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Jeudi 14 novembre 2024, MANAGER L'ODYSSÉE reçoit Thibault de Saint Blancard (Cofondateur, Alenvi)

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00:00Bienvenue dans Manager l'Odyssée, un tête-à-tête de 28 minutes dans le quotidien d'un manager
00:14sur Be Smart for Change. Devenir un bon manager ne s'improvise pas. Aujourd'hui, j'ai le plaisir
00:20de recevoir Thibaut de Saint-Blancard, cofondateur d'Alanvi, une entreprise sociale dédiée à
00:27l'accompagnement des personnes âgées. Thibaut a également lancé le collectif L'Humain d'abord,
00:32il rassemble des acteurs du secteur autour d'une même vision humaine du métier d'auxiliaire de
00:38vie. Nous verrons avec lui comment son parcours et ses convictions ont façonné le manager qu'il
00:44est aujourd'hui, un manager engagé dans la transformation du secteur de l'aide à domicile.
00:49Bonjour Thibaut. Bonjour Alex. Merci d'avoir répondu présent à notre invitation. Thibaut,
01:01avant d'entrer dans le vif du sujet avec Alanvi, j'aimerais savoir ce qui vous a poussé vous et vos
01:08cofondateurs à quitter des postes de direction pour plonger dans le secteur de l'aide à domicile.
01:14Alors c'est plusieurs raisons. Première raison, c'était comme on se connaissait depuis pas mal de
01:22temps, c'était de monter quelque chose ensemble déjà, c'était de travailler avec des amis,
01:27c'est travailler dans un secteur qui avait du sens et c'était aussi, on a des histoires
01:35perso assez différentes, Guillaume, Clément et moi, et on a tous un rapport à la fragilité,
01:40à la vulnérabilité. Moi par exemple, j'ai une petite sœur qui a un handicap et du coup,
01:45ça m'a toujours façonné une partie de ma personnalité. Du coup, c'est pour ça que j'avais
01:56entre deux jobs précédemment déjà réfléchi à travailler dans ce secteur et donc ça a beaucoup
02:03de sens pour moi de le faire à ce moment-là. Et les secteurs initiaux dans lesquels vous
02:07travaillez avant n'avaient aucun rapport avec le secteur de l'aide à domicile ? Absolument pas
02:11rapport. Moi j'ai travaillé principalement en tant que manager d'ailleurs pendant six ans chez
02:17Todexo qui est un groupe de services entreprises et ensuite chez Laurent Merlin pendant cinq ans,
02:24donc effectivement c'est des secteurs qui sont très différents. Et lors de vos débuts,
02:27certains de vos collègues de promotion à HEC trouvaient votre projet utopique et risqué,
02:34comment vous avez fait pour surmonter ces doutes malgré tout ? C'est sûr que quand en 2016,
02:41on a dit à notre entourage, à nos collègues de promotion, à nos familles ou à d'autres qu'on
02:46allait dans le secteur de l'aide à domicile, ça a suscité des interrogations parce que ce n'était
02:52pas un secteur forcément très commun par rapport à nos parcours. Mais ce qui est intéressant,
02:59c'est de voir, là ça fait maintenant huit ans, huit-neuf ans, et de voir depuis tout le chemin
03:05qui a été effectué et notamment la manière dont aujourd'hui l'économie sociale est perçue et le
03:11secteur est perçu. Et donc ce qui était il y a neuf ans un peu une énigme, il y a beaucoup moins
03:17aujourd'hui. Et vous avez, donc vous l'avez dit, vous avez eu des expériences formatrices chez
03:22Laurent Merlin et Todexo. Chez Todexo par exemple, votre premier manager, Jean-Michel je crois,
03:29vous a appris l'importance de prendre des décisions. Est-ce que vous pouvez nous raconter ça ?
03:35Oui, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui on parle beaucoup de comment on prend une décision et avec
03:40qui on le prend, ce qui est hyper important et on en reparlera probablement après. J'ai pris une
03:45bonne leçon, voilà, c'était dans mes premières semaines de ma mission chez Todexo où j'étais
03:52responsable de restaurant d'entreprise. Donc ça consiste à prendre plein de décisions parce qu'on
03:56a plein de restaurants et plein de problèmes à gérer. Et ça c'est en tout début de carrière ?
