• le mois dernier
17 avril 1944. Un procès retentissent pour sédition s'ouvre à Washington. Des dizaines d'individus - parmi lesquels des membres du Congrès - sont accusés d'avoir coopéré avec les forces allemandes, d'avoir participé à des mouvements pronazis et comploté pour renversé le gouvernement des Etats-Unis. Comment a-t-on pu en arriver là dans la plus grande démocratie du monde ? Et pourquoi personne ne se souvient de cet épisode majeur de l'histoire américaine ?

Category

🗞
News
Transcription
00:00L'Amérique des années 1930 et 1940 connaît une flambée du nazisme.
00:10Haine du juif, haine du communisme, haine de la présidence Roosevelt.
00:17Pendant plus de dix ans, plusieurs mouvements extrémistes tentent de renverser par les armes la démocratie américaine.
00:26En parallèle, l'Allemagne nazie finance une vaste opération de propagande visant à empêcher les États-Unis d'entrer en guerre.
00:35Des dizaines d'élus du Congrès et des figures publiques y participent.
00:41Comment ces mouvements ont-ils pu naître et prospérer dans la plus grande démocratie du monde ?
00:56Octobre 1929. La Grande Dépression frappe les États-Unis de plein fouet, plongeant des millions d'Américains dans la pauvreté.
01:16Les États-Unis sont plongés dans la dépression. Le pays est absorbé par ses propres malheurs.
01:26Le taux de chômage avoisine les 25 %.
01:33On estime à 6 millions le nombre de sans-abri. Des camps de fortune sont installés dans les parcs des villes.
01:41La situation était donc désespérée. On pouvait s'attendre à ce que l'ensemble du système bancaire américain s'effondre.
01:51La peur et le désespoir s'emparent de la population.
02:00La plupart des Américains ne comprenaient pas les causes de la dépression économique.
02:06La question de l'origine de la dépression se posait donc avec acuité.
02:12Et ce sont les Juifs qui sont désignés coupables. C'est l'explication qu'ils trouvent pour comprendre les malheurs qui touchent la nation.
02:23Derrière ces accusations se profilent toutes les théories antisémites des années 30.
02:28Les Juifs seraient derrière la prise de pouvoir par les bolchéviques en 1917 et les véritables dirigeants de l'URSS.
02:36Fantasme d'un complot juif mondial. Aux États-Unis comme en Europe, ces idées trouvent un écho grandissant.
02:44Le communisme et le judaïsme sont les deux faces d'une même pièce.
02:52En fait, pour eux, la naissance du communisme en 1917 et la révolution léniniste étaient aussi bien une construction juive qu'une construction politique.
03:04Aux États-Unis, un homme va bientôt cristalliser ses fantasmes, Franklin Delano Roosevelt.
03:11Les démocrates élus en 1932, ils mettent en place un ambitieux programme de relance économique pour sortir le pays de la crise.
03:24Roosevelt n'est pas juif, mais pour ses détracteurs, il incarne le fameux judéo-bolchévisme.
03:31Roosevelt, on l'appelle Rosenfeld. Le New Deal, le mouvement politique et social de Roosevelt, on va l'appeler le Jew Deal.
03:38Jew comme juif. Et donc, c'est ce moment-là où il y a tout à coup toute cette longue histoire et ce moment particulier de l'arrivée au pouvoir de Roosevelt
03:48avec un nombre très important de complots qui visent à renverser Roosevelt.
03:54L'un des plus grands détracteurs de Roosevelt est un prêtre canadien installé dans une paroisse de Détroit, dans le Michigan.
04:01Le père, Charles Coughlin, est le chantre d'une Amérique blanche, nationaliste et chrétienne.
04:07Charismatique, il a fait de ses talents d'orateur un redoutable outil de propagande.
04:14Et il y a un média tout jeune à l'époque qui est la radio.
04:16Et il va commencer à proposer des sermons à la radio avec un effet important.
04:20Et il va être un peu pris dans son espèce d'une sorte d'Ubris.
04:24Tout à coup, il a l'impression de pouvoir changer le monde.
04:29Ses 30 millions d'auditeurs représentent une audience considérable.
04:33Car les États-Unis ne comptent alors que 120 millions d'habitants.
04:40C'est sans doute le plus grand média américain entre 1930 et 1938.
04:49Il est intouchable.
04:54À partir du moment où un père, qui avait quand même 30 millions d'auditeurs chaque semaine qu'il y a à l'époque,
04:58qui est considérable, il n'y a pas tous les réseaux sociaux, etc.
05:01C'est-à-dire qu'on a quand même une uniformité de la source d'informations.
05:04Et donc la même information qui est délivrée à 30 millions de personnes.
05:08Et puis les différents relais, les obliges, etc. à Boston et compagnie.
05:12Donc je pense que l'impact était considérable.
05:16Tous les dimanches, il prend l'antenne pour vilipender ceux qu'il considère comme les ennemis de l'Amérique.
05:32Les gens l'écoutent.
05:34Les gens le suivent.
05:36Et il suscite un mouvement rempli de colère.
05:40Un mouvement rempli de haine qui blâme les juifs, les banquiers et les communistes.
05:51Il est un homme qui est un homme.
05:53Il est un homme qui est un homme.
05:55Il est un homme qui est un homme.
05:57Les banquiers blâment les communistes.
06:28D'autant que les discours de Coughlin résonnaient avec une longue tradition américaine.
