Jeudi 16 janvier 2025, MANAGER L'ODYSSÉE reçoit Mathilde Durie (Directrice, Groupe Norsys)
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00:00Bienvenue dans Manager l'Odyssée, votre rendez-vous hebdomadaire sur BeSmart for Change,
00:14un tête-à-tête de 28 minutes en immersion dans le quotidien d'un manager.
00:18Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Mathilde Durie, directrice générale du groupe Norsis,
00:24une entreprise de services numériques qui a développé un modèle appelé la Perma-Entreprise,
00:29inspirée de la permaculture.
00:31Un modèle qui vise à concilier performance, respect de la planète et équité.
00:36Alors comment diriger une ETI qui met l'éthique et l'humain au cœur de sa stratégie
00:41et ce qui plus est dans un secteur aussi concurrentiel que celui des services numériques ?
00:47Nous reviendrons sur le parcours de Mathilde, ses réflexions sur le management à impact
00:52et les leçons tirées de ses expériences.
00:59Bonjour Mathilde.
01:00Bonjour Alix.
01:01Bienvenue et merci d'avoir répondu présente.
01:03Mathilde, j'aimerais qu'on revienne sur la jeunesse de votre parcours.
01:07Ça fait 17 ans que vous êtes chez Norsis et vous avez commencé en tant qu'alternante.
01:13Seulement depuis trois ans, vous êtes directrice générale.
01:16C'est pour le moins inédit, c'est une belle ascension.
01:19Est-ce que vous pouvez revenir sur la jeunesse ?
01:23La jeunesse, c'est que dans mon parcours professionnel,
01:28après avoir été diplômée de psychologie du travail,
01:31j'ai intégré un cursus de formation en gestion des entreprises GRH.
01:36Et au moment de trouver une alternance, j'ai croisé la route de Norsis,
01:40passé les entretiens et j'ai eu un refus de Norsis.
01:44Il se trouve qu'ils ont proposé l'alternance à quelqu'un que je connaissais très bien dans la promo,
01:48qui lui-même l'a décliné et qui a conseillé à l'entreprise
01:52de choisir quelqu'un qui, selon lui, était très motivé.
01:56Cette personne, c'était moi.
01:58Et puisqu'ici, on parle de management, est-ce qu'à l'époque,
02:00les managers en question, ceux qui vous avaient fait passer l'entretien,
02:03vous ont dit pourquoi ils ne vous prenaient pas de prime abord ?
02:07Alors, j'étais tellement stressée lors de l'entretien
02:11que je n'avais pas pu démontrer vraiment.
02:16Et donc, ça m'a fait prendre déjà beaucoup de recul sur l'entretien de recrutement lui-même,
02:22les préjugés qu'on peut avoir, la mise en confiance,
02:26toute cette démarche ensuite qu'on a impulsée au sein de Norsis,
02:29au sein de ce qu'on appelle la diversité, la non-discrimination.
02:33Et alors, qu'est-ce qui s'est passé après concrètement ?
02:36Comment on passe des GRH à la direction d'un groupe ?
02:38Alors, j'arrive en 2007 dans l'entreprise.
02:41Il se trouve que dans le secteur du numérique,
02:44le sujet le plus stratégique, ce sont les ressources humaines
02:48puisqu'il y a un fort enjeu de recrutement dans ce secteur très concurrentiel
02:52et un fort enjeu de renforcer le sentiment d'appartenance,
02:55maintenir l'employabilité dans un métier très technique
02:59où les technologies bougent régulièrement.
03:02Et donc, je suis rentrée en tant que chargée de recrutement
03:05pour après me diriger sur les ressources humaines globalement.
03:09Et à l'époque, nous étions 100 collaborateurs.
03:12Donc, tout ce chemin s'est fait aussi à côté du fondateur.
03:16On a formé un binôme très rapidement et ça m'a permis vraiment
03:23d'être le couteau suisse, de découvrir beaucoup de choses
03:27au-delà des ressources humaines.