04:01Donc ça c'était en 2005, voilà, en début de carrière. Donc on m'avait confié des responsabilités
04:06assez importantes. On m'avait confié le management d'une centaine de personnes réparties sur une
04:11dizaine de restaurants d'entreprise, donc c'était assez énorme. Et donc au quotidien j'ai plein de
04:17situations à gérer. Et donc une des premières situations, je me souviens, je suis allé voir
04:22mon boss de l'époque qui s'appelle Jean-Michel et je lui ai dit, voilà Jean-Michel, j'ai un problème,
04:26tu sais quoi, ce que je peux faire ? Et donc lui, il connaissait tout ça, il me dit, bah écoute Thibault,
04:33là t'es dans mon bureau, donc ce que je te propose, c'est que tu sors tranquillement de mon bureau,
04:38tu vas au tien, tu vas travailler, tu vas réfléchir si t'as le temps et puis tu reviendras quand t'auras
04:43une solution. Parce qu'en fait, ton job c'est justement de prendre ces décisions. Et je te
04:51reprocherai pas d'avoir pris une mauvaise décision, en revanche, je te reprocherai de ne pas en avoir
04:54prise. Donc ça, c'est vrai que c'était assez cash, mais forcément ça m'a piqué.
05:00Mais du coup, je m'en suis vraiment sauvenu parce que c'est vraiment important de décider,
05:06alors on ne décide pas de tout et tout le temps, mais en tout cas, c'est important que les choses avancent.
05:11Et dans quelle mesure ça infuse dans votre management aujourd'hui ?
05:17En fait, quand on a une équipe où chacun a ses responsabilités, si on résonne avec des objectifs précis
05:29qui sont répartis dans l'équipe, je sais que je suis assez attaché quand je vois mes équipes,
05:39des décisions qu'elles prennent. Alors qu'elles prennent seules ou à plusieurs, évidemment, et encore une fois,
05:44c'est une vraie question, mais c'est important de ne pas subir. C'est important d'être bien de ce qui dépend de nous
05:51et dans ce qui dépend de nous, il y a des décisions qu'on prend.
05:54Et est-ce que vous avez des mentors ? J'imagine que ce Jean-Michel vous marque, on peut le qualifier de mentor quelque part.
06:02Est-ce que d'autres personnes ont marqué votre parcours ?
06:07C'est vrai que j'ai toujours eu une relation, alors avant L'Envie, je parle assez étroite avec mes N plus 1,
06:14où il y a toujours eu beaucoup de confiance, donc c'est vrai que les boss successifs que j'ai eus m'ont pas mal façonné,
06:21évidemment. Après, il y a eu une rencontre en direct, on va dire, avec une personne qui m'a vraiment énormément inspiré.
06:29On a tous les trois finalement, avec Clément et Guillaume, en 2015, c'était juste avant de créer L'Envie,
06:35et c'était le fondateur d'une association qui existe en Hollande et qui s'appelle Bordzorg et qui s'appelle Close the Block.
06:43Et lui, effectivement, ça a été une révélation.
06:46OK, vous avez choisi de privilégier une vision humaine et sociale du travail.
06:52Dans quelle mesure vous pensez que l'entreprise a une responsabilité sociétale au-delà des résultats financiers, bien sûr, aujourd'hui ?
07:01L'entreprise, il faut être assez mesuré sur le rôle de l'entreprise, mais l'entreprise, de fait, a un rôle de transformation assez important.
07:11À partir du moment où une grande majorité des Français sont salariés,
07:17on travaille avec des entreprises, le pouvoir de transformation de l'entreprise est de fait très important.
07:24Et donc, oui, des entreprises doivent contribuer d'une manière ou d'une autre à l'amorce de ces changements, mais c'est important.
07:31Et nous, on parle beaucoup, si vous voulez, de co-responsabilité, c'est-à-dire qu'on a tous un rôle à jouer.
07:37Les entreprises ont un rôle à jouer, l'État a un rôle à jouer, les collectivités locales, les corps intermédiaires.
07:42Et c'est justement dans le dialogue entre toutes ces parties prenantes qu'on va réussir, on espère, à faire changer les choses.
