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Le Tchad a signifié sa volonté d'infléchir sa coopération militaire avec la France, des annonces qui s'inscrivent dans un contexte de retrait global de l'armée française en Afrique de l'Ouest et centrale. Écoutez l'analyse de Niagalé Bagayoko-Penone, politologue, présidente de l'African Security Secteur Network (ASSN), sécurité en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 29 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir
00:02Yves Calvi et Agnès Bonfillon
00:04Il est 8h41, bonsoir Niangale Bagayoko.
00:06Vous êtes docteur en sciences politiques
00:08et vous présidez le centre de recherche African Security
00:10Sector Network, bref, vous êtes
00:12une spécialiste de l'Afrique. A quelques
00:14heures d'intervalle, le Tchad et le Sénégal ont
00:16exigé la rupture des accords de défense
00:18avec la France et le départ de nos troupes de leur
00:20territoire. C'est un double camouflet que vient de
00:22subir notre pays ? Alors très exactement,
00:24ils ont demandé
00:26le retrait des forces
00:28françaises. Avec
00:30demande pour le Tchad de
00:32les renégocier, le Sénégal
00:34ne s'est pas encore exactement
00:36prononcé. Mais ce qui est important
00:38de préciser, c'est
00:40que dans les deux cas,
00:42cela illustre le
00:44mouvement répandu
00:46dans toute l'Afrique, notamment francophone,
00:48particulièrement
00:50souverainiste, nationaliste, patriote,
00:52avant tout,
00:54attaché à l'affirmation de la fierté nationale
00:56et qui entend
00:58renégocier les partenariats
01:00internationaux. Donc ce qui a été
01:02normal, ou en tout cas perçu comme normal pendant
01:04des dizaines d'années, est en train de basculer.
01:06C'est une bascule politique au sens premier du terme.
01:08Absolument, géopolitique
01:10même d'ailleurs, puisque en réalité
01:12c'est un mouvement qui a commencé
01:14il y a déjà quelques années
01:16avec la façon
01:18dont la France a d'abord été forcée
01:20de quitter le Mali, ce sont les
01:22effectifs de l'opération Barkhane,
01:24puis les effectifs de l'opération
01:26qui
01:28avaient les forces
01:30spéciales françaises
01:32stationnées au Burkina,
01:34a également été obligée
01:36de fermer boutique.
01:38Et enfin, il y a eu
01:40ce retrait forcé du Niger
01:42après le coup d'État qui est intervenu
01:44en juillet 2023.
01:46Mais que font concrètement nos militaires
01:48en Afrique ? Combien sont-ils ?
01:50Où sont-ils ? Dans quel pays ?
01:52Alors, il y a
01:54cinq emprises
01:56où la France entretient
01:58des forces permanentes
02:00prépositionnées. Il y a
02:02et ce sont les pays qui sont
02:04concernés aujourd'hui
02:06en effet,
02:08le Sénégal, le Tchad
02:10auquel il faut ajouter
02:12la Côte d'Ivoire, le Gabon
02:14et enfin Djibouti.
02:16Djibouti est sans doute
02:18le pays qui sera le moins
02:20affecté par ce qui se produit aujourd'hui
02:22parce qu'il faut préciser
02:24que ces annonces étaient particulièrement
02:26inattendues parce que le représentant
02:28spécial d'Emmanuel Macron
02:30pour l'Afrique, Jean-Marie Bockel
02:32a remis lundi dernier
02:34un rapport où il
02:36annonçait le maintien d'effectifs
02:38dans l'ensemble de ces pays.
02:40Mais nous sommes là pour protéger les régimes en place ?
02:42Parce qu'en fait,
02:44j'insiste parce que vous n'avez pas répondu à notre question
02:46qui était quand même, qu'est-ce que font nos militaires en Afrique ?
02:48Alors, c'est une excellente...
02:50Alors, que font nos militaires en Afrique ?
02:52Ils font plusieurs choses. D'abord,
02:54dans le cadre de l'opération Barkhane,
02:56ils sont intervenus dans le cadre
02:58d'une force antiterroriste.
03:00Et au Tchad,
03:02le dispositif est encore
03:04celui qui a été mis en place
03:06dans le cadre de Barkhane qui avait fusionné
03:08le dispositif épervié au départ.
03:10Mais le Tchad est aussi le pays
03:12où il y a eu le plus souvent, de manière
03:14récente, des interventions de
03:16l'armée française pour, en effet,
03:18porter secours au régime,
03:20contre des mouvements rebelles.
03:22En revanche, dans les autres
03:24pays, il est beaucoup
03:26moins évident de
03:28faire un lien avec la protection des régimes.
03:30Mais notamment,
03:32ces forces françaises
03:34font beaucoup de formations,
03:36d'entraînement,
03:38d'approvisionnement logistique.
03:40Elles avaient un rôle très très important,
03:42notamment celle du Sénégal,
03:44pour visionner les forces de Barkhane.
03:46Mais la question que vous posez
03:48pose justement la question
03:50de la vocation de la présence
03:52militaire française, à laquelle on n'a
03:54jamais véritablement eu de réponse
03:56claire. En tout cas, on peut
03:58quand même parler de camouflet, surtout lorsqu'on
04:00sait que cette décision
04:02tchadienne intervient quelques heures après
04:04la visite de notre ministre des Affaires étrangères
04:06Jean-Noël Barraud,
04:08qui, visiblement, n'était pas au courant
04:10au moment où il quitte le Tchad. Et quelques
04:12heures après, donc, merci de quitter
04:14notre pays.