03:29Et par cette soif d'apprendre, une entreprise qui fait confiance aux jeunes,
03:34c'est comme ça que, sans qu'on s'en rende vraiment compte,
03:38les sujets avancent, on propose des choses, on refuse aucune mission,
03:45même celle où on se dit « pour le coup, je n'ai pas trop de valeur ajoutée ».
03:48Mais voilà, cette soif d'apprendre et cette posture régulièrement d'apprenant.
03:53C'est-à-dire que quel que soit l'âge, je pourrais me dire
03:57« ça fait 17 ans, ça y est, j'ai tout vu, tout lu ».
04:00Absolument pas.
04:01Vous n'avez jamais eu ce sentiment en 17 ans ?
04:04Non. Quand on sait maintenir cette posture sans cesse d'apprenant, je pense que…
04:10Ça vient de soi, cette posture d'apprenant, ou c'est un environnement qui le fait ?
04:13Non, je pense que c'est une posture de manager qu'on essaie de cultiver
04:17au sein de Nord6, c'est cette notion d'égal à égal.
04:21Aujourd'hui, je suis face à vous, Alix, vous avez l'expérience de l'interview,
04:29je me mets plutôt en posture d'apprenante parce que je suis sûre
04:33qu'en sortant de cette interview, j'aurai appris des choses par rapport à ça.
04:37Je ne viens pas en disant « je suis DG d'une boîte de 750, je ne vais rien apprendre ».
04:41Je vais vous dire que vous arrivez en 2007 chez Nord6, vous êtes 100,
04:45aujourd'hui vous êtes 700.
04:47J'allais y venir, vous parliez de Sylvain Brozard, avec qui vous avez appris,
04:51on peut dire que c'est une sorte de mentor ?
04:53Tout à fait. C'est vrai que ce binôme, le fait de dire qu'aujourd'hui,
05:00la meilleure façon d'apprendre, c'est d'apprendre par mimétisme,
05:04en étant l'un à côté de l'autre, ce qui d'ailleurs freine aujourd'hui
05:08l'apprentissage avec le télétravail qui s'est énormément développé
05:12et que l'on prône à Nord6, mais c'est vrai que du coup…
05:16Vous le regrettez personnellement ?
05:17Non, je ne le regrette pas, mais ça nécessite du coup d'adapter
05:21pour profiter pleinement, quand on est en présentiel, du collectif
05:26et de ce transfert de compétences et de cet apprentissage par mimétisme.
05:30Et justement, pour être encore plus concret,
05:32qu'est-ce que cette progression de 17 ans au sein de l'entreprise
05:36vous a apporté professionnellement en termes de manager ?
05:40Comment est-ce que ça a influencé votre style de management aujourd'hui ?
05:43Je suis originaire de Dunkerque. Pendant toutes mes études,
05:49j'ai travaillé dans une boulangerie. J'étais vendeuse en boulangerie.
05:54On va dire, une petite dizaine d'années.
05:58Et donc, j'ai eu un déclic quand même, c'est les relations humaines.
06:05On est dans une petite ville, où du coup, tous ceux qui viennent vous voir,
06:10on les connaît, on connaît leur habitude.
06:13Et donc, ça m'a permis vraiment de développer l'importance
06:17des relations humaines dans tous les métiers.
06:19Et donc, le fait d'avoir fait, en complément de mon cursus de psychologie du travail,
06:24un cursus en RH gestion des entreprises, c'est parce que je trouvais
06:28que les relations humaines étaient déterminantes dans un parcours professionnel.
06:33Mais les leçons que vous avez apprises au sein de Norsis,
06:38vous diriez que ça s'est fait comment en fait ?
06:42Donc, Norsis, quand je suis arrivée, avait cette vision de performance globale.
06:47Toutes les décisions que l'entreprise prenait étaient prises sous, on va dire, trois dimensions,
06:53qu'on appelle aujourd'hui nos trois principes éthiques.
