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En marge de la cérémonie de remise de décoration à Élisabeth Borne hier à l'Élysée, Emmanuel Macron aurait pronostiqué la censure "plus tôt qu'on ne le pense" du Premier ministre par Marine Le Pen. Ce soir, l'Elysée "dément" : "Le président de la République n'est pas un commentateur de l'actualité. Le gouvernement est au travail et le pays a besoin de stabilité". Qu'annoncera Michel Barnier, qui est l'invité du 20h de TF1
? Regardez Benjamin Morel, constitutionnaliste.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 26 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir
00:02Yves Calvi et Agnès Bonfillon
00:04Bonsoir Benjamin Morel
00:06Bonsoir
00:07Merci infiniment de nous rejoindre sur RTL, vous êtes spécialiste de notre constitution, vous enseignez à l'université Paris Panthéon-Assas et je rappelle votre dernier livre, Le Parlement, Temple de la République, aux éditions passées composées.
00:19Les rumeurs de démission du gouvernement Barnier se sont amplifiées toute la journée, ce soir l'Elysée visiblement dément, comment expliquez-vous cet ordre contre ordre dans lequel nous avons vécu toute la journée ?
00:31Ben on a une forme de paralysie aujourd'hui qui est appréhendée en vue d'une potentielle motion de censure sur le budget.
00:38Si jamais on avait un 49 à l'IA3 après la CMP sur le budget et que ça revienne à l'Assemblée Nationale avec une motion de censure qui passe et une chute du gouvernement Barnier, on rentre dans une situation qui est une situation d'instabilité profonde.
00:51Dans ce cadre là, il peut y avoir une option stratégique qui est une démission dès maintenant pour permettre entre guillemets de se donner plus de temps pour avoir un budget qui sera adopté.
01:00Après il y a également une volonté de la majorité qui est une volonté de faire monter la pression ces derniers jours en expliquant qu'il y aurait potentiellement un shutdown, ce qui ne sera pas le cas d'un point de vue juridique, il ne peut pas y avoir de shutdown, en montrant que potentiellement il ne pourrait plus y avoir de gouvernement.
01:14Donc c'est aussi une façon de mettre la pression sur Marine Le Pen pour expliquer que si jamais elle continue à rentrer dans une stratégie qui est une stratégie de montée de tension, on peut rentrer dans une situation chaotique.
01:25Donc là on est dans du billard à trois bandes ?
01:27Oui parce que fondamentalement Marine Le Pen n'a pas forcément intérêt à renverser le gouvernement et en même temps aujourd'hui la pression de son électorat la contraint plus ou moins à cette censure.
01:39Et donc le jeu c'est en fait quel cadeau vous faites à Marine Le Pen pour éventuellement lui permettre de dire à ses électeurs, écoutez voilà je ne censure pas le gouvernement parce que j'ai des bonnes raisons de ne pas le censurer et dans ce cadre là, si j'ai de bonnes raisons de ne pas le censurer, j'agite un petit trophée.
01:53La question c'est quelle est la hauteur du trophée et est-ce que Michel Barnier peut se permettre d'agiter un tel trophée en disant qu'il pourrait démissionner.
02:00Il va aussi donner le sentiment qu'au fond il n'a pas peur de la chute.
02:04Mais est-ce que ça veut dire aussi qu'il entend faire comprendre qu'il est maître de son destin plus qu'on ne l'imagine ?
02:09C'est ça, c'est-à-dire que l'idée c'est je peux démissionner donc à partir de là ça ne dépend pas du chef de l'état certes mais ça ne dépend pas non plus de Marine Le Pen.
02:17Et donc si je n'ai pas les conditions nécessaires pour ce que je juge être bien gouverné, je peux partir.
02:23Alors après encore une fois on est dans une situation où en fait Michel Barnier joue au poker avec une paire de deux.
02:30En marquant le bluff ce n'est pas mal au poker.
02:34Exactement ça peut marcher et d'une certaine façon Marine Le Pen encore une fois et à la fois son adversaire mais en même temps là-dessus n'a pas non plus fondamentalement intérêt à ce que ça se passe mal.
02:43Donc en jouant et en surjouant elle peut jouer les dupes.
02:47Ces derniers jours en tout cas le Premier ministre semblait tout à fait à sa place non ? Il n'avait aucune intention de partir.
02:52Pour l'instant au contraire on a plutôt des signaux qui sont envoyés.
02:55Alors il répète à intervalles réguliers qu'évidemment il ne sait pas que le Parlement est le maître de son destin etc.
