Jacques Pessis reçoit Albert Algoud. Incollable sur Hergé, il a mené une enquête sur les origines de la création de Tintin, Milou, le capitaine Haddock et la Castafiore. Une aventure qu’il raconte dans un livre vérité.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-12-03##
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00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:04Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Les albums de Tintin n'ont aucun secret pour vous,
00:09mais il y a encore des zones d'ombre pour beaucoup d'autres.
00:12Vous avez décidé de forcer des tiroirs secrets
00:15et vous avez découvert une mine de détails
00:17qu'Hergé avait soigneusement cachée sous son crayon.
00:21Bonjour Albert Algoud.
00:22Bonjour Jacques.
00:23Alors aujourd'hui je vous accueille, on vous a reçu dans les clés d'une vie,
00:26comme un spécialiste de Tintin.
00:28Mon Dieu.
00:29Car c'est vrai que Tintin, vous le connaissez depuis toujours.
00:31Depuis toujours, dans l'enfance, comme beaucoup de gosses, je l'avais lu.
00:35Puis après j'avais trouvé ça un peu ringard à l'adolescence, un peu muprisant.
00:38Et c'est grâce à mes élèves, quand j'étais prof,
00:41j'ai raconté ça dans une BD avec Florence Estac,
00:43que surprenant d'eux, quand au fond de la classe,
00:45en train de lire un album, je ne savais pas quoi,
00:48au lieu de suivre mon cours passionnant,
00:50je me suis dit, importez-le moi, confisquez,
00:53je vous le rendrai, si vous répondez aux questions que je pose dessus.
00:55Je pose des questions et là, presque toute la classe,
00:57fille et garçon, répondait.
00:58Je me suis dit, cet auteur qui intéresse tant les enfants
01:00plus que moi, pendant mon cours si brillant,
01:02ne doit pas être tout à fait naze et mauvais.
01:05Et donc je me suis replongé, à ce moment-là, dans les albums.
01:07Et effectivement, de passion en passion,
01:11j'en ai su arriver à écrire quelques livres, quelques ouvrages.
01:14Le nouveau, c'est la vraie vérité sur Tintin,
01:16chez Hugo Dessinges, on va l'évoquer tout à l'heure.
01:18Oui.
01:19Parce qu'il y a effectivement beaucoup de découvertes sur ce monde secret.
01:22Mais le principe des Clés d'une Vie, c'est d'évoquer un parcours.
01:24Oui, bien sûr.
01:25Et aujourd'hui, on va évoquer le parcours d'Hergé.
01:27Quand même, oui.
01:28Hergé, dont on va écouter la voix tout de suite.
01:30Alors, j'avais besoin d'un capitaine de bateau, d'un capitaine d'ivrogne.
01:37C'est vrai que la voix d'Hergé, elle est reconnaissable entre mille.
01:40Oui, oui, un léger accent belge, une voix posée.
01:44C'est toujours émouvant d'écouter cet homme.
01:49Et c'est un personnage tellement discret
01:52qu'il mérite qu'on se penche dessus.
01:54Alors, on va évoquer des acclés.
01:55La première que j'ai trouvée, c'est le 10 janvier 1929, bien entendu.
01:58Car c'est ce jour-là que paraît, dans le petit vingtième,
02:02la première planche de Tintin au pays des soviets.
02:05A l'époque, on n'imagine pas que ça va être un événement, Albert Algoud.
02:08On n'imagine pas que ça va être un événement.
02:10Il faut relativiser.
02:12Ça en a été un en Belgique, mais pas en France.
02:15Pendant les soviets, Tintin au Congo,
02:20le succès est venu après en France.
02:23Grâce aux publications dans le journal « Coeur Vaillant ».
02:28Mais effectivement, on ne s'attendait pas à une telle chose.
02:32Il faut dire qu'Hergé était très jeune, il avait 22 ans.
02:35Il était sous la houlette d'un curé très singulier,
02:38à la fois pittoresque, séduisant et un peu fanatique.
02:42Il était un fanatique de Mussolini, notamment.
02:44L'abbé Wallace qui l'avait pris en main, le jeune Hergé.
02:47C'est lui qui a eu l'idée des soviets.
02:49C'est lui qui a eu l'idée du Congo.
02:51Mais ensuite, Hergé en a fait sa matière.
02:54Il l'avait trouvé alors qu'Hergé était un dessinateur.
02:56Il dessinait bien pour tous ses copains, mais ça n'allait pas plus loin.
02:59Il dessinait dans des magazines scouts.
03:01Il était très actif dans le mouvement scouts et de l'action catholique aussi.
03:05Mais effectivement, au départ, personne n'aurait mis étroit Copec,
03:09si j'ose dire, sur Georges Rémy, qui allait devenir Hergé.
03:14Oui, en Belgique, on dit Georges Remy.
03:16Oui, il n'y a pas d'accent sur le...
03:19Et c'est Hergé, puisque ce sont les initiales à l'envers.
03:22Il est repéré par cet abbé, qui est le directeur du Petit Vingtième.
03:27Voilà, qui est rédac chef et directeur du XXe siècle et du Petit Vingtième.
03:32Le Petit Vingtième, il faut savoir, c'est le supplément illustré pour les enfants.
03:35A l'époque, ça se faisait.
03:37Oui, ça se faisait, mais cet abbé avait des idées.
03:39Il avait fait un supplément, l'équivalent de Figaro Madame.
03:42Il y avait le Petit Vingtième Madame.
03:44Il y avait un Vingtième Culture.
03:46Il y avait un Vingtième Culturel.
03:48Il a eu l'idée de faire un supplément pour les enfants, qui a marché du feu de Dieu.
03:51Il a tout de suite repéré Hergé.
03:53Oui.
03:54Et le succès est venu.
03:55Il a dit, là, je tiens un auteur providentiel.
