"Dire qu'on est pour la paix, c'est pas une forme de neutralité. C'est vraiment cette idée fondamentale de reconnaissance de la légitimité de chacun."
Elles ont rencontré des milliers de femmes israéliennes et palestiniennes qui se battent sur place pour interpeller les dirigeants et mettre fin au conflit. Conversation entre Hanna Assouline et Fadela, respectivement fondatrice et membre du mouvement "Guerrières de la Paix".
Elles ont rencontré des milliers de femmes israéliennes et palestiniennes qui se battent sur place pour interpeller les dirigeants et mettre fin au conflit. Conversation entre Hanna Assouline et Fadela, respectivement fondatrice et membre du mouvement "Guerrières de la Paix".
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00:00Les revendications politiques très concrètes des guerrières de la paix,
00:03c'est dans la situation actuelle, un cessez-le-feu immédiat à Gaza
00:06et la libération sans condition de tous les otages.
00:08Et dans le contexte plus large de ce qu'est la réalité de cette guerre
00:11qui oppose les Palestiniens et les Israéliens,
00:14c'est la lutte contre l'occupation,
00:16contre la colonisation illégale des territoires de Cisjordanie,
00:19c'est la lutte contre le blocus de Gaza,
00:21c'est le droit pour les Palestiniens d'avoir un État
00:24et de vivre dans la dignité et l'autodétermination,
00:26et c'est l'affirmation aussi de la reconnaissance
00:28de la légitimité de l'État d'Israël
00:30et du droit du peuple israélien à vivre dans la sécurité et dans la dignité.
00:34Ça, c'est les valeurs des guerrières de la paix et ce n'est pas des valeurs neutres.
00:58Il y a des femmes courageuses en Palestine et en Israël
01:01qui sont prêtes à amener la paix à Palestine et à Israël
01:04et à tout le monde.
01:06Donc, ne vous divisez pas contre vous-mêmes,
01:10soyez ensemble pour soutenir les Palestiniens et les Israéliens.
01:14Quand je vois qu'aujourd'hui en France,
01:18on se divise depuis le 7 octobre,
01:20j'ai du mal à comprendre parce qu'on voit qu'il y a encore des familles,
01:24il y a encore des femmes qui se réunissent
01:27et qui disent qu'ils peuvent encore concevoir une paix.
01:31Dire qu'on est pour la paix, ce n'est pas une forme de neutralité,
01:34ce n'est pas le fait de ne pas prendre position dans une situation d'injustice
01:37ou dans une situation tragique telle que celle que sont en train de vivre
01:40aujourd'hui les Palestiniens et les Israéliens.
01:43C'est vraiment cette idée fondamentale de reconnaissance de la légitimité de chacun.
01:47C'est-à-dire de partir de cette idée qu'aujourd'hui,
01:49les Palestiniens comme les Israéliens appartiennent à cette terre,
01:53qu'aucun de ces deux peuples ne va disparaître,
01:56qu'aucun de ces deux peuples ne va exterminer l'autre
01:58et que c'est non seulement illusoire mais criminel
02:01que d'imaginer qu'un des deux va disparaître
02:03et que donc on doit trouver aujourd'hui des solutions
02:05pour que ces deux peuples puissent vivre dans la dignité,
02:07dans la liberté et dans l'autodétermination sur cette terre.
02:10– Le 4 octobre dernier, nous avons participé à Jérusalem
02:13à la marche de l'Appel des mers,
02:15aux côtés de milliers de femmes Israéliennes et Palestiniennes.
02:17– Quand on est en France, très loin d'Israël, très loin de la Palestine,
02:23on a des images.
02:24Moi j'ai eu des images assez vite où je pensais qu'il y avait
02:28les Israéliens d'un côté et les Palestiniens de l'autre.
02:30Et en fait, en allant à la rencontre de ces femmes,
02:34je me suis rendue compte que pas du tout.
02:35Ce n'est pas des populations qui sont divisées,
02:38au contraire, c'est peut-être des gouvernements qui divisent.
02:41Là, ce sont des femmes qui se sont mobilisées
02:44et qui ont dit non à toute cette haine.
02:46C'est une volonté de faire ensemble.
02:48– C'est des femmes qui parfois ont perdu des enfants,
02:50qui sont endeuillées par cette guerre
02:53et qui interpellent leurs dirigeants depuis des années
02:55en disant qu'il faut que ça cesse.