06:34Le grand mouvement nativiste du début du 18e siècle,
06:38avec l'idée que les descendants des Pilgrim Fathers,
06:41des pèlerins qui sont les premiers à être entrés sur le sol américain,
06:44comptent plus que tous les migrants qui arriveront ensuite,
06:47avec l'idée qu'ils sont des vrais américains et que nous ne sommes pas des vrais américains.
06:52L'Amérique avait un système de coton.
06:55L'Amérique avait un système de quotas pour freiner l'immigration.
06:58L'Amérique a toujours été en quelque sorte anti-immigration.
07:01Le pays a adopté des lois dès la fin du 19e siècle
07:05et les américains ne voulaient pas laisser entrer dans leur pays les réfugiés d'Europe de l'Est
07:09ou les réfugiés juifs allemands.
07:11Je pense que cela a créé une énorme tension.
07:16Dans une Amérique en crise, marquée par l'antisémitisme,
07:19l'anticommunisme et le rejet de Roosevelt,
07:22les nazis trouvent un terreau fertile pour répandre leurs idées.
07:28À cette époque, les américains regardent à l'étranger et voient d'autres pays qui semblent aller mieux,
07:33en particulier des pays dirigés par des dictateurs.
07:39La question qui se pose est alors de savoir quelle est la meilleure forme de gouvernement.
07:44Aux yeux de certains américains, l'Italie de Mussolini a déjà amplement fait ses preuves.
07:50Il a relancé l'économie en éliminant communistes, parlements et partis politiques.
07:56Mais c'est la prise du pouvoir en Allemagne par Adolf Hitler en janvier 1933
08:00qui a un impact le plus puissant aux Etats-Unis.
08:03Les nazis l'ont bien compris.
08:05Alors que la tension monte en Europe, ils rêvent de gagner un puissant allié.
08:09Ils activent un réseau d'agents d'influence aux Etats-Unis.
08:12Georges Sylvester Viereck est l'un d'entre eux.
08:16C'est un nazi convaincu qui a rencontré Hitler à de nombreuses reprises.
08:20Il est doté de moyens considérables pour diffuser les idées nazies.
08:27Georges Sylvester Viereck travaille comme une sorte d'agent de liaison au consulat allemand à Washington
08:32où Hans Thomson est le chargé d'affaires.
08:40Viereck rencontre des hommes d'affaires américains à qui il explique.
08:44Vous savez, Hitler va gagner et il sera reconnaissant envers les entreprises
08:51qui ont contribué à entretenir de bonnes relations avec l'Allemagne nazie.
08:57Il prononce des discours devant des américains pro-allemands
09:00dans lesquels il affirme qu'il est un américain loyal
09:03qui ne voit aucun conflit idéologique avec Hitler
09:05bien qu'il prenne soin de préciser qu'il n'est pas non plus partisan d'Hitler.
09:08Il essaye de démontrer que l'Allemagne et les Etats-Unis ne sont pas en conflit l'un avec l'autre.
09:14Les nazis financent également la création aux Etats-Unis d'un groupe pro-nazis,
09:18l'Organisation des Amis de la Nouvelle Allemagne.
09:24Son objectif, propager les idées nazies sur le sol américain.
09:33Ce mouvement est très massivement financé par l'Allemagne nazie
09:37et il est lié à un antisémitisme profondément enraciné dans une nation anti-immigrés
09:43faisant partie de notre histoire nationale.
09:45Et il est devenu un vaste réseau invisible de sympathisants pro-allemands et pro-nazis.
09:54L'organisation est dissoute en 1934 en raison de ses liens trop visibles avec le Reich.
10:00Elle renaît sous une nouvelle forme en 1936, le Bund germano-américain,
10:05qui s'implante et se développe grâce à l'importante communauté germano-américaine.
10:11A sa tête, sur ordre secret d'Hitler, Fritz Kuhn,
10:15un vétéran de la première guerre mondiale installé aux Etats-Unis depuis dix ans.
10:20Il établit son quartier général dans le nord-est de Manhattan, à New York.
10:24Une véritable petite Allemagne.
10:31L'idée du Bund au départ est de créer un lieu où les immigrés allemands aux Etats-Unis peuvent se réunir,
10:37parler allemand, boire de la bière et se souvenir de leur héritage culturel commun.
10:43C'est ainsi que le Bund se présente, du moins au grand public.
10:49Le Bund s'est aussi lancé dans les affaires.
10:52À New York, il possède un important réseau de brasseries où ses membres se réunissent.
11:08Le Bund est soucieux d'offrir un visage folklorique aux Américains.
11:13Mais derrière cette façade de gentilles associations germaniques,
11:16il ne cache pas son ancrage idéologique.
11:38Il est très clair qu'après 1936, lorsque le Bund commence vraiment à s'appuyer sur des bases formelles,
11:44il a un fondement idéologique.
11:46Ses rassemblements sont ponctués de salut nazi, son symbolisme inclut la croix gammée.
11:51Son chef commence à porter des uniformes et à les imposer à ses partisans.
11:55Il rêve de devenir le chef absolu de cette organisation qui entend prendre le contrôle des Etats-Unis.
12:07Je vous présente le nom de notre unité locale, le Bund américain.
12:12Je voudrais vous dire quelques mots sur notre objectif.
12:16Nous sommes des citoyens américains et nous demandons notre droit d'être des citoyens américains.
12:24Sous couvert de patriotisme, Kuhn présente les idées nazies comme la solution pour sauver l'Amérique.
12:33Il y a le modèle allemand, on va suivre le modèle allemand.
12:36Parce que c'est un modèle qui protège la race, c'est un modèle militariste,
12:41qui soude un peuple et qui exclut des corps étrangers qui peuvent affaiblir ce propre corps.
