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Anne Fulda reçoit Hélène Risser pour son livre «Après Arthaud» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Hélène Risser.
00:03Merci.
00:04Vous êtes journaliste, vous avez écrit plusieurs livres, vous avez travaillé sur des documentaires,
00:10également participé à des émissions, présenté des émissions de télévision.
00:12Là, vous venez de publier Après Artaud, un livre qui est paru aux éditions de l'Observatoire
00:17et un livre que vous auriez très certainement préféré ne pas avoir à écrire.
00:22Artaud, c'était le nom de votre fils,
00:26votre fils que vous avez retrouvé mort dans votre appartement familial il y a deux ans.
00:30Il avait 21 ans, donc c'est un drame qui n'est pas programmé dans l'ordre naturel des choses,
00:35comme on dit très souvent.
00:37Vous écrivez, un cerveau maternel n'est pas programmé pour penser la survie d'une mère à son enfant.
00:43Alors, face à ce drame, vous êtes inspirée, entre guillemets,
00:51vous appuyez sur l'expérience d'une amie d'amie qui avait vécu la même chose.
00:57Est-ce que ça suffit ? Est-ce qu'on n'est pas de toute façon totalement désorientés, cassés ?
01:03C'est ce que vous décrivez, d'ailleurs.
01:05Si, bien sûr. C'est vrai que j'ai essayé de mettre des mots.
01:09Le livre m'a aussi servi à mettre des mots, ne serait-ce que pour partager,
01:13et puis moi-même comprendre, parce qu'on est traversé par des choses tellement terribles.
01:18Mais vous faites référence à cette amie d'amie.
01:21Deux jours après le décès de mon fils, je suis littéralement effondrée, couchée par terre, anéantie.
01:30En état de sidération.
01:32Oui, c'est vraiment encore l'état de choc, et je me demande comment je vais survivre à ça,
01:37parce que c'est vraiment une question de survie qui se pose à moi.
01:39Je me souviens de cette amie d'amie qui a perdu sa fille cinq ans auparavant,
01:45et je me dis qu'elle est encore vivante.
01:48Comment elle a fait ?
01:50Tout simplement, c'est partie d'une question de survie.
01:52Donc j'ai appelé mon ami et je lui ai dit de demander à cette amie d'amie,
01:57qui s'appelle Isabelle, comment elle a fait pour survivre.
02:00Le lendemain, mon ami me rappelle et commence à me donner quelques prescriptions.
02:05C'est comme un remède.
02:07Et partant de là, je me suis accrochée à ce qu'elle m'a conseillé de faire,
02:12et je me suis vraiment accrochée aux gens qui avaient vécu cette épreuve avant moi,
02:19pour essayer de m'inspirer d'eux,
02:21et de trouver mes propres remèdes pour survivre dans les premiers temps,
02:26et pour essayer de vivre avec ça.
02:28La première prescription, c'était de noircir un cahier.
02:31C'est quelque chose que vous auriez fait naturellement, étant donné votre métier ?
02:35Alors, noircir un cahier, ce n'est pas la prescription de l'ami d'ami,
02:39mais c'est effectivement ma propre prescription.
02:44Je commence par ça, puisque j'ai écrit un livre,
02:48et c'est vrai que ce n'est pas forcément évident pour tout le monde d'écrire un livre dans cette situation.
02:53Je pense que souvent les gens en deuil, et je l'ai remarqué,
02:56souvent écrivent, et on conseille d'écrire pour mettre des mots sur la douleur.
03:00Souvent, c'est sur un cahier, qu'on va mettre dans un coin.
03:05Beaucoup le font aussi sur les réseaux sociaux familiaux, pour partager des choses.
03:09Moi, en tant que journaliste, habituée à mener des enquêtes,
03:13je me suis dit que le besoin que j'ai ressenti, c'est de mener cette enquête intime,
03:17et donc, pas d'écrire pour moi, mais d'écrire pour les autres.
03:21Et ça, ça a tout de suite été très clair.
03:24Enfin, il y a quelques semaines où j'ai écrit pour moi,
03:26et après je me suis dit, non, c'est pour les autres que je vais écrire.
03:29Vous racontez aussi comment, finalement, la difficulté de placer le curseur
03:34lorsqu'on est en deuil, entre guillemets, en deuil pour l'extérieur,
03:37en deuil soi-même effondré.
03:39Notamment, il y a ce stage de théâtre que vous n'annulez pas,
03:42que vous deviez faire, que vous n'annulez pas,
03:45et il y a cette scène incroyable où on vous demande
03:49de vivre la scène d'une femme, d'une mère qui a perdu son enfant.
03:54Et à la fin, on nous dit, mais c'est surjoué.
03:57Oui, effectivement, on me demande de jouer une scène,
04:00et je surjoue ce rôle.
04:02Mais en fait, ce qui est incroyable, c'est que c'est quelques semaines
04:05après le décès de mon fils, et je n'arrive pas à en parler.
04:09Et c'est pour ça que je pense que la question de mettre des mots,
04:11elle est très importante, parce qu'aujourd'hui,
04:14le deuil, c'est quelque chose qui est souvent très tabou dans notre société.
04:17Alors, le deuil d'un enfant, évidemment, c'est très rare,
04:19mais le deuil en général, et donc je pense qu'on a encore plus de mal
04:23qu'à une époque où c'était plus répandu, à partager ça.
04:26Et donc, souvent, on se dit, je vais tenir.
04:28Et moi, je fais ce stage de théâtre parce que je me dis,
04:30c'est une recette, finalement, qui va m'aider, je vais endosser un rôle,
04:34je vais jouer avec mes émotions.
04:36Bon, c'est peut-être idiot, mais bon, voilà,
04:38je me dis que je vais réussir à le faire,
04:40et puis finalement, ça se passe très mal.
04:42Mais ça me montre aussi à quel point je suis fragile,
04:45et puis deux, à quel point je n'arrive pas à dire les choses,
04:50à partager cette émotion, à quel point c'est difficile.
04:53Et ça, je pense que c'est un énorme problème auquel se heurtent les autres,
04:58les proches de personnes endeuillées, c'est comment on parle de ça,
05:01et les personnes endeuillées elles-mêmes,
05:03surtout face à des deuils aussi tragiques.
05:05Et c'est pour ça, je pense qu'il est très important de mettre des mots là-dessus.
05:09Vous le faites très bien.
05:11Bon, on n'a pas le temps, mais vous racontez,
05:13comment on annonce la nouvelle aux proches, aux amis, à la famille.
05:17On organise les funérailles, et puis on vit avec,
05:20et on survit notamment pour ceux qui survivent à côté,
05:25et notamment votre fille.
05:27Oui.
05:28Voilà, donc c'est très bien écrit, je vous conseille de le lire.
05:31Ça s'appelle « Après Artaud », c'est publié aux éditions de l'Observatoire.
05:34Merci beaucoup Hélène Risser.
05:35Merci.
05:36Merci Anne Vidal.

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