choses, plein d'aventures.
26:33Et puis cette année, on a vu que sur la Transat, tu pouvais jouer devant régulièrement
26:38quand tu avais toutes les cartes techniques en main de ton bateau.
26:41Comment toi, tu te situes dans cette flotte qui n'a jamais été aussi compétitive à l'aube de cette course,
26:47avec évidemment plusieurs championnats au sein de cette flotte.
26:52Mais explique-nous comment toi, tu te positionnes et quelles sont tes ambitions ?
26:55C'est vrai que nous, on est parti quasiment un an autour du monde avec Biotherme.
26:59Donc, on a accumulé énormément d'expérience.
27:01Ça a été très dur de finir cette course.
27:03On a vu que pour d'autres bateaux, c'est compliqué quand même de faire un tour du monde sur ces nouvelles machines.
27:09Mais le niveau de fiabilité n'a jamais été aussi bon en IMOCA.
27:12Il n'y a jamais eu aussi peu d'avaries quand on regarde les statistiques.
27:15Ce qui est extraordinaire, c'est ce plateau.
27:19Alors bien sûr, c'est le fait qu'on soit 40.
27:21Avant, on était quand même moins.
27:24Mais il y a une vingtaine, quasiment une vingtaine de bateaux aujourd'hui
27:28qui sont équipés de foils de la dernière génération ou générations juste avant.
27:32Ce qui fait qu'on a un plateau avec un bon niveau sportif en plus,
27:35puisqu'il y a vraiment des très bons compétiteurs sur les bateaux.
27:39On navigue beaucoup plus grâce au nouveau système de sélection.
27:43Là, tout le monde a fait toutes les courses.
27:46Ce qui fait que sur les courses, il y avait un jeu de régate que je n'avais jamais vraiment vu en IMOCA avant.
27:53On a plus l'impression de naviguer en Figaro en fait que sur les régates qu'en IMOCA.
27:59Donc, c'est vraiment génial. On s'amuse.
28:01Par contre, il faut faire très attention. Il ne faut pas non plus se laisser griser par ça.
28:06Parce que sur une Transat, mais sur un Vendée Globe, il va quand même falloir faire durer.
28:11Il y a la gestion du matériel qui va rentrer un peu plus en compte.
28:16On l'a vu sur Ocean Race que c'est difficile de maintenir un bateau en état sur aussi longtemps.
28:23Donc, ça va être quand même un nouveau paramètre qui va être très intéressant.
28:27Moi, je trouve ça génial en fait, vraiment ce plateau-là.
28:33Et je suis assez rassuré justement parce que sur la route du Rhum, c'était déjà le cas.
28:38C'était bien passé, le bateau n'était pas du tout prêt.
28:41Et là, la première partie de Transat CIC, j'étais aux avant-postes.
28:47Donc, pas cette angoisse, mais cette inquiétude par rapport au fait de mettre ces nouveaux foils, d'arriver tard.
28:55Elle est compensée quand même par un bon niveau de confiance sur la préparation du bateau.
29:01Et aussi que j'ai eu les deux dernières années pour arriver au départ de ce Vendée Globe avec beaucoup de naves.
29:06Et donc, du coup, je me sens assez bien en maîtrise du bateau, etc.
29:10Donc ça, c'est plutôt bien de partir en confiance sur un Vendée Globe là-dessus.
29:14Toi, tu te situes où dans la flotte ?
29:18En fait, c'est vraiment difficile sur cette flotte.
29:22Quand je regarde vraiment au départ et quand on regarde ce qui s'est passé sur les Vendée Globe d'avant,
29:28on pourrait avoir 20 bateaux qui peuvent aller sur le podium.
29:32C'est-à-dire que moi, je vais jusqu'à entre 15 et 20, j'arrive à avoir des noms qui peuvent finir troisième du Vendée Globe.
29:40Du coup, c'est assez génial parce qu'avant, d'habitude, c'est plutôt 10.
29:46Donc, on multiplie tout par deux.
29:49Après, je vois bien que les bateaux de toutes dernières générations,
29:53ils sont un petit peu plus performants et surtout un petit peu plus polyvalents peut-être que les nôtres.