12:48Le nazisme en somme.
12:50Il est certain que les Etats-Unis, en raison de leur diversité, de leur héritage et de leur histoire,
12:56devaient l'appliquer différemment de ce qui se passe en Europe.
13:00Mais en fin de compte, l'objectif était de créer un nouvel ordre mondial, un ordre mondial fasciste.
13:11Pour ancrer ses idées dans le paysage politique, le Bund multiplie les parades publiques dans les grandes villes.
13:17Encadré par la police, le mouvement défile dans les avenues de Manhattan.
13:23Pour l'heure, les autorités américaines restent de marbre.
13:27Le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis accorde aux citoyens une liberté d'expression totale.
13:33Rien ne leur interdit de brandir le drapeau nazi.
13:41C'est une organisation qui n'a pas peur de s'afficher publiquement comme imitant les nazis,
13:46ce que beaucoup d'autres groupes extrémistes de cette mouvance n'étaient pas prêts à faire.
13:52Très vite, l'organisation prend de l'ampleur.
13:57Le Bund établit des antennes à travers tout le pays, divisées en trois administrations, strictement hiérarchisées.
14:11Nous pensons que le nombre de membres était de l'ordre de quelques dizaines de milliers.
14:15Même si Kuhn affirmait qu'ils étaient plus de cent mille, cela semble peu probable,
14:20compte tenu du fait qu'il fallait être d'origine allemande et avoir envie de participer à ce type d'événements pour devenir membre.
14:29Mais il s'agit vraiment d'un groupe qui avait beaucoup d'adeptes dans ces bastions de New York et du Midwest, où il était principalement basé.
14:36Pourrait s'aimer plus largement, le Bund s'appuie sur les communautés allemandes implantées sur tout le territoire.
14:49Il organise de grandes manifestations populaires sous forme de camps d'été, qui remportent un immense succès.
14:56Le 18 juillet 1937, il inaugure en grande pompe le camp Nordland.
15:02Les nazis germano-américains prennent même la peine de se filmer en couleur.
15:08L'événement rassemble dix mille personnes et se déroule dans l'état du New Jersey, à une centaine de kilomètres de Manhattan.
15:16Fritz Kuhn y fait un discours retentissant.
15:32Le Bund développe un important portefeuille immobilier dans tout le pays.
15:42Fritz Kuhn collecte les cotisations et utilise cet argent pour acheter des terrains qui deviennent des camps où les membres peuvent se réunir, boire de la bière et célébrer ensemble les fêtes américaines et allemandes.
15:56Les enfants sont essentiels pour l'avenir du mouvement.
15:59Ils doivent être préparés physiquement à devenir les leaders de ce Reich nazi.
16:05Il y avait donc des camps dans le nord de l'état de New York, à Milwaukee, à Chicago, à Los Angeles, à San Francisco, dans le nord-ouest du Pacifique.
16:12Il y en avait dans tout le pays.
16:30Près de Manhattan, à Long Island, le Bund voit les choses en grand.
16:35Tous les vendredis, le Siegfried Spécial est affrété pour transporter les sympathisants pro-nazis vers un camp du même nom qui connaît un succès fulgurant.
16:45Fort de cette popularité, le Bund se déroule dans le nord de l'état de New York.
16:50Une véritable ville nazie baptisée German Gardens, les jardins allemands.
16:59Les maisons y sont décorées de la croix gammée et les rues portent les noms de Göring, le président de l'Union Européenne.
17:07Le camp de Siegfried Spécial est l'un des plus importants dans l'histoire de l'histoire de l'Union Européenne.
17:13Les maisons y sont décorées de la croix gammée et les rues portent les noms de Göring, Goebbels ou Adolf Hitler.
17:25Le Bund devient donc, et tous les historiens sont d'accord là-dessus, le groupe pro-nazi le plus important et le plus connu de cette période.
17:34Le nazisme reste minoritaire aux États-Unis, mais il trouve un vaste écho dans une société ancrée.
17:43A l'instar du Bund, de nombreux groupes d'extrême droite se forment, s'organisent et se radicalisent.
17:50Derrière les camps d'été et les parades, une autre réalité plus inquiétante se dessine.
17:55Des groupes paramilitaires grandissent dans l'ombre.
18:01Au sein du Bund, il existe une division appelée Ordnungsdienst, littéralement division de l'ordre calquée sur le modèle des SS.
18:09Pour devenir membre de l'OD, il fallait respecter une certaine période d'attente, être membre du Bund et faire une demande spéciale.
18:22Ce système permettait de montrer son engagement idéologique envers l'organisation.
18:27Ainsi, pour les hommes, et ce sont seulement les hommes qui étaient admis au sein de l'Ordnungsdienst, il s'agissait d'un groupe qui portait des armes non létales.
18:35Nous pensons qu'ils ne portaient pas d'armes à feu, mais ils portaient certainement des gourdins.
18:40Ils ont été vus en train de protéger les dirigeants de l'organisation.
18:44Ils portaient des uniformes très distincts. Il y a un aspect paramilitaire au sein du Bund et de l'OD en particulier.
18:51D'autres groupes entendent implanter le nazisme aux États-Unis par les armes.
18:55Aux États-Unis, de nombreuses organisations différentes défendent ce que nous appelons l'idéologie nazie.
19:06Elles partagent tous le même objectif, à savoir tenter d'introduire cette idéologie sur la scène américaine.
19:17L'une de ces organisations est fondée par un ancien scénariste d'Hollywood.