06:55Prendre soin des humains, préserver la planète et se fixer des limites
06:59et redistribuer les richesses.
07:01Et donc, dans le prendre soin des humains, il y a des postures très fortes
07:07qui sont cultivées, une hiérarchie d'égal à égal.
07:10Ce que je parlais un peu tout à l'heure de cette…
07:12C'est un modèle que vous arrivez à faire durer malgré la croissance de l'entreprise,
07:17malgré le fait que vous soyez passée de 100 à 700 ?
07:19Tout à fait, avec des dispositifs bien précis qui permettent de transmettre ces choses-là.
07:25Par l'exemple, on n'est absolument pas une entreprise qui va afficher des valeurs
07:31à l'entrée de chacune des agences.
07:33Parce qu'on prend le risque, plus elles sont affichées, au moins elles sont incarnées.
07:38Par contre, dans notre parcours d'intégration,
07:41tout au long de la vie du collaborateur dans l'entreprise,
07:44il y a un certain nombre de dispositifs qui permettent de raconter des histoires
07:48pour que chacun s'approprie un concept.
07:52Le concept de hiérarchie d'égal à égal,
07:54le concept de permettre à chacun de trouver les leviers qui vont être source d'automotivation.
08:02À Norsis, on essaie d'avoir un panel de dispositifs.
08:07Le panel démocratique, je peux choisir de faire partie du panel démocratique chaque année.
08:12On va me solliciter cinq à dix fois dans l'année
08:15pour pouvoir participer à des décisions de l'entreprise,
08:18pour pouvoir proposer des nouvelles impulsions, donner mon avis.
08:22Si on a envie de s'impliquer un peu plus fortement en complément de sa mission métier
08:27autour d'une gouvernance partagée et d'un droit de vote, c'est possible.
08:31On a une fondation d'entreprise qui récompense des associations
08:34autour de l'injustice sociale et de la préservation de la planète.
08:39Si je suis très engagée au niveau de la société civile,
08:43je peux, au sein de mon entreprise, participer à ça et être membre du bureau de la fondation.
08:48Il y a tout un tas d'exemples dans l'entreprise.
08:51Ces idées, ces initiatives, peuvent émaner des salariés eux-mêmes ?
08:55Oui, via le dispositif d'audit que l'on pilote tous les deux ans.
09:00Vous les consultez sur d'éventuelles initiatives que vous pouvez faire émerger en interne ?
09:03Exactement. Ensuite, on vote une dizaine d'impulsions tous les deux ans à donner
09:08pour continuer de faire évoluer NORSIS et les collaborateurs.
09:12Mais ça, ce sont des sortes de... Comment dire ?
09:17Dans le quotidien de l'entreprise, comment est-ce que ça se traduit ?
09:22Ça se traduit par une gouvernance partagée.
09:26Dans le modèle NORSIS, on a un certain nombre d'instances de gouvernance.
09:31Qui vont travailler des sujets de prospective et les mettre en œuvre.
09:38C'est-à-dire que le pouvoir ou les décisions ne sont pas concentrées sur les actionnaires.
09:45Il y a ce principe de subsidiarité.
09:49Par exemple, il y a le codire RH.
09:52Ce sont les RH qui définissent leurs feuilles de route et les sujets qu'elles ont envie de travailler.
09:59L'année prochaine, on travaillera sur le sujet des seniors et de l'intelligence artificielle.
10:04C'est le fil rouge de l'année.
10:06Leur rôle, c'est de voir comment avancer sur ce sujet dans l'année.
10:11En faisant une benchmark ou en participant à des conférences.
10:14Ensuite, via le dispositif d'audit, on fait voter une soixantaine de personnes sur ces évolutions.
10:22Cette conduite du changement, on fait en sorte de créer des dispositifs pour qu'elles émanent du terrain.
10:30Et qu'elles soient portées par des spécialistes du sujet.
10:34RH, éthique, nature.
10:37Ensuite, on les fait voter en collectif.
10:40Pour qu'elles soient incarnées et qu'elles accélèrent la conduite du changement au sein de nos territoires.
