Anne Fulda reçoit Blanche de Richemont pour son livre «La fille du désert. Une vie avec Isabelle Eberhardt» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bienvenue à L'Heure des Livres, Gabrielle Alperne.
00:02Merci, bonjour.
00:03Bonjour, vous êtes philosophe, vous avez déjà écrit quelques livres,
00:07mais vous avez l'originalité d'avoir aussi co-dirigé un incubateur de start-up,
00:11conseiller des entreprises et des institutions publiques.
00:13Alors, votre dernier livre s'appelle Créer des ponts entre les mondes, justement.
00:17Une philosophe sur le terrain, un essai stimulant qui est paru chez Fayard
00:22et qui invite à penser en faisant un pas de côté.
00:25Alors, ce livre, ce sous-titre, justement, Une philosophe sur le terrain,
00:29c'est votre spécificité, vous la revendiquez.
00:31Pourquoi ? D'où ça vient, ce désir d'être sur le terrain ?
00:35Oui, ce livre est d'abord, effectivement, un plaidoyer d'une philosophie,
00:38en tout cas pour les philosophes qui sortent de leur monde bien confortable des idées
00:42et qui viennent se confronter à la réalité.
00:44Moi, en quelques mots, quand je suis arrivée à l'école normale supérieure en 2008,
00:47c'était la crise financière et tout le monde autour de moi me disait
00:49« La philosophie, ça ne sert à rien, le monde s'écroule. »
00:52Et c'était une phrase qui m'énervait beaucoup et en même temps, je me disais
00:54« Si les gens pensent ça des philosophes, c'est peut-être parce que les philosophes ont déçu,
00:58ils n'ont pas été là comme on avait besoin d'eux quand on aurait eu besoin d'eux. »
01:01Et puis surtout, ils parlent d'une manière incompréhensible
01:04et puis ils ne s'intéressent pas toujours à la réalité.
01:06Et donc, je me suis dit « Bon, voilà, moi, en tant que philosophe,
01:08si j'ai envie d'être utile à la cité, il va falloir que je comprenne le monde de l'entreprise,
01:11que je m'intéresse aux politiques, à la cité, que je m'intéresse à l'agriculture,
01:15en tout cas à plein de sujets. »
01:16Et pour moi, être philosophe, c'est passer autant de temps à lire Anna Arendt et Montaigne
01:20que discuter avec une aide-soignante, un agriculteur, l'élu rural d'un petit village.
01:25Il y a eu cette phrase, peut-être, que ce psychanalyste vous a lancée,
01:28que vous écrivez, selon laquelle un philosophe avait peur de se confronter à la réalité.
01:34C'est ça aussi qui vous a engagé à y aller,
01:36à dire qu'un philosophe peut être utile dans la cité, finalement.
01:40Exactement, à condition qu'il s'intéresse à la réalité.
01:42Encore une fois, on nous a appris en philosophie que tout se passait
01:46comme si la réalité avait quelque chose d'un peu sale, d'un peu inintéressant.
01:50Et moi, encore une fois, j'ai voulu aller au réel.
01:53Si je pouvais, peut-être, paraphraser cette phrase de Jean Jaurès,
01:56qui disait que le courage, c'est de comprendre le réel et d'aller à l'idéal,
02:00je pense qu'au contraire, le vrai courage, c'est plutôt d'aller au réel.
02:03Et ce livre, c'est le récit de ce tour de France.
02:07Depuis plusieurs années, je fais tout un tour de France, dans tous les territoires,
02:10à la rencontre de plein de personnes, de métiers différents, de territoires différents,
02:14pour pouvoir, justement, discuter avec eux et construire avec eux,
02:17peut-être, une autre vision et une autre France possible, si j'ose dire.
02:20Alors, votre ambition, c'est de mettre en pratique,
02:22justement, avec des acteurs de terrain que vous avez rencontrés,
02:26votre concept d'hybridation, notamment en entreprise.
02:31Alors, expliquez-nous ce que ça signifie, ce concept d'hybridation.