04:16C'est quand même raide ?
04:18Absolument, et à cela s'ajoute
04:20l'annonce sénégalaise, qui a précédé
04:22l'annonce tchadienne de quelques heures,
04:24qui est intervenue après
04:26la réception par le président
04:28Basiroudiou Maïfai, d'une lettre
04:30d'Emmanuel Macron, qui reconnaissait
04:32la responsabilité française dans le massacre
04:34de Tiaroy, de
04:36tirailleurs sénégalais. Donc, en effet,
04:38ce sont des camouflets.
04:40A qui profitent in fine
04:42ces décisions ? A la Russie ? A la Chine ? Parce que
04:44il y aura d'autres pays qui seront influents
04:46sur le plan militaire en Afrique, si ce n'est pas la France.
04:48Alors, je pense qu'il faut vraiment sortir
04:50de l'idée selon laquelle les
04:52Africains sont avant tout instrumentalisés
04:54par des puissances extérieures.
04:56L'environnement local
04:58est véritablement ce qui
05:00détermine toutes les dynamiques
05:02à l'œuvre, et on voit très bien que les partenaires
05:04internationaux ont le plus grand mal, en réalité,
05:06à s'y imposer.
05:08Alors, personne n'est dit qu'il n'y avait
05:10certainement pas moins. Il y a de l'influence, mais, par
05:12exemple, si l'on parle des questions militaires,
05:14ce dont nous parlons aujourd'hui,
05:16la Russie est en très grande difficulté.
05:18Au Mali, par exemple, il y a eu
05:20plus de 80,
05:22entre 80 et 100 militaires
05:24de Wagner qui ont été massacrés
05:26lors de combats, non pas avec des djihadistes,
05:28mais avec des indépendantistes touaregs
05:30à la fin du mois de juillet.
05:32La Russie a eu d'autres
05:34camouflets, à travers l'Africa
05:36en Corse, ou Wagner, sur
05:38le continent. Il faut aussi
05:40se rendre compte que
05:42elle est aussi historiquement
05:44présente sur le continent,
05:46mais que pas plus que
05:48les autres partenaires, qu'ils soient bilatéraux
05:50ou multilatéraux avec les Nations Unies,
05:52etc., ils n'arrivent à
05:54imprimer leur marque sur le terrain.
05:56Je terminerai en disant qu'on regarde
05:58beaucoup, bien entendu, la Chine et la Russie,
06:00mais que le rôle des puissances
06:02moyennes orientales, comme la Turquie, comme
06:04l'Israël, comme l'Arabie Saoudite
06:06et les Émirats Arabes Unis, ou le
06:08Qatar, ou l'Iran,
06:10ou encore le rôle du Maroc, qui est
06:12croissant sur le continent, sont
06:14extrêmement importants dans les dynamiques
06:16locales, et on ne les regarde pas assez, à mon avis.
06:18Juste pour en revenir à la
06:20Russie, est-ce qu'elle est déjà présente
06:22au Tchad, au Sénégal ?
06:24Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que la Russie
06:26a, de toute façon, historiquement
06:28été le principal
06:30fournisseur d'armement
06:32en Afrique, et ça reste encore
06:34aujourd'hui le principal fournisseur, tout
06:36simplement parce qu'elle a des équipements qui sont
06:38meilleur marché, qui sont moins
06:40sophistiqués et plus adaptés
06:42à la rusticité du théâtre africain.
06:44Donc, les régimes civils,
06:46eux-mêmes, avaient passé des accords
06:48avec la Russie de ce
06:50point de vue-là. Elle est
06:52évidemment présente, mais à mon avis, moins
06:54que sur l'aspect militaire
06:56auquel tout le monde s'attache.
06:58Il faut plus s'attacher à son influence
07:00effectivement informationnelle
07:02qui, là, est effectivement
07:04particulièrement prégnante.
07:06La France a toujours semblé
07:08avoir une forme d'influence, mais on ne savait pas
07:10exactement laquelle avec la présence de ses militaires
07:12en Afrique. Est-ce que ça veut dire
07:14qu'aujourd'hui, nous sommes un pays qui est de seconde
07:16zone pour le continent africain dans son ensemble ?
07:18En tout cas, la France n'est plus qu'un
07:20partenaire parmi d'autres, et les
07:22pays africains ont aujourd'hui
07:24la volonté de multiplier
07:26leur partenariat
07:28en faisant valoir la valeur
07:30ajoutée de chacun d'entre eux,
07:32sans particulière
07:34préférence pour les uns ou pour les autres.
07:36Merci beaucoup, Agnès Gallet-Bagayoko
07:38de cet éclairage. Docteure en sciences
07:40politiques et présidente du Centre de Recherche
07:42African Security Sector Network.
07:44Dans un instant, une très bonne idée pour votre week-end.
07:46Dans une boîte
07:48en carton, sommeil, les petits s'entendent.
07:50Ah oui, ça fait un choc.
07:52C'est Tino Rossi ?
07:54Vous êtes Lucie Bravo !
07:56L'élection en Marseille, je m'explique,
07:58la plus ancienne des foires aux santons
08:00a ouvert ses portes sur le Vieux-Port.
08:02C'est un rendez-vous absolument magique. On vous y embarque
08:04dans un instant.

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