10:46Il y a combien de strat de management ?
10:49Il y a des chefs de service ?
10:51On essaie qu'elles soient la plus courte possible.
10:54C'est pour ça que je suis en direct avec le codire RH.
11:00Je suis en direct avec les membres du CSE.
11:03Et je pilote le comité stratégique qui se compose des directeurs d'agence.
11:09Il y a la direction générale.
11:12Il y a les directeurs d'agence.
11:14Et ensuite, il y a la RH, les commerciaux.
11:18La ligne hiérarchique est assez courte.
11:21On n'a pas de N plus 6, 7, 8.
11:24Et c'est un point d'attention.
11:26Il n'y a aucun inconvénient ?
11:28Jamais ?
11:29Parce qu'on peut se dire que si toutes ces strates existent, il y a une raison.
11:33Est-ce que ça a ses limites parfois ?
11:35Est-ce que vous, en termes de temps, de division de vous-même ?
11:39L'impact, c'est quoi de mieux en management d'impliquer dès le début les personnes pour mieux conduire le changement.
11:48Donc l'incident, c'est plus de réactivité, plus d'agilité.
11:52Et clairement, c'est hyper motivant.
11:56Je pense qu'il y a des études qui démontrent que participer à faire évoluer et à influencer son entreprise,
12:04c'est dans le top 5 des leviers de motivation des collaborateurs après le salaire.
12:11C'est votre priorité pour attirer les talents ?
12:13En tout cas, c'est un enjeu de notre modèle PERMA de donner la possibilité aux collaborateurs d'influencer leur agence et le groupe Nord6.
12:22Vous avez déjà été confronté à des dilemmes éthiques en tant que manager.
12:29Est-ce que vous pouvez nous raconter un exemple ?
12:34Plusieurs dilemmes.
12:38On a eu des dilemmes.
12:41Je rappelle le process à Nord6.
12:44Quand on a fait émerger notre raison d'être en 2019, on a créé un organe de gouvernance qui est garant de cette raison d'être qui s'appelle le conseil d'éthique.
12:52Ce conseil d'éthique se compose de membres internes et aussi de membres externes.
12:58Il peut être saisi par tous les collaborateurs de Nord6 sur une problématique éthique qu'ils rencontrent.
13:04On a eu plusieurs saisines qui ont touché nos métiers et l'évolution des technologies.
13:15Est-ce que Nord6 va se positionner sur tel et tel techno qui touche à l'intégrité de la personne ?
13:26Notamment les technologies autour de la Google Home et qui nous écoutent perpétuellement.
13:34Éthique, pas éthique.
13:36On a pu être saisi là-dessus.
13:38On a pu être saisi aussi sur le secteur d'activité de certains de nos clients.
13:46Ce ne sont pas des dilemmes éthiques d'un point de vue management humain, au sens interne de l'entreprise ?
13:55Néanmoins, c'est remonté directement au manager par rapport à la mission de la personne, à son métier.
14:02Quand vous parlez de problématiques de management, vous parlez de thématiques autour de la diversité, non-discrimination, de l'égalité pro ?
14:13Oui, ça peut être ça, mais effectivement il y a eu un impact sur un de vos collaborateurs.
14:21Ça remettait en question le cœur même de son métier, de son activité.
14:25Sur les technologies, c'était plus en anticipation du domaine de clients qui allaient se positionner là-dessus.
14:33Est-ce que collaborateurs Nord6, au regard de notre raison d'être et cette conception d'usage du numérique éthique et efficace, est-ce qu'on y va, est-ce qu'on n'y va pas ?
14:43C'était plutôt en prévention.
14:46Ensuite, il y a certains secteurs d'activité que l'on adresse, et donc le collaborateur a juste titre posé la question.
14:55Est-ce que Nord6, quelque part, juge un secteur d'activité ?
14:59Ou est-ce que c'est plus fin que ça, le débat éthique ?