07:49Pour entrer dans le vif du sujet, il s'agit sans d'à-l'envie.
07:53Le secteur de l'aide à domicile, on le sait, est souvent perçu comme difficile, peu valorisant.
07:59Comment est-ce que vous, concrètement, chez à-l'envie, vous faites, vous essayez en tout cas, d'améliorer les conditions de travail, les conditions de vie de ces auxiliaires ?
08:10En fait, ce qui est intéressant, c'est que nous, comme on venait de secteurs qui n'étaient pas ce secteur,
08:14on n'avait pas d'a priori sur la manière de faire le métier.
08:18Et en fait, il y a plusieurs choses qui nous ont étonnés quand on est arrivé.
08:25Quand on est arrivé, on a interrogé plein d'auxiliaires de vie qu'on a rencontrés, je me souviens encore, dans un café,
08:31et où elles nous racontaient, voilà, moi, mon métier, je l'aime, c'est-à-dire que j'aime créer du bien, j'aime aider les gens,
08:38mais au quotidien, je ne retrouve pas forcément les raisons qui m'ont fait choisir ce métier.
08:43Et ça, il y a un peu deux raisons à ça. La première raison, c'est qu'on a abordé le métier, les métiers du prendre soin,
08:50comme on appelle ça, on les a abordés à l'aune des gestes techniques, c'est-à-dire que finalement, c'est des métiers assez récents,
08:57c'est-à-dire que c'est des métiers qui ont été créés dans les années 60 et 70, quand les gens se sont mis à vivre plus longtemps,
09:03et qu'il y a eu, de manière assez industrielle, des maisons de retraite et des structures d'aide à domicile qui se sont créées.
09:14Là, on a créé des métiers, donc on a créé le CR, la soignante, le métier d'infirmière, il existe depuis bien longtemps,
09:22mais on a créé des métiers, et du coup, on a mis un peu les gens dans les cases, sans forcément prendre en compte ce qu'il y avait de commun entre ces métiers,
09:30c'est-à-dire la création de liens. Donc finalement, ces métiers ont été abordés à l'aune de la technique et des gestes qui sont faits,
09:36et pas à l'aune du bien humain qui est créé. Et donc ça, c'est la première chose.
09:40Et la deuxième chose, c'est qu'on a du coup créé des structures très pyramidales et très hiérarchiques, où typiquement, des auxiliaires de vie,
09:49aujourd'hui, alors là, ça commence à évoluer, mais jusqu'à il y a peu de temps, on leur disait exactement ce qu'il fallait qu'elles fassent,
09:54quand, comment, avec qui, et c'est vrai que c'est assez infantilisant, là où, de fait, en fait, quand vous êtes seul avec une personne fragile,
10:02de fait, vous avez plein de décisions à prendre. Et donc, au lieu de ne pas chercher à ce que vous en preniez, parce qu'on va mettre en place
10:09plein de contrôles et plein de normes, et bien partir du principe que ces décisions, vous allez les prendre, vous en aurez plein à prendre seul,
10:15et du coup, autant créer les conditions qui vont permettre aux auxiliaires d'exercer ces responsabilités le plus simplement possible.
10:26Et donc, ça a été, pardon, du coup, je suis un peu long.
10:28Non, non, pas du tout. J'allais vous parler de ce fameux modèle néerlandais, je crois.
10:32Oui, voilà. Nous, on s'est inspirés de ça. En fait, on a eu un bouquin de Frédéric Lalou, que vous connaissez peut-être,
10:40et que beaucoup connaissent, qui s'appelle « A Reinventing Organization ». Et c'est un livre qui aborde différentes initiatives dans le monde,
10:51dans lesquelles on a placé l'humain au cœur de l'organisation et dans lesquelles on a... Alors, on entend souvent parler du monde, du concept d'entreprise libérée.
11:05Moi, je ne suis pas toujours fan de ce concept, parce que souvent, quand on parle de ça, on érige un peu...
11:10Est-ce que vous pouvez revenir sur ce concept, pour ceux qui ne connaissent pas ?
11:14L'entreprise libérée, c'est le fait que, de manière très, très triviale et très schématique, on donne le pouvoir aux salariés et on donne une grande autonomie aux salariés.
