Avec Bruno Cautrès, Politologue, chercheur au CNRS et au CEVIPOF (le centre de recherche politiques de Science Po)
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NewsTranscription
00:00Qui n'est autre que Bruno Cottrez, bonjour.
00:04Bonjour.
00:05Bienvenue sur Sud Radio, vous êtes politologue, chercheur au CNRS et au Cvipof, le centre
00:10de recherche politique de Sciences Po.
00:13Je le disais, semaine à haut risque, d'autant plus que Michel Barnier, c'est peu commun
00:17pour un Premier ministre sous la Ve République, est l'objet d'un ultimatum, un ultimatum
00:22lancé par Marine Le Pen.
00:24Il a jusqu'à demain, en théorie, si elle tient parole, pour accéder à ses demandes.
00:30Oui, alors il faut rappeler qu'il a jusqu'à demain parce que c'est demain qu'il doit
00:33présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
00:38Donc Marine Le Pen lui a effectivement demandé, le Rassemblement National lui a demandé de
00:43satisfaire aux demandes du Rassemblement National, donc il a bien effectivement jusqu'à demain
00:48et c'est surtout la journée de mercredi qui va être importante.
00:51Demain, Michel Barnier va engager la responsabilité de son gouvernement, article 49.3, pour essayer
00:58de faire adopter ce texte, puisqu'il n'a pas de majorité à l'Assemblée Nationale.
01:03Les oppositions, elles ont 48 heures pour déposer une motion de censure, donc c'est
01:07mercredi, la journée de tous les dangers pour Michel Barnier.
01:11Mercredi, on saura ou pas si le gouvernement tient le coup.
01:15Quoi qu'il arrive, la gauche va déposer une motion de censure, ça c'est certain ?
01:18Oui, absolument certain.
01:20Le nouveau Front Populaire de la gauche, ça a déjà très clairement dit qu'elle répondrait
01:26par une motion de censure au texte de Michel Barnier, donc là on en est absolument certain.
01:32Effectivement, la grande inconnue est de savoir que va faire le Rassemblement National.
01:35Rappelons que si le Rassemblement National voit ses voix à celles de la gauche pour
01:40faire tomber Michel Barnier, et bien mercredi soir, Michel Barnier sera obligé de remettre
01:44sa démission au chef de l'État.
01:45Qu'est-ce qui se passe en cas de démission du Premier ministre ? Les étapes suivantes,
01:50c'est quoi ?
01:51Les étapes suivantes, ça va être la mise en place d'un gouvernement qui expédie les
01:55affaires courantes.
01:56Michel Barnier resterait le temps qu'un successeur prenne son rôle, donc on a connu
02:01cette situation cet été, cet été, gouvernement qui expédie les affaires courantes.
02:06Emmanuel Macron pourrait, s'il le souhaitait, renommer Michel Barnier dans la foulée, il
02:10en a le pouvoir constitutionnel.
02:12On voit mal quand même comment Michel Barnier, venant de se faire fonctionner par le Parlement,
02:18pourrait être renommé par le chef de l'État, ça serait vécu comme une véritable provocation
02:23par les oppositions, donc on va retrouver sans aucun doute ce qu'on a connu cet été,
02:27des consultations, des palabres pour essayer de trouver la personne qui arriverait à faire
02:31tenir un gouvernement pour, au fond, gérer principalement la situation budgétaire.
02:36Et peut-être verra-t-on ressurgir Lucie Castet, la prétendante du nouveau Front populaire
02:40à Matignon, qu'on avait découvert tout l'été, pour ce qui est des différents budgets.
02:46En ce moment, vous le disiez, l'Assemblée nationale s'est penchée sur le projet de
02:50loi de finances de la Sécurité sociale, il y a le projet de loi de finances, on va
02:54fonctionner comment si ces textes ne sont pas adoptés ?
02:57Alors le gouvernement dispose, notre constitution plus exactement, donne un certain nombre
03:04d'outils pour faire fonctionner la machine de l'État.
