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Après la crise de l'hiver dernier, de nouvelles actions des agriculteurs sont prévues à partir de lundi prochain. Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), est l'invité de 7h50. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-13-novembre-2024-9279340

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Transcription
00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin et président de la FNSEA,
00:10principale syndicat d'agriculteurs en France.
00:14Bonjour Arnaud Rousseau.
00:15Bonjour Sonia De Villers.
00:16La colère des agriculteurs monte.
00:18Depuis un mois, une génie s'est ventrée par un loup déposé devant une sous-préfecture du Doubs,
00:23une veillée funèbre à la mémoire de l'agriculture française en Corrèze,
00:27des chrysanthèmes pour les éleveurs des Vosges abandonnés par Lactalis.
00:30Votre syndicat et les jeunes agriculteurs avaient appelé à des actions nationales
00:34une fois les semis d'hiver terminés.
00:37On y est, ces actions vont-elles avoir lieu ?
00:40Oui, nous allons nous mettre en route comme nous l'avions indiqué,
00:43ou plutôt reprendre la route comme nous l'avions indiqué à partir de lundi prochain,
00:48parce que va s'ouvrir au Brésil le G20.
00:50Et vous savez, vos auditeurs qui ont parfois le sentiment que l'agriculture a beaucoup obtenu
00:56ne voient pas forcément ou n'ont pas conscience que ce Mercosur,
01:01cet accord commercial qui lie une partie des États d'Amérique du Sud à l'Europe,
01:05risque d'avoir pour l'agriculture des conséquences dramatiques.
01:07De quoi parle-t-on ? On parle de bœuf aux hormones, on parle de poulet accélérateur de croissance.
01:12Et vous voyez, nous, on est attachés à l'idée européenne
01:14parce que les politiques agricoles sont des politiques européennes.
01:16Alors on va y revenir au Mercosur, mais vous dites des actions nationales à partir de lundi.
01:21À quoi les Français doivent-ils s'attendre exactement ?
01:25Alors d'abord, le premier message, c'est qu'on n'est pas là pour les ennuyer.
01:28Parce que tout le monde a des problématiques aujourd'hui.
01:30Et nous, très clairement, à la FNSEA, avec les jeunes agriculteurs,
01:34ce qu'on veut, c'est interpeller les pouvoirs publics sur ce sujet.
01:37Pas de blocage ? Pas d'autoroutes bloquées ?
01:39Aujourd'hui, on ne cible pas les autoroutes.
01:41On aura l'occasion de le dire, puisqu'on a une conférence de presse cet après-midi
01:44dans laquelle on détaillera nos actions.
01:46Ce que je veux faire passer comme message, c'est qu'on n'est pas là pour ennuyer les Français.
01:50On est là pour leur dire qu'on est fiers de les nourrir
01:53et que continuer à produire en France, ça a du sens.
01:55Les Français en question se souviennent qu'il y a un an, on annonçait le siège de la capitale,
01:59le blocage du marché de Rungis, de nombreuses autoroutes bloquées,
02:02il y a eu de la casse, il y a eu des incendies.
02:05Arnaud Rouchot, on est à quelques semaines des courses de Noël.
02:08C'est le plus gros chiffre d'affaires pour les commerçants alimentaires de l'année.
02:12Est-ce qu'il y a des risques de blocage, de panne, de pénurie ?
02:15En fait, c'est quand même ça la question que tout le monde se pose.
02:17C'est aussi une grosse période pour les agriculteurs.
02:19Parce que les produits festifs viennent de nos fermes.
02:21En tous les cas, on souhaiterait qu'ils continuent à venir de nos fermes.
02:23Et donc, vous savez, nous, on est des gens rationnels.
02:26Ce qu'on veut, c'est attirer l'attention des pouvoirs publics.
02:29Et on a besoin du soutien des Français pour dire que l'Europe ne doit pas être une passoire
02:34et qu'elle ne peut pas importer des produits qui ne respectent aucun de nos standards.
02:38On ne veut pas d'une agriculture qu'on se refuse à produire en Europe et s'aggrave en France.
02:42On remonte sur les tracteurs et on y va ?
02:44Oui, absolument. On va aller dans tous les départements, à l'initiative des départements.
02:48Parce que vous savez, l'agriculture, c'est d'abord le terrain qui commande.
02:51Donc, on sera dans tous les départements à partir de lundi pour quelques jours
02:55pour faire entendre, au moment du G20 au Brésil, la voix de la France.
02:59Et on espère que l'ensemble des pays européens vont nous rejoindre
03:01parce que le sujet n'est pas un sujet français, c'est un sujet européen.
03:05Là, vous avez peu de chance.