03:57Oui, tout à fait.
03:58Il a vu que c'était un auteur plein de promesses.
04:01Et Hergé doit beaucoup à l'abbé Wallace au départ.
04:04Et après, j'allais dire que l'abbé Wallace a dû beaucoup à Hergé.
04:07Parce qu'au départ, les droits sur les albums étaient partagés.
04:11Donc, il y a eu quelques petits effroissements après.
04:13Et c'est autre chose.
04:14Mais qu'est-ce qu'il avait repéré en Hergé que personne ne connaissait ?
04:18Il avait repéré certainement la qualité du dessin, déjà.
04:21Il avait repéré l'esprit de synthèse qu'avait Hergé par rapport au...
04:26Il lisait beaucoup de bandes dessinées, l'abbé Wallace.
04:28Il se renseignait sur les bandes dessinées qui paraissaient en France et aux États-Unis.
04:32Et il s'est dit, là, il y a quelque chose d'original pour la Belgique.
04:35Et il ne se doutait pas que le succès sera ensuite, j'allais dire, franco-belge et ensuite international.
04:42Oui, mais il y avait un côté presque BD américaine chez Hergé,
04:45ce qui n'était pas courant à l'époque, Albert Algoud.
04:47C'est-à-dire que Hergé a compris très vite...
04:50Il y avait Zygépus, avant, que vous connaissez.
04:54Alain Saint-Augan, bien sûr.
04:55Alain Saint-Augan, qui est un des premiers à avoir mis des bulles, des phylactères.
04:59Donc, Hergé, tout de suite, s'en est inspiré.
05:02Mais il lisait aussi les comics américains.
05:06Pim-pam-poum et d'autres BD qui l'amusaient beaucoup.
05:11Et donc, il s'est dit...
05:14Enfin, je ne sais pas s'il se l'est dit, mais il s'est mis au boulot
05:18pour faire quelque chose d'original et, j'allais dire, d'européen, de belge.
05:22Et Tintin au pied des soviets, au départ, il y avait un côté politique évident.
05:26Il y avait un côté politique évident parce que la plupart des épisodes
05:32sont repris d'un livre qui avait eu beaucoup de succès à l'époque en Belgique et en France,
05:39dont le titre m'échappe mais va revenir.
05:44Alors, ça a été catalogué comme un ouvrage réactionnaire.
05:48Ça l'est par certains côtés, mais de l'autre, dans Tintin chez les soviets,
05:51il y a des choses tout à fait vraies qui sont dites.
05:53Par exemple, les non-communistes qui n'avaient pas droit au ravitaillement,
05:58les enfants de militants ou de membres du KGB, etc.,
06:04qui avaient droit à recevoir des cadeaux et de la nourriture,
06:07les files d'attente, la famine organisée,
06:10ce qui a ensuite, plus tard, la famine organisée par Staline en Ukraine.
06:13Et il y a tout ça dans Tintin chez les soviets.
06:16Donc, idéologiquement, il a été traité de réactionnaire,
06:21mais en fait, il disait des choses qui avaient été constatées,
06:24pas seulement par des gens de droite, mais aussi par les libertaires français,
06:27qui sont les premiers déportés dans la mer blanche,
06:30les premières victimes du goulag, il faut le savoir,
06:32c'est trois anarchistes français.
06:34Pendant des années, on n'a pas lu Tintin au prix des soviets en France, Albert Elgau.
06:37Oui, j'allais dire pour de mauvaises raisons,
06:41parce que d'abord, on ne voit pas...
06:44En germe, il y a tout le talent d'Hergé, le dessin est assez génial,
06:48il y a un sens de l'ellipse tout à fait formidable,
06:50une des qualités que Walzer avait remarquées,
06:52et beaucoup d'humour aussi.
06:54Et on l'a boycotté, enfin, certaines personnes l'ont boycotté,
06:58uniquement pour les positions, j'allais dire,
07:01non pas anti-communiste, mais anti-léniniste, anti-totalitaire,
07:04qui étaient dans cet album, on ne peut pas le nier.
07:06Même si on n'approuve pas les positions politiques et idéologiques d'Hergé par la suite,
07:11il est indéniable que ce qui est dénoncé dans Tintin chez les soviets,
07:15hélas, beaucoup de choses qui étaient tout à fait regrettables.
07:19Il se trouve aussi qu'après, Hergé voudrait faire Tintin en Amérique,
07:22l'abbé Valès lui dit qu'il faut faire Tintin au Congo,
07:25à l'époque, l'album ne fait pas scandale,
07:27puisque le Congo est belge,
07:29et le scandale vient aujourd'hui seulement.
07:32Alors, le scandale vient aujourd'hui seulement,
07:35à retordement, sans tenir compte,
07:37on accroche, si vous voulez,
07:39on accroche au basque d'Hergé la casserole de Tintin en Congo,
07:42racisme, colonialisme, vision paternaliste de la colonisation, etc.
07:48Bon, c'est vrai.
07:50Sauf qu'on oublie que dès après Tintin en Congo,
07:54dans un, comment dire, un mot à la mode aujourd'hui,
07:57un teasing qui annonce la parution de Tintin en Amérique,
08:02Tintin explique à Milou ce qui se passe aux Etats-Unis.
08:05Et il dit aux Etats-Unis, il y a la ségrégation raciale,
08:08qui est une chose affreuse,
08:10des noirs, qu'ils soient coupables ou innocents,
08:12sont lynchés dans des conditions épouvantables,
08:14uniquement parce qu'ils sont noirs.
08:16Dès avant Tintin en Amérique,
08:18donc, accroché la casserole du racisme à Hergé,
08:21il avait 22 ans, il était sous la coupe de cet abbé
08:24qui était, j'allais dire, pro-colonialiste, etc.