11:28Donc, ça, c'est des patrons. Donc, ça a apparu dans les années 80 et 90, avec des patrons qui ont abandonné leur prérogative de prise de décision et la prise de décision...
11:40C'est une délégation totale.
11:42Oui, exactement. Aux salariés, donc. Et l'idée est bonne. Après, et ce n'est pas du tout le cas de toutes les entreprises libérées, c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de polémique à avoir,
11:51mais il ne faut pas ériger l'autonomie comme une fin en soi. L'autonomie qu'on peut avoir, et là, en l'occurrence, ce qu'on a donné aux auxiliaires, je vais vous raconter juste après, c'est un moyen.
12:03Ce n'est pas une finalité, c'est un moyen pour que les auxiliaires soient bien dans leur basket et qu'ils puissent bien faire leur job.
12:09Et typiquement, dans ce bouquin-là, ce qui a vraiment résonné très fortement pour moi, c'est qu'on mettait en avant, dans le style de management déjà, le fait d'être...
12:22Quand on manage, il y a une vraie nécessité d'être aligné, finalement, entre la personne que vous êtes au boulot et la personne que vous êtes dans la vie personnelle.
12:32C'est-à-dire que...
12:34Deux personnes distinctes.
12:36Souvent, on dit qu'en fait, quand on arrive au boulot, on met un costume au sens propre.
12:40Et une rupture.
12:41Comme au sens figuré. Et on se donne un rôle parce qu'on est manager.
12:44Et ça, c'est vrai que... Alors que pourtant, moi, précédemment, je travaillais dans des boîtes hyper humaines, qui étaient vraiment super.
12:52De temps en temps, je me sentais un tout petit peu en injonction contradictoire entre la posture qu'on me demandait d'avoir,
12:58avec, finalement, le rôle de patron. Dans la grande distribution, c'est quand même ça.
13:03Vous êtes patron avec les galons, c'est vous qui décidez.
13:06Et moi, de temps en temps, il y avait des décisions que je prenais et je voyais bien que ce n'était pas forcément moi la meilleure personne pour le faire.
13:15Ou des relations avec des partenaires sociaux, où on me demandait d'avoir une posture qui était assez distante.
13:26Où, là où moi, si ça avait été ma boîte, j'aurais privilégié peut-être plus de transparence.
13:32Et c'est là que ce modèle de management en autonomie est mis en place.
13:38Et donc, en quoi il diffère de l'entreprise libérée ?
13:42Alors, je ne sais pas s'il diffère tant. C'était plus une question de sémantique.
13:48L'idée, en fait, quand on repart du constat qu'aujourd'hui, la plupart des auxiliaires sont un peu, entre guillemets, infantilisés.
13:56Eh bien, on va redonner aux auxiliaires le pouvoir d'agir qu'elles ont de fait quand elles sont sur le terrain.
14:04Et donc, chez Alenvie, très concrètement, on a des équipes d'auxiliaires de vie.
14:10Donc, on intervient principalement à Paris, en région parisienne.
14:13On va accompagner des personnes âgées qui ne peuvent plus vivre seules.
14:16Et on a des équipes d'auxiliaires de vie, donc par arrondissement ou par zone,
14:20qui travaillent ensemble et qui ont une partie de leur temps de travail qui va être dédiée à la vie de leur équipe.
14:26Et donc, ça veut dire quoi ?
14:27Ça veut dire que sur 35 heures, il y a environ 30-32 heures chez les bénéficiaires, les personnes âgées.
14:33Et 3 à 5 heures, en moyenne, qui vont être en équipe ou qui vont être pour l'équipe.
14:38Par exemple, les auxiliaires vont se recruter entre elles.
14:42Elles vont faire leur planning.
14:44Elles vont se réunir.
14:45Elles vont se former.
14:46En fait, elles vont faire tout ce qui permet à leur équipe de bien vivre et de bien grandir.
14:50Et là-dessus, il n'y a pas encore une fois, et c'est pour ça que je parlais du truc dogmatique tout à l'heure,
14:56il n'y a pas de dogme à avoir.
14:57C'est-à-dire que nous, on ne fait pas faire les plannings aux auxiliaires parce qu'on n'a pas envie de les faire.
15:03Non.