30:00Moi, le Biotherm, c'est un bateau neuf, mais qui est le sister ship de Link Out,
30:05qui avait fait le Vendée Globe en 2020 avec Thomas Ruyant.
30:08Donc maintenant, c'est le même bateau que Sam Goodchild.
30:11Et on arrive à aller très vite. Dans certaines conditions, on va aussi vite que les nouveaux.
30:15Il y a certaines conditions où on peut avoir un petit delta.
30:18Donc, ça va vraiment dépendre probablement de la descente de l'Atlantique.
30:22Parce qu'on peut avoir des scénarios météo très différents qui favorisent les bateaux qui partent par devant.
30:27C'était le cas en 2016. Par exemple, en 2016, les bateaux très rapides sont vite partis devant
30:33et sont arrivés dans le sud avec quasiment 1 000 000 d'avance.
30:36Et dans ce cas-là, s'il n'y a pas d'avarie, c'est un peu difficile.
30:40Donc, s'il y a un scénario très propice aux derniers bateaux high-tech sur la descente de l'Atlantique
30:46et qui ne casse pas, ça va être difficile d'aller chercher le podium.
30:49Par contre, si on a le même scénario qu'en 2020, où finalement la course revient un peu tout le temps par derrière,
30:54et que là, en gros, tout est possible.
30:57Donc là, c'est sûr que ce serait très intéressant de se retrouver à une dizaine ou une quinzaine de bateaux dans le sud
31:03à batailler pour le podium ou la victoire.
31:06Est-ce que celui qui sera devant sera celui qui a les appendices les moins abîmés ?
31:13Je ne sais pas trop répondre à cette question sur les appendices parce que nous, on en a eu,
31:19mais c'était plus des problèmes de conception qu'on espère avoir réglé le problème sur les pitfalls, etc.
31:25Il n'y a pas beaucoup de cases de foil.
31:29Il n'y a pas beaucoup de cases de foil, en fait.
31:31Quand on regarde les statistiques, finalement, c'est nous qui avons eu le plus.
31:35Donc depuis deux ans, ça casse assez peu les foils, même quand il y a des petits chocs.
31:39Du coup, le niveau de fiabilité sur les foils n'est plus du tout le même qu'en 2020.
31:45C'est-à-dire qu'en 2016, il y avait plutôt un bon niveau parce que c'était nouveau.
31:49Volontairement, les équipes avaient été très modérées et très conservateurs dans les choix de foil,
31:58à part peut-être Alex Thompson qui avait fait quelque chose d'un peu différent.
32:01Mais les autres, c'était assez conservateur.
32:03Finalement, ils sont arrivés, etc.
32:062020, des foils très grands, nouveaux, avec un gain de performance énorme, mais trop jeunes.
32:11Du coup, c'était Charlie et Thomas qui ont eu des problèmes de foil.
32:18Et je dirais que depuis ce temps-là, ça fait 4 ans qu'on navigue avec ces grands foils.
32:22Et on est tellement nombreux à en avoir.
32:24Il y en a quasiment 20 maintenant.
32:26En fait, oui, s'il y en a 4 ou 5 qui cassent les foils, c'est hyper triste pour eux.
32:31Ce sera peut-être moi, mais il y en aura 15 qui ne vont pas casser.
32:34Du coup, je pense que même avec des conditions, ça va quand même aller beaucoup plus vite.
32:42C'est probable.
32:44Un mot sur le confort à bord, parce que ces foils impliquent une vie à bord plus dure.
32:51On a vu tout le monde travailler beaucoup ces deux dernières années,
32:58notamment après le retour à la base, avant le dernier chantier,
33:01en se disant qu'il faut qu'on bosse l'ergonomie et la préservation du marin.
33:06Et il y en a un qui a un bateau finalement plutôt rustique,
33:10plutôt simple et pas forcément très cocon.
33:17C'est le tien.
33:18Raconte-nous ton choix de vie de cellule à bord, où tu as voulu des choses très simples.
33:25J'ai juste en tête l'image qu'on ne tient pas debout sur ton bateau du tout.
