Céline Géraud, accompagnée de la rédaction d’Europe 1, propose chaque midi un point complet sur l’actualité suivi de débats entre invités et auditeurs.
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00:0013h-14h, Europe 1-13h. 13h33 sur Europe 1, la suite d'Europe 1-13h, c'est l'île de Girod.
00:06On vous retrouve avec vos deux chroniqueurs du jour.
00:08Le journaliste politique au journal du dimanche, Jules Deres,
00:10et l'écrivain et philosophe, Nathan Devers.
00:12Et on se pose cette question,
00:14pourquoi Trump a gagné ? Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas vu venir ?
00:17L'Amérique a donc choisi son 47ème président.
00:20Il a renversé la table, il a tué le game, on peut le dire.
00:23Échec cuisant pour Kamala Harris.
00:25Et on va l'écouter justement, Donald Trump.
00:27Il a pris la parole ce matin, depuis son QG à Palm Beach.
00:31Nous n'avons jamais vu une telle victoire.
00:34Je veux remercier le peuple américain
00:37pour l'honneur qu'ils m'ont donné
00:40d'être élu le 47ème et le 45ème président.
00:47Cette victoire est magnifique.
00:51Elle est pour le peuple américain,
00:53elle va nous permettre de rendre sa grandeur à l'Amérique.
01:00Voilà, Donald Trump au petit matin,
01:02un raz-de-marée républicain.
01:04La victoire de l'Amérique profonde,
01:06Jules Deres, la révolte contre les élites.
01:08C'est la grande revanche des rednecks,
01:12de l'américain moyen, finalement.
01:14Donald Trump, dès le début,
01:16il a dit qu'il ferait campagne pour eux,
01:19America First.
01:21Avec le même slogan qu'il y a 4 ans,
01:23Make America Great Again.
01:25Et surtout, America First.
01:27Non pas l'Amérique en première,
01:29mais les américains en premier.
01:31Je pense que c'est surtout sur ça,
01:33au-delà de l'aspect génie de campagne.
01:36Il a fait une campagne incroyable,
01:38qui, à mon avis, ne correspond pas au standard français.
01:41C'est une brutalité et une vulgarité.
01:43Une brutalité, une violence,
01:45un populisme qu'on n'a jamais vu en France,
01:48mais qui, force est de constater,
01:50plaît aux américains.
01:52Et surtout, Donald Trump,
01:54au-delà de ça, il a fait une campagne sur le fond.
01:56C'est-à-dire qu'il a dit qu'il romperait
01:59avec la politique inflationniste.
02:01Visiblement, les américains lui ont fait confiance
02:03sur cette question-là.
02:05Après le sujet migratoire à bras-le-corps,
02:07Kamala Harris, mine de rien,
02:09a fait campagne sur sa propre personne.
02:11Son programme, c'était, mine de rien,
02:13je serai sans doute la première femme,
02:15je serai sans doute la première femme noire
02:17à être présidente de la République.
02:19Malheureusement, je ne suis pas sûr que ça fasse un programme.
02:21Visiblement, les américains non plus.
02:23Et surtout, là où Trump a performé,
02:25c'est chez l'électorat latino.
02:27Oui, c'est ça. C'est un nouvel électorat.
02:29On l'a qualifié.
02:31Certains médias, que ce soit
02:33Outre-Atlantique ou en France,
02:35nous ont dit pendant des semaines et des semaines
02:37qu'il était fasciste, que les femmes ne voteraient pas pour lui.
02:39On voit bien qu'il performe plutôt chez les femmes
02:41plus que dans les sondages.
02:43Il performe chez les minorités où il gagne des points.
02:45Donc voilà, ce n'est pas du tout.
02:47Et surtout, il y a quand même une petite dédicace
02:49à notre ancien président de la République, François Hollande,
02:51qui nous a dit que l'économie mondiale allait être chahutée
02:53si Donald Trump était réélu.
02:55On a toutes les bourses
02:57qui flambent.
02:59Tout le dollar, c'est exceptionnel.
03:01Le bitcoin a gagné.
03:03À 75 000 dollars.
03:05Au final, c'est une
03:07grande surprise que la marée
03:09soit aussi rouge.
03:11La clé du succès, selon vous.
03:13Il y en a plusieurs.
03:15D'abord, il faut dire que d'un point de vue stratégique, politique,
03:17c'est un succès qui est un
03:19exploit quasiment sans précédent
03:21dans la vie politique américaine.