08:30Mais, bon Dieu, après Hergé, il n'a cessé d'évoluer.
08:33Et ses personnages ont toujours été antiracistes,
08:36ont toujours été contre l'exploitation de l'homme par l'homme,
08:42si j'ose dire.
08:43Et à l'époque, ce qu'on peut oublier aujourd'hui quand on lit Tintin,
08:46c'est que les histoires ne faisaient pas 62 planches,
08:48mais parfois 120 planches, Albert Algoud.
08:51Oui, c'était considérable, parce qu'il y avait une pré-publication
08:55dans le petit vingtième.
08:58Par la suite, il y aura pré-publication dans des strips
09:01dans le quotidien Le Soir.
09:03Et donc, il y avait une accumulation incroyable de cases.
09:07Et pour construire un album,
09:09ensuite pour composer un album page par page,
09:12il y avait du matos.
09:14Oui, en même temps, il y avait des rebondissements.
09:16Les rebondissements, c'était un feuilleton comme au temps d'Alexandre Dumas.
09:19Exactement.
09:20C'est le principe du roman feuilleton d'Alexandre Dumas, de Gensu,
09:23et même de Balzac, Splendeur et misère des courtisanes.
09:26On oublie, ça paraissait dans la presse sous forme de feuilleton.
09:29Alors, Hergé, à ce moment-là, invente ce qu'on va appeler la ligne claire,
09:32parce que finalement, tout ce qui a suivi,
09:35c'est le résultat de cette série.
09:38Oui, c'est d'ailleurs bon.
09:40Il vient après Alain Saint-Auguste, Ikepuz,
09:43Benjamin Rabier, il s'est beaucoup inspiré,
09:46même s'il était un peu menteur, Hergé, dans ses interviews.
09:49Oui, on va en parler.
09:51Alors qu'en fait, l'influence était très grande.
09:53Effectivement, c'est la ligne claire qui est une alliance,
09:56pour les gens qui nous écoutent.
09:58La ligne claire, c'est l'alliance d'un trait réaliste et de la caricature.
10:04C'est formidable.
10:05Vous prenez le capitaine Haddock, dans la vie, vous ne croisez pas un mec avec un pif pareil.
10:09Vous ne croisez pas des Duponts moustachudes,
10:12comme ils le sont avec leur chapeau melon.
10:14Ils sont caricaturaux, mais en même temps, il y a du réalisme.
10:17Et cette alliance-là est très originale.
10:19Et c'est Hergé qui a été le père de ce style de BD,
10:24qui a été repris par la suite, et on le sait avec quel bonheur.
10:29Et les histoires sont alors en noir et blanc.
10:31Elles sont en noir et blanc, oui.
10:33La couleur mettra du temps à venir.
10:35C'est pour des raisons, je pense, techniques à l'époque.
10:38La première mise en couleur de Tintin, c'est dans les versions portugaises,
10:44dans un journal qui s'appelait O Papagayo, le perroquet.
10:48Et les couleurs étaient délirantes.
10:51Et ils se permettaient des audaces incroyables.
10:53C'est-à-dire que Milou était d'un marron tout à fait incertain.
10:57Le pantalon de golf de Tintin devenait un pantalon à carreaux.
11:01Saoupette était d'un blond.
11:03On aurait dit le fils illégitime de Charles Trenet.
11:07Après la première mise en couleur supervisée par Hergé, ça a été magnifique.
11:15Ils mettaient autant de soin presque à la couleur qu'au dessin et au lettrage.
11:21Exactement.
11:22Et ils mettaient aussi un soin particulier à faire d'autres choses,
11:26y compris à diriger un journal qu'on va évoquer à la date du 26 septembre 1946.
11:31A tout de suite sur Sud Radio avec Albert Algou pour parler de la vraie vérité sur Tintin.
11:37Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:40Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Albert Algou,
11:43à l'occasion de la sortie de la vraie vérité sur Tintin chez Hugo et Dostage.
11:47On sait que vous êtes un spécialiste de Tintin, vous le démontrez depuis le début de l'émission.
11:52On a évoqué les débuts de Tintin avec Le Pays des Soviétes.
11:55Et le 26 septembre 1946, c'est le jour où paraît le premier numéro du journal Tintin.
12:01Et là aussi, ça a été un grand événement en Belgique.
12:03Oui, en Belgique, ça a été un événement et rapidement en France,
12:06parce que c'était un magazine tout à fait unique.
12:09Alors bon, il y avait la concurrence avec le journal Spirou,
12:12mais en fait, les deux se complétaient.
12:14Et c'est là qu'on voit la richesse incroyable de l'école belge, à ce moment-là.
12:19C'est extraordinaire.
12:20Alors au départ, c'est Raymond Leblanc, qui est un jeune éditeur, qui a cette idée.
12:24Et il va trouver Hergé.
12:26Et Hergé, à l'époque, est caché, car il a eu quelques soucis pendant la guerre.
12:30Alors, Hergé, à ce moment-là, est un nain civique.
12:33C'est-à-dire que pendant la guerre, il a accepté de dessiner Tintin,
12:38de faire paraître les aventures de Tintin dans des strips, j'allais dire minimalistes,
12:42dans le quotidien Le Soir, surnommé par la Résistance et beaucoup de Belges qui n'étaient pas contents,
12:47Le Soir volé, qui était un journal...
12:50Le Soir était devenu un journal complètement collabo,
12:53dont le rédac chef, De Becker, était un ami d'Hergé.
12:56Alors, Hergé, il s'est justifié en disant bien que je mange, etc.
13:00Mais, oui, il faisait le mec qui n'était pas au courant de ce qui était dans le journal.
13:05Mais il y avait, par exemple, des pubs pour le film Le Juif Zeus.
13:09Il y avait des articles d'un antisémitisme épouvantable
13:13et des épisodes malheureux, puisqu'il faut dire les choses.
