• il y a 3 semaines
Une fusillade à Poitiers dans le quartier des Couronneries a fait trois blessés dont un très grave, âgé de 15 ans, devant un restaurant, fusillade suivie d'une rixe impliquant des dizaines de personnes. Pour en parler, le député non inscrit de cette circonscription de la Vienne, Sacha Houllié.
Regardez L'invité de Yves Calvi avec Yves Calvi du 01 novembre 2024.

Category

🗞
News
Transcription
00:00RTL Soir
00:02Yves Calvi et Agnès Bonfillon
00:04Bonsoir Sacha Houllier, vous êtes député non-inscrit de la Vienne après avoir été macroniste de la première heure.
00:08Merci de nous rejoindre dans RTL Soir.
00:10Hier, à Poitiers, vers 23h, une fusillade a fait 5 blessés dont un grave.
00:15Les faits se sont déroulés devant un restaurant du quartier populaire des Couronneries.
00:18Les victimes sont des adolescents, tous mineurs.
00:21Comment réagissez-vous à ce qui s'est passé et à ces faits gravissimes ?
00:26D'abord, je voudrais avoir une pensée pour les jeunes qui ont été touchés par les tirs.
00:30Quelles que soient leurs activités, personne ne mérite de tomber sous les balles.
00:34Pour les habitants du quartier qui vivent cette insécurité,
00:37et pour les forces de l'ordre qui ont maintenu l'ordre tard dans la nuit jusqu'à 2h du matin alors qu'il n'était que 30,
00:43et qu'on a compté une rixe qui aurait réuni jusqu'à 40 à 60 personnes qui se sont battues par la suite,
00:50ce qui a nécessité beaucoup de courage aux forces de l'ordre.
00:53Après, les Couronneries, c'est un quartier populaire de Poitiers que les gens ne connaissent pas forcément,
00:56parce que c'est un quartier réputé assez calme au fond.
01:00C'est 6 000 habitants, c'est un quartier parmi les plus pauvres de France,
01:04les 50 quartiers populaires les plus pauvres de France.
01:07La situation s'y est dégradée, comme dans beaucoup d'autres villes,
01:11à l'aune du trafic de stupéfiants qui, malheureusement, est florissant sinon en explosion dans notre pays.
01:17Effectivement, ça appelle des réponses dont certaines ont été mises en œuvre,
01:20et dont d'autres pourraient être déployées de façon plus rapide encore.
01:25On l'est frappé de voir et de rappeler, vous venez de le faire,
01:28que le quartier des Couronneries est classé prioritaire de la politique de la ville,
01:31que des renforts de forces mobiles sont en train d'y être déployés au moment où nous parlons,
01:34et on est surtout frappé aussi de voir ce narcotrafic investir des villes petites ou moyennes comme Poitiers.
01:40Nous n'en avions pas conscience et vous savez que ça existe,
01:44ou vous avez vu un système se mettre en place, des réseaux s'installer,
01:48vous, le député de la région ?
01:50En fait, ça fait 3 ou 4 ans que, même en tant que président de la Commission des lois,
01:54on voyait se déployer dans toutes les villes de taille moyenne,
01:57et même dans les cantagnes, le développement de trafic de stupéfiants et de drogues de synthèse,
02:02c'est-à-dire de la cocaïne, de l'héroïne, l'AMDMA, tout ce type de consommation,
02:06parce qu'il y a des consommateurs, ce qui est un vrai problème,
02:09et ça nous a conduit à faire plusieurs choses, d'abord à recruter davantage de policiers et de gendarmes,
02:13et donc ça c'était les déploiements,
02:15ensuite les opérations de pilonnage des points de villes qu'on appelait soit places nettes,
02:19soit les opérations faites par les CRS à Marseille,
02:23et puis la mise en place, ça c'était en 2022,
02:26de l'amende forfaitaire d'électuel qui vise le consommateur.
02:29On met une amende au consommateur et surtout on inscrit cette amende à son casier judiciaire
02:33pour le faire connaître et pour lui causer des tracas,
02:36parce que la consommation de stupéfiants c'est pas un acte anodin, c'est pas un acte banal.
02:39Ça c'est ce qui a été fait.