03:06Parce que l'Allemagne et l'Espagne, par exemple, la France est isolée en réalité en Europe.
03:11L'Allemagne et l'Espagne n'attendent qu'une chose,
03:13c'est d'avoir des débouchés commerciaux en Amérique latine.
03:17Vous avez raison, mais l'Allemagne et l'Espagne, ça n'est pas l'Europe.
03:20Nous sommes 27.
03:21Et un grand nombre d'États membres font aujourd'hui le constat
03:24qu'une agriculture importée qui ne respecte aucun des standards
03:27ne correspond pas à l'idée qui se fond en Europe.
03:28Les Roumains, par exemple, viennent de dire qu'ils étaient hostiles à cet accord.
03:31Et chaque jour qui passe, parce que chacun a sa place...
03:34Vous savez, la ministre est hostile à cet accord.
03:37Emmanuel Macron est hostile à cet accord, en réalité.
03:40Et ils vont tout faire pour qu'il ne soit pas signé en l'État.
03:43600 parlementaires français, c'est du jamais vu, viennent de signer un texte
03:46pour dire qu'ils sont hostiles à cet accord, à l'initiative de Yannick Jadot.
03:50Vous avez rarement des positions communes, mais là, elles sont très claires.
03:55Donc vous allez bloquer la France pour un dossier
03:59sur lequel la France n'a peut-être pas la main ?
04:01On ne va pas bloquer la France, comme je vous l'ai indiqué.
04:03Notre objectif n'est pas de bloquer la France,
04:05n'est pas d'affamer la France, comme j'ai pu l'entendre dans d'autres radios.
04:11Nous, ce qui compte, encore une fois, c'est de porter cette ambition
04:13d'une Europe qui n'est pas une passoire.
04:15Vous contrôlez votre base.
04:17Vous savez, par exemple, un Jérôme Bale, qui est cet agriculteur
04:19qui a été très médiatisé l'année dernière, il n'est pas syndiqué.
04:23Il n'a jamais été syndiqué.
04:25Des paysans comme lui, qui s'inquiètent et qui disent déjà depuis plusieurs semaines,
04:29le Mercosur, ça, ça va être le ferment de la colère.
04:32Ça sera la ligne à ne pas dépasser.
04:34Vous n'avez pas de contrôle sur eux ?
04:35Non, mais vous savez, les agriculteurs sont des gens
04:37qui sont terriblement attachés à leur liberté et à leur indépendance.
04:39Donc, en fait, nous, on essaie de dire ce qu'est la ligne politique
04:43et d'encadrer les choses.
04:44Et je crois qu'on est très clair quand on dit qu'on ne veut pas d'une Europe passoire,
04:48parce qu'on parle du Mercosur, mais on pourrait parler de l'Ukraine.
04:50On pourrait parler des dangers que représentent aujourd'hui les positions de la Chine,
04:53notamment sur les vins espiritueux, de ce qui va se passer aux Etats-Unis.
04:55Donc, nous, on donne des consignes.
04:57Ensuite, le terrain adapte.
04:58C'est-à-dire que Donald Trump risque d'augmenter les droits de douane
05:01et que pour écouler les vins et les cognacs français, ça risque d'être très douloureux.
05:05Nous, on redit qu'on ne souhaite pas d'atteinte au bien aux personnes.
05:08C'est ce qu'on a dit au printemps.
05:10Et après, chacun prend ses responsabilités.
05:12Vous entendez la ministre de l'Agriculture qui dit
05:15« pas de casse, pas d'incendie, pas de violence,
05:18sinon les agriculteurs vont finir par rompre le lien fragile qui les unit aux Français ».
05:23Oui, mais ce lien, d'abord, je ne crois pas qu'il soit fragile.
05:25Je crois que les Français sont attachés à leur agriculture, à ce qu'ils mettent dans leur assiette.
05:29D'autre part, moi, je dis à la ministre « agissez, parce que c'est votre rôle ».
05:32Et là, on parle du Mercosur, mais il y a bien d'autres sujets.
05:34Alors, justement, c'est ma question.
05:35En gros, sans vouloir trop simplifier la situation,
05:38est-ce que les agriculteurs français sont dans une meilleure situation
05:42ou dans une situation pire que l'année dernière, à la même époque, quand ça a explosé ?
05:46Alors, les choses ont évolué.
05:47D'abord, ce qui demeure, c'est la problématique du revenu.
05:50L'urgence, aujourd'hui, ce sont les trésoreries des exploitations.
05:53C'est comment font un certain nombre d'exploitants pour passer l'hiver après un été catastrophique.
05:57Ce qui est nouveau depuis le printemps.
05:58En quoi il est catastrophique l'été ?