02:56Et ce n'est pas un discours bisounours de
02:59on veut faire la paix, on est entre femmes et on se…
03:02Ce n'est pas ça, ce sont des femmes qui sont sur le terrain,
03:04ce sont des femmes qui ont des convictions politiques,
03:06ce sont des femmes qui se battent pour la justice,
03:08qui se battent contre l'occupation,
03:10contre la colonisation illégale de la Tisjordanie,
03:12contre le terrorisme, qui dénoncent à la fois leur gouvernement
03:17et les dirigeants du Hamas.
03:20C'est toutes ces choses-là qu'on a pu voir.
03:23C'est toute cette réalité-là qui est une réalité complexe,
03:25qui est une réalité difficile.
03:26– Le 7 octobre, le monde a basculé.
03:29Pas nos engagements, ni nos convictions.
03:31– J'ai cru que ce n'était pas réel.
03:32Honnêtement, j'ai été très touchée, émotionnellement,
03:37parce que je ne savais plus comment réagir
03:39alors que trois jours auparavant, on assistait à cette marche.
03:43– Tu l'as bien décrit, Fadela, il y a ce moment comme ça
03:46où on est sonné, où on se demande si c'est bien réel.
03:50Et en même temps, très rapidement, après ce moment d'effondrement,
03:53il y a ce fort sentiment de responsabilité,
03:55de se dire qu'au nom de tous ces gens qu'on a rencontrés,
03:58au nom de toutes ces femmes, au nom de leur courage à eux,
04:01qui sont au cœur de cette guerre, on ne peut pas lâcher.
04:04Et c'est effectivement, comme tu l'as dit,
04:06dans les moments où on est le plus mis à l'épreuve
04:08et où c'est le plus difficile,
04:09et où on est tous traversés par des sentiments de colère,
04:12de tristesse, de solitude, d'indignation,
04:15qu'on ne doit pas lâcher,
04:16qu'on doit continuer d'être dans la solidarité, dans l'empathie.
04:19Aujourd'hui, on a le sentiment que si on reconnaît la souffrance de l'autre,
04:24que si on est capable d'avoir de l'empathie avec l'autre,
04:27on enlève finalement quelque chose de notre propre souffrance,
04:30comme si les histoires, les identités et les souffrances
04:32s'annulaient les unes les autres.
04:34Non seulement nos souffrances ne s'annulent pas les unes les autres,
04:36mais elles s'additionnent.
04:38– Il y a justement une majorité qui est silencieuse
04:40parce qu'elle n'arrive pas à trouver ce point d'ancrage
04:44qui dit que c'est possible de parler des uns et des autres
04:48et de reconnaître l'un et l'autre.
04:49Rien que nous deux, il y a des différences qu'on peut voir,
04:52mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas dialoguer entre nous,
04:55même quand on a des idées qui sont totalement opposées.
04:58Il y a beaucoup de familles, il y a beaucoup d'amis
05:00qui se sont déchirés depuis le 7 octobre.
05:02Et je ne pense pas qu'on soit obligés d'en arriver jusque-là.
05:06On peut voir les choses de façon nuancée
05:09et sans se dire qu'il faut qu'on défende nos idées
05:13parce qu'il y a une souffrance qui est plus grosse qu'une autre.
05:16C'est facile, à l'abri des conséquences directes de cette guerre,
05:20de souffler sur les braises, de souffler sur la haine, etc. à distance.
05:23Nous, ce qu'on essaye justement, c'est de porter leur voix.
05:26Et qu'est-ce qu'ils nous ont dit, ces militants,
05:28quand ils étaient même il y a quelques semaines à Paris avec nous ?
05:30Ils nous ont dit, on n'a pas besoin de votre haine.
05:32Votre haine qui nourrit le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie,
05:36ça ne nous aide pas.
05:37Pendant que vous vous déchirez ici, sur les réseaux sociaux,
05:39sur les plateaux télé, pendant que vous êtes dans des invectives
05:43ou dans des sur-enchères, nous, on continue de mourir.
05:46Donc si vous voulez nous aider, unissez vos forces
05:49et essayez de faire en sorte que les choses bougent.
05:51Essayez de vous battre pour que l'aide humanitaire puisse arriver à Gaza,
05:54pour que les gouvernements aillent dans le sens d'une reconnaissance
05:57d'un État palestinien, pour qu'aujourd'hui, on obtienne un accord,
06:00qu'il y ait un cessez-le-feu, que des civils arrêtent de mourir tous les jours
06:05et que les otages soient libérés.
