Une enquête européenne a dévoilé la présence d'hormones dans le régime alimentaire des bœufs au Brésil. Le Brésil s'était pourtant engagé à garantir l'exportation de bœuf sans hormones vers l'Europe. Cependant, des contrôles réalisés par des enquêteurs européens ont révélé que les systèmes de surveillance sont défaillants. Cela survient alors qu'un accord de libre-échange est sur le point d'être signé avec le Mercosur, visant à ouvrir l'Europe aux importations de volaille et de bœuf sud-américains. Jean-Luc Angot, inspecteur général de Santé publique vétérinaire au ministère de l'Agriculture, est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 12 novembre 2024.
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00:00Yves Calvi, Aude Vernuccio, RTL Soir.
00:04Il est 18h41, merci à vous tous qui nous écoutez.
00:06Bonsoir Jean-Luc Angot.
00:08Bonsoir.
00:09Merci d'être avec nous sur RTL.
00:10Vous êtes inspecteur général vétérinaire au ministère de l'Agriculture.
00:14Une grosse responsabilité qui finit dans nos assiettes, je le précise.
00:18Alors revenons avec vous sur cette découverte surprenante.
00:20Nous aurions probablement consommé du bœuf aux hormones.
00:23Sans le savoir, c'est une enquête de la Commission européenne menée au Brésil qui le révèle.
00:27Comment est-ce possible ?
00:30En fait, il s'agit d'audits qui sont effectués par la Commission européenne
00:35chez les pays exportateurs vers l'Union européenne.
00:39Et comme vous le savez, depuis 1988, dans l'Union européenne,
00:43on interdit l'utilisation des hormones comme facteur de croissance.
00:47Et on l'a imposé également à nos pays exportateurs.
00:51C'est la seule norme de production qu'on impose aux pays tiers.
00:55Et il s'est avéré qu'avec cet audit, il n'y a pas de garantie de fiabilité
01:02dans le dispositif qui a été mis en place par les Brésiliens
01:05pour éviter que la viande de bovins promenant du Brésil
01:11ait été traitée à la base d'oestrogène, enfin d'oestradiol.
01:15Des résidus d'hormones dans la viande, est-ce qu'il y a vraiment un risque ?
01:19Il peut y avoir un risque parce que ces substances hormonales
01:25ont vraisemblablement un effet cancérigène chronique.
01:29Et c'est pour ça que l'Union européenne l'avait interdite dès 1988.
01:33Et on effectue bien entendu des contrôles aux frontières.
01:37Il y a des analyses qui sont faites, mais de façon aléatoire.
01:40Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de mise en évidence
01:43de taux supérieur aux limites maximales de résidus.
01:47Mais comme je vous le dis, c'est fait de façon aléatoire.
01:50Donc dans la mesure où cette audite a mis en évidence des défaillances
01:55dans le dispositif brésilien, il serait d'une part nécessaire
01:59que les Brésiliens, bien entendu, prennent des mesures en amont.
02:02Et puis également que l'Union européenne prenne des mesures
02:05sur une augmentation des contrôles, ou un ciblage en tout cas,
02:09des contrôles pour rechercher ces résidus d'hormones.
02:11Jean-Luc Angot, pour qu'on comprenne bien, on a pu la retrouver où,
02:15cette viande chez le boucher, dans la grande distribution ?
02:18Cette viande, après, elle va dans tous les circuits de distribution.
02:23C'est plutôt essentiellement dans la restauration collective
02:29ou dans la restauration commerciale, puisque chez les bouchers,
02:32en général les bouchers se fournissent en viande française.
02:36Et d'ailleurs, ce qu'il faut bien dire aussi à nos auditeurs,
02:41c'est qu'on a des différences de production très importantes.
02:44Vous avez des exploitations de plusieurs milliers d'hectares au Brésil,
02:49avec des dizaines de milliers d'animaux,
02:51alors que pour l'élevage de poivrin, viande, français,
02:55on est autour d'une trentaine de vaches avec un pâturage à l'herbe.
03:00Donc des conditions complètement différentes.
03:02Et les hormones, ce n'est pas le seul problème,
03:04parce qu'il y a aussi l'utilisation d'antibiotiques
03:07comme facteur de croissance dans l'alimentation.
03:09Mais concrètement, dans nos assises, ça se traduit comment
03:12on la trouve cette viande dans des plats cuisinés, hachis par mentier, lasagnes ?
03:17Non, ça peut être aussi dans des morceaux de viande
03:20qui sont consommés dans les cantines ou dans les restaurants.
03:25C'est incroyable parce que, excusez-moi,
03:27les chefs, même dans les cantines,
03:30ne peuvent pas maîtriser totalement la provenance
03:34ou ils les achètent, par exemple, en sachant tout simplement
03:36que cette viande est moins chère.
03:38Vous comprenez ma question ?
03:39Oui, en fait, tout était basé sur la confiance
03:42et dans cet accord qu'il y avait avec le Brésil,
03:45avec aussi l'Amérique du Nord,
03:46parce que c'est le même cas avec le Canada et les États-Unis,
03:49où tous ces pays tiers s'engagent,
03:52avec un dispositif approprié,
03:54à ne pas utiliser d'hormones pour exporter vers l'Union européenne.
03:58Donc c'était basé sur cette confiance.
03:59Et ils signent des certificats sanitaires
04:01qui vont dans ce sens-là, si vous voulez.
04:03Donc là, l'audit de la Commission remet en question
04:06la confiance qu'on peut accorder dans ces pays.
