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Nicolas Mayer-Rossignol, maire socialiste de Rouen, a annoncé ce mercredi être atteint d'un cancer de la vessie. Il est l'invité de 7h50. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-14-novembre-2024-5378665

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Transcription
00:00Sonia Devillers, votre invitée ce matin, est le maire socialiste de Rouen.
00:04Bonjour Nicolas Maier-Rossignol, qui arrive tout droit de Rouen, là vous venez juste de sortir de la voiture.
00:11Vous avez publié hier une lettre à la fois très digne mais en même temps très frontale
00:16pour rendre public le cancer dont vous souffrez depuis deux ans.
00:20Alors ma première question, elle est toute simple, comment ça va ?
00:23Ça va bien, ça va bien, je l'ai écrite d'ailleurs, merci pour votre invitation.
00:27Ça va bien parce que j'ai la chance d'être suivi par une équipe extraordinaire au CHU.
00:32Je ne suis absolument pas à plaindre, les cancers, il y a des gens qui sont dans des situations bien plus graves que la mienne.
00:38Même si bien sûr c'est quelque chose qui fait peur et qui nous l'affecte.
00:41Cancer de la vessie avec une première tumeur diagnostiquée début 2022.
00:45Vous avez depuis subi deux opérations, trois cycles d'immunothérapie car il y a eu récidive.
00:51Et vous précisez, je ne suis pas à plaindre, je n'ai pas de métastase depuis l'annonce de cette maladie.
00:58Vous avez eu des réactions de vos administrés, de votre conseil municipal ?
01:04Oui, j'ai eu beaucoup de réactions qui font chaud au cœur, bien sûr, beaucoup de soutien.
01:10J'en rigolais un petit peu dans la voiture parce que vous voyez par exemple sur les réseaux sociaux qui ne sont pas toujours très tendres.
01:15J'imagine personne, en tout cas pas avec moi.
01:18Et bien là, tout d'un coup, c'était un peu, j'allais dire le monde des bisous, sinon n'exagérons pas.
01:23Mais enfin, il y avait beaucoup de bienveillance et ça fait chaud au cœur.
01:26Beaucoup de témoignages de soutien des Rouennaises, des Rouennais en fait, tout simplement, puis des Français en général.
01:32Qu'est-ce qu'on redoute à l'idée de dire publiquement qu'on est malade ?
01:36Le regard des autres, le dégoût, la peur, la pitié ?
01:41En fait, comme vous l'avez dit, j'ai été diagnostiqué en 2022, donc ça fait déjà deux ans.
01:49Au début, il y a toujours une forme, en tout cas pour moi, de déni.
01:52On n'y croit pas. En plus, je ne coche pas les cas statistiques sur ce type de cancer.
01:56Vous êtes très jeune, vous avez 47 ans.
01:58Et donc on se dit, c'est la faute à pas de chance, c'est un truc bizarre, ça ne peut pas être ça.
02:03Puis après, vous l'avez rappelé, il y a d'autres opérations, etc.
02:06Et en fait, ensuite, on s'aperçoit, et c'est pour ça que j'ai voulu m'exprimer comme cela.
02:13Mon cas, en fait, au-delà de ma petite personne, c'est que c'est un sujet qui est tabou.
02:17Soit vous êtes censé être sain au travail, bien portant, ultra performant.
02:23Soit vous êtes malade et à ce moment-là, vous êtes isolé parce que vous comprenez, il faut vous soigner.
02:28Et c'est bien sûr compréhensible médicalement.
02:30Mais entre l'isolement et la mise au banc ou l'impression d'être mis au banc,
02:36il y a une frontière qui, sans forcément qu'il y ait une mauvaise intention, peut être vite franchie.
02:40Et donc je voulais en parler parce que je pense que c'est un tabou, qu'il faut en parler.
02:44Puis derrière, il y a des sujets fondamentaux.
02:45J'ai parlé du CHU, de l'hôpital public.
02:48On pourrait parler de la santé environnementale parce que le cancer dont je vous parle à ce jour,
02:51il n'est pas connu pour être d'origine génétique.
02:53Il est plutôt connu pour avoir des causes environnementales.
02:56Et dans ma région, comme dans d'autres, qui est une région populaire, ouvrière, industrielle,
03:00il y en a beaucoup plus de ces cancers, comme par hasard.
