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Anne Fulda reçoit Jean-Michel Blanquer pour son livre «La Citadelle» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Jean-Michel Blanquer.
00:02Merci.
00:03On vous connaît, vous êtes professeur agrégé de droit public à Paris 2,
00:07vous avez surtout été ministre de l'Education nationale entre 2017 et 2022
00:12et vous y avez rempli un record de longévité depuis le début de la Vème République.
00:18Et vous venez de publier La Citadelle chez Albain Michel
00:21et c'est un livre passionnant parce qu'à plusieurs égards,
00:24il raconte la Macronie vue de l'intérieur avec des portraits parfois au scalpel,
00:29avec des notes plus personnelles sur votre frère, sur vos parents.
00:33Mais aussi, il donne une analyse de la difficulté à réformer en France.
00:38Mais surtout, le sentiment qui ressort,
00:41on a l'impression que c'est le livre d'une désillusion sur un homme, Emmanuel Macron,
00:45et sur la politique qu'il mène finalement.
00:49La désillusion n'est pas la seule dimension.
00:51Il y a aussi, au fond, le livre étant beaucoup bâti chronologiquement,
00:57permet de voir d'abord tout ce qui a pu être accompli dans l'élan de 2017,
01:01auquel j'ai beaucoup cru et auquel je crois encore.
01:03C'est-à-dire ce moment où il y a le dépassement des clivages
01:05et où on est en situation de réformer à grande vitesse, si je puis dire,
01:09et notamment avec la priorité que j'avais sur l'école primaire et les savoirs fondamentaux.
01:14Et puis toute une série de réformes dont je parle dans le livre.
01:17Et puis, bien sûr, nous avons eu à traverser des crises très importantes
01:21comme celle des Gilets jaunes et la crise Covid.
01:23Et après, tout ça ne provoque aucune désillusion.
01:26Au contraire, ça provoque de la combativité.
01:28Par contre, la cinquième année a été beaucoup plus difficile
01:31parce que c'est le moment où la confiance avec le président de la République n'existe plus en réalité.
01:36Et donc, à ce moment-là, j'ai eu à subir des campagnes assez dures.
01:40Et donc, c'était effectivement une forme de désillusion, si vous voulez.
01:45On a surtout le sentiment, quand même, à vous lire, qu'il y a quelque chose d'irrationnel.
01:49C'est-à-dire que vous avez eu confiance dans ce président, porteur d'espoir.
01:54Lui aussi a eu confiance en vous et vous a épaulé pendant quatre années
01:57pour mener à bien les réformes que vous estimez nécessaires pour l'éducation.
02:01Et puis, la dernière année, il vous a lâché, en fait.
02:04Il vous a lâché en race campagne, quitte à aller à l'encontre de ce qu'il prenait.
02:09Oui, c'est ça qui est un peu irrationnel.
02:11C'est que ce bilan, c'était le sien.
02:13Il était très bon. J'en suis très fier.
02:15Et je l'expose dans le livre.
02:17Je fais aussi justice d'une série de polémiques qui a pu exister,
02:19notamment autour du baccalauréat, qui est une réforme modernisatrice,
02:23y compris sur les mathématiques et les sciences,
02:25mais qui réclame des explications, justement.
02:27Le problème, c'est qu'on est dans une vie politique du slogan.
02:31Quelqu'un dit quelque chose en une phrase.
02:33Ça détruit des choses qui nécessitent des explications plus longues.
02:37Et justement, le président de la République est un peu celui qui doit vous aider
02:42dans ces moments-là, puisque vous êtes dans son équipe.
02:44Et c'est finalement ça qui a manqué dans les derniers temps.
02:47À son détriment, puisque dans la campagne de 2022,
02:51on aurait pu, au contraire, montrer ce bilan,
02:53montrer qu'un sillon était en route pour le redressement de l'école française
02:57et que le deuxième quinquennat serait l'occasion de prolonger cela.
03:01Ça aurait pu être avec un ministre nommé cinq ans.
03:03C'était ça, le plan, si vous voulez.
03:05Et au lieu de cela, il y a eu une sorte de zigzag.
03:07La nomination de Papendia est apparue comme un symbole
03:11d'un changement de cap à l'éducation nationale.
03:14Vous savez, par exemple, quand j'étais ministre,
03:16la baïa était interdite, comme tous les signes ostentatoires à l'école.
03:20Donc après, il y a eu le zigzag Papendia et Attal,
03:24mais qui, de toutes les façons, s'est accompagné d'autres zigzags.