04:08Alors le Brésil prévoit quasi officiellement
04:12d'augmenter ses contrôles.
04:13En attendant, il suspense ses exportations de bœufs vers l'Europe.
04:16Mais ils vont reprendre très vite, évidemment,
04:18et en plus grande quantité,
04:19si un accord avec l'Europe est bien signé.
04:22Est-ce qu'il y a de quoi être inquiet ?
04:24Il y a eu une commission d'évaluation
04:27de l'accord Bercosour,
04:29il y a quelques années,
04:30qui avait été demandée par le Premier ministre.
04:32J'ai été membre d'ailleurs de cette commission d'évaluation.
04:34Et on avait remis un rapport
04:36qui appelait l'attention
04:38sur un certain nombre de défaillances
04:40dans le dispositif.
04:42Et ils remettaient en question cet accord
04:44eu par Bercosour,
04:46aussi bien dans le domaine sanitaire
04:47que dans le domaine environnemental,
04:49avec tout ce qui est lié à la déforestation
04:51et aux problèmes de changement climatique
04:53qui peuvent avoir des conséquences
04:55sur les productions.
04:58Et c'est d'ailleurs aussi le cas
05:00pour les productions végétales,
05:02puisqu'ils utilisent aussi des pesticides
05:05qui sont interdits dans l'Union Européenne.
05:07Donc on n'a pas une réciprocité
05:10des normes de production
05:12entre l'Union Européenne et tous ces pays.
05:15Mais alors, est-ce que ce qui se passe en ce moment
05:18peut par exemple pousser
05:20les autres pays de l'Union Européenne
05:22à ne pas ratifier cet accord Bercosour ?
05:25J'espère bien que cette audite
05:28mettra en évidence
05:30qu'on ne peut pas faire confiance
05:32dans ce type d'organisation
05:34et qu'on espère bien
05:36qu'un certain nombre de pays
05:37se rallient à la France
05:38pour ne pas accepter cet accord UE-Bercosour.
05:43C'est dans ce sens-là
05:45que travaille notre ministre de l'Agriculture actuellement.
05:48Et cet accord est particulièrement sensible
05:50alors que les agriculteurs français
05:51s'apprêtent eux à manifester
05:53pour protéger leur production, j'imagine ?
05:55Tout à fait.
05:56C'est un problème aussi de revenus.
05:58Au-delà du problème de santé publique,
06:01il y a un problème également
06:02de distorsion de concurrence.
06:03Les hormones et les activateurs de croissance
06:06sont utilisés pour gagner plus de poids,
06:10plus d'argent rapidement.
06:11Et donc là, il y a une distorsion de concurrence
06:13par rapport à nos productions.
06:14Donc, on comprend que ça puisse poser
06:17des interrogations chez les éleveurs bovins.
06:19En plus, en France,
06:20on a une décapitalisation du cheptel
06:22très importante depuis plusieurs années.
06:24Il y a d'autres produits,
06:26d'autres importations
06:27qui suscitent des tensions ?
06:28Et si oui, lesquelles ?
06:30Avec les Brésiliens,
06:31ce n'est pas la première fois
06:32qu'on a des problèmes
06:33puisqu'il y a eu des problèmes
06:34avec la volaille en 2017
06:36et avec des falsifications
06:39de certificats pour recherche de salmonelle
06:42qui avaient conduit d'ailleurs
06:44à l'arrêt des importations
06:45à cette époque-là.
06:46Mais là, les Brésiliens
06:48ont suspendu leurs exportations.
06:49Il est bien évident qu'il va falloir,
06:52avant de reprendre ses exportations,
06:56et indépendamment de l'accord Mircosur,
06:58comme je vous l'ai dit,
06:59revoir avec eux le dispositif
07:01au niveau de la production
07:03et puis augmenter les contrôles
07:05sur les produits brésiliens.
07:06Pour en revenir à la viande,
07:08tout simplement,
07:09vous savez que les Brésiliens
07:10en mangent tous les jours.
07:11Visiblement, tout va bien.
07:13On parle d'argent ?
07:16Tout va bien, vous voulez dire ?
07:17De quel point de vue ?
07:18Sur le plan sanitaire ?
07:19Si les Brésiliens étaient malades
07:21en mangeant leur viande,
07:22on le saurait, non ?
07:23C'est de la chronicité.
07:25Après, s'il n'y a pas d'études
07:27épidémiologiques qui sont effectuées
07:30pour faire le lien
07:31entre les cancers qui sont apparus
07:34et l'alimentation,
07:35c'est extrêmement compliqué à prouver.
07:38On n'est pas dans la toxicité chronique.
07:41C'est de la quantité du chronique, effectivement.
07:43Il faudrait des études épidémiologiques.
07:45Déjà, peut-être regarder aussi
07:46l'espérance de vie moyenne,
07:48et puis des études épidémiologiques
07:50sur les taux de cancer
07:52et peut-être faire un lien
07:54avec l'alimentation.
07:55Merci beaucoup, Jean-Luc Angot.
07:56Vous êtes inspecteur général vétérinaire
07:58au ministère de l'Agriculture.
07:59Je le rappelle.
08:00Dans un instant,
08:01Marc-Antoine Lebray,
08:02pour le Breaking News.
08:03Je ne sais pas s'il viendra
08:04avec ses raviolis ou quoi.
08:05On verra bien.
08:06En tout cas, il ne va nous faire rien,
08:07c'est sûr.