06:00On a eu la plus faible récolte de blé en France depuis 40 ans.
06:03On a eu des vents d'anges.
06:04À cause des conditions météo ?
06:05Entre autres.
06:05On a eu des vents d'anges qui sont de l'ordre de moins 25% en France,
06:09avec des pics à moins 60, moins 70%, par exemple, quand on est dans les vins du Jura.
06:13On a eu des maladies sanitaires sur nos troupeaux.
06:15Vous savez, cette maladie de la langue bleue, entre autres,
06:18qui touche les ovins et les bovins, les moutons et les vaches,
06:21qui a impacté très durement les agriculteurs cet été.
06:24Et puis, on a un élément de politique.
06:25On a dissous l'Assemblée nationale.
06:27Sur les épidémies, il y a eu une polémique sur les vaccins.
06:31C'est-à-dire que beaucoup d'éleveurs reprochent aux autorités sanitaires
06:34de ne pas avoir livré les vaccins à temps.
06:36Vous confirmez ?
06:37Oui, on a eu du délai sur les vaccins, notamment sur cette fièvre catarhalovine,
06:40la langue bleue de sérotype 3.
06:43On a eu quelques semaines de délai.
06:45Et ces délais ont été catastrophiques,
06:47puisque vous savez, ça a été endémique, ça s'est déployé très très vite.
06:51Voilà, donc aujourd'hui, on est en train de rattraper ce retard.
06:54Mais les dégâts sont là.
06:55Et les dégâts doivent être indemnisés.
06:58Mais le gouvernement a agi.
06:59Est-ce que vous n'avez pas l'impression que les Français se disent qu'on a fait beaucoup
07:03pour les agriculteurs, que la hausse sur la fiscalité du gaz non routier a été abandonnée,
07:07que le calcul des retraites agricoles a été modifié,
07:09que des dizaines de millions d'euros ont été débloqués,
07:12que la ministre a annoncé des prêts bancaires à court terme à taux très bas,
07:17qu'elle a annoncé des prêts bancaires à plus long terme garantis à 50% par l'État
07:21pour limiter les risques pour les exploitations,
07:24et qu'elle s'attèle activement à démêler ce mille-feuille administratif
07:28que vous suppliez depuis des années de voir simplifié ?
07:32On est au cœur du sujet, Sonia Duvillière.
07:34Parce que vous avez raison, il y a eu beaucoup d'annonces de fait.
07:36Et tout ce que vous dites est absolument juste.
07:38La réalité, et on va prendre l'exemple par exemple de la trésorerie,
07:41la ministre a annoncé des prêts de trésorerie.
07:43Mais au moment où on se parle, on ne connaît ni le moment, ni le taux, ni la durée.
07:47Et donc vous voyez, ce qui compte pour les agriculteurs, c'est que ce soit très concret.
07:50Un autre élément, entre ce qui a été dit au printemps et ce qui se passe aujourd'hui,
07:53il y a eu la dissolution.
07:54On nous avait promis...
07:55Donc vous n'avez toujours pas la loi ?
07:57La fameuse loi d'orientation agricole ?
07:59Oui, mais c'est un sujet majeur du printemps.
08:01Aujourd'hui, les agriculteurs l'attendent.
08:02On nous indique qu'elle sera probablement discutée au Sénat au mois de janvier.
08:07Donc vous voyez que je comprends que vos auditeurs se disent
08:09« les agriculteurs exagèrent parce qu'on leur annonçait beaucoup de choses ».
08:13Mais la réalité, c'est qu'au fait, concrètement dans nos cours de ferme,
08:16au moment où on se parle, beaucoup de choses ne sont pas mises en œuvre.
08:20Donc vous diagnostiquez une colère et un mal-être chez les agriculteurs.
08:25Et je repose ma question, c'est-à-dire,
08:26est-ce que vous allez pouvoir contrôler tous ces paysans, toutes ces paysannes,
08:32tous ces agriculteurs, ces agricultrices partout en France
08:36qui s'apprêtent à reprendre leur tracteur ?
08:37Vous savez, moi, l'objectif qui m'avait été fixé,
08:39ce n'est pas de contrôler les agriculteurs,
08:41c'est de faire en sorte qu'on obtienne des résultats.
08:43Et encore une fois, les agriculteurs se définiront.
08:46Ils sont bien assez grands pour le faire.
08:47Ce qu'ils attendent de nous, leurs responsables professionnels,
08:49et vous avez raison de dire que tous les agriculteurs ne sont pas syndiqués,
08:52ce qu'ils attendent de nous, c'est qu'on soit efficaces pour obtenir des résultats.
08:55Merci Arnaud Rousseau.

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