13:18Il y a deux cases dans le...
13:22Pas le Temple du Soleil, mais...
13:24Les Sept Baux de Cristal ?
13:26Non, juste avant.
13:28Deux cases où un des professeurs de l'Observatoire annonce la fin du monde.
13:35L'Étoile Mystérieuse.
13:36L'Étoile Mystérieuse annonce que la fin du monde est imminente.
13:39Et il y a deux cases où il y a deux commerçants juifs qui se réjouissent de la fin du monde à venir
13:44parce qu'ils vont se faire de l'argent avec.
13:46C'est deux cas absolument terribles,
13:48parce qu'au même moment commençaient les persécutions et les déportations.
13:51Donc, Hergé s'est amendé de tout cela par la suite.
13:54Mais ça la foutait mal quand même aux yeux de la Résistance, qui lui en a beaucoup voulu.
13:58Donc, Hergé, à la fin de la guerre, a eu des ennuis avec la justice belge.
14:02Il a été finalement... Il n'a pas eu de gros ennuis.
14:07Mais c'est parce que Raymond Leblanc en est responsable.
14:10En fait, Hergé se cachait et lorsque les policiers venaient chez lui,
14:14ils disaient « Hergé, c'est pas moi, je m'appelle Georges Remy ».
14:17Les policiers ne faisaient pas le rapprochement en cherchant Hergé pour l'arrêter.
14:21Et Raymond Leblanc, qui avait été un grand résistant...
14:24Voilà, il était résistant monarchiste.
14:26Et donc, c'était un lien commun parce que Hergé, j'allais dire, aimait bien...
14:30a toujours été très sympathique, très sympathisant de la monarchie belge.
14:34Leblanc était résistant monarchiste.
14:38Et il s'est dit « mais il y a quelque chose à faire de cet Hergé,
14:41on ne va pas le laisser croupir et être maudit et un civique à tout jamais ».
14:46Donc, il a réussi avec ses amis résistants à ce que Hergé n'ait plus d'ennuis.
14:50Et en échange, Hergé est devenu le directeur artistique du journal Tintin
14:53et a amené des collaborateurs qui sont devenus des mythes de la bande dessinée.
14:58Bien sûr, a commencé Black & Mortimer.
15:02Edgar Jacobs.
15:03Edgar Jacobs, qui a été le collaborateur d'Hergé.
15:06C'est-à-dire que Hergé l'a laissé partir,
15:08c'est-à-dire faire une carrière en solo avec difficulté.
15:11Parce que Jacobs a été, j'allais dire, l'idée sur certains scénarios
15:16et surtout a redessiné des albums.
15:19Par exemple, le sceptre d'Otokar, la première version noir et blanc.
15:23Vous voyez la version couleur.
15:24Tous les costumes, tous les décors sont de Jacobs.
15:27Et c'est absolument magnifique.
15:28C'était un fou d'opéra d'ailleurs, Jacobs.
15:30Mais il avait fait de l'opéra.
15:31Il avait même été boy de Miss Tinguette dans une revue en Belgique dans les années 20.
15:35C'est dingue, oui.
15:36Oui, parce qu'il était bariton, je crois.
15:37Il avait une très très belle voix.
15:39C'était une vocation contrariée d'ailleurs.
15:41Parce que son truc, ça aurait été d'être chanteur.
15:43Et puis bon, il n'avait pas toutes les qualités pour l'être.
15:46Et il s'est lancé dans le dessin, Dieu merci.
15:48Puisque ça a donné la marque jaune et des albums tout à fait magnifiques.
15:53Oui, au départ, je crois qu'il voulait faire une histoire sur le Moyen-Âge.
15:56Il en avait déjà une dans Tintin.
15:57Donc, il a imaginé Black & Mortimer.
15:59Oui, c'est extraordinaire.
16:01Il y avait aussi Albert Weinberg, Dan Cooper.
16:03Et je crois que c'est lui qui a dessiné la fusée d'Objectif Lune.
16:07Oui, oui, oui.
16:09Hergé savait, j'allais dire, s'entourer.
16:12Ou j'allais dire, comment dire, non pas s'imprégner du talent des autres.
16:17Mais il allait grappiller ici et là.
16:20Et il en faisait son miel, si vous voulez.
16:22En même temps, Hergé était un directeur artistique de Tintin très précis.
16:26Il donnait des conseils.
16:27Il expliquait qu'il fallait une chute en fin de page pour qu'on achète le journal la semaine prochaine.
16:31Et il vérifiait chaque dessin.
16:33Oui, il était extrêmement vigilant.
16:38Mais ce n'est pas qu'il était vétilleux et un peu emmerdant.
16:43Non, non, c'était un immense professionnel.
16:45Et lui-même, c'était une bête de travail.
16:47Avec, de temps en temps, des phases dépressives où il disparaissait.
16:52C'était un cauchemar pour le journal.
16:54L'aventure s'arrêtait au milieu pendant plusieurs mois.
16:58Mais comment ça se fait ?
17:00Je pense que la complexité des aventures de Tintin est le reflet de la complexité psychologique et idéologique d'Hergé.
17:16Qui était quelqu'un d'extrêmement complexe, comme tout grand artiste.
17:19Il était divers en lui-même, si vous voulez.
17:25Et donc, il avait des moments de profonde dépression.
17:27C'était peut-être dû aussi à son enfance.
17:30Parce qu'il a eu une maman, il n'en parlait jamais.
17:32Il disait, oui, ma mère, je ne l'ai pas très connue.
17:34Tu parles.
17:35C'est sa mère qui lui a fait découvrir le cinéma muet.
17:37C'est sa mère qui l'emmenait au théâtre.
17:38C'est sa mère qui l'emmenait à l'opéra.