19:20Profondément antisémite et anticommuniste, William Dudley Pelley.
19:28Dès son plus jeune âge, Pelley est un anticommuniste convaincu.
19:32Il part en Sibérie pendant la Première Guerre mondiale et là-bas, pendant la guerre civile russe,
19:37il est témoin des atrocités commises contre la population par les communistes qui se battent aux côtés de l'armée rouge.
19:45Pelley revient donc aux États-Unis pour se battre contre les communistes.
19:49Pelley revient donc aux États-Unis avec un anticommunisme et un antisémitisme farouches.
19:55Il associe les juifs au communisme et à la propagation du communisme.
20:02L'arrivée d'Hitler au pouvoir a été une révélation quasi divine pour William Pelley.
20:08Il affirme qu'à travers ses contacts spirituels en tant que mystique,
20:11ce qu'il est devenu après sa période de scénariste à Hollywood,
20:15certains prophètes de l'au-delà lui ont dit qu'il devait fonder aux États-Unis
20:18un mouvement similaire à celui qu'il voit dans l'Allemagne nazie.
20:24Dès 1933, Pelley fonde les Silver Shirts, les chemises d'argent.
20:30Il recrute des hommes qui l'équipent d'uniformes semblables à ceux d'immilice nazie.
20:34Leurs chemises grises sont brodées du L de Légion.
20:38Il crée un journal, le Silver Ranger, dont la propagande s'en prend aux juifs et aux communistes.
20:45En parallèle, sa Légion puissamment armée s'entraîne en vue du grand soir.
20:53Ce qui distingue la Légion de tant de ses groupes, y compris le German-American Boon,
20:58c'est qu'il y a des membres de la Légion, souvent sans la permission directe de Pelley,
21:04qui commencent à s'impliquer dans des tentatives de renversement du gouvernement.
21:10Leur plan était d'être capables d'avoir un impact militaire conséquent au moment voulu.
21:16Et le moment voulu serait lorsqu'il y aurait un danger imminent d'une révolution communiste aux États-Unis.
21:25Alors que Roosevelt vient de remporter un deuxième mandat, l'opposition est de plus en plus radicale.
21:31Pour les Silver Shirts, mais aussi pour le père Charles Koeffling,
21:34qui fonde secrètement le mouvement extrémiste du Front Chrétien en 1938,
21:38l'heure de passer à l'action armée a sonné.
21:42Le Front Chrétien qui va se fédérer autour de Koeffling par des gens qui ne sont pas liés directement à lui,
21:47mais qui l'ont écouté et qui vont considérer qu'ils sont une sorte d'avant-garde de la défense de l'Amérique
21:53contre les Juifs, contre l'administration Roosevelt,
21:56qui est en train de détruire les bases idéologiques et les bases presque raciales de ce pays.
22:04Le Front Chrétien recrute rapidement des dizaines de milliers de militants.
22:08A la fin des années 30, le FBI les estime à près de 30 000.
22:14Basé à Boston, le mouvement est sème sur la côte est.
22:17Les militants mettent rapidement en œuvre la doctrine du Front.
22:22Des adeptes qui ont juré de ne jamais faire leurs achats chez les commerçants juifs,
22:28de ne jamais soutenir un candidat qui ne suivrait pas la foi chrétienne.
22:34Ils faisaient des descentes dans les rues.
22:36Ils avaient un journal appelé Social Justice.
22:40Il était rempli de choses telles que le protocole des sages de Sion.
22:44Ils s'en prenaient également aux personnes d'apparence juive.
22:55Beaucoup plus inquiétant, en vue de renverser le gouvernement des États-Unis,
22:59le Front Chrétien crée plusieurs cellules clandestines appelées comités d'action.
23:05Ils sont composés d'hommes jeunes qui ont déjà fait partie de l'armée juive.
23:09Ils utilisaient des mitrailleuses, des mitrailleuses semi-automatiques,
23:13de l'armement militaire, pour s'entraîner en vue de ce qu'ils voyaient venir,
23:17c'est-à-dire une révolution communiste aux États-Unis
23:20qui serait provoquée par l'infiltration des communistes au sein de l'administration Roosevelt.
23:27Et quand ils voyaient des communistes,
23:29ils se rendaient compte qu'ils n'étaient pas des communistes,
23:32ils étaient des militants.
23:34Les militants de l'administration Roosevelt.
23:38Et quand ils voyaient des communistes, ils voyaient aussi des juifs.
23:41Et quand ils voyaient des juifs, ils voyaient des communistes.
23:47En 1940, le groupe basé à Brooklyn, dans l'État de New York, passe à une phase active.
23:57Les agents du Front Chrétien apprenaient à fabriquer des bombes.
24:01des bombes dans les sous-sols de leurs appartements à Brooklyn, et ils allaient au-delà de la
24:06fabrication artisanale pour passer à des types de bombes plus dangereuses, en utilisant
24:11des obus d'artillerie de la Première Guerre mondiale.
24:14Ça a vraiment donné une image de violence et le risque de quelque chose de beaucoup
24:26plus important.
24:27Peut-être même un renversement violent du gouvernement américain.
24:34Face à la menace grandissante, un journal décide d'alerter le grand public.
24:42En 1937, le Chicago Daily Times envoie en immersion deux de ses journalistes au sein
24:49du Bound.
24:51John et James Metcalfe sont deux frères nés en Allemagne, naturalisés américains.
24:55Après plusieurs mois, la publication de leur reportage provoque une immense onde de choc.
25:01En réponse, un comité d'enquête sur les activités anti-américaines est créé en
25:061938.