15:02Et le débat éthique est beaucoup plus complexe que ça.
15:04Et alors, comment vous avez arbitré et dans quelle mesure ce collaborateur, le premier concerné, le premier impacté en interne, a été impliqué dans la prise de décision ?
15:13Comment est-ce que vous avez arbitré ?
15:14Alors, il y a tout un processus où on interview les différentes parties prenantes, parce qu'on n'est pas experts en éthique.
15:21C'est une démarche qui ne vise pas à être dans le jugement, mais à ce qu'on progresse sur la manière de raisonner, sur des grands enjeux et au regard de nos trois principes éthiques.
15:32On n'est pas à juger, à dire on ne veut plus travailler avec tel ou tel secteur d'activité,
15:37mais plutôt à dire, Nord6 aujourd'hui, au regard de notre métier qui est concevoir des usages du numérique, vers quels projets on a peut-être plus envie d'être sollicités que d'autres qui viseraient à ne pas décarboner une activité, par exemple.
15:51Et ça a été quoi la finalité ?
15:53Et la finalité, ça a été de… En fait, le conseil d'éthique va émettre un avis que je vais ensuite soumettre au comité stratégique et nous allons décider de l'appliquer ou pas.
16:05Et donc, au regard de ça, il a été convenu de ne plus intervenir sur le projet, mais de ne pas laisser tomber le client du jour au lendemain, mais plutôt de l'inscrire dans le temps,
16:18puisque ce ne serait pas éthique de quitter du jour au lendemain le client.
16:22Donc, on a quelque part renoncé à du chiffre d'affaires.
16:27D'accord.
16:29Donc voilà, ça, ça peut être un impact. Je peux donner un autre exemple aussi.
16:33Là, ça a été sur le management de quelqu'un qui fait du commerce.
16:39D'accord.
16:40Et donc, il a l'appel d'un prospect qui lui dit qu'il veut le faire intervenir sur un projet.
16:47Et en creusant avec cette personne, on découvre que les factures vont être émises d'un paradis fiscal.
16:56Et donc là, que fait le commercial ? Il dit non.
17:00Voilà, l'enjeu quelque part de ce management au regard de nos trois principes éthiques, je réitère, ce n'est pas d'avoir une position dogmatique,
17:11mais plutôt d'infuser et d'acculturer tous les collaborateurs de Norsis et tous les métiers à un raisonnement au regard de notre modèle PERMA et des trois principes éthiques.
17:22Donc, c'est une partie forte de notre management. On ne dit pas au manager, il faut répondre comme ça.
17:30Quelque part, on a des lignes directrices et chacun va l'incarner selon son métier en étant libre.
17:37Et d'ailleurs, en recrutement, comment vous assurez que ces lignes directrices soient parfaitement, plus que comprises, ressenties par la personne que vous recrutez ?
17:48Alors, comme je le disais au début, l'entretien face à face, ce n'est absolument pas une science exacte.
17:56Néanmoins, on a mis en place une procédure qui permet de limiter les biais.
18:02Donc, on pratique le CV anonyme, qui fait qu'à la première étape de recrutement, on ne peut pas être déstabilisé soit par une photo, soit par un âge, soit par le lieu d'habitation,
18:16soit on enlève les expériences au-delà de 40 ans pour que l'âge n'ait pas un influence sur « je ne voulais pas un senior sur ce poste ».
18:25Et ensuite, on forme toute l'entreprise à connaître ses préjugés et ses stéréotypes,
18:31qui fait que bien sûr que les préjugés arrivent quand on rencontre la personne face à face,
18:36mais via cette formation, j'ai pu les détecter et réduire les biais parce que j'en ai conscience.
18:44Et ensuite, la dernière chose, c'est qu'on ne décide jamais seul de recruter quelqu'un.
18:49On essaie d'être très rapide. D'ailleurs, à un moment, on pratiquait le recrutement en une journée.
18:56Le soir même, vous avez une propale ou pas. Vous avez la réponse.