03:02De cancer de la vessie, en Seine-Maritime.
03:04Tout à l'heure, on parlait de corrélation, de causation.
03:06Donc, je vais faire attention à ce que je dis.
03:08Mais il y a une corrélation entre la présence, l'incidence, comme on dit, de ces types de cancers
03:14dans des régions industrielles, pas que la Seine-Maritime, mais notamment la Seine-Maritime.
03:18Et effectivement, l'exposition aux hydrocarbures, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, etc.
03:24Donc, simplement, je veux qu'on parle de ces sujets.
03:27Il y a les aidants aussi.
03:28Il y a le soutien à la recherche, à l'enseignement supérieur.
03:31Et je pense qu'à ma petite mesure, si on peut parler mieux de ces sujets, je pense que c'est important.
03:35Il y a parler et puis il y a agir comme homme politique.
03:38D'abord, vous, le politique, vous dites, justement, dans le milieu du travail,
03:43c'est dur d'assumer publiquement le fait qu'on est malade,
03:48puisqu'on passe pour quelqu'un d'affaibli, donc pour quelqu'un qui est très vite inutile.
03:52Est-ce que c'est particulièrement vrai en politique ?
03:56La politique, c'est un métier qui exige d'être en représentation publique permanente.
04:00Et aussi dans une position de leadership.
04:03Est-ce qu'un homme politique peut se montrer affaibli ?
04:06Je vais me risquer à une sorte de propos de comptoir,
04:10mais il y a peut-être une sorte de masculinisme mal placé
04:15à vouloir tout le temps être, quand on est un homme ou une femme,
04:18mais plutôt un homme, il faut bien le dire, engagé publiquement,
04:22dans la posture du, vous savez, le leader à qui rien n'arrive, sur qui tout glisse,
04:27qui est toujours ultra performant, sans lien avec le thème de votre journée,
04:32mais vous voyez ce que je veux dire, et qui est toujours...
04:34Et en réalité, est-ce que c'est ça le vrai courage ?
04:37Est-ce que c'est ça la vraie humanité ?
04:38Ce n'est pas ça.
04:40Ce n'est pas ça, enfin je ne crois pas.
04:41En réalité, il y a près de 500 000 personnes chaque année qui sont diagnostiquées d'un cancer.
04:45Ça touche tout le monde, et je ne vous parle pas d'autres maladies graves.
04:48Donc oui, je suis en ALD, je suis en infection longue durée.
04:51Donc oui, c'est plus compliqué pour, je ne sais pas moi, avoir un emprunt, etc.
04:55Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de meilleur ou quelqu'un de plus mauvais ? Non.
04:59Et je pense que c'est important que les hommes publics ou les femmes,
05:02puisqu'on vient de passer Octobre Rose aussi,
05:05parlent de ces sujets et que notre société...
05:09Voilà, il y a un rapport, je dirais, adulte et responsable avec les personnes
05:12qui les représentent en démocratie représentative.
05:15On n'a pas besoin d'être dans cette espèce de fantasme,
05:17un peu, j'ai dit masculiniste, on pourrait dire un peu monarchiste, Jupiter...
05:21Alors mettons de côté la politique, et puisque vous parlez en tant qu'homme
05:25et de fantasme masculiniste,
05:27la vessie, ça touche à l'appareil urogénital,
05:30donc ça touche à une des parties les plus intimes du corps,
05:34ça touche à la sexualité, ça touche à la virilité,
05:38ça touche aussi à une image qu'on se fait de la dignité.
05:41Est-ce que ça, ça renforce le tabou ?
05:44Et est-ce que le tabou, ça aggrave la maladie ?
05:47Oui, d'abord, parce que comme je vous disais, il y a le déni.
05:49Ensuite, il faut le dire aussi, quand on est malade, on ne réagit pas toujours bien.
05:54On peut avoir tendance à soi-même s'isoler.
05:56On peut être insupportable pour ses proches.
05:58Ce n'est pas si simple pour les proches et les aidants de savoir quel ton adopter.
06:02Pour les collègues, je parlais de la bienveillance professionnelle aussi.