33:29Et toi qui es très grand, tu es obligé de vivre courbé en permanence.
33:34Tu l'as déjà éprouvé sur l'Ocean Race.
33:36Raconte-nous ce choix de la cellule de vie et l'implication que ça a sur l'état de forme du marin, sur la longueur.
33:44Déjà, le premier truc sur le biotherme, c'est qu'il y a quand même une grosse part de bluff.
33:49Je dis que je trouve ça génial et tout, mais déjà, en première chose, c'est qu'on n'a pas eu le choix.
33:54De toute façon, on a construit un bateau qui était comme ça.
33:57Le fait de vouloir faire, comme les derniers bateaux, un cockpit un peu central, avancé, fermé,
34:05on n'aurait jamais pu le faire.
34:06De toute façon, il fallait partir de cette base-là.
34:10Après, je suis très content d'avoir quelque chose d'ouvert sur l'arrière.
34:15Déjà, par rapport au programme qu'on a fait pour les deux années d'avant, c'était quand même super.
34:20Je suis content de pouvoir vraiment voir la mer quand je navigue.
34:24Il ne faut quand même pas imaginer qu'on ne peut pas faire un Vendée Globe qu'en se disant
34:30que je veux gagner et que je ne prends aucun plaisir pendant la course.
34:33Ce n'est pas possible.
34:35Le fait de regarder la mer, ça me fait du bien.
34:38Je suis content de pouvoir tourner la tête et voir la mer quand je suis dans le cockpit.
34:42Après, l'autre chose, c'est que je ne tiens pas debout dans mon bateau,
34:45mais personne n'est debout dans un Imoca.
34:47On ne passe jamais de temps debout dans un Imoca.
34:51Il n'y a aucun moment où on est debout. Ce n'est pas possible.
34:53Ce n'est pas une station qui existe. La station debout est ultra dangereuse.
34:58Le fait de ne pas pouvoir me lever, c'est un élément de sécurité hyper important.
35:03Je pense que par rapport aux autres, j'ai un avantage parce que je ne peux pas être debout.
35:07Je sais que je ne vais pas voler.
35:10Quand je me déplace, ce qui est rare déjà, je ne me déplace quasiment jamais.
35:14Quand je me déplace, je suis toujours accroché quelque part.
35:18C'était ça.
35:20Après, le deuxième choix, ce n'est pas que je ne veux pas un bateau confortable,
35:24c'est que je veux un bateau simple.
35:26C'est dans la façon dont je fonctionne.
35:30J'ai besoin de simplifier au maximum mon environnement extérieur
35:33parce que ça me fait beaucoup moins de choses à penser.
35:36Du coup, je vais enlever des systèmes et des systèmes et des choses
35:40pour avoir l'esprit beaucoup plus libre.
35:43J'ai besoin vraiment d'épurer les choses que j'emmène,
35:47que ce soit matériel, informatique, électronique, etc.
35:51Du coup, j'ai simplifié au maximum les équipements.
35:54Ce qui n'empêche pas que ma position, quand je suis assise ou allongé pour dormir,
35:59elle est très confortable.
36:01Est-ce que tu as travaillé encore l'ergonomie depuis ces dernières courses
36:05et sur ce dernier chantier de l'été, préparé des choses spécifiques pour le Vendée ?
36:10J'avais préparé déjà, contrairement à l'équipage,
36:13où c'est vrai qu'on n'avait pas eu le temps et c'était pas terrible
36:16la façon dont on avait dormi sur Ocean Race.
36:19Là, j'ai vraiment fait un pouf qui est beaucoup plus confortable,
36:22qui fait que je suis plus scalé, etc.
36:25Dans le cockpit, mes stations de veille, c'est très simple.
36:30L'ergonomie, il suffit d'avoir un pouf à billes qu'on met où on veut
36:34et c'est le meilleur truc qui puisse arriver.
36:38En fait, globalement, on n'a pas changé grand-chose.
36:42On n'a vraiment pas changé grand-chose.
36:44Justement, j'avais envie d'avoir le même bateau depuis deux ans.
36:47Comme ça, je sais exactement où sont toutes les choses.