03:01Mais en même temps il dit se projeter pour cinq ans, il fait des projets qui clairement le projettent sur au moins le premier semestre 2025.
03:10Donc oui on a un gouvernement qui au moins veut donner le sentiment qu'il est là pour rester.
03:14Ce qui est également une stratégie de communication pour montrer qu'il n'est pas épisodique.
03:18Et qui veut donner également le sentiment qu'il est prêt à partir.
03:21Ce qui lui permet d'être en position de plus grande force dans le cadre d'une négociation où il expliquerait qu'en fait personnellement il n'a rien à perdre.
03:27On est dans du jeu politique qu'il va falloir s'habituer pendant un mois.
03:30Parce que pendant un mois le sort du budget et du gouvernement étant en suspens ça va être un peu la nuit des dupes tous les jours.
03:37Alors l'Elysée aujourd'hui, je rappelle quand même à nos auditeurs et je veux votre analyse quand même,
03:41a démenti les informations de nos confrères du Parisien selon lesquelles Emmanuel Macron aurait prédit en début de semaine
03:48que le gouvernement de Michel Bardi allait tomber à la suite d'une motion de censure.
03:53Ces rumeurs et contre-rumeurs elles font partie de la vie politique ? C'est normal ? On doit s'en étonner ?
03:59Ah non elles font partie de la vie politique. Elles font partie depuis toujours de la vie politique.
04:03Donc c'est à la fois parce que vous avez évidemment des fantasmes qui peuvent tourner sur justement ce qui a été dit.
04:09Des bruits de couloirs et puis en même temps ces rumeurs elles sont souvent contrôlées.
04:12C'est-à-dire que le chef de l'Etat ne dit pas à n'importe qui, n'importe quoi. Il sait également que ça peut fuir.
04:18D'autant qu'autant sous François Hollande on avait une Elysée qui était très poreuse.
04:21En fait l'Elysée maîtrisait mal sa communication.
04:24Autant sous Emmanuel Macron il a eu la réputation justement de maîtriser ces éléments de communication.
04:31Surtout maintenant qu'il est en cercle resserré.
04:33Donc faire fuiter ça c'est une, si on considère qu'il s'agit d'une fuite mais là encore c'est de la conjecture.
04:38C'est une façon de dire, j'avais prévu la chose si Michel Barnier tombe, j'ai peut-être un plan de rechange
04:45et je ne suis pas solidaire de la chute qui serait celle du gouvernement.
04:48En fait c'est Michel Barnier qui a mal géré, ce n'est pas moi.
04:50On continue de payer le résultat des élections législatives et donc le fonctionnement de la démocratie française ?
04:56On paye une situation de tripolarisation de la vie politique française qui aujourd'hui s'inscrit dans la durée et devient structurelle.
05:04Ce n'est pas évident que si demain on avait une dissolution, cette tripolarisation et cette assemblée ingouvernable seraient fondamentalement différentes.
05:10Aujourd'hui c'est plutôt inscrit dans une sociologie électorale.
05:12Après on paye également une stratégie de Michel Barnier qui était une stratégie un peu kamikaze avec beaucoup de confiance dans sa position.
05:20C'est-à-dire qu'il n'était tout de même pas imprévisible que Marine Le Pen étant une opposante,
05:24elle finisse par arriver à la censure si elle n'avait plus intérêt à soutenir le gouvernement Barnier.
05:29Or en décidant en première lecture de laisser débattre les députés mais de ne leur faire aucun cadeau,
05:34de ne faire notamment aucun cadeau au RN qui aurait permis aux députés d'arriver à sa conscription en disant
05:38je ne renverserai pas Michel Barnier mais j'ai des raisons de ne pas le renverser parce que j'ai gagné ça, ça et ça.
05:43Ce qu'aurait fait Michel Rocard en utilisant un 49 à une A3 mais en donnant des gages à certaines oppositions et à sa majorité,
05:50c'était de déposséder complètement les députés, RN compris, de la conception de ce budget.
05:56Il rend très difficile la non-censure.
05:58Donc c'était quand même faire un pari qui était un pari dangereux que aujourd'hui Michel Barnier paye,
06:03tente de rattraper et aura bien du mal à rattraper.
06:05Alors justement, si ça ne marche pas, la prochaine étape c'est quoi ? Un gouvernement de techniciens ?
06:10Alors déjà si ça ne marche pas, si on a un gouvernement qui est battu sur son budget,
06:15on peut avoir trois voies en fait. On peut très rapidement nommer un gouvernement.
06:20Auquel cas ce nouveau gouvernement, ça pourrait être un Barnier 2.