17:40Il a beau dire que la Castafior était justement l'incarnation de sa haine de l'opéra.
17:46Il connaissait très bien l'opéra.
17:48Il y a plein de références dans Tintin.
17:50Il se trouve aussi qu'il était déprimé à plusieurs reprises.
17:53Il avait connu Germaine, sa première femme, qui était la secrétaire du petit 20e.
17:57Et puis, un jour, il a essayé d'la quitter.
17:59Je crois que ça l'a traumatisé.
18:00Alors, il s'est séparé de Germaine.
18:03Ce qu'il faut dire, tout à son honneur, c'est que jusqu'à la fin de sa vie,
18:06il rendait visite à Germaine chaque semaine.
18:09Les droits étaient partagés.
18:11Il s'est conduit tout à fait remarquablement.
18:13On ne peut pas dire qu'il ait abandonné sa femme.
18:15Ils se sont séparés.
18:16Et quand il a connu Fanny Rémy, sa seconde épouse,
18:20qui était coloriste dans les studios RG,
18:22il est tombé sous le charme, et elle sous le charme d'RG.
18:26Et ça a été une nouvelle vie.
18:28Ce qui est intéressant, c'est que RG, pour moi, plus il vieillit, plus il rajeunit.
18:32Je ne parle pas des albums.
18:34Peut-être qu'il y a une dégradation dans les derniers.
18:38On peut discuter.
18:39Les Picaros, on trouve ça moins bon que les albums d'avant.
18:41Mais RG est d'une grande ouverture d'esprit.
18:44Il s'intéresse à ce moment-là à la peinture abstraite.
18:46Il devient collectionnaire.
18:47Il devient mécène, alors que ça va contre la culture de son milieu.
18:52Même physiquement, on le voit.
18:53Il n'a plus le costard trois pièces qu'il avait jusque dans les années 50.
18:57Il y a des photos où il est en chemise à fleurs.
19:00Je vois dans le studio où Anne-Nath Neugent avait fait la statue de Tintin.
19:04RG vient.
19:05On a l'impression que c'est vraiment un mec des années 70.
19:08Il écoute les Pink Floyd.
19:09Il écoute Debussy.
19:11Il s'ouvre à tout un tas de choses qui n'étaient pas de son milieu.
19:14Je trouve ça tout à fait formidable.
19:16Et il en a un peu marre de Tintin.
19:17Il l'avait confié une fois à Pierre Sterks, qui était très proche de lui,
19:20qui est beaucoup plus jeune.
19:21Il l'a initié à l'art contemporain.
19:23Il disait « Je hais Tintin ».
19:25Il en avait marre.
19:26Ça a été une bête de travail.
19:27À une époque, il faisait Tintin.
19:29Il faisait Cuic et Fluc depuis les années 30.
19:32Josette et Joco.
19:33Josette et Joco.
19:34Il faisait de la pub.
19:35Il dessinait des réclames.
19:37Il répondait aux courriers pratiquement de tous les enfants qui lui écrivaient.
19:40Des gens ont dit « Oui, Tintin n'aimait pas, RG n'aimait pas les enfants ».
19:45Tu parles.
19:46Jacques Langlois, qui était un grand tintinophile,
19:50qui a sorti un bouquin récemment sur l'agenda d'un RG,
19:53il a écrit RG jusqu'à l'âge adulte.
19:57RG lui répondait.
19:58Il lui envoyait des dessins.
19:59Il lui envoyait des albums.
20:00Pour un mec qui n'aime pas les enfants, c'est quand même un peu dur.
20:03Et puis, il a quand même innové.
20:04Écoutez.
20:05Je m'appelle Tintin.
20:07Et voici mon ami le vieux loup de mer, le capitaine Haddock.
20:10Extrait d'Objectif Lune.
20:11Là aussi, quand on voit l'homme sur la lune, il l'a inventé avant RG.
20:16Oui, c'est formidable.
20:18C'est 12-13 années avant les premiers pas sur la lune.
20:21Tintin pose.
20:22Bon, il y a eu Jules Verne avant.
20:25Il y a eu quelques autres.
20:28Mais oui, c'est tout à fait visionnaire et formidable.
20:31Et d'ailleurs, lorsque les astronautes sont venus demander un autographe à RG,
20:36ce qui l'a surpris, il a compris ce jour-là qu'il ne travaillait pas
20:39exclusivement pour les enfants.
20:41Oui, tout à fait.
20:43Je me souviens qu'à la maison, mon père, à la gare Saint-Lazare,
20:48achetait Tintin et Spirou et il était le premier à le lire.
20:51Et il n'était pas question de le passer.
20:53Oui, mais RG et les autres pensaient qu'il travaillait uniquement pour des enfants au départ.
20:57Oui, oui.
20:58Mais petit à petit, il s'est rendu compte que son oeuvre, de par sa complexité,
21:02ce que je disais tout à l'heure, et de sa richesse,
21:05ce n'est pas du tout une oeuvre moralisante.
21:07C'est une oeuvre morale, mais pas moralisante.
21:09Et c'est pour ça que ça tient encore le coup, même si on lira de moins en moins Tintin.
21:13Mais le succès est dû à cette différence, à cette polysémie.
21:19Oui, oui.
21:20Vous croyez qu'on lira de moins en moins Tintin ?
21:22Oui, on le lira.
21:25Comment vous dire ?
21:27Tintin va de plus en plus être considéré comme un des chefs d'oeuvre
21:32de cette culture populaire qui est la bande dessinée au XXe siècle.
21:37Bon, Hergé est mort en 1983.
21:39Vous vous rendez compte, on est à la radio, à Sud Radio,
21:41et on parle de Tintin comme s'il était toujours là.
21:44Et ça prouve que c'est une oeuvre formidablement solide.