36:50En termes de fermeture, de chauffage, de lutte contre le froid, par exemple ?
36:53La fermeture, on a optimisé un petit peu parce qu'on avait des problèmes d'entrée d'eau,
36:56mais c'est un cockpit qui est quand même très protégé.
36:59Là-dessus, c'est vraiment génial.
37:01Ça change complètement de ce que j'avais vécu il y a huit ans,
37:04où j'avais une casquette amovible qui prenait tout le temps l'eau.
37:06Donc, à chaque fois que je devais régler ou choquer 10 cm d'écoute,
37:10il fallait que je mette mon manchon étanche, mon machin.
37:13Alors que là, sur le biotherme, ça m'est arrivé de passer des transats en crocs.
37:21Même quand il fait froid, je suis en crocs et en shorts.
37:23Je suis tout le temps comme ça, sauf quand je vais faire une manœuvre dehors.
37:26Du coup, il y a un côté qui n'a rien à voir.
37:29En termes de réglage et d'optimisation, on est beaucoup plus efficace
37:33parce qu'on vit à l'endroit où il y a nos écoutes.
37:38Contrairement à avant, où on avait vraiment une vie à l'intérieur,
37:42cocon, protégé, il fait chaud.
37:45Et à dehors où c'est l'enfer, on n'a pas trop envie d'y aller.
37:51Alors que là, on vit à côté du winch.
37:57Et ça, c'est quand même complètement nouveau.
38:00Parlez-nous un peu du parcours.
38:03L'Ocean Race t'a permis de retravailler plein de portions
38:07qui seront communes avec le Vendée.
38:09Je pense notamment à la grande étape du sud.
38:13Quelles sont les grandes tendances et les grandes sections du parcours ?
38:21C'est vrai que ce parcours, l'Atlantique, on le connaît assez bien.
38:26Et la partie sud, on n'y va pas souvent.
38:29J'ai eu la chance de pouvoir y aller justement il y a un an.
38:33Et aussi il y a huit ans pour le Vendée Globe.
38:36Je pense qu'il y a un côté imaginaire quand même qui est très fort.
38:42Moi, ce que j'adore dans le Vendée Globe,
38:44c'est qu'on a toute cette descente de l'Atlantique
38:47qui dure entre 15 et 20 jours
38:50pour se préparer à rentrer dans le sud.
38:54Alors que l'Ocean Race, c'était assez violent
38:56puisqu'on est parti de Cape Town.
38:57Et en deux jours, on était dans les 40e et c'était vraiment difficile.
39:05Je pense que le parcours, il faut l'imaginer.
39:07Mais en même temps, il faut quand même laisser une part.
39:10La météo, elle ne sera jamais comme on l'a prévu.
39:12Et il n'y a jamais un Vendée Globe qui sera comme un autre.
39:15Donc, on travaille beaucoup la météo, la méthodologie, etc.
39:19On espère que le sud sera clément, bien sûr.
39:24C'est vraiment ça.
39:25Parce qu'il y a, d'un côté, la régate
39:28qui fait qu'on veut faire la meilleure trajectoire.
39:30Et puis, de l'autre côté, dans le sud,
39:32il y a quand même beaucoup de choix qui sont liés à la sécurité aussi,
39:36à la préservation du matériel.
39:38Donc, le sud, c'est un peu ça.
39:41C'est un peu différent du reste
39:42puisqu'il va falloir gérer quand même des vents très forts,
39:46de la houle très forte.
39:50Et ça dure très longtemps, en fait.
39:52À l'échelle de temps, on n'est pas la même.
39:54L'Atlantique, c'est ce qu'on fait d'habitude.
39:57On va au Pot-au-Noir, on sait que c'est huit jours.
40:01Après, on va au Cap de Bonne Espérance, on sait que c'est dix jours.
40:07Le sud, c'est un mois.
40:09Et un mois, ce n'est pas du tout ce qu'on fait d'habitude.
40:12Donc, ça a fait appel à des qualités,
40:16à des compétences qui relèvent plus du mental que le reste.
40:22La particularité de ce Vendée, c'est aussi ce port des sables
40:28avec ce chenal, ce stade nautique,
40:31à la fois au départ et à l'arrivée.