02:41Aujourd'hui Poitiers, Irenne, Nîmes, Marseille,
02:45les semaines passent et les faits de ce genre se répandent,
02:47la situation est-elle hors de contrôle aujourd'hui dans certaines villes de France,
02:51faute de l'aide dans tout le pays ?
02:53Il faut se garder de ce genre de propos qui laisseraient croire que l'État est impuissant,
02:58que l'État est aujourd'hui challengé,
03:01ou en tout cas vraiment perturbé par ce déploiement de trafic de stupéfiants, c'est vrai.
03:05Qu'il faille s'en prendre au consommateur pour targuer la source, c'est vrai aussi.
03:09Et qu'on puisse faire encore plus, c'est vrai encore,
03:12parce qu'avec Éric Dupond-Moretti lorsqu'il était garde des Sceaux,
03:15on avait préparé des textes qui permettaient un peu de briser le merta,
03:18c'était le statut des repentis,
03:20un statut de repenti comme on le connaît en Italie pour que les gens parlent,
03:23et puis avec des textes qui organisent mieux les juridictions
03:26pour que ce soit traité plus vite et de façon plus cohérente en France.
03:30Vous avez des juridictions qui sont interrégionales aujourd'hui,
03:33qui fonctionnent tant bien que mal parce qu'elles avaient des moyens qui étaient limités
03:36et qui devaient être accrus avec la loi de programmation votée en 2023.
03:39L'idée proposée par Éric Dupond-Moretti et moi-même,
03:43c'était de dire qu'on a un parquet national,
03:46comme ce qu'on a d'ailleurs en matière financière ou antiterroriste,
03:49et ce qui a produit des résultats, puisque sur l'antiterrorisme, on a des résultats,
03:52sur les affaires financières, on a des résultats également,
03:55et donc de mieux organiser toutes les filières.
03:57Vous nous dites, pardonnez-moi, le trafic de drogue doit avoir sa police spécifique, c'est ça ?
04:01Sa police et sa justice spécifique, quelque part dans un parquet unifié,
04:05dans des juridictions spécialisées.
04:07Mais il faudra aussi des moyens, parce que si vous voulez,
04:09moi je regarde aussi le budget de la Nation en ce moment même,
04:12puisqu'il est examiné au Parlement.
04:14Quand je constate qu'il y a moins 8% pour la police judiciaire de crédit qui sont engagés,
04:18quand je constate qu'on devait embaucher des policiers et des gendarmes
04:21et qu'on ne le fait plus, à la lumière du projet présenté par le gouvernement,
04:24ou encore qu'il y avait 500 millions d'euros de moins,
04:27c'est-à-dire non plus 1900 magistrats et greffiers recrutés,
04:31mais 600 pour l'année prochaine,
04:33bien loin des lois de programmation qu'on a votées il y a tout juste un an.
04:36Je m'interroge aussi sur la volonté de l'État.
04:38Est-ce que je dois vous rappeler le déficit du pays, qui est une catastrophe ?
04:41Mais dans ces cas-là, il ne fallait pas nous proposer des lois de programmation
04:45qu'on a votées bien volontiers.
04:47Et puis pour ce qui concerne les ressources,
04:49moi j'en ai proposé avec des collègues du collectif social-démocrate à différents égards,
04:53et pas seulement pour le PLF de cette année,
04:55pour celui des années précédentes.
04:57Le ministre de l'Intérieur estime que ce nouveau drame est, je cite,
05:00un point de bascule et il redoute la mexicanisation du pays.
05:03Il évoque d'ailleurs des narco-racailles.
05:05Enfin voilà, tous ces termes, est-ce qu'ils sont utiles au débat
05:08et à la compréhension de la situation ?
05:10Si vous voulez, moi je pense que la situation est suffisamment grave
05:14pour qu'on mérite d'envenimer encore des choses.
05:16Est-ce qu'il y a du trafic de soupéfiants qui aujourd'hui gangrènent
05:19des quartiers populaires et des campagnes ?
05:21Et c'est important de le rappeler, oui.
05:22Est-ce que c'est une France qui est sans coup réglé ? Non.
05:25Est-ce que les habitants qui, par contre, le vivent, souffrent ? Oui.
05:28Et donc est-ce qu'il faut trouver des solutions qui soient loin de la politique spectacle
05:32et des grands mots ? De toute évidence.