21:48Pour moi, c'est un classique de cet art qui n'est plus du tout considéré comme mineur,
21:53qui est la bande dessinée.
21:54Exactement.
21:55Et justement, l'anniversaire des 50 ans, ça a été célébré le 5 janvier 1979.
22:02On en parle dans quelques instants sur Sud Radio avec Albert Algou.
22:06Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
22:09Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Albert Algou
22:12pour la sortie de la vraie vérité sur Tintin chez Hugo de Singe.
22:16On parle donc de Tintin et d'Hergé que vous connaissez mieux que tout le monde.
22:20Oh non, non, non, il y a deux grands connaisseurs.
22:22Mais vous connaissez bien.
22:23Alors, le 5 janvier 1979, ce sont les 50 ans de Tintin.
22:28Et Hergé est toujours parmi nous.
22:30Et il va connaître la consécration en France avec cette émission.
22:39Hergé dans l'apostrophe, ça a été un événement.
22:41Parce que Pivot interviendrait Hergé.
22:43Personne ne l'imaginait quelques années plus tôt.
22:45C'est une reconnaissance de la BD.
22:46Oui, c'est presque médiatiquement un moment fondateur.
22:52C'est un grand auteur de BD qui, la première fois,
22:54ait reçu les honneurs réservés aux grands écrivains, aux grands auteurs.
22:58Donc, il est considéré comme un auteur.
23:00Les gens de BD aiment bien dire non, pas qu'ils sont dessinateurs.
23:03Ce que je regrette, parce que Léonard de Vinci était dessinateur.
23:06Raphaël était dessinateur.
23:07Donc, il n'y a pas de...
23:08Non, nous, nous sommes des auteurs.
23:09Et là, c'est un grand auteur, scénariste et dessinateur qui est reçu.
23:16Voilà.
23:17Marguerite Duras avait dit que le succès commercial des aventures de Tintin,
23:21c'était une internationale.
23:23Elle avait, elle aussi, reconnu le terrain d'Hergé.
23:25Oui, oui, oui.
23:26International, parce que Hergé aussi, quand même, il y a eu un truc génial chez lui.
23:31À un moment, au départ, Tintin, il est très belge.
23:33Il est très belge.
23:34Il y a beaucoup de références à la Belgique.
23:36Et à partir du moment où il connaît le succès en France,
23:39Hergé comprend que s'il veut un succès international,
23:41il va gommer toutes les références directes à la Belgique.
23:44Mais, ce qui est génial, c'est que plus il internationalise Tintin,
23:49plus c'est un héros extra-européen qui commence à voyager dans le monde entier,
23:54qui s'intéresse aux cultures qui ne sont pas les siennes et tout.
23:56Ça, c'est génial.
23:57Et de l'autre côté, il introduit dans les albums un clin d'œil réservé aux Belges et à certains Belges.
24:03C'est le marollien.
24:04C'est la langue parlée dans les quartiers de Bruxelles.
24:09Il y a le bruxellaire et le marollien,
24:11qui est un idiome où il y a du mélange d'allemand, de français, un peu d'espagnol,
24:16puisqu'il y avait l'occupation espagnole, un peu d'yédiche.
24:18Et cette langue, le marollien, il la distille dans tous les albums.
24:23Un mot, un exemple.
24:25Dans les bijoux de la Castafiore, dans le grenier, il y a un paquet de lessives.
24:29Ça s'appelle la lessive « brol ».
24:31« Brol », ça veut dire « c'est le boxon, c'est le bordel, c'est le désordre » en belge.
24:35Les indiens à Rumbaya, à l'oreille cassée, ils parlent le marollien.
24:41Parce qu'au départ, on se dit « il a écrit n'importe quoi ».
24:44Et en fait, ils parlent le marollien.
24:46Il y a énormément de mots marolliens.
24:48Par exemple, la capitale de la Bordurie, c'est « clof »,
24:51et la capitale de la Sile d'Avis, c'est « sorode ».
24:55Ou l'inverse.
24:56Les deux mots veulent dire « dingue, fou ».
24:58Et la folie est omniprésente dans Tintin.
25:00Et ça, c'est génial.
25:01Il y a des niveaux de lecture.
25:03Ce qui fait le succès de Tintin, c'est qu'il y a des niveaux de lecture.
25:06Les enfants, les adolescents, les adultes, chacun va trouver son miel dans ces albums.
25:11D'où le succès.
25:13C'est cette complexité, une fois de plus.
25:15Oui, mais en même temps, ce qui est étonnant, c'est qu'Hergé aimait beaucoup les canulars,
25:18faire des farces avec ses copains.
25:20D'ailleurs, il y avait un côté dérision dans ses albums contre lui.
25:25Il se servait des farces qu'on faisait contre lui pour ses albums.
25:28Oui, tout à fait.
25:29Et il s'est amusé à se représenter lui-même.
25:31Les caméos comme Hitchcock, qui apparaît en silhouette, furtivement dans ses films.
25:37Hergé s'est représenté à plusieurs reprises.
25:39Et représenté ses copains.
25:41Van Melkebeek, un de ses proches amis et, on peut dire, co-scénariste,
25:46par exemple dans Le secret de la licorne, sur le marché,
25:48qui achète des bouquins, c'est Van Melkebeek.
25:50C'est une manière de rendre hommage.
25:52On parlait de Jacobs tout à l'heure, l'auteur de Blacky Mortimer.
25:54Il est à plusieurs reprises dessiné, notamment dans le sceptre d'Otokar.
26:00Il est dans la salle royale à la fin, en grand costume d'apparat, avec sa femme.
26:05Et Hergé s'est représenté lui-même.
26:07Il y a son frère, il y a sa femme et d'autres amis qui sont là.
26:09Ça, c'est une seconde lecture.