25:20Le Bound décide de répliquer.
25:24Il veut montrer qu'il est populaire et pertinent dans cette Amérique où ses idées n'ont
25:29cessé de gagner du terrain.
25:30Le 20 février 1939, il organise à New York un immense rassemblement au Madison Square
25:37Garden.
25:38Le maire de la ville l'autorise au nom du premier amendement de la Constitution qui
25:43garantit la liberté d'expression.
25:44New York compte pourtant la plus grande population juive des États-Unis.
25:53Le rassemblement est une véritable provocation.
25:55Plus de 20 000 boundistes y participent.
25:59A l'extérieur, plusieurs dizaines de milliers de manifestants tentent aussi d'entrer
26:04dans l'immense salle de spectacle.
27:06Comme c'était un événement très visible, on a pensé que les orateurs du Bound réfrénaient
27:13leurs discours les plus haineux, au sujet des juifs notamment.
27:16Mais ce ne fut pas le cas.
27:27La soirée est électrique.
27:29Un premier incident éclate quand, au milieu de la foule, Dorothy Thompson, journaliste
27:35anti-nazi, crie sa colère.
27:37Son évacuation mène au militari au milieu d'une foule hostile et filmée.
27:44Devant un public survolté, Fritz Kuhn monte enfin sur scène.
28:05Ladies and gentlemen, fellow Americans, American patriots, if you ask what we are actively
28:26fighting for under our charter, first, a social just white gentile ruled United States.
28:35Second, gentile controlled labor union, free from Jewish Moscow-directed domination.
28:43Isidor Greenbaum, un jeune plombier juif de 26 ans, révolté par ce discours, se jette
29:00sur scène.
29:01La police doit intervenir pour éviter son lâchage par le service d'ordre du Bound.
29:12Alors que les incidents se multiplient à l'intérieur, à l'extérieur, la situation
29:38vire à l'émeute entre la police et les manifestants opposés à l'événement.
29:55En réponse à ces débordements, le procureur général de New York est mandaté pour s'attaquer
30:04à Kuhn.
30:06Ses limiers trouvent rapidement de quoi l'incriminer.
30:09Kuhn a entretenu un réseau de maîtresses à travers le pays, et il utilisait ses fonds
30:21pour ses dépenses personnelles, mais aussi pour celles de ses femmes.
30:24Fritz Kuhn est finalement jugé pour détournement de fonds et évasion fiscale.
30:48Il est condamné à deux ans d'emprisonnement.
30:51Alors que Kuhn est dans la prison de Sing Sing, au même moment, William Dudley Pelley,
31:00le chef de la Silver Legion, est confronté à de multiples accusations et ira bientôt
31:05en prison pour quelques années.
31:06C'est ainsi que l'on assiste à de nombreuses pressions judiciaires pour tenter de faire
31:10disparaître ces groupes.
31:11Pour les sympathisants du nazisme aux Etats-Unis, le vent s'apprête à tourner.
31:19De l'autre côté de l'Atlantique, l'Europe a basculé.
31:23En septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne sont entrées en guerre contre l'Allemagne
31:29nazie.
31:30La crainte d'une extension du conflit gagne l'Amérique.
31:36Face à la menace croissante, le Congrès décide de renforcer les moyens du FBI et
31:43durcit sa législation sur les activités anti-américaines.
31:46Les pro-nazis sont dans le collimateur.
31:50Jusqu'alors, les autorités avaient pourtant focalisé leur attention sur le communisme.
31:58L'Union soviétique était considérée comme le grand ennemi.
32:05C'est pourquoi des gens comme Edgar Hoover, le chef du FBI, ont consacré d'énormes
32:09ressources à la traque des communistes.
32:11Et pour être honnête, les communistes n'avaient pas de base efficace en Amérique.
32:15L'une des raisons est qu'ils ne disposaient pas des mêmes sommes d'argent que les Allemands
32:19pour corrompre les gens, les influencer et les faire travailler pour eux.
32:35Jusqu'alors, Hoover, radicalement anticommuniste, n'avait pas saisi l'ampleur du danger nazi.
32:41Lorsque les États-Unis ont commencé à se rendre compte qu'il existait des liens
32:49entre ces groupes et les efforts de propagande politique nazie, et plus encore de sabotage
32:54potentiel et d'espionnage, le Congrès américain a tenté d'y remédier en adoptant une nouvelle
32:59législation.
33:01C'est le cas avec la loi sur l'enregistrement des agents étrangers, qui nous a permis de
33:07poursuivre en justice certains des dirigeants de ces groupes.
33:10Suite à une infiltration, le 14 janvier 1940, des dizaines d'agents du FBI font un raid
33:17contre la cellule du Front chrétien de Brooklyn.
33:2117 jeunes hommes sont arrêtés.
33:22Les motifs de ce coup de filet sont extrêmement inquiétants.
33:30Il est évident que l'organisation s'armait de plus en plus et devenait de plus en plus
33:57dangereuse.
33:58C'est pourquoi, à mon avis, la vague d'arrestation du Front chrétien le 14 janvier 1940 n'avait
34:03rien à voir avec des préoccupations politiques, c'était surtout une question de sécurité
34:09nationale.
34:17Le Front chrétien préparait une attaque massive d'institutions sur la côte est américaine
34:22avec la bénédiction du père Coughlin.
34:25Pourtant, Coughlin, le puissant homme de médias, n'est pas inquiété.
34:34Pour les autorités, la situation est très complexe.
34:38Le père Coughlin est un prêtre et le FBI est très soucieux de ne pas bafouer les droits religieux.
