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"On est les oubliés de la République" : les agriculteurs sont inquiets et en colère, notamment contre l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Une journée de mobilisation nationale est annoncée. Regardez Paul Moujenot, céréalier dans l'Aisne, élu coordination rurale à la Chambre d'agriculture de l'Aisne et des Hauts-de-France.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 18 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud. Cette fois, les agriculteurs ont sorti les tracteurs,
00:09non pas pour aller dans les champs, mais bien pour réveiller les pouvoirs publics et exprimer leur colère.
00:14Amandine, vous avez choisi ce matin de recevoir Paul Mougenot, lui est céréalier dans l'Aisne,
00:18et il est d'ailleurs en direct sur le terrain ce matin.
00:21Bonjour Paul Mougenot.
00:22Bonjour Amandine.
00:23Merci beaucoup d'être en direct avec nous, vous avez 36 ans,
00:27Thomas le disait à l'instant, vous êtes céréalier dans l'Aisne, vous produisez notamment de la betterave,
00:32et je précise que vous êtes membre de la coordination rurale sur le terrain.
00:36Donc, à Amiens ce matin, vous êtes en direct sur place,
00:39c'est là-bas que vous avez choisi de mener cette journée d'action, qu'est-ce qui est prévu ?
00:44Alors, je viens d'arriver sur place, je vous avoue qu'on attaque dans une heure,
00:49on va faire venir quelques tracteurs, klaxonner de façon tout à fait pacifique,
00:53parce qu'on a des éleveurs qui viennent en nombre,
00:57et donc, si on attaquait dès 8h, dès 8h30, ça voulait dire se lever encore plus tôt pour eux,
01:01pour s'occuper de leurs bêtes avant de partir.
01:04Moi ce matin, c'est mon papa qui va me remplacer dans les chambres pour arracher des betteraves,
01:08donc voilà, on est très motivé, et ça se met en route.
01:12Au cœur de cette nouvelle mobilisation, et on en a beaucoup parlé,
01:15il y a cet accord avec l'OMERCOSUR, accord de libre-échange avec plusieurs pays d'Amérique latine.
01:20Concrètement, si cet accord est signé, qu'est-ce que ça change pour vous, pour votre exploitation ?
01:27Alors, vous savez, être agriculteur en 2024,
01:29c'est une famille qui travaille du matin au soir et du soir au matin.
01:33L'éleveur qui aime ses bêtes, le céréalier qui voit sa moisson détruite par les intempéries,
01:38les inondations chez nous, il pleut encore, la mienne, et la sécheresse dans le sud.
01:42Vous voyez, Amandine, le sucre qui est dans votre café là ce matin, sur votre plateau,
01:48il vient de mes betteraves.
01:50Et à la fin de l'année, je gagne zéro. Je ne gagne pas ma vie.
01:54Alors, je ne sais pas si vous trouvez ça normal, mais moi, je suis obligé d'avoir deux métiers.
01:57Pour que l'on puisse mettre du sucre dans votre café, dans le studio d'RTL ce matin.
02:01Et encore la plupart du temps, je m'endette.
02:03Je m'endette pour que vous ayez du sucre dans votre café le matin.
02:05Alors maintenant, ça suffit. On ne vit pas de notre métier.
02:09On est les oubliés de la République.
02:10Et vous avez des gens aujourd'hui qui font fortune avec le bitcoin
02:13en tapant des chiffres sur leur ordinateur, ce qui n'a aucun sens,
02:15ce qui ne font du bien à personne. Et nous, on ne vit pas de notre métier.
02:19Alors que l'on travaille 365 jours par an.
02:21Alors, je voudrais qu'on s'arrête sur deux points, Paul Mougenot.
02:24Le sucre qu'on met effectivement tous dans notre café ce matin,
02:27il vient de chez vous, entre autres de vos betteraves, en tout cas des betteraves françaises.
02:31Si ce Mercosur, il est signé demain, qu'est-ce que ça change ?
02:35Non mais, attendez, si on arrête tous demain de faire du sucre,
02:38vous aurez du sucre brésilien dans le café, ou du sucre ukrainien,
02:42qui sera infâme, et vous aurez des cancers à 40 ans.
02:44Parce que la santé, c'est l'une des dépenses sociales les plus importantes de l'État.
02:48Et s'il n'y a plus d'agriculteurs, il n'y a plus d'hygiène de vie.
02:50Parce que le sucre brésilien, il n'a pas les mêmes normes que les sucres français ?
02:54Absolument.
02:55Et c'est la grande inquiétude par rapport au Mercosur,
02:58et c'est pour ça que nous, à la coordination éole,
03:00on est absolument contre ce traité de libre-échange qu'on nous impose une fois de plus.
03:04Vous dites à la fin du mois, je n'ai rien, je suis obligée d'avoir un deuxième emploi.
03:07C'est quoi ce deuxième emploi ?
03:10Alors moi, j'ai fait des études de droit,
03:11mes parents se sont sacrifiés pour que je fasse des études de droit,
03:14donc je suis juriste à côté, et j'ai repris la ferme familiale.
03:17Je suis la quatrième génération à exploiter cette ferme familiale à Aguilcourt dans l'Aisne.
03:21Mais ça veut dire quoi, que vous travaillez le jour, la nuit ?
03:24À quoi ressemblent vos journées ?
03:26Si vous voulez, je passe ma vie à faire des allers-retours entre mon bureau,
03:31l'exploitation agricole, j'ai la chance aussi d'avoir un salarié agricole.