02:34Oui, alors, ce mot, hybridation, peut sembler un peu barbare.
02:36En fait, à travers ce mot, c'est tout simplement cette idée de créer des ponts entre les mondes,
02:39le fait de mettre ensemble des métiers, des secteurs,
02:42des choses qu'on n'avait pas forcément l'habitude de trouver ensemble,
02:44mais qui, justement, ensemble, permettent de créer des choses nouvelles.
02:48Par exemple, on adore distinguer les métiers manuels et les métiers intellectuels,
02:52je trouve que c'est terrible, et surtout, justement, pour le monde économique,
02:55c'est quelque chose qui peut être particulièrement ennuyeux,
02:58enfin, en tout cas, poser un certain nombre de problèmes.
03:01Donc, justement, j'interviens dans un certain nombre d'entreprises
03:03et j'accompagne des entreprises, se dire, effectivement,
03:06et si l'on réunissait des secteurs, le monde sanitaire, le monde de l'automobile,
03:09tel monde et tel autre monde, de manière, justement, à se dire,
03:13il y a peut-être d'autres innovations possibles.
03:15L'innovation, ce n'est pas juste le numérique,
03:17il y a plein de manières d'innover possibles.
03:19Oui, alors, cette manière de faire en sorte que des univers qui n'ont rien à voir se frottent,
03:23c'est aussi, peut-être, une façon de répondre à ce que Jérôme Fourquet a appelé
03:27l'archipel français, quoi,
03:29cette sectorisation qui est favorisée par les réseaux sociaux, d'ailleurs.
03:34Exactement, disons que Jérôme Fourquet fait ce constat de l'archipélisation,
03:38et bien, moi, effectivement, oui, elle existe,
03:41mais moi, j'ai voulu, à travers ce petit tour de France que je raconte dans mon livre,
03:44montrer qu'il y a plein de petits signaux faibles
03:46en montrant qu'il y a des tentatives, des initiatives, des projets d'hybridation
03:49où là, pour le coup, oui, bien sûr, ce n'est pas facile,
03:51il y a des divisions, mais comment est-ce que...
03:53Le sujet, ce n'est pas les jeunes et les seniors, c'est l'intergénérationnel.
03:56La question, ce n'est pas le cœur de ville et la ruralité,
03:58c'est comment est-ce que l'on réconcilie ces mondes,
04:00et j'ai voulu faire la preuve par le terrain,
04:02en montrant que ça existe, voilà.
04:04Et comment est-ce qu'on transforme ces petits signaux faibles en signaux forts ?
04:07Alors, vous citez, par exemple, le rôle important du commercial d'une entreprise,
04:11vous dites que c'est comme un passeur.
04:13Oui, parce que, effectivement, c'est un exemple parmi d'autres.
04:17Effectivement, le commercial a à la fois un pied dedans et un pied dehors.
04:20Et justement, au jour où, en tout cas à l'heure où,
04:24la relation avec les clients, les usagers, les bénéficiaires
04:27doit être complètement réinventée,
04:29puisqu'ils veulent être finalement bien plus impliqués
04:32dans les processus de décision,
04:34là, le commercial, que l'on maltraite toujours en disant
04:37« le commercial, c'est le vendeur de tapis »,
04:39non, le commercial, c'est aussi la relation à l'autre.
04:41D'ailleurs, quand on disait avoir un commerce épistolaire avec quelqu'un,
04:45c'était avoir une relation épistolaire avec quelqu'un.
04:47Donc, cette question de la relation, c'est le commercial qui l'apporte.
04:50Oui, et le mot « commerce » a une acception noble.
04:53Exactement, tout à fait, ne pas l'oublier.
04:55En tout cas, c'est à lire, c'est vrai que c'est intéressant,
04:58c'est rafraîchissant comme essai, ça nous fait penser un peu différemment.
05:02Ça s'appelle donc « Créer des ponts entre les mondes »,
05:04c'est paru chez Fayard.
05:05Merci beaucoup, Gabrielle Halpern.
05:07Merci pour votre invitation.