34:49Coughlin est protégé par la Constitution, mais les 17 prévenus de Brooklyn, eux, sont
34:55accusés de sédition.
34:57Le ministère public espère obtenir de lourdes condamnations.
35:01Le procureur John Rogge, chef de la division criminelle au ministère de la justice, est
35:06un jeune fonctionnaire à la réputation implacable.
35:10Beaucoup ont invoqué l'atteinte à leur libre expression.
35:13On disait ce que je fais, c'est simplement faire circuler des idées.
35:17Et la difficulté, c'est que dans le système américain, le procureur doit prouver
35:22l'intention. Est-ce qu'il voulait obtenir un soulèvement, la destruction de l'État
35:26américain ? Donc, c'est très compliqué de prouver l'intention.
35:30Or, c'est un élément important et cette intention, elle doit être prouvée et les
35:35douze membres du jury doivent l'accepter puisqu'il faut l'unanimité au-delà du
35:39doute raisonnable.
35:44Tout s'est donc effondré et ils ont tous été acquittés.
35:48Le chef du Front chrétien de New York a immédiatement demandé au juge s'il pouvait
35:53récupérer ses armes, ce qui a été accordé, et il est sorti du tribunal de Brooklyn,
35:58les armes à la main.
36:04Le procès est un échec retentissant pour le gouvernement.
36:07Leur tentative de coup d'État a échoué, mais les motivations des membres du Front
36:11chrétien restent intactes.
36:13Alors que la guerre se profile, tout doit être mis en œuvre pour faire échouer Roosevelt,
36:17qui brigue un nouveau mandat.
36:20Le monde était en feu.
36:22Franklin Roosevelt pensait qu'il était le mieux placé pour guider l'Amérique dans
36:25cette période difficile et c'est ce qu'il a fait.
36:28Il a été un dirigeant très efficace.
36:31Des millions d'Américains ont le sentiment légitime que Roosevelt pousse le pays vers
36:35la guerre. Il y a des groupes qui pensent que les États-Unis devraient rester en dehors
36:39de la guerre et renforcer ses relations avec l'Allemagne nazie.
36:42Ce dont beaucoup de ces groupes se rendent compte, les extrémistes, ainsi que le
36:45ministère allemand des Affaires étrangères, c'est qu'il s'agit vraiment de la dernière
36:49occasion de vaincre Roosevelt sur le plan politique avant l'entrée en guerre probable
36:53des États-Unis.
36:58Les membres du Front chrétien choisissent alors de se rapprocher de l'appareil clandestin
37:02nazi aux États-Unis.
37:08Au printemps 1940, le mouvement du Front chrétien en Nouvelle-Angleterre et à
37:12défier la Delphi est presque directement contrôlé par des agents nazis, notamment
37:17des membres de l'état-major SS.
37:25Propagande pro-nazie, espionnage, sabotage.
37:29Tout est mis en œuvre pour empêcher l'entrée en guerre des États-Unis et la réélection
37:33de Roosevelt.
37:35À l'été 1940, une série d'attentats secoue l'Amérique.
37:39Trois usines de fabrication de poudre sont détruites, réduisant d'un quart la production
37:44militaire américaine.
37:49Bien que le groupuscule représente une toute petite minorité aux États-Unis, leur opposition
37:54à Roosevelt et sa politique extérieure est largement partagée dans l'Amérique isolationniste
37:59de 1940.
38:04Les isolationnistes, le mouvement anti-guerre, n'étaient pas seulement un mouvement populaire.
38:14C'était aussi un mouvement politique.
38:17Certains de ses membres étaient de puissantes personnalités du Congrès.
38:22C'est un monde qui est très perméable aux idées fascistes parce qu'ils considèrent
38:27qu'ils partagent avec les fascistes un même système de valeurs qui est la défense d'une
38:33race dite nordique, pour reprendre les mots de Madison Grant, en tout cas une race anglo-saxonne,
38:38des valeurs civilisationnelles et un ennemi commun qui est le bolchévique et le juif,
38:43le judéo-bolchévisme, c'est une menace qu'ils considèrent bien plus grande que
38:48quelque nazi que ce soit.
38:55Avec de puissants soutiens politiques et industriels, un comité est créé en septembre 1940,
39:01l'America First.
39:06Sous l'œil approbateur du régime nazi, ce lobby s'oppose à toute forme d'intervention
39:11américaine dans la guerre.
39:15Son porte-parole est un héros américain, l'aviateur Charles Lindbergh, connu dans
39:20le monde entier pour ses exploits.
39:26Un temps installé en Europe, il a côtoyé le régime nazi pendant toute la seconde moitié
39:30des années 30.
39:33Le gouvernement allemand l'invite à visiter ses installations aéronautiques.
39:37Goering lui remet une récompense.
39:39Il pilote leurs meilleurs avions de combat et il est très vite impressionné par ce
39:43qu'il appelle le dynamisme du peuple allemand.
39:49Charles Lindbergh déclare même que l'Allemagne ne cherche qu'à étendre son territoire
39:52par des moyens militaires comme l'Angleterre et la France l'avaient fait pendant des
39:56centaines d'années auparavant.
40:00Parce que Charles Lindbergh est devenu le porte-parole du mouvement America First, celui-ci
40:05s'est transformé en une campagne nationale très, très puissante, visant à maintenir
40:11les Etats-Unis en dehors de la guerre.
40:15A l'automne 1940, Roosevelt est réélu pour un troisième mandat.
40:19L'entrée en guerre semble imminente.