15:04En fait, on donne l'opportunité aux auxiliaires de le faire parce que, pour nous, c'est ce qui a le plus de sens,
15:09parce que c'est elles qui connaissent leurs bénéficiaires.
15:11Elles connaissent leur métier.
15:12Elles connaissent leur équipe.
15:13Et du coup, le fait que ce soit elles qui le fassent,
15:16elles vont pouvoir prendre des décisions de manière plus juste qu'une personne qui est coordinateur
15:23ou coordinatrice dans un bureau qui fait les plannings sur un tableau Excel
15:27et qui ne connaît pas les bénéficiaires et qui ne connaît pas les auxiliaires.
15:30Et à quel moment vous intervenez, alors, si vous avez le fameux ?
15:33Alors, en fait, les auxiliaires sont accompagnés par ce qu'on appelle un coach.
15:45J'ai bagayé un peu, mais c'est pas grave.
15:48Un coach qui va les aider à prendre des décisions.
15:52Et effectivement, la clé, elle est vraiment là.
15:55On n'est plus dans un système où il y a un chef qui prend les décisions les plus difficiles
16:00et qui laisse les plus faciles aux équipes.
16:03On est plutôt une personne qui est à côté et qui va aider à prendre des décisions,
16:07qui va de temps en temps informer sur la réglementation,
16:09qui va les former et qui va les aiguiller.
16:13Et donc, ça veut dire qu'il y a peut-être, on va dire,
16:17trois quarts des décisions qui sont prises par l'équipe.
16:19Il y a un petit quart des décisions qui sont prises avec le coach
16:25et après, il y a peut-être de temps en temps,
16:27des décisions qui sont prises de manière unilatérale
16:31quand la situation l'exige.
16:33Mais ça, c'est très, très rare finalement.
16:35Et est-ce que vous voyez des limites à ce modèle en autonomie ?
16:40Des limites, je ne sais pas. En tout cas, il y a des vrais points d'intention.
16:43Parce que, d'une part, en fait, l'autonomie, elle marche si un cadre qui est clair.
16:50Parce que si on dit aux auxiliaires ou à n'importe qui,
16:54vous faites ce que vous voulez,
16:56si on ne sait pas sur quel terrain de jeu on joue,
16:58on peut faire n'importe quoi.
17:00Là, l'idée, et c'est pour ça que, de manière paradoxale peut-être,
17:03il faut être très rigoureux quand on met en place ce type de management,
17:09parce qu'il faut qu'il y ait un cadre qui soit très précis.
17:14Donc, le cadre des auxiliaires, c'est déjà le cahier des charges
17:19du département auquel on est soumis,
17:21qui est un cahier des charges parce qu'on va accompagner des personnes fragiles.
17:24Donc, il y a des choses à respecter.
17:27Ensuite, il y a le droit du travail.
17:28Typiquement, quand on fait des plannings, on ne va pas réinventer le droit du travail.
17:31Il y a un droit du travail qui existe.
17:32Donc, évidemment, on va le respecter.
17:37Après, il y a un cadre interne avec un état d'esprit
17:43avec lequel on a envie de travailler et qui est écrit.
17:48Du coup, tout ça, ça constitue un cadre.
17:51Et donc, le cadre, il a pour fonction de bien sécuriser tout le monde.
17:55Parce que l'autonomie, on a envie de la prendre si on se sent en sécurité.
18:00Si on ne se sent pas en sécurité.
18:01Donc, les points d'attention, c'est vraiment être très rigoureux sur le cadre.
18:04Et ça, c'est vraiment constant.
18:05Ce n'est pas une fois par an, on fait un tour sur le cadre.
18:07C'est à toutes les réunions.
18:08Et là, c'est vraiment le rôle du coach.
18:10On rappelle le cadre.
18:12Et quel retour elles vous font ?
18:14Je dis elles parce que j'imagine que c'est essentiellement des femmes.
18:17Oui, nous, on aime bien parler aux féminins aussi.
18:19Parce qu'il y a peu d'hommes.
18:21Ce serait bien qu'il y en ait plus.
18:22Mais on en a quelques-uns, effectivement.
18:24On dit souvent elles.
18:25Et les retours, en fait...
18:27Pour celles qui ont eu l'habitude d'un modèle traditionnel, j'entends.