26:11Mais quand on pense, Albert Algoud, que tout ça a commencé discrètement,
26:14parce qu'il faut savoir qu'en 1946, les planches sont payées à la semaine,
26:18pour le journal Tintin.
26:19Il y a même Paul Cuvelier, qui est créateur de Corentin,
26:21qui demande 3 francs supplémentaires pour le billet de train pour apporter ses planches.
26:25Ça n'avait rien à voir, il n'y avait pas d'album.
26:27Non, mais on n'imagine pas, effectivement.
26:29Il n'y avait pas la spéculation, méritée ou non,
26:32sur la vente des planches dans les salles de vente aujourd'hui,
26:36chez Arcurial, chez Drouot, qui atteignent des sommes faramineuses.
26:39Personne n'aurait pu imaginer un jour
26:41qu'un simple dessin d'Hergé vaudrait plusieurs centaines de milliers d'euros,
26:46voire plusieurs millions d'euros.
26:48C'était impensable.
26:49Mais les planches, elles étaient envoyées chez l'imprimeur,
26:51elles ne revenaient pas toujours et on s'en foutait.
26:53Oui, c'est absolument incroyable.
26:55Comment ça s'explique ?
26:56Ça s'explique parce que je pense qu'il n'avait pas de plan de carrière.
27:00Ils n'imaginaient absolument pas le destin qu'aurait cette art populaire
27:06qu'est la bande dessinée.
27:07C'était des gens qui…
27:09Hergé était à la fois conscient de son talent,
27:12mais souvent il en doutait.
27:13C'est très émouvant.
27:14Il se dit « Quoi, ces dessins ?
27:16Est-ce que ça vaudra un jour quelque chose ? »
27:20Il était loin de se le demander.
27:22Il était très curieux qu'on commence, à la fin de sa vie,
27:25qu'il commence à y avoir des livres sur l'œuvre.
27:27Aujourd'hui, il y en a presque 700.
27:29C'est fou.
27:30Il se trouve aussi qu'il a créé des studios Hergé
27:33parce qu'il a compris quand même très vite qu'il y avait des produits dérivés.
27:37Ce sont les débuts des produits dérivés sur les paquets de biscuits, entre autres.
27:41Oui, les buvards, les paquets de biscuits, les figurines, les stylos, etc.
27:47Et ça a été exponentiel.
27:49Il faut voir, chaque année, la journée des ADH, des amis d'Hergé,
27:56il y a le matin un marché,
27:59où des collectionneurs de toute l'Europe et même des États-Unis viennent.
28:05C'est inouï, les produits dérivés.
28:10C'est absolument incroyable ce qu'il y a pu avoir.
28:14Les bureaux existent toujours à Venue Louise.
28:16Je suis allé un jour travailler dans ce bureau d'Hergé
28:19car il avait son bureau avec des œuvres d'art d'Andy Warhol au mur.
28:23Oui, les trois intriptics.
28:26Certains ont été vendus, je crois.
28:31Il y en a un qui se trouve au musée de Louvain-la-Neuve, le musée Hergé.
28:35Oui, le musée Hergé qui a été construit en dehors de Bruxelles
28:38parce que les Bruxellois ne voulaient pas d'un musée Tintin dans leur ville.
28:42Oui, il y a plein d'anecdotes autour.
28:44Pourquoi pas de musée Tintin en Belgique ?
28:47C'est certains Belges pour des vieilles rancunes que nous évoquions tout à l'heure
28:54qui ont traîné la patte.
28:56D'ailleurs, Hergé aurait failli ne pas être dessinateur mais peintre, Albert Algaud.
29:00Disons qu'il s'est adonné à la peinture.
29:04Déjà, c'était un très bon dessinateur.
29:06Il y a des sanguines ou même des nus de Germaine.
29:11C'était un formidable dessinateur.
29:14En dehors des albums puisqu'il dessinait dans le supplément de mode du XXe siècle.
29:21C'était un formidable dessinateur.
29:23Il avait un sens du cadrage tout à fait formidable.
29:26Il s'est adonné à la peinture.
29:29À partir du moment où il s'est intéressé à l'art contemporain,
29:32il s'est dit que ça le travaillait.
29:34Pour lui, la peinture était au-dessus de la BD.
29:36Il avait des doutes sur cet art populaire.
29:38Il a pris des cours avec un des peintres du mouvement Cobra, dont le nom échappe.
29:43Mais presque secrètement.
29:46Il suivait des cours.
29:48Il a fait de la peinture.
29:50Il y a des toiles de lui qui ont été exposées quand il y a eu la grande rétrospective au Grand Palais.
29:55Il y en a aussi à Louvain-la-Neuve.
29:57Il a eu la sagesse de se dire non.
29:59Il y avait quelque chose mais il n'était pas au-dessus des peintres qu'il admirait.
30:06Il était certainement en-dessous.
30:08Ce n'était pas son truc dans le fond.
30:10Mais son truc c'était la BD et surtout les scénarios.
30:12Car le scénario était extrêmement travaillé.
30:14Il y a plein d'inédits.
30:15Des histoires qui ont débuté et qui n'ont jamais terminé.
30:18Oui.
30:19Pour les scénarios, on ne peut pas dire qu'il y a eu de co-scénaristes.
30:24Souvent, les gens l'accusent.
30:26Oui, il a piqué.
30:27Bien sûr, il a pris chez Jules Verne, chez Benjamin Rabiet, etc.
30:30Mais je répète, il en a fait son miel.
30:32Tous les artistes sont influencés.
30:34C'est trop facile de lui accrocher cette autre casserole.
30:42Par exemple, il y avait Van Melkebeek et quelques autres qui l'ont aidé pour des scénarios.
30:48Il y en a un, comment s'appelait-il le créateur de Agile Talon ?
30:53Greg.
30:54Greg, qui avait fait le scénario d'une aventure qui s'appelle le Thermozéro.