06:06Cette position qui est celle de la nuance, de la complexité,
06:09d'affirmer qu'on n'est pas dans un clan les uns contre les autres,
06:12mais qu'on est capable de se comprendre, de s'écouter, d'être attentif aussi
06:18à un narratif qui n'est pas le sien, à une réalité qui n'est pas la sienne,
06:22c'est aujourd'hui peut-être la position la plus radicale qui soit.
06:25Je suis de confession musulmane et je refuse d'être assignée à un seul camp.
06:29Très vite après le 7 octobre, on me demandait de qualifier ce qui s'était passé
06:35ou de me positionner rapidement, mais je n'ai même pas eu le temps
06:40d'assimiler l'information qu'on me dit déjà de réagir.
06:44Et je peux dire que ce sont des amis musulmans, que ce sont des amis chrétiens,
06:48juifs mais aussi athées qui sont venus me poser cette question
06:51et qui n'attendaient pas de moi une discussion et un échange ouvert,
06:57mais au contraire d'un échange fermé avec des points à chaque phrase
07:01pour dire je crois ça et je dis ça.
07:03– On est quand même arrivé à un stade où aujourd'hui on fait des listes
07:06de gens qui se sont exprimés ou pas sur des sujets.
07:09Il y a des gens qui peuvent être très indignés et ne pas faire de leurs réseaux sociaux
07:14un espèce de passeport idéologique permanent
07:16où ils sont obligés tout le temps d'être dans la réaction.
07:18Il y a des gens aussi qui sont dans la douleur,
07:20il y a des gens qui sont dans quelque chose de plus introspectif par rapport à tout ça.
07:23Dès qu'on essaye d'être dans la nuance, dès qu'on essaye d'être dans cette complexité-là,
07:27on s'en prend plein la figure et donc effectivement je comprends
07:29que dans ce contexte-là, il y a des gens qui soient terrifiés
07:32à l'idée de prendre la parole.
07:33– Moi j'ai reçu des messages soit de juifs qui me disent
07:37« Sale traître, tu défends des antisémites pendant que tes sœurs
07:42se font violer dans des caves à Gaza ».
07:45Des gens de tous les côtés qui soit me traitent de traître,
07:48soit me disent que je suis une salsionniste et que je mérite de crever.
07:51– Je n'ai pas reçu autant de mots violents que tu as pu en recevoir Anna,
07:58mais c'est vrai que parfois on reçoit des sortes de freins,
08:02mais très vite on se rend compte qu'on est quand même une sorte de bloc ou front,
08:07comme tu as dit, qui sommes engagés et qui croyons en la solidarité,
08:11donc je pense que ça permet aussi de continuer à s'évader au quotidien.
08:17– Des facs bloqués, des étudiants face à face,
08:20les uns brandissant des pancartes, alertant sur la situation à Gaza,
08:24les autres demandant le retour des otages.
08:27Comme si ces revendications étaient antagoniques,
08:30comme si elles devaient s'affronter.
08:32Nous affirmons que cette polarisation du débat est une impasse.
08:36– Ce manque de dialogue s'est fait ressentir à la mobilisation
08:39qui s'est faite le 3 mai au Panthéon.
08:41J'ai rencontré des étudiants qui venaient d'autres facs
08:44et qui ne se retrouvaient pas dans les discours des groupes
08:48qui sont dans leurs facs à eux.
08:50– Faites challenge, Salah !
08:54– Je pense qu'il y a aussi cette chose où…
08:57Je suis jeune, donc j'ai envie de peut-être faire passer un message
09:02aux jeunes qui peuvent nous entendre aujourd'hui,
09:05c'est qu'il ne faut pas lâcher,
09:07il ne faut pas s'arrêter à la première chose qu'on rencontre
09:11et qui nous dit peut-être presque quoi penser.
09:13Et je pense qu'on a notre part de responsabilité
09:16et que nous sommes les preneurs de décisions de demain.
09:18– Ça me touche parce que je pense que déjà la jeunesse c'est l'avenir
09:25et que Fadela elle représente ça aussi.
09:27C'est aussi un souffle et les guerres de la paix
09:31ça n'existe depuis pas si longtemps que ça,
09:32à l'échelle d'autres mouvements, deux ans et demi.
09:35Donc voir qu'aujourd'hui ça SM
09:37et qu'il y a des jeunes aussi qui reprennent le flambeau,
09:41forcément ça nous touche.