40:34Alors, à l'arrivée, tu ne l'as jamais encore vécu.
40:36Mais raconte-nous ce que c'est,
40:38cette décharge d'émotions juste avant le départ,
40:41après trois semaines de village,
40:43après un engouement populaire assez étonnant.
40:46Et puis, en tant qu'observateur,
40:48tu as vu des autres dans ce chenal au retour.
40:51Qu'est-ce que ça t'évoque ?
40:55Je l'ai vécu en tant que piéton sur les quais.
41:00Je l'ai vécu quand j'ai accompagné François,
41:03parce que j'étais skipper massif sur une vedette à commenter, etc.
41:07Et puis, au départ, en 2016,
41:10je pense qu'on peut avoir ces émotions de départ ponton
41:13dans beaucoup de courses.
41:16Mais c'est le seul endroit où il y a ce côté stade nautique.
41:21C'est-à-dire qu'on retrouve vraiment l'ambiance
41:26qu'on peut avoir sur des événements...
41:29Enfin, c'est le Stade de France, en fait.
41:32Et du coup, ça dure.
41:35C'est-à-dire que ce n'est pas que je lâche le ponton,
41:37je fais coucou, puis paf, ça passe.
41:39Là, ça dure, je ne sais pas, je dis une bêtise,
41:42mais ça dure un quart d'heure, 20 minutes.
41:44Et c'est incroyable, parce que pendant 20 minutes,
41:47c'est un stade de foot géant,
41:51avec des gens qui préparent des banderoles,
41:55ce qu'on peut dire.
41:58J'en avais quand même bien profité il y a 8 ans.
42:01J'espère pouvoir...
42:03Et je ne sais pas, parce que je n'arrive pas encore à me projeter dessus.
42:06On est tellement dans le travail en ce moment de cette course
42:09que je ne me suis pas encore vraiment projeté sur ces moments-là.
42:13Pouvoir en profiter, c'est-à-dire...
42:16Pouvoir en profiter, ça veut dire être suffisamment serein le matin du départ
42:20pour se dire, OK, là, je me laisse une demi-heure de chenal,
42:23parce que tout est prêt, parce que la météo est prête.
42:26Et comme ça, je vis ça à fond,
42:28et puis après, je me reponge dans ma course.
42:31Et ce serait bien d'arriver à faire ça,
42:33parce que je pense qu'il y a des gens
42:35soit qui se laissent submerger par ça
42:37et qui n'arrivent pas à se remettre dans la course derrière,
42:39et ça, ce n'est quand même pas trop ce qu'on veut,
42:41parce que ça peut être très dangereux,
42:43ou soit qui n'arrivent pas à lâcher prise et à profiter,
42:45qui sont déjà trop dans leur course.
42:47Donc voilà, je vais essayer de trouver le juste milieu entre les deux
42:50pour emmagasiner toute cette énergie,
42:53parce que c'est les derniers encouragements qu'on va avoir.
42:56Après, c'est fini.
42:58Après, c'est un petit mot de l'équipe qui va dire,
43:01voilà, le sponsor est à fond,
43:03mais ce n'est pas pareil.
43:05Ou une petite vidéo que les copains ont préparée,
43:07qu'on va regarder,
43:09mais ce n'est plus personnel et tout,
43:11mais on n'aura jamais ce public réel.
43:16C'est les derniers visages qu'on croise.
43:19C'est les derniers cris et voix qu'on va entendre,
43:22à part le boat captain et l'équipe technique,
43:25mais eux qu'on connaît bien, et du coup, ce n'est pas pareil.
43:27Ces gens-là, c'est vraiment la dernière mémoire
43:30des gens de terre qu'on va laisser.
43:32Et ça, c'est impressionnant.
43:34C'est aussi un shoot d'adrénaline.
43:37Parlons des émotions.
43:39Comment on fait pour gérer sur la longueur
43:41ces montagnes russes que sont les émotions ?
43:44C'est clé quand même dans la gestion du bonhomme,
43:47la capacité à affronter l'adversité
43:50et les difficultés que vous rencontrez.