18:31Eh bien, non, non.
18:32Il y a une vraie adhésion.
18:33Il y a une vraie adhésion, en fait, à cette manière de faire.
18:38Effectivement, il y a quelques personnes qui préfèrent qu'on leur dise...
18:44Qui ont un autre rapport au travail.
18:46Ou qui aiment bien qu'on leur dise un peu quoi faire, quand et tout.
18:48Mais finalement, elles sont assez minoritaires.
18:50Et il ne s'agit pas du tout de les stigmatiser.
18:52Au contraire.
18:53Et c'est tout le but des entretiens que mènent les auxiliaires
18:58quand elles vont recruter une personne.
19:00L'idée, c'est de décrire au plus juste
19:02votre manière de fonctionner.
19:03Et puis après, ça vous va ou ça ne vous va pas.
19:05Si ça ne vous va pas, ça ne veut pas dire que vous n'êtes pas une bonne auxiliaire d'avis.
19:07Evidemment.
19:08Ça arrive ?
19:09Oui, ça arrive.
19:10Que des auxiliaires préfèrent être 100% driveés ?
19:12Oui, ça arrive.
19:13Et c'est très bien.
19:14Il n'y a aucun jugement, évidemment.
19:15Et ça arrive aussi qu'au bout d'un mois,
19:18les auxiliaires disent que c'est génial.
19:21Et je comprends que vous trouviez ça super.
19:23Mais moi, c'est vrai que c'est mon truc.
19:25Donc, ça arrive peu, mais ça arrive.
19:27Et c'est très bien, justement, de pouvoir autoriser ça.
19:30Sinon, on ne va pas obliger les gens à rester.
19:34Après, si on reste aligné,
19:37je parle encore une fois de rester aligné
19:39avec le projet de départ,
19:42il y a une réadhésion.
19:44Et dans quelle mesure est-ce que vous pensez
19:46que ce modèle en autonomie est transposable
19:48à d'autres secteurs ?
19:50En fait, ce modèle,
19:53d'ailleurs, on parle de modèle,
19:55et c'est moi qui ai utilisé le mot modèle tout à l'heure,
19:57c'est plus une philosophie qu'un modèle.
20:00Parce que quand on parle de modèle,
20:02sinon on va chercher à plaquer quelque chose de très précis
20:04avec un degré d'autonomie très précis.
20:06En fait, cette philosophie,
20:08elle est évidemment applicable partout
20:10parce qu'elle consiste à faire prendre
20:14des décisions au bon endroit par les bonnes personnes.
20:16Donc, dans n'importe quel secteur d'activité,
20:21il y a plein de personnes qui le font
20:23et qui le font sans le savoir.
20:25Il y a plein de personnes qui prennent toutes des décisions elles-mêmes
20:27et il y a plein de personnes qui les prennent avec
20:29ou qui les font prendre par des collaborateurs.
20:31Donc oui, c'est transposable partout.
20:33Au-delà d'Alanvi, vous avez lancé
20:35le collectif L'Humain d'abord.
20:37Avec ce collectif,
20:39quels changements structurels
20:41et transformations moindres
20:43est-ce que vous espérez
20:45concrétiser dans le secteur ?
20:47Nous, en fait, assez vite,
20:49on a vu que ce qu'on faisait
20:51chez Alanvi
20:53avait des effets positifs
20:55sur le métier
20:57et on a eu envie
20:59de partager
21:01tout ça.
21:03On a pris connaissance de projets un peu similaires
21:05et de structures
21:07un peu comme les nôtres qui s'étaient inspirées
21:09de la même manière de cette initiative
21:11en Allemagne qui s'appelle Boardsorg.
21:13Il y en a eu une à Lille, une à Nantes
21:15et une à Rouen.
21:17Et du coup,
21:19déjà,
21:21on s'est rencontrés pour échanger
21:23et partager nos pratiques parce qu'on avait un peu
21:25les mêmes problèmes à gérer.
21:27Et ensuite, on s'est dit, avec un peu de recul,
21:29on voit que ce qu'on fait a des conséquences
21:31positives et du coup, ça vous donne envie
21:33de le partager à d'autres.