03:07Le gouvernement qui gère les affaires courantes pourrait tout à fait faire adopter une loi
03:12qui va autoriser l'État à collecter l'impôt, déjà, et à faire un certain nombre de dépenses,
03:18payer les salaires des fonctionnaires, faire fonctionner la machine de l'État.
03:21Il dispose aussi d'autres outils, un gouvernement qui gère les affaires courantes, faire adopter
03:28un budget selon la méthode des ordonnances, le Conseil d'État aurait sans aucun doute
03:33à dire son mot pour savoir si c'est bien dans les compétences d'un gouvernement qui
03:37expédie les affaires courantes, mais il faut rassurer tout le monde, on ne serait pas dans
03:40une situation où l'État ne peut plus honorer ses factures, où il ne peut plus collecter
03:44l'impôt.
03:45Vous imaginez bien, on est en France, on imagine bien que l'État dispose des moyens
03:48pour collecter l'impôt.
03:49Et ça veut dire aussi que l'État peut continuer à s'endetter malgré tout, même sans nouveau
03:54budget ?
03:55Oui, alors évidemment, le gouvernement qui expédie les affaires courantes ne peut pas
04:00non plus engager des choses qui sont trop structurelles, il ne peut pas avoir de grands
04:05projets de réformes, le Conseil d'État a eu l'occasion de se prononcer sur cette question,
04:10un gouvernement qui gère les affaires courantes, c'est vraiment faire tourner la machine de
04:14l'État, assurer les dépenses en attendant qu'un gouvernement se mette en place.
04:19Alors voilà, maintenant on a parlé de ce qui se passerait si le gouvernement Barnier
04:23était censuré, c'est encore difficile de se le dire ou est-ce qu'on est quasiment sûr
04:27qu'il va tomber ?
04:28C'est vrai que le goulot d'étranglement s'est considérablement resserré, en particulier
04:36depuis la fin de la semaine, le moment où le Rassemblement National a dit « c'est pas
04:40assez », on a eu effectivement sur le tarif de l'électricité, Michel Barnier a donné
04:47le point au Rassemblement National, une légère réduction de l'aide médicale d'État,
04:55mais du point de vue du Rassemblement National qui lui se situe sur la défense du pouvoir
04:59d'achat, ça n'est pas assez, c'est parce que dans le projet de loi de financement de
05:02la Sécurité Sociale, il y a la question du déremboursement d'un certain nombre de
05:07médicaments en particulier, il y a la question aussi de la revalorisation pour corriger de
05:13l'inflation les retraites, donc deux dossiers sur lesquels le Rassemblement National a dit
05:18« nous c'est aussi ça qu'il nous faut ». Donc là on est à quelques heures effectivement
05:23de cet ultimatum de lundi, on voit que le goulot d'étranglement s'est beaucoup resserré
05:28quand même autour de Michel Barnier, on a le sentiment que du point de vue de Michel
05:32Barnier, on considère qu'on est allé assez loin au fond et puis n'oublions pas, il y
05:37a quand même l'impératif suprême du point de vue de Michel Barnier, tenir les engagements
05:42de réduction des déficits publics français, or l'ensemble des concessions faites par
05:46Michel Barnier n'est pas qu'au Rassemblement National, il y a aussi les collectivités
05:50locales par exemple, aujourd'hui ça se chiffre à un peu plus de 10 milliards sur les 60
05:54milliards d'euros d'économies.
05:55Effectivement et ça a des conséquences d'ailleurs sur la qualité de la dette française, on
06:00va y revenir dans un quart d'heure avec Didier Testot dans l'Info & Co+, puisque si la dette
06:04française n'a pas été dégradée par l'agent Standard & Poor's, malgré tout elle continue
06:08à inquiéter les investisseurs.
06:10Merci Bruno Cotteres, politologue et chercheur au CNRS et au CIVIPOF de Sciences Po.