30:58Qui n'est jamais paru.
31:00C'était après les bijoux de la Castafior, ou à peu près pendant.
31:03Hergé était très tenté.
31:04Et in fine, il a renoncé à finir le Thermozéro.
31:08Parce qu'il trouvait le scénario un peu trop emberléficoté.
31:12Et surtout, Hergé avait des inspirations du cinéma muet.
31:16Il avait adoré le cinéma muet.
31:17Bien sûr.
31:18C'est sa maman qui l'emmenait au cinéma muet.
31:20Les coups, les chocs, les chutes, par exemple, des Dupont.
31:23Ou même de Haddock.
31:25Et même, ça arrive à Tintin.
31:26C'est directement inspiré de Buster Keaton, de Chaplin, de Laurel et Hardy.
31:31L'arroseur arrosé.
31:32L'arroseur arrosé, bien sûr.
31:34Le râteau qui se prend dans le nez, etc.
31:39Oui, énormément.
31:40Une richesse de gags fantastiques.
31:42Mais là aussi, Hergé est absolument admirable.
31:45Parce qu'il arrive à transposer, j'allais dire, une forme cinématographique en bande dessinée.
31:49Ce qui existait déjà dans les comics américains.
31:51Mais il y a des moments extraordinaires.
31:54Ou alors, l'épisode connu qui est même devenu, j'allais dire,
31:57qui est entré dans le langage populaire.
31:58Le Sparadrap du capitaine Haddock.
32:00On l'a fait retourner au sol.
32:01Il se retrouve avec un Sparadrap sur le nez.
32:05Qu'il enlève.
32:06Et sur presque 20 pages, on retrouve ce Sparadrap.
32:10Mais ce n'est pas l'action principale.
32:12Vous voyez, il y a plusieurs actions en parallèle.
32:15Ou plutôt, intriquées les unes dans les autres.
32:18C'est plutôt tricoté, vous voyez.
32:21Et ça, c'est génial chez Hergé.
32:23Et le cinéma s'est emparé, justement, d'Hergé.
32:25Et ça a commencé en 1962 avec ce film.
32:31Tintin et le bouteilleur d'or
32:35Tintin et le bouteilleur d'or qui a été un événement
32:37parce que c'était Tintin vivant avec, je crois...
32:40Jean-Pierre Talbot.
32:41Jean-Pierre Talbot qui avait été trouvé
32:44et qui ressemblait vraiment à Tintin.
32:45Ah oui, il ressemblait à Tintin, oui, physiquement.
32:48Alors c'est drôle parce que Jean-Pierre Talbot,
32:50il a une dette éternelle envers Tintin.
32:55Et c'est un mec charmant et d'une honnêteté totale.
32:59Et toujours enthousiaste, malgré l'âge.
33:02Et oui, alors c'était intéressant
33:05parce que certains ont dit
33:07« Ah, mais l'univers de Tintin est trahi. »
33:09Alors effectivement, au cinéma, si vous voulez,
33:11il vous a mis une déperdition de la caricature.
33:13Puisqu'on a de vraies créatures qui incarnent les personnages.
33:17Donc c'est difficile, le côté caricatural,
33:19c'est plutôt le côté réaliste qui l'emporte.
33:21Puis dans le dessin animé, ça a été l'inverse.
33:23On dit « Ah oui, mais le dessin animé,
33:25on a la caricature, mais on perd le côté réaliste. »
33:28Les gens ne sont jamais contents.
33:30Et si vous voulez, avec Cameron et Spielberg,
33:36le Tintin au cinéma, en motion capture,
33:40ça a été un peu la synthèse des deux.
33:42Donc il y a des côtés assis,
33:44même si le scénario s'effiloche un peu.
33:46C'était quand même pas mal pour relancer l'intérêt
33:50pour les aventures, notamment auprès des enfants.
33:52Il faut savoir que Jean-Pierre Talbot,
33:54aujourd'hui, il a été professeur de gymnastique,
33:56il est à la retraite, il vit en Belgique aujourd'hui.
33:58Et on le salue, parce que je sais qu'il nous écoute.
34:00Et il y a aussi une chose,
34:02on s'est toujours demandé,
34:04RG a-t-il vraiment dit qu'après lui,
34:06il n'y aurait plus de Tintin ?
34:08Parce qu'on a aussi dit qu'Alain Barras,
34:10son secrétaire, avait obtenu l'information
34:12par les tables tournantes.
34:14Oui, alors ça, je n'étais pas ni sous la table,
34:16ni dessus, je n'étais pas là.
34:18Mais je pense que c'était une volonté d'RG, oui.
34:20Il ne voulait pas ?
34:22Ça se comprend, parce qu'il avait vraiment conscience
34:25de l'importance de son oeuvre,
34:27même si, à la fin, il disait
34:29« Je hais Tintin ».
34:31Il savait quand même que, j'allais dire,
34:33les albums canoniques, à partir du
34:35« Sceptre d'Otokar » et même avant,
34:37le « Lotus bleu », etc.,
34:39c'est une oeuvre tout à fait formidable.
34:41Tout en étant très traditionnelle,
34:43elle est novatrice.
34:45Elle ouvre la voie à tellement de dessinateurs
34:47qui sont reconnaissants.
34:49Vous prenez Riad Satouf, aujourd'hui,
34:51ou Zep, l'auteur de Titov.
34:53Ils disent la dette
34:55qu'ils ont envers RG,
34:57leur admiration.
34:59Et vous l'admirez aussi, la preuve,
35:01ce livre « La vraie vérité sur Tintin »,
35:03qu'on va évoquer à travers la date de sa sortie,
35:05le 2 octobre 2024.
35:07A tout de suite sur Sud Radio,
35:09avec Albert Algoud, pour parler de Tintin.