21:35Et donc, on a créé un collectif
21:37qui est finalement une forme,
21:39c'est quelque chose d'assez hybride,
21:41d'assez informel, même encore aujourd'hui.
21:43On a fini par constituer
21:45une association,
21:47mais c'est
21:49un collectif dans lequel
21:51n'importe qui qui veut
21:53se renseigner sur
21:55ce type de pratiques
21:57peut rentrer.
21:59Il y a un vrai partage. On a fait comme ça
22:01un tour de France
22:03où on a organisé une vingtaine de journées
22:05où on a fait témoigner des auxiliaires
22:07notamment, et des encadrants et des dirigeants
22:09pour partager
22:11les clés
22:13de cette philosophie. Et ce qui a été hyper intéressant,
22:15c'est qu'à chaque fois,
22:17on habitait toutes les structures
22:19des domiciles du coin,
22:21des départements,
22:23tout l'écosystème. Ce qui est intéressant,
22:25c'est que les auxiliaires, dans ce cas-là,
22:27on ne les briche pas sur ce qu'ils vocalisent. On leur dit
22:29vous témoignez vraiment quand vous vous suscitez
22:31avec ce que vous vivez, ce que vous vivez de bien
22:33et ce que vous vivez de moins bien. Et comme ça, après,
22:35ça peut faire émerger
22:37des vraies envies derrière.
22:39Et comment est-ce que vous comptez
22:41faire ou est-ce que vous faites déjà pour vous assurer
22:43de maintenir des valeurs de dignité,
22:45d'entraide à mesure
22:47de la croissance
22:49de l'envie ?
22:51C'est un vrai point. Je parlais de
22:53rigueur tout à l'heure.
22:55Parce que malheureusement, on n'est pas
22:57épargné par le turnover
22:59et le fait qu'il y a des auxiliaires qui arrivent
23:01et malheureusement, il y en a qui repartent.
23:03On en a qui sont là depuis très longtemps,
23:05mais on en a aussi qui partent. Et là-dessus,
23:07c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, une rigueur à avoir
23:09sur comment est-ce qu'on va rappeler à chaque fois,
23:11pourquoi est-ce qu'on fait tout ce qu'on fait,
23:13comment est-ce qu'on a envie de travailler.
23:15On a écrit une charte d'envie.
23:17C'est un document
23:19avec plusieurs
23:21valeurs, alors je n'aime pas trop ce mot,
23:23mais en tout cas, avec plusieurs
23:25caractéristiques sur
23:27l'état d'esprit
23:29avec lequel on a envie de travailler.
23:31Je ne vais pas tout vous les faire, mais il y a par exemple
23:33une notion
23:35de solidarité
23:37à avoir. Nous,
23:39on érige la solidarité
23:41entre auxiliaires comme étant très importante.
23:43Parce que de temps en temps,
23:45on est absent, parce qu'on est malade
23:47ou autre, on est malade soi-même.
23:49Quand on est absent, on sait qu'on peut compter sur l'équipe,
23:51parce que peut-être trois jours après,
23:53ça sera une autre personne qui sera absente et ça sera moi qui vais en passer.
23:55C'est vrai, c'est un
23:57état d'esprit qu'on essaie de diffuser.
23:59Après, on a assez peu de documents écrits
24:01parce que nous, on pense vraiment que ce qui
24:03se propage le mieux, c'est ce qui est incarné.
24:05C'est nous, la manière dont on l'incarne,
24:07nous, en tant que dirigeant, et évidemment, c'est une équipe
24:09dont les choses sont incarnées.
24:11Là, c'est vraiment ce qui va faire
24:13que cette culture va être berne.
24:15Néanmoins, comment on s'assure
24:17que cette notion, cette valeur
24:19qui est la solidarité soit
24:21celle de la personne
24:23qu'on recrute ?
24:25On va lui dire au début, et après,
24:27on ne peut jamais s'en assurer et on ne cherche pas
24:29à le faire. C'est plus qu'on lui dit
24:31quand vous allez arriver,
24:33vous allez être
24:35observé et vous allez
24:37pouvoir observer. Vous allez faire partie
24:39d'une équipe dans laquelle on va vous demander
24:41d'être solidaire. Donc, est-ce que ça vous
24:43intéresse ou pas ?