40:22America First dénonce l'aide fournie au Royaume-Uni pour son effort de guerre.
40:31Et vous commencez à le voir sortir et organiser des rassemblements massifs en 1941.
40:36Vous savez, dix mille, vingt mille, trente mille personnes qui remplissent le Madison
40:40Square Garden.
40:41Et avec ce message, de plus en plus au vitriol.
40:45Dans son grand discours de démoine de septembre 1941, il faut l'écouter, il faut l'entendre.
40:49Il faut l'entendre.
40:50Il faut l'entendre.
40:51Il faut l'entendre.
40:52Il faut l'entendre.
40:53Il faut l'entendre.
40:54Il faut l'entendre.
40:55Il faut l'entendre.
40:56Il faut l'entendre.
40:57Il faut l'entendre.
40:58Dans son grand discours de septembre 1941, il faut l'écouter.
41:01Dans les mots qu'il emploie, qu'il y a trois ennemis aux Etats-Unis, c'est les industriels,
41:07c'est Roosevelt et c'est les Juifs.
41:08Et c'est eux qui vont pousser à la guerre.
41:10C'est eux qui poussent l'Amérique à entrer en guerre.
41:13Des dizaines de milliers de sympathisants nazis qui avaient peut-être caché leur affinité
41:17politique avec l'Allemagne nazie rejoignent le mouvement America First.
41:21Ils étaient 800 000 Américains officiellement membres de l'America First avant Pearl Harbor.
41:28Mais bien au-delà du lobbying, l'isolationnisme permet aux nazis d'infiltrer le sommet de
41:33l'appareil politique.
41:36C'est un accident qui révèle au public l'ampleur de l'ingérence et la campagne d'influence
41:40nazie qui gangrène le territoire américain.
41:43Le 30 août 1940, un décès trois s'écrase près de Washington D.C.
41:54Parmi les victimes, le sénateur républicain du Minnesota, Ernest Landin, accompagné de
41:59deux agents du FBI et un procureur du ministère de la Justice.
42:04Parmi les débris, les enquêteurs retrouvent un futur discours du sénateur.
42:09Un discours résolument pro-Allemagne et isolationniste.
42:13Son auteur n'est autre que George Sylvester Viereck, l'agent allemand chargé par le régime
42:19nazi de diffuser ses idées aux États-Unis.
42:25Il avait eu cette idée et l'avait présentée à Hitler et au commandement allemand.
42:30L'idée était d'essayer de coopter des politiciens américains pour l'aider à diffuser la propagande
42:35nazie, tout cela sous le couvert officiel de l'État américain.
42:38Pour être honnête, les Allemands étaient un peu sceptiques.
42:41Ils ne pensaient pas vraiment qu'ils seraient capables de réussir, mais le succès a dépassé
42:46leurs espérances les plus folles.
42:53La presse commence à se rendre compte que Landin est plus qu'un simple isolationniste.
42:59C'était peut-être un agent actif pour le compte de l'Allemagne.
43:03On a commencé à prendre conscience qu'il existait une sorte d'ennemi intérieur clandestin.
43:11Un ennemi qui soutenait le mouvement isolationniste et menaçait peut-être la démocratie dans le pays.
43:20La trahison du sénateur Landin est telle que dès le lendemain de son décès, son épouse
43:25se précipite à son bureau pour tenter d'éliminer l'épreuve.
43:32À sa mort, sa femme retire une grande partie de sa correspondance de son bureau au Sénat,
43:37probablement dans le but de dissimuler la véritable nature de ses relations avec Viereck.
43:42Mais ses archives sont aujourd'hui disponibles.
43:44Les historiens peuvent les consulter et les documents montrent très clairement que Viereck
43:48et Landin avaient des relations personnelles et professionnelles.
43:52Il y a des lettres dans lesquelles Viereck dit à Landin qu'il est prêt à écrire des articles
43:56en son nom qui seront publiés dans les principaux journaux américains.
43:59Il rédige des discours pour Landin.
44:03L'ampleur des révélations a choqué les Américains.
44:06Un certain nombre de personnes très connues étaient impliquées dans cette affaire.
44:10Et ils étaient en fin de compte environ 20 à 25 membres du Congrès et sénateurs
44:14qui ont volontairement travaillé avec Viereck.
44:20L'agent Viereck parvient à organiser la diffusion de la propagande nazie
44:24depuis les plus hautes sphères des institutions démocratiques américaines.
44:28Ce Viereck a monté une opération absolument fabuleuse.
44:32On ne peut que l'admirer.
44:34Il a fait en sorte d'avoir des liens privilégiés avec un certain nombre de membres
44:38de la Chambre des représentants, un certain nombre de sénateurs
44:41pour qui il écrivait des discours, des discours pro-nazis évidemment.
44:45Donc ces élus faisaient leurs discours et la beauté c'est que tous les discours
44:49sont reproduits dans ce qui est l'équivalent de notre journal officiel
44:52qui s'appelle le Congressional Record.
44:54Et ensuite, l'élu en question, on lui demandait gentiment
44:57de bien vouloir imprimer son discours et de l'envoyer à ses administrés.
45:04Ils ont donc utilisé des millions d'enveloppes gratuitement affranchies par l'État,
45:09remplies de propagande nazie avec l'adresse de retour d'un membre du Congrès
45:13ou d'un sénateur du Capitole.
45:15Ils ont inondé l'électorat américain.