19:02On essaie de ne pas faire les entretiens à rallonge.
19:07Par contre, pour revenir sur la question initiale, pendant l'entretien, le premier entretien est ciblé ressources humaines, culture d'entreprise.
19:17On ne valide pas les compétences techniques en premier.
19:21Ça, déjà, c'est un signal fort.
19:23C'est de l'ordre du ressenti.
19:25Et on va raconter…
19:27Sa motivation, son histoire.
19:29Déjà, on va partir de la personne pour savoir ce qui l'intéresse
19:34parce qu'on a plein de choses à raconter sur différents sujets.
19:37Et en fonction de ses intérêts, on va lui raconter des histoires pour qu'elle aussi, elle essaie de rentrer dans notre monde.
19:45Qu'est-ce que vous entendez par raconter des histoires ?
19:47Vous dites raconter des histoires, mais je ne comprends pas bien ce que ça veut dire.
19:50Des moments de norcis.
19:52Si on parle de la diversité et non-discrimination, on va lui raconter comment ça a été construit.
19:58On ne va pas faire une présentation marketing qui dit autant de chiffres d'affaires.
20:06Voilà, exactement.
20:08Donc, c'est pour ça qu'on part de l'autre et après…
20:12En fait, on ne peut pas définir vraiment des valeurs norcis.
20:15Elles sont inhérentes au modèle même.
20:17Alors, on peut dire qu'aujourd'hui, les valeurs norcis, c'est notre modèle permanent entreprise et nos trois principes éthiques.
20:22Ce qu'il faut retenir, c'est que ce premier entretien, à la fin, on est capable de se dire,
20:28est-ce que tu te projettes dans ce type d'entreprise avec les avantages et les inconvénients aussi que ça pose ?
20:36Je ne suis pas en train de dresser le portrait d'une entreprise parfaite.
20:40J'aime bien dire qu'on est parfaitement imparfait.
20:43En tout cas, on cherche à tendre vers un futur plus viable en adaptant notre modèle d'entreprise
20:51et surtout notre management parce que c'est ça, c'est le cœur du réacteur d'une entreprise.
20:56Vous évoquiez l'inclusion tout à l'heure.
21:00Une inclusion durable, ça ne peut pas uniquement passer par des quotas, on le sait.
21:05Il faut une transformation plus profonde.
21:07Quelles sont les initiatives que vous avez mises en place, vous, chez Norsis,
21:11pour favoriser l'égalité et l'inclusion au sein de vos équipes ?
21:16Sur la thématique de l'égalité professionnelle, on l'a mise en place en 2009 avec tout un tas d'indicateurs,
21:26aussi bien au niveau du recrutement.
21:29A chaque étape de recrutement, on calcule le nombre d'hommes et de femmes.
21:36Ce qui permet, s'il y a un écart de plus de 10%, on interroge les agences et on les challenge
21:41pour voir s'il y a discrimination ou pas.
21:46Aujourd'hui, vous êtes à une parfaite égalité hommes-femmes ?
21:48Aujourd'hui, à Norsis, ça dépend de ce qu'on appelle parfaite égalité,
21:52ce qui est un secteur où il y a une majorité d'hommes.
21:55Quand on voit les promotions en informatique autour du développement,
22:01il y a rarement une femme dans la promesse.
22:04Ce sont des ingénieurs essentiellement ?
22:07Il y a des bacs plus 2, des bacs plus 3, il y a des écoles d'ingénieurs qui forment.
22:11Il y a aussi des formations très courtes, puisqu'il y a une telle pénurie de compétences
22:15qu'il faut se réinventer sur les parcours.
22:18A Norsis, aujourd'hui, on a 29% de femmes.
22:22Ce qui est plutôt au-dessus de ce qu'on retrouve.
22:28Ce qu'on remarque, c'est que les femmes dans certains pays
22:34font beaucoup plus de formations scientifiques.
22:38Dès l'éducation, on leur a autorisé, si je puis m'exprimer ainsi,
22:43à se dire que les formations techniques, scientifiques, c'était pour les femmes.