24:45Oui, de facto, le modèle repose là-dessus.
24:47Et vous avez
24:49fondé Compagnie,
24:51un module de formation continue.
24:53Est-ce que vous pouvez nous parler
24:55de cette initiative et dans quelle mesure
24:57est-ce que c'est une plus-value pour les auxiliaires ?
24:59En fait,
25:01on a créé Alenlie en 2016
25:03et en 2018, on s'est
25:05aperçus que...
25:07On s'est posé la question de créer...
25:09On est en région parisienne, on s'est posé la question
25:11de s'étendre
25:13un peu en France.
25:15Et en fait, on sait très bien
25:17qu'il y a plein d'acteurs partout en France.
25:19Donc, arriver dans
25:21une ville et prendre la place d'un autre acteur,
25:23ce n'était pas forcément notre envie.
25:25Et du coup, on a créé
25:27Compagnie pour justement aider
25:29les structures existantes à
25:31bifurquer et à faire évoluer
25:33leur
25:35manière de travailler. On voyait que ça intéressait le monde.
25:37Et donc, Compagnie, depuis six ans, accompagne
25:39des structures dans le domicile
25:41et aussi dans les EHPAD
25:43qui souhaitent travailler différemment.
25:45Est-ce que vous avez déjà rencontré
25:47des dilemmes éthiques ?
25:49Et si oui,
25:51comment est-ce que vous les avez abordés ?
25:53Alors, des dilemmes éthiques,
25:55on en voit vraiment
25:57tous les jours. Tous les jours,
25:59c'est notre métier, notamment
26:01chez Alenlie.
26:03La manière dont on a
26:05d'aborder un dilemme éthique, elle est
26:07vraiment par le
26:09dialogue et par la rencontre.
26:11On n'a pas encore abordé la rencontre,
26:13mais une équipe va bien fonctionner
26:15si les personnes vont avoir des temps
26:17où elles vont pouvoir se rencontrer,
26:19discuter entre elles et puis échanger. Et donc,
26:21un dilemme éthique, comme on sait, il n'y a pas une solution
26:23magique qui existe. Ça va plutôt être
26:25une solution qui va être
26:27trouvée à force de réflexion
26:29qui va, en théorie,
26:31qui est prise à l'aune du bien-être
26:33et de la sécurité de la personne accompagnée.
26:35Et donc, quand on a un dilemme éthique,
26:37la première chose qu'on fait, c'est vraiment
26:39de se mettre ensemble autour de la table
26:41et de dialoguer parce que chacun va arriver
26:43avec son angle de vue. Et donc,
26:45c'est en additionnant tous ces angles
26:47qu'une décision pourra être prise.
26:49Donc ça, c'est le process à chaque fois.
26:51Ouais.
26:52Thibaut, c'est déjà la fin de cet entretien.
26:54Malgré tout, j'ai une dernière question pour les
26:56jeunes managers
26:58qui nous écoutent, qui nous regardent
27:00et qui rêvent de faire
27:02bouger les lignes. Est-ce que vous avez
27:04des conseils à leur donner ?
27:06Ou un conseil ?
27:08Moi, je reprends ce que je disais
27:10tout à l'heure sur le fait d'être aligné
27:12entre
27:14la personne qu'on veut être et la personne qu'on est au boulot.
27:16Quand on est aligné,
27:18quand on veut l'être,
27:20et qu'on l'incarne, du coup,
27:22les équipes sont assez
27:24reconnaissantes. C'est-à-dire qu'elles voient
27:26bien que vous faites ce que
27:28vous pouvez. Elles voient bien que vous ne trichez pas et que vous êtes transparents.
27:30Et du coup, elles vous le rendent. Et ça crée une émulation
27:32quand même très vertueuse.
27:34Et donc, c'est un conseil.
27:36Rester aligné.
27:37C'est le mot de la fin.
27:38Un conseil que je donnerais.
27:39Merci beaucoup Thibaut.
27:40Thibaut de Saint-Blancard,
27:42cofondateur d'Àlentvi
27:44pour cet échange inspirant.
27:46Et à vous, chers téléspectateurs,
27:48rendez-vous la semaine prochaine
27:50pour un prochain épisode de Manager l'Odyssée.

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