06:23C'est-à-dire que le problème ce n'est pas le nom de Barnier, le problème c'est le cadeau qu'on fait au RN
06:26pour ne pas qu'il vote la censure. C'est ça le point de dalle.
06:29Donc on tourne autour du RN depuis le début de cet entretien.
06:33C'est ça, parce qu'aujourd'hui les socialistes sont potentiellement dans une logique
06:38qui est une logique d'un peu plus grande main tendue.
06:40Mais si vous entendez Boris Vallaud, c'est pour un prochain gouvernement, pas pour celui-ci.
06:43C'est le RN qui a les clés.
06:45Donc soit vous faites un gros cadeau à Marine Le Pen sous le sapin
06:48qui permette de faire passer qui ce budget avec ce gouvernement,
06:51qui ce budget qui n'est pas mort si jamais Michel Barnier a renversé le budget,
06:54il continue sa course avec un nouveau gouvernement avant le 31 décembre.
06:58La deuxième voie, c'est qu'à partir du 21 décembre,
07:01si le budget n'est pas rejeté dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat,
07:05le budget continuant sa route, on peut l'exécuter par ordonnance.
07:08On pourrait donc avoir un gouvernement démissionnaire qui exécute par ordonnance
07:11un budget qui a été rejeté par l'Assemblée nationale.
07:14Démocratiquement ce n'est pas sain, mais juridiquement ça tient.
07:17La dernière option, c'est qu'on exécute temporairement,
07:21durant les premiers mois de 2025, un budget dans sa partie dépense
07:25qui serait le budget de l'année précédente.
07:27Donc il n'y aura pas de shutdown, les fonctionnaires seront payés.
07:29Et il faut une loi d'habilitation pour prélever les impôts,
07:32dont le RN a déjà dit qu'il la voterait.
07:34Donc quoi qu'il arrive, il y aura des impôts et des fonctionnaires début 2025.
07:39Il n'y aura pas forcément de budget par contre.
07:41Dites-moi, pendant ce temps-là, notre dette continue d'augmenter ?
07:44Parce que c'est la vraie catastrophe du pays, c'est ça ?
07:48Si jamais on n'avait vraiment pas de budget, pas de fonctionnaires et pas d'impôts,
07:51on aurait une catastrophe encore bien plus grande.
07:53Mais en effet, du point de vue de la situation en matière de dette,
07:58il y a deux éléments aujourd'hui qui sont bloquants.
08:01Pourquoi est-ce que Marine Le Pen n'a pas un gros cadeau signé Michel Barnier
08:04sous son sapin ?
08:05D'abord parce que les députés macronistes ont été élus contre le RN
08:09grâce au report de Voix de Gauche.
08:10Donc si vous faites un trop gros cadeau à Marine Le Pen et que ça se voit,
08:13vous les mettez en porte à faux.
08:15Parce que le cadeau à Marine Le Pen, comme tous les cadeaux de Noël,
08:18vous êtes en train vous-même de les faire, donc vous le savez,
08:20ça coûte cher, un cadeau de Noël.
08:22Donc aujourd'hui, ce que réclame le RN,
08:25qui lui permettrait de justifier auprès de son électorat le fait qu'il ne censure pas,
08:29c'est par exemple la fin de la hausse de la taxe sur l'électricité, etc.
08:33Notez que les socialistes demanderaient probablement la fin de la réforme des retraites,
08:36enfin de revenir sur la réforme des retraites,
08:38donc ça ne coûterait pas moins cher de trouver une voie auprès du Parti Socialiste.
08:41Et donc quoi qu'il arrive, trouver un cadeau va coûter excessivement cher.
08:44Et donc dans ce cadre-là, au vu de l'équilibre budgétaire
08:47et des cadeaux qui ont déjà été faits aux collectivités, aux LR, aux macronistes,
08:51il n'y a pas vraiment les marges de manœuvre financière pour permettre ce cadeau.
08:54Je ne sais pas si vous nous avez rassuré.
08:56Merci infiniment, Benjamin Morel, spécialiste de notre Constitution
08:59et enseignant à l'université Paris Panthéon-Assad.
09:02Je rappelle votre livre, Le Parlement, Temple de la République,
09:04aux éditions passées composées.
09:06Dans un instant, le journal de 18h30, bien entendu.
09:08Et à 18h40, nous vous parlerons d'une drogue dont la consommation a été multipliée
09:12par cinq en dix ans.
09:14La kétamine est en plein boum chez les jeunes.
09:16La dictologue Kéti Deleiris sera avec nous pour nous expliquer la situation.

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