45:17Et bien sûr, les Américains qui recevaient ces lettres de leurs députés
45:21pensaient qu'il ne s'agissait que de déclarations légitimes
45:24de personnes s'exprimant en pleine conscience contre la politique de Roosevelt
45:28sans jamais réaliser qu'il s'agissait de propagande nazie
45:31qui leur a été distribuée à leurs propres frais.
45:36Mais deux événements détournent soudainement l'attention de l'opinion.
45:40L'attaque du Japon à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941,
45:44et la déclaration de guerre de l'Allemagne à l'Amérique
45:47provoquent une onde de choc.
45:49Le comité America First s'autodissout.
45:52L'entrée en guerre de l'Amérique offre une échappatoire aux élus corrompus.
45:57Un homme entend les en empêcher,
45:59John Rogge, qui avait échoué à faire condamner le front chrétien à Brooklyn,
46:03bâtit un dossier solide, impliquant une trentaine de pro-nazis.
46:07Trois ans plus tard, le 3 janvier 1944,
46:11s'ouvre le plus grand procès américain pour sédition.
46:22Une fois de plus, la machine politique prend le dessus sur la justice.
46:26En plus, le procès mené par le procureur Rogge est si stressant
46:31que le juge meurt d'une crise cardiaque en plein milieu de ce procès qui ne dure que 4 mois.
46:39Le procès pour sédition finit par être une véritable farce.
46:42L'accusation n'a même jamais pu finir de présenter ses arguments.
46:46Et plutôt que d'essayer de relancer le procès avec un nouveau juge,
46:49le ministère de la Justice décide en fait d'abandonner l'affaire.
46:54Mais Rogge n'a pas l'intention d'abandonner.
46:57Il s'est rendu en urgence dans la zone libérée de l'Allemagne,
47:00où un officier du renseignement américain a découvert des documents hautement compromettants.
47:06Rogge a accès à des centaines de milliers de communications
47:09entre l'ambassade d'Allemagne à Washington et Berlin,
47:12prouvant que ces personnes étaient impliquées,
47:15montrant le montant des sommes dépensées.
47:18Ce sont des millions et des millions.
47:20On estime que les Allemands ont dépensé 100 millions de dollars en monnaie d'aujourd'hui
47:23dans le cadre de cette campagne de désinformation du système américain.
47:29À son retour d'Allemagne,
47:31au vu des éléments compromettants qu'il rapporte de son voyage,
47:34il espère faire rouvrir le procès.
47:42Nous ne pouvons pas vraiment comprendre à quel point ce rapport est explosif.
47:46Cela équivaudrait à découvrir des choses incroyablement scandaleuses
47:49sur des chefs d'entreprises américains connus de tous
47:52et sur certains des hommes politiques les plus en vue du pays.
47:55Mais il ne faut pas oublier que la situation politique des États-Unis a considérablement changé.
47:59Au moment où John Rogge écrit son rapport en 1945,
48:03Franklin Roosevelt est décédé.
48:05Le nouveau président Harry Truman a siégé au Sénat américain peu de temps auparavant,
48:09et il a donc des liens étroits avec certaines des personnes mentionnées dans ce rapport.
48:15Le sénateur Burton Wheeler le convint de mettre fin à cette enquête.
48:19En 1946 et 1947, l'Amérique voulait passer autre chose.
48:23L'idée de savoir qui était nazi et qui recevait de l'argent des nazis n'était plus d'actualité.
48:28Le public américain voulait vraiment acheter sa voiture, son réfrigérateur,
48:33envoyer ses enfants à l'école et laisser tout cela derrière lui.
48:36Et c'est exactement ce qu'ils ont fait.
48:39Malgré des preuves accablantes, le rapport de Rogge est enterré.
48:43Frustré, il en dévoile une partie au grand public.
48:47Il l'est immédiatement licencié.
48:51Cela montre les problèmes liés à l'équilibre des pouvoirs,
48:54notamment lorsque des personnes hautement placées utilisent leurs privilèges pour contrecarrer la justice.
49:01Et je pense qu'aujourd'hui nous sommes confrontés à une situation très similaire aux États-Unis,
49:06avec des personnes qui tentent délibérément de nuire au bon fonctionnement du système judiciaire,
49:11celui du processus électoral et de manière générale à celui des institutions américaines.
49:17Le fait de ne pas avoir purgé ce passé fait qu'on a retrouvé des traces jusqu'à aujourd'hui.
49:22Les mouvements fascistes aujourd'hui américains, dont certains d'ailleurs portent les mêmes noms,
49:27America First, le mouvement de Donald Trump est absolument indissociable du mouvement de l'entre-deux-guerres,
49:34s'expliquent précisément par un passé qui n'a jamais été purgé
49:38en raison de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale,
49:42en raison aussi certainement de cette liberté d'expression qui garantit aussi l'expression des pires horreurs dans ce pays.
49:53L'Amérique a choisi de ne pas regarder ce passé en face.
49:57Les conjurés, soupçonnés ou coupables d'avoir participé à différents complots pro-nazis contre les institutions,
50:04n'ont pas été inquiétés.
50:06Seules deux figures ont subi les foudres judiciaires.
50:10Fritz Kuhn, le patron du Bund, est condamné une seconde fois puis déchu de sa nationalité américaine,
50:16avant d'être expulsé vers l'Allemagne.
50:19L'agent nazi, Georges-Sylvester Viereck, a été condamné à de la prison ferme.
50:24Les élus de la nation s'en sont tous sortis indemnes.
50:29Les responsables politiques d'après-guerre ont tourné la page,
50:32préférant oublier les complicités nazies qui ont révélé les fragilités de la démocratie américaine.

Recommandations