05:34Et c'est aussi pour ça que moi j'ai souhaité ce soir,
05:37en parlant de ce drame qui est intervenu immédiatement dans ma ville,
05:42vous dresser aussi des perspectives sur ce qui pourrait permettre de l'endiguer demain
05:46en prenant des propositions assez concrètes sur cela.
05:48Mais justement, la question de la dépénalisation du cannabis
05:51se pose-t-elle dans un contexte pareil ?
05:53Si ça avait pour effet miraculeux d'arrêter tous les trafics,
05:57on l'aurait déjà pris.
05:59Après, il y a des voisins aussi qui l'ont adopté.
06:03C'est le cas de l'Allemagne.
06:04Le problème, c'est que ce dont on parle aujourd'hui,
06:07ce sont des trafics de subvention de drogue de synthèse,
06:09c'est-à-dire de la cocaïne, de l'héroïne, de l'MDA.
06:12Enfin, comme je vous le disais tout à l'heure,
06:14on n'est plus sur du cannabis, si vous me permettez l'expression,
06:18un peu trivial, à la papa.
06:20On est sur des trafics qui sont beaucoup plus importants et beaucoup plus dangereux
06:25et qui, d'ailleurs, utilisent parfois nos outre-mer
06:28comme plateforme logistique, qu'il s'agisse des Antilles ou de la Guyane.
06:32Sacha Houllier, en la matière, est-ce qu'on a tout essayé ?
06:35Et surtout, est-ce qu'on ose parler des consommateurs ?
06:37Parce qu'on s'inquiète en permanence du trafic de drogue,
06:40mais on ne parle jamais de ceux qui consomment ces drogues.
06:42C'est ce que je vous disais sur les amendes profondes interdélectuelles
06:45qui commencent à être mises en œuvre et qui pourraient peut-être être simplifiées,
06:48parce qu'elles demandent aujourd'hui une reconnaissance de culpabilité des consommateurs.
06:52Et ensuite, pour ce qui concerne les consommateurs,
06:54il y a des politiques publiques qui devraient être conduites
06:57pour qu'on sensibilise davantage à ce que ça veut dire consommer du stupéfiant.
07:01Il ne suffit pas de dire qu'un joint a le goût du sang pour que les gens le comprennent.
07:04Il faudrait montrer, finalement, la vie de tous les gens qui, en Guyane, sont détruits,
07:09les forêts qui sont polluées pour produire cette drogue de synthèse,
07:13toutes les personnes qui sont exploitées ou esclavagisées
07:15à qui on retire des papiers d'identité pour aller aider ou faire le chouf dans les quartiers.
07:20Et ça, si on le donnait à avoir, je pense que ça culpabiliserait un peu plus
07:23ceux qui pensent que l'usage de drogue est récréatif.
07:26Une toute dernière question.
07:27Connaissez-vous des pays démocratiques, je dis bien démocratiques,
07:30qui ont réussi à lutter efficacement contre le trafic de drogue ?
07:34D'abord, vous avez raison de pointer le fait que c'est un problème
07:38auquel toutes les démocraties occidentales sont confrontées,
07:41qui peut être aussi lié au problème de santé mentale,
07:45en tout cas de mal-être que vivent nos concitoyens depuis le Covid.
07:48Et donc, effectivement, la question qui se pose,
07:50est-ce qu'il faut une dictature pour réguler le trafic de drogue ?
07:52Moi, je ne pense pas.
07:54Et s'il faut suivre l'exemple du Salvador,
07:56je pense que ce n'est pas une bonne voie à adopter
07:58où on a incarcéré des milliers et des milliers et des milliers de personnes
08:02dans des prisons qui sont aujourd'hui des véritables camps.
08:08Donc ça, ce n'est pas non plus ce vers quoi je pense qu'il faut se tourner.
08:11Merci beaucoup de cet éclairage, Sacha Houllier, député de la Vienne,
08:14désormais non inscrite.
08:16Dans un instant, le journal de 18h30,
08:18puis direction les Etats-Unis où la course à la Maison-Blanche touche à sa fin.
08:21L'une des clés du scrutin, c'est le vote des afro-américains,
08:24une communauté de plus en plus tentée par le vote Trump.

Recommandations