22:47On a deux entreprises au Maroc, et on voit que dans les promotions,
22:51il y a plus de femmes que d'hommes.
22:54C'est complètement l'inverse, voire beaucoup moins en France.
22:57Donc en fait, ça joue quand même très fortement.
23:00Il y a encore un plafond qui s'oriente vers les filles scientifiques.
23:06Au niveau de la rémunération et de l'évolution professionnelle,
23:10on a aussi beaucoup d'indicateurs depuis 2009,
23:14alors que l'index que fixe la loi est plutôt récent.
23:18Nous, on a été vraiment en avance.
23:20Et c'est ce qui nous a permis aussi d'être plus attractifs
23:24pour des minorités moins visibles dans notre secteur.
23:28Donc c'est multiculturel aussi.
23:30Par multiculturel, j'entends que vous avez des talents d'autres pays.
23:33Tout à fait.
23:35J'aimerais qu'on aborde l'échec, le sujet échec,
23:39un thème qui peut être un peu galvaudé parfois dans les entreprises.
23:44Est-ce que pour vous, il y a un bon ou un mauvais échec
23:48ou est-ce que c'est juste du storytelling ?
23:51Est-ce qu'il y a un bon ou un mauvais échec ?
23:54Nous, dans les pratiques de management,
23:58on dit qu'on apprend plus quand on échoue.
24:04Encore faut-il connaître le niveau de granularité d'un échec.
24:08Qu'est-ce que c'est qu'un échec ?
24:12Quelque part, pour moi, quelqu'un est toujours en réussite.
24:16Et nous, dans notre pratique de management,
24:18on valorise plutôt les réussites plutôt que de mettre le doigt sur l'échec.
24:22Parce que ça ne fait pas avancer les choses.
24:24Est-ce qu'il peut y avoir une forme aujourd'hui de culture de l'échec ?
24:28C'est un peu une condition pour générer de la performance.
24:32On prône le droit à l'erreur.
24:36Dans notre école du leader, il y a ce droit à l'erreur.
24:40Néanmoins, dans notre pratique de management,
24:44on met le point plutôt sur les réussites,
24:48qui créent le moteur, qui créent l'envie d'avancer au collaborateur,
24:52plutôt que d'être sur le côté punitif de l'échec.
24:56Je peux peut-être parler d'un dispositif qu'on a créé
25:00qui s'appelle le miroir,
25:04qui est un peu dans le giron du management.
25:06Le miroir, c'est quoi ?
25:08Chaque année, le collaborateur a la liberté de choisir
25:12ce qu'il souhaite dans l'entreprise pour être son miroir.
25:16Le rôle du miroir, c'est quoi ?
25:18Il va mettre en œuvre des pratiques d'écoute active pour interroger,
25:22reformuler et permettre au collaborateur de prendre du recul
25:26sur le mois écoulé ou le trimestre écoulé.
25:30Par cette pratique d'écoute active,
25:34ça va permettre au collaborateur de prendre du recul,
25:38notamment sur ce qu'il a réussi ce mois-ci,
25:41ce qu'il a moins bien réussi,
25:43quelles leçons il tire.
25:45Dans ce qu'il a moins réussi,
25:47on peut y mettre une forme d'échec,
25:50mais en tout cas, tout de suite,
25:52on le transforme en positif en disant
25:54comment tu capitalises là-dessus
25:56pour que le mois prochain ou le trimestre prochain,
25:59tu puisses intégrer cette nouvelle dimension.
26:02Vous, personnellement, vous en avez connu des échecs,
26:05comme tout le monde, j'imagine, en 17 ans.
26:07Est-ce qu'il y en a un de plus marquant qu'un autre
26:10ou dont vous avez tiré des leçons particulières ?
26:13Est-ce que j'ai vécu un échec ?
26:19C'est pas si difficile,
26:21parce qu'en même temps,
26:23vous avez un parcours plutôt exemplaire,
26:25je pense, en interne chez Nancy.