03:23Ça ne s'était pas produit depuis plus d'un siècle.
03:25Un ancien président qui est réélu.
03:27Mais au XIXe siècle, à l'époque où c'était arrivé,
03:29les élections n'étaient pas
03:31du tout structurées de la même manière.
03:33Et rappelez-vous quand même,
03:35janvier 2021,
03:37juste après le Capitole,
03:39qui aurait parié un dollar
03:41sur le fait que Donald Trump n'était pas mort,
03:43qu'il allait revenir, qu'il allait se venger,
03:45qu'il allait être réélu. C'est hallucinant.
03:47Je pense qu'il y a deux facteurs.
03:49Il y en a plein, mais j'aimerais en dire deux.
03:51Le premier, c'est que Donald Trump est quelqu'un,
03:53on le voit depuis sa première élection,
03:55les primaires des Républicains en 2015-2016,
03:57c'est quelqu'un qui survit à tout.
03:59Il est quoi ? Insubmersible ?
04:01Insubmersible. Et il a fait
04:03tellement de choses qui auraient tué
04:05politiquement n'importe qui à sa place.
04:07Ses propos sur les femmes,
04:09la manière dont il attaquait ses rivaux
04:11à la première primaire des Républicains,
04:13sur leur physique, on ne va pas rappeler
04:15sa tentative au Capitole,
04:17etc.
04:19Et finalement, tout lui réussit, comme il avait dit
04:21dans une conférence de presse en 2016.
04:23Il avait dit, si j'allais sur la 5ème avenue,
04:25que je prenais un pistolet et que je tuais
04:27un piéton au hasard, je ne perdrais pas un point
04:29dans les sondages. Et il avait raison.
04:31Il a derrière lui des électeurs qui lui pardonnent tout.
04:33C'est très inquiétant, je pense, pour la démocratie.
04:35La deuxième clé, c'est la nullité de la gauche.
04:37La nullité des démocrates.
04:39Je veux dire, c'est quand même lunaire
04:41Kamala Harris, après, quand même
04:43tous les précédents. On ne peut pas dire que maintenant, on ne savait pas.
04:45Il y a eu l'échec de la campagne Hillary Clinton.
04:47Elle a refait rigoureusement la même chose.
04:49Cette manière de faire venir des stars hollywoodiennes
04:51multimillionnaires, qui viennent
04:53expliquer avec des slogans qui sont creux,
04:55qui sont d'une bêtise absolue, dont on sent
04:57que c'est écrit par des communicants, qui n'y commencent rien,
04:59qui n'en pensent pas un mot.
05:01On sait Taylor Swift, par exemple.
05:03Il y en a eu tellement. Il y en a eu plein.
05:05Ce qu'a fait Hillary Clinton, elle avait fait toute sa campagne
05:07en 2016 là-dessus.
05:08Erreur de casting, mauvaise pioche, sur toute la ligne.
05:10Bien sûr.
05:11Moi, je n'étais absolument pas...
05:13D'abord, je ne connais pas les Etats-Unis. Je n'ai aucune légitimité.
05:15Je l'avais dit les derniers jours.
05:17Je n'étais pas convaincu que Trump allait être réélu.
05:19Ça me semblait quand même énorme.
05:21Mais en tout cas, je l'avais dit depuis le début.
05:23Je trouvais que c'était une mauvaise candidate.
05:24Quelqu'un comme Michelle Obama, à sa place,
05:25aurait été, par exemple, beaucoup plus de légitimité.
05:27Elle ne voulait pas y aller.
05:28Avec un vrai parcours, avec quelque chose.
05:30C'est quand même lunaire de voir que les démocrates
05:32n'auront été capables.
05:33Ils n'ont pas tiré les leçons de l'échec.
05:35Et en fait, après Barack Obama,
05:36ils ont fait émerger qui comme figure ?
05:37Hillary Clinton.
05:38C'est-à-dire absolument pas la nouveauté.
05:40On a vu la réussite que ça a donnée.
05:42Joe Biden.
05:43Joe Biden ne gagne pas parce qu'il est Joe Biden.
05:45Il gagne par rejet de Trump.
05:47Et ensuite, Kamala Harris.
05:48C'est affligé.
05:49Alors, pourquoi ce succès a été sous-estimé aux Etats-Unis ?