06:05Est-ce qu'il faut inviter la personne qui est malade,
06:07qui n'est plus dans la communauté professionnelle,
06:09au pot de fin d'année, au pot du vendredi, au vœu de la nouvelle année ?
06:13Vous voyez ce que je veux dire ? Pour garder le lien.
06:15Et c'est pour ça que je veux en parler.
06:17Je pense aussi que ça, si je puis me permettre, pour les personnalités publiques,
06:21ça nous invite aussi à relativiser un certain nombre de choses.
06:24Et ça, c'est important.
06:26Oui, les personnalités publiques qui sont rentrées, comme vous, très très jeunes en politique,
06:32ça vous donne aussi envie d'agir.
06:35C'est-à-dire, qu'est-ce que vous pouvez vous faire à votre échelle de maire,
06:39quand même d'une grande agglomération, comme Rouen ?
06:42Prenons les sujets que vous avez évoqués les uns après les autres.
06:45Contre l'isolement des personnes malades, et aussi pour les aidants.
06:48Parce que bien sûr qu'il faut aider les personnes atteintes de maladies
06:52à pouvoir rester insérées professionnellement,
06:54mais il faut aider ceux qui les aident à ne pas craquer avant eux.
06:58C'est ça. En fait, plutôt que de parler de mon cas, je me suis dit,
07:01pour en parler, essayons de trouver quelque chose d'utile à la société, à l'intérêt général.
07:05Et donc, ce qu'on veut faire avec la ville de Rouen, la métropole rouennaise,
07:08pour les agents déjà, puisqu'il y a près de 5000 personnes qui travaillent dans ces deux administrations,
07:12c'est effectivement toute une série d'actions très simples, en réalité, de bienveillance professionnelle.
07:18Ça existe déjà dans certaines entreprises.
07:20Dans le département de L'Heure, juste à côté de chez moi, il y a une femme qui s'appelle Isabelle Guillaumard.
07:24Je la cite parce qu'elle a vécu un cancer du sein extrêmement grave.
07:27Elle a eu le courage d'en parler et elle en a tiré des pratiques managériales pour son entreprise.
07:31Là, une mairie, ce n'est pas une entreprise, mais c'est un peu la même idée.
07:34Concrètement, ça veut dire quoi ?
07:36Je vous dis, d'abord, libérer la parole,
07:39avoir des moments où on peut parler de ça tranquillement,
07:42avoir des personnes qui sont passées par là, qui peuvent en parler à d'autres,
07:46faciliter sur le rythme, le temps de travail, les moments informels.
07:50Parce que bien sûr, quand on est malade, il ne s'agit pas de forcer les gens à travailler, bien sûr que non.
07:54Mais quand on est malade, parfois, le fait de garder un lien avec ses collègues, ses anciens collègues ou ses futurs,
08:00sa communauté professionnelle, c'est important, y compris d'un point de vue thérapeutique.
08:06Et donc, c'est toutes ces actions-là, mises bout à bout,
08:08ce n'est pas la révolution, mais c'est une attitude, c'est une éthique.
08:12Et puis, vous m'avez demandé comment je peux agir.
08:14Je suis aussi une personnalité politique.
08:16Ça me permet aussi de mettre en avant des sujets.
08:18L'hôpital public, on l'a beaucoup applaudi il y a quelques temps.
08:21Aujourd'hui, non seulement on ne l'applaudit plus, mais on l'appauvrit.
08:25La recherche, on m'avait parlé de Startup Nation.
08:27Je suis désolé de donner l'impression, peut-être, que je veux faire polémique.
08:30Ce n'est pas ça.
08:30Moi, je suis scientifique de formation.
08:32Est-ce que ceux qui s'embarquent dans ces études-là,
08:34aujourd'hui, sont bien valorisés en France ?
08:36La réponse est non.
08:37La santé environnementale et la prévention, d'ailleurs, de manière générale,
08:40est-ce qu'on en parle suffisamment dans notre pays ?
08:42Absolument pas.
08:43Et le statut des aidants, la valorisation des aidants, et notamment les femmes,
08:47parce que statistiquement, on sait très bien que statistiquement,
08:49ce sont plutôt des femmes qui ont beaucoup d'autres choses à faire à côté.
08:52Eh bien, c'est clairement un sujet dont on ne devrait plus parler.

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