26:27Je pense vraiment qu'en capitalisant
26:29sur plutôt ce qu'on sait bien faire
26:32et en délégant les formes d'échecs
26:37qu'on a pu identifier tout au long de son parcours,
26:40c'est une forme de réussite.
26:42C'est vrai que spontanément...
26:44C'est l'humilité, en fait, par rapport à...
26:46Oui, je pense qu'en fait, son parcours,
26:48on va identifier des échecs,
26:50qu'ils soient...
26:52Ah, j'aurais peut-être dû faire différemment,
26:54mais sur le moment...
26:56A la limite, si je peux donner un exemple,
26:59c'est que ce que j'ai beaucoup travaillé
27:02et là où j'ai pu échouer,
27:04c'est de prendre des décisions très rapides.
27:07D'être persuadée que c'était la bonne solution
27:10et d'être dans ce souci
27:12de faire très vite,
27:14parce que si on le fait le lendemain,
27:16c'est trop tard.
27:18Et je vais dire que dans du recrutement,
27:21dans l'animation de collectif,
27:24quelque part, prendre le temps.
27:27Parce que prendre le temps,
27:29ça fait aussi gagner du temps.
27:31Et dans l'encrutement,
27:33parce que votre façon d'encruter,
27:35c'est parfois de le faire en une journée,
27:37j'imagine qu'il y a une marche d'erreur.
27:39Je pense que si je dois parler d'un échec,
27:41c'est plutôt celui-là.
27:43Et en fait, en plus,
27:45quand on voit l'évolution du monde,
27:47on voit que de moins en moins,
27:49on arrive vraiment à prendre le temps
27:51et on nous appelle plutôt à ralentir.
27:53Et je pense que...
27:55Si je peux répondre à cette question
27:58de cette façon-là,
28:00ça serait plutôt...
28:02Mais je n'ai pas...
28:04J'ai vraiment échoué sur quelque chose.
28:07D'avoir pris des décisions...
28:09Trop rapidement.
28:11Oui.
28:13Et on se rapproche déjà
28:15de la fin de cet entretien.
28:17Quel conseil donneriez-vous
28:19à un manager débutant ?
28:23J'en ai un tout peu.
28:25J'en ai même deux.
28:27Un manager débutant,
28:29mais même pas débutant,
28:32pour moi, il doit mettre un point d'orgue
28:34à prendre le temps
28:36d'avoir de l'intérêt pour l'autre.
28:38C'est la clé.
28:40C'est la clé pour être un bon manager.
28:42C'est d'avoir de l'intérêt pour l'autre.
28:44Et du coup, s'il tentait...
28:46Ça prend, ça.
28:48On peut se dire que c'est inné.
28:50C'est l'empathie, c'est l'écoute.
28:52Ça s'apprend néanmoins.
28:54On peut avoir des dispositions
28:56plus ou moins fortes
28:58et ça peut être un critère de choix.
29:00Et pour autant, on peut s'essayer
29:02à être manager et se rendre compte
29:04qu'on ne l'est pas vraiment.
29:06En soi, ça ne sera pas un échec pour moi.
29:08Ça permet juste de mieux apprendre
29:10à se connaître.
29:12Est-ce que tu as vraiment de l'intérêt
29:14pour l'autre et essaie de le tester
29:16et de s'amuser ?
29:18Quelque part, si on ne s'amuse pas
29:20globalement dans toutes les fonctions...
29:22On peut quand même, en dirigeant 700 personnes,
29:24on s'amuse encore ?
29:26Carrément.
29:28C'est déjà la fin de cet entretien.
29:30C'est même plus que la fin, on a dépassé le temps.
29:32Mathilde Diory, directrice générale
29:34du groupe Nord6, d'avoir répondu présente.
29:36Merci pour cet échange
29:38riche et inspirant.
29:40Quant à moi, je vous dis à la semaine prochaine
29:42pour un nouvel épisode de Manager l'Odyssée.