43:52Comment tu te prépares à ça ?
43:54Je pense que c'est d'une part très inné,
44:00et après, c'est vraiment l'expérience.
44:02Le fait de se sentir bien en mer
44:06permet déjà de diminuer le niveau,
44:12pas d'émotion, mais d'anxiété qu'on peut avoir en général.
44:16Et il faut se reposer.
44:21Je dirais que c'est bien d'avoir des moments,
44:23des pics où on monte très haut,
44:25mais très vite, il faut se dire…
44:27En fait, on ne peut pas tenir à 120 tout le temps.
44:30Il faut plutôt être le meilleur,
44:32ce sera celui qui sera tout le temps un peu pareil,
44:35plutôt que celui qui va être monté très haut
44:37et avoir des trous très bas.
44:39Parce que le trou très bas,
44:41sur nos bateaux qui demandent, surtout ces foilers,
44:44qui demandent un engagement
44:46beaucoup plus important que les bateaux d'avant,
44:49puisqu'on a des…
44:51La vitesse est beaucoup moins linéaire.
44:53C'est-à-dire que les bateaux à dérive,
44:56c'est plus linéaire.
44:58C'est-à-dire que quand on ne pousse pas, on va à 15 nœuds.
45:00Quand on pousse fort, on va à 18 nœuds ou 20 nœuds.
45:02Un foiler, c'est quand on ne pousse pas,
45:04on va à 12 ou 15 nœuds,
45:06c'est-à-dire que ça n'avance pas du tout.
45:07Et quand on pousse, on va à 30.
45:08Et du coup, le delta de performance,
45:10il est colossal.
45:12Quelqu'un qui va engager,
45:14qui va attaquer avec une voile différente,
45:16il peut aller presque 30%,
45:1830% plus vite qu'un autre.
45:20Et c'est à ce moment-là qu'on va créer les écarts.
45:24Il faut pouvoir être capable d'engager tout le temps.
45:30Et ça, ce n'est pas facile, je pense.
45:40C'est difficile à dire.
45:41Je pense que la première réussite,
45:43c'est déjà de terminer.
45:46Mais à la limite, terminer mal,
45:49ça ne me plairait pas.
45:53Moi, ce que j'ai envie,
45:54c'est de naviguer comme il faut.
45:58C'est-à-dire de retrouver la chimie marin-bateau,
46:04qui fait que le bateau ne souffre pas trop,
46:05mais que ça va vite
46:06et qu'on arrive à jouer avec les autres.
46:10Trouver les prises de risques optimales,
46:13ne pas prendre trop de risques,
46:14mais ne pas être trop lent non plus.
46:16Trouver ce rythme-là,
46:17être vraiment en symbiose avec son bateau.
46:20Du coup, normalement, ça marche tout le temps.
46:24Et arriver au bout ?
46:25Arriver au bout, de toute façon,
46:26c'est une condition nécessaire,
46:29mais pas suffisante.
46:34Mais malheureusement, arriver au bout,
46:36on ne peut pas se mettre une pression.
46:38En fait, il y a tellement de risques.
46:41Si on pense à tous les risques qu'il peut y avoir,
46:44arriver au bout, ça met trop de pression.
46:46Il y a plein de gens qui ne vont pas arriver au bout.
46:48Ils n'y pourront rien du tout.
46:51Arriver au bout, c'est ce qu'on veut tous,
46:55c'est ce qu'on espère tous.
46:57Mais on sait qu'il y en a qui n'arriveront pas au bout.
47:00Et malheureusement, ce ne sera pas forcément de leur faute.
47:05Je ne me mets pas une pression supplémentaire par rapport à ça.
47:08Je ne vais pas compter les jours à chaque fois en me disant
47:10qu'il faut que j'arrive au bout,
47:11que j'arrive au bout, c'est trop stressant.
47:12Il faut que je fasse tout pour que le bateau ne souffre pas,
47:16et ne pas être trop lent,
47:18parce que ce n'est pas pour ça que j'y vais.
47:20J'y vais pour faire une régate,
47:21pour faire le meilleur résultat possible.
47:24Merci beaucoup.