03:35Mais vous savez, on est là pour manifester,
03:37pour dire qu'on est là pour sensibiliser les Français à nos difficultés,
03:41sensibiliser les décideurs politiques.
03:44Alors j'ai entendu ça hier sur votre antenne,
03:47le ministre Taillau qui disait qu'il y aurait tolérance zéro.
03:51Mais je veux dire, on n'est pas là pour casser.
03:53On n'est pas là pour brûler des bus, brûler des bibliothèques,
03:57casser des écoles.
03:59Il y a des métiers comme le mien qui sont essentiels au pays,
04:01qui sont aujourd'hui les oubliés de la République.
04:03Mais je pense aussi aux infirmières, aux policiers, aux enseignants.
04:06Je veux dire, il faut remettre du sens dans la société.
04:09– Mais quand vous dites j'ai deux emplois,
04:11vous vous occupez de cette exploitation,
04:13vous faites 35 heures par ailleurs comme juriste dans une entreprise ?
04:17– Oui absolument.
04:19– Ça veut dire quoi ? Vous vous levez à 5h du matin ?
04:22– Non mais je n'ai pas de bête,
04:24donc je ne me lève pas aussitôt,
04:26je me lève aussitôt parce que j'ai un petit garçon qui a 4 mois et qui est malade.
04:29Mais je veux dire, quand vous êtes éleveur,
04:31et pour beaucoup aussi d'éleveurs,
04:33aujourd'hui vous avez des doubles actifs.
04:36Le monde agricole change parce qu'on ne gagne pas notre vie.
04:39Moi j'ai 36 ans, j'aime ma femme, j'aime mes enfants,
04:42je tiens mon pays, je tiens mon salarié.
04:45Mais pour moi aujourd'hui c'est la manif,
04:47parce que je ne veux pas la corde.
04:49Vous savez qu'il y a un agriculteur qui se suicide tous les deux jours.
04:52Donc pour beaucoup c'est la mobilisation ou la corde.
04:55Et on aime notre métier, mais là ça devient très dur.
04:58– Mais quand on vous entend,
05:00et on entend ces difficultés qui sont bien réelles,
05:02être obligé d'avoir deux emplois,
05:05sincèrement, à quoi bon ?
05:06Pourquoi vous ne vendez pas cette exploitation ?
05:08Et pour retrouver, j'ai envie de dire, une vie normale.
05:11Elle va peut-être vous choquer cette question,
05:13mais j'imagine qu'il y a certains auditeurs qui se la posent en vous entendant.
05:17– Bien sûr, parce que moi quand mon fils qui vient de naître aura 18 ans,
05:21je lui dirai quoi ?
05:23Je lui dirai, tiens, reprends la ferme,
05:25tu perdras de l'argent, tu vas t'endetter,
05:27tu vas avoir un autre métier à côté comme moi,
05:30pour payer le déficit de la ferme.
05:32Vous savez, il faut mieux être serveur à ce prix-là,
05:34dans une brasserie à Paris,
05:36parce que les gens qui servent la nourriture dans les restaurants
05:38sont mieux payés que ceux qui la produisent.
05:40– Mais pourquoi ne pas la lâcher cette exploitation ?
05:42– Vous savez, on a une fierté, le monde paysan,
05:45on est attaché à notre ferme,
05:47on est attaché à notre terre, c'est notre histoire.
05:49C'est pour ça qu'on se bat tous les jours.
05:51On entretient une fierté, on entretient des paysages.
05:54On aime notre pays, on aime notre ferme,
05:57et on aime nos terres.
05:59– Emmanuel Macron l'a dit hier soir depuis l'Argentine,
06:01en l'état, il ne signera pas cet accord du Mercosur,
06:04pas en l'état.
06:05Est-ce que cela vous rassure ?
06:06Et qu'est-ce que vous demandez ce matin au Président de la République ?
06:09– Le Président Emmanuel Macron,
06:12je le dis très grossièrement,
06:14mais nous a pris pour des cons.
06:16– C'est le sentiment que vous avez ?
06:18– Oui, il faut remettre de la valeur dans le travail.
06:20Le Président de la République, quand il met du sucre dans son café à l'Elysée,
06:22c'est comme vous, c'est celui que je produis avec mes collègues.
06:25Alors, on a compris que l'agriculture n'est plus une priorité nationale.
06:29– Mais il y a eu des promesses de fête, Paul Mougenot,
06:31il y a eu des millions d'euros de débloqués pour les agriculteurs,
06:33on s'en souvient, l'hiver dernier.
06:35Vous n'en avez pas vu la couleur ?
06:36– Pas du tout.
06:37Quels millions d'euros ?
06:38Attendez, la seule chose qu'on a obtenue,
06:41c'était une demande de la coordination rurale,
06:43c'était l'absence de taxation supplémentaire sur le gasoil non routier.
06:48Voilà, c'est ça.
06:49Aujourd'hui, on n'a rien eu.
06:51Moi, je dis très simplement au Président de la République
06:53qu'il est le Président de la République
06:55et qu'il n'est pas le représentant du bureau de l'Union européenne à Paris.
06:58Les produits agricoles doivent respecter nos lois
07:01et qu'aujourd'hui l'Union européenne assassine nos agriculteurs.
07:03On ne va pas brader l'agriculture française au profit des voitures allemandes
07:06et du textile espagnol.
07:08C'est non.
07:09– Merci beaucoup Paul Mougenot d'avoir été en direct ce matin avec nous,
07:13en direct depuis Amiens,
07:15où des agriculteurs doivent mener ce matin une action,
07:18et on l'a bien compris encore une fois,
07:20remonter, mais ils sont une action dans le calme.

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