03:27Bref, on a brouillé un message qui, pourtant, était clair
03:34et pouvait parfaitement réunir les Français autour du renouveau de l'école.
03:38Donc c'est un peu dommage.
03:40– Vous semblez avoir du mal, enfin vous n'êtes pas le seul,
03:42à le comprendre parfois, ce président.
03:43À un moment, vous parlez de lui presque comme d'un extraterrestre.
03:46Et puis il y a cette dissolution, vous parlez d'une dissolution
03:49à l'inspiration irrationnelle, au tempo hasardeux et aux conséquences graves.
03:53Ce qui a été comme un révélateur, vous dites,
03:55l'acmé d'une vision bien trop personnelle de l'usage des pouvoirs présidentiels.
03:58Est-ce que ce n'est pas là le vrai point d'achoppement,
04:01la vraie difficulté, est-ce qu'il n'est pas là ?
04:03– Le livre est un peu une réflexion aussi sur la question du pouvoir,
04:07au-delà d'Emmanuel Macron et même au-delà de la Ve République.
04:10C'est-à-dire que tout pouvoir, quel qu'il soit,
04:12y compris le pouvoir que j'exerçais, peut vous amener à vous enfermer
04:15dans une citadelle, peut vous amener à vous recroqueviller sur un petit cercle,
04:19à penser que vous avez toujours raison et que les autres ont tort, etc.
04:22Et certainement moi-même et toute personne qui exerce un pouvoir peut succomber à ça.
04:27Donc on doit avoir une discipline intérieure, la citadelle intérieure,
04:30qui permette d'aller à l'encontre de cette tendance.
04:33Il est vrai que la Ve République, et moi je suis un fervent défenseur
04:36des institutions de la Ve, parce que je pense qu'on a besoin d'un président fort,
04:39mais les institutions de la Ve permettent à un président
04:43d'éventuellement aller assez loin dans cette dimension.
04:46Et il doit y avoir donc une autodiscipline présidentielle pour,
04:49par exemple, ne pas utiliser la dissolution pour faire un coup politique,
04:53mais ne l'utiliser que dans un certain nombre de crises
04:56dont les catégories sont bien identifiées par le droit constitutionnel.
05:01– Et il y a un sujet, ce sera ma dernière question, que vous évoquez aussi,
05:04c'est qu'on vous parlait tout à l'heure de temps en temps les médias,
05:07les réseaux sociaux qui se focalisent sur une phrase.
05:09Vous, on vous a reproché une phrase,
05:11« le voile n'est pas souhaitable », une phrase qui a été sortie de ce contexte,
05:14mais que vous avez assumée, que vous avez prononcée,
05:16et traité de laïca.
05:18Et on avait l'impression que sur ce sujet de la laïcité,
05:22le président a évolué aussi.
05:24– Oui, il y a eu plusieurs évolutions.
05:26J'ai évidemment tenu cette ligne républicaine qui porte sur la laïcité,
05:30qui porte aussi sur l'unité de la République.
05:32C'est sur ce sujet de l'unité de la République
05:34qu'il y a pu y avoir des dissensions importantes aussi.
05:37Et la majorité n'était pas homogène sur cette question.
05:40Et le président n'était finalement lui-même pas très homogène avec lui-même.
05:44Et la question a connu des évolutions au cours du quinquennat.
05:49Il y a à mon avis un moment clé, important,
05:52qui est le discours des Mureaux de 2020,
05:54où justement le président a un discours très clair, très net.
05:58Et à mes yeux, c'était justement la maturité de sa position.
06:02Et elle aurait dû être tenue jusqu'à aujourd'hui et au-delà,
06:07parce que les Français attendent une autorité de l'État
06:11et qu'elle doit être affichée sans…
06:13Dès qu'il y a une petite entaille à ça,
06:15dès qu'il y a un petit doute sur ça,
06:17c'est la crédibilité d'ensemble qui est atteinte.
06:19Donc ça aurait été assez simple à mes yeux
06:22de maintenir ce que j'appelle la ligne des Mureaux
06:24et qui aurait à mon avis assuré d'ailleurs même
06:27une majorité absolue au président en 2022.
06:30– Oui, bon, tel n'a pas été son choix.
06:32En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
06:35Ce livre, c'est bien écrit, il y a des jolis portraits,
06:39puis une analyse du pouvoir et de la difficulté
06:42parfois de mettre en œuvre des réformes.
06:44Ça s'appelle donc « La Citadelle », c'est par le chef Albain Michel.
06:47Merci beaucoup Jean-Michel Blanquer.
06:48– Merci Anne Fulda.

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