05:52On peut aussi se poser la question.
05:53C'est vrai qu'on a annoncé des sondages très incertains
05:56jusqu'au bout.
05:57Une élection très serrée.
05:58On va écouter Gérard Carreiro,
05:59journaliste, éditorialiste et spécialiste des Etats-Unis.
06:02Il était l'invité de Sonia Mabrouk ce matin
06:03sur Europe 1 et C News.
06:04Et pour lui, c'est la stratégie démocrate qui a fait défaut.
06:07Je crois que le camp démocrate
06:10faut de mieux à jouer sur la stratégie de la peur.
06:14On a fait peur aux gens en leur disant
06:16attention, si par malheur Trump est élu,
06:20vous allez voir ce que vous allez voir.
06:22Et on a présenté le portrait robot, le fasciste,
06:26l'homme qui allait faire des guerres.
06:29Mais c'est faux, ça.
06:31Et le peuple américain n'est pas tombé dans ce piège.
06:33Il a quand même gouverné l'Amérique pendant 4 ans.
06:35Est-ce qu'il a déclenché une guerre, lui ?
06:38Autre éclairage très intéressant,
06:39celui de Louis Sarkozy, essayiste.
06:41Il était sur LCI ce matin.
06:42Et pour lui, le fait que les minorités
06:44ont moins voté pour Kamala Harris
06:46que pour Joe Biden il y a 4 ans,
06:47c'est une humiliation pour le camp démocrate.
06:51Imaginez la défaite symbolique de la gauche américaine.
06:54On explique à la population américaine
06:56depuis 8 ans que Donald Trump est un raciste.
06:59On met en face de lui une femme de couleur noire.
07:02Elle récolte 20% de moins du vote noir que d'habitude.
07:06Elle perd.
07:07On explique que c'est un xénophobe
07:08qui déteste les latinos.
07:10Il gagne 45% du vote latino.
07:12Ce n'est pas une défaite pour le parti démocrate.
07:14C'est une humiliation.
07:15C'est abject.
07:17Je pense que le parti démocrate,
07:18tel qu'on le connaît aujourd'hui,
07:19ne peut pas survivre à ce désastre-là.
07:22C'est vraiment la Bérésina.
07:24Jules Torres, une réaction ?
07:25C'est évidemment une Bérésina.
07:27C'est un peu ce qu'on a dit avec Nathan.
07:29On a aujourd'hui une gauche qui ressemble
07:31à notre gauche française,
07:33qui refuse d'aller sur les sujets qui y intéressent.
07:36Kamala Harris avait fait une campagne
07:38sur elle, sur son image,
07:39sur le fait qu'elle était femme et qu'elle était noire
07:41et qu'elle serait la première femme noire
07:43présidente des Etats-Unis.
07:45Mais il y a aussi une autre question,
07:46celle du droit à l'avortement,
07:48qui est quelque chose d'essentiel
07:50dans les pays occidentaux.
07:52C'est vraiment quelque chose d'important.
07:54Finalement, on voit que le tapage
07:56qu'il y a eu sur cette question-là
07:57pendant toute la campagne américaine
07:59n'a pas motivé les femmes américaines
08:02à aller voter pour Kamala Harris.
08:04Évidemment, elle fait 54 % chez les femmes.
08:06C'est beaucoup plus que Donald Trump.
08:08Mais c'est beaucoup moins qu'espérée.
08:10Elle pouvait espérer bien davantage.
08:12C'est vrai qu'il y a ce sujet-là.
08:14Sur la stratégie politique et le programme
08:16qui a été défendu,
08:18c'est une erreur
08:20sur toute la lignée de A à Z.
08:22Ce qu'évoque aussi Louis Sarkozy
08:24sur le vote communautaire latino,
08:26ça a été décisif aussi.
08:28Ça a été à clé.
08:30Le désaccord que j'aurais cependant,
08:32c'est que je ne pense pas
08:34qu'on puisse dire que les accusations
08:36de racisme qu'il pèse sur Donald Trump,
08:38ce soit de la calomnie ou de la diffamation.
08:40Donald Trump a lancé sa carrière politique
08:42en disant que Barack Obama
08:44n'était pas un président légitime,
08:46qu'il n'était pas américain,
08:48qu'il avait menti sur son acte de naissance
08:50et en lançant une polémique qui était fausse
08:52et qui était évidemment raciste.
08:54L'arrière fond de cette polémique, c'était de dire
08:56que quelqu'un qui s'appelle Barack Hussein et qui est noir
08:58n'est pas légitime pour être président.
09:00Tout le monde l'a bien sûr compris comme ça.
09:02C'était le même débat que pour Kamala Harris,
09:04qui n'est pas vraiment noire.
09:06Dire d'une femme noire qu'elle n'est pas vraiment noire,
09:08qu'elle fait semblant d'être...
09:10Vous êtes trop intelligent Nathan pour ne pas comprendre ce que voulait dire Trump.
09:12On peut reprendre toutes les phrases de Donald Trump,
09:14toute sa vision du monde.
09:16On ne va pas faire une anthologie de citations.
09:18C'est comme dire que Donald Trump est sexiste.
09:20Oui, il est sexiste. Oui, il a été condamné pour agression sexuelle.
09:22Oui, il l'a dit lui-même. Il l'a revendiqué.
09:24Pourquoi est-ce que les Noirs votent pour lui
09:26si effectivement il est raciste ?
09:28Il faut interroger deux choses.
09:30L'annualité de la gauche, on sera totalement d'accord avec vous.
09:32Je pense qu'on peut en effet dire que ça ressemble beaucoup à la gauche française.
09:34Ils auraient pu aussi s'abstenir.
09:36Bien sûr.
09:38Il y a aussi une vague de fonds, une vague populiste
09:40qui ronge nos démocraties,
09:42qui est dû en grande partie aux réseaux sociaux,
09:44qui est dû au délitement du débat,
09:46qui est dû au fait qu'en effet, Donald Trump exerce
09:48une sorte de fascination-répulsion,
09:50mais aussi de séduction.
09:52Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? C'est la faute des réseaux sociaux ?
09:54Non, c'est le signal,
09:56un, je pense, d'un empire américain
09:58qui est en train de s'effriter gentiment,
10:00qui est gentiment en train d'aller vers son déclin
10:02et ça n'a pas commencé avec Trump.
10:04Et deux, c'est le signal d'une crise profonde
10:06que traversent toutes les démocraties occidentales,
10:08notamment la nôtre.
10:10Un symptôme, quelqu'un qui raconte n'importe quoi,
10:12qui dit fake news sur fake news sur fake news,
10:14et évidemment, ça passe crème
10:16comme on dirait vulgairement et trivialement.
10:18C'est le cas aujourd'hui dans toutes les démocraties occidentales.
10:20Une élection comme ça pour vous,
10:22un duel aussi disputé, c'est le signe d'un déclin.
10:24C'est ce que vous dites.
10:26Pas forcément, mais en tout cas,
10:28je pense que le véritable enseignement
10:30de cette campagne, c'est que
10:32les Américains voulaient un personnage.
10:34On parle souvent, nous ici en France,
10:36d'incarnation,
10:38de bonapartiste, mais finalement,
10:40les Américains ont choisi un personnage.
10:42On pense ce qu'on veut de Kamala Harris,
10:44mais tout le monde...
10:46Il fait une campagne extraordinaire.
10:48La campagne, elle part quand même d'une tentative d'assassinat.
10:50Il y en a eu deux, même.
10:52Elle part quand même
10:54d'un débat où
10:56Donald Trump humilie
10:58quasiment Joe Biden et provoque
11:00son retrait. Ensuite, Kamala Harris
11:02arrive, elle fait tout ce qu'elle peut, mais malheureusement,
11:04elle manque de dynamisme face à quelqu'un
11:06qui aujourd'hui a 78 ans
11:08et qui, on a l'impression qu'il en a
11:1060. C'est-à-dire que
11:12le dernier jour de campagne, il a fait trois meetings.
11:14En France,
11:16quand on a une élection présidentielle, on fait
11:18deux, trois meetings par semaine
11:20dans les deux dernières semaines de l'élection.
11:22On continue à en parler, évidemment, de ce duel
11:24Harris-Trump, de cette élection,
11:26et pourquoi est-ce que ce duel est devenu
11:28chez nous un événement national ? Quelles conséquences
11:30pour la France, pour l'Europe ? La réaction d'Emmanuel Macron.
11:32On va en parler dans quelques instants.
11:34Vous pouvez aussi réagir au 01-80-20-39-21.
11:36Il est 13h44.
11:38Vous écoutez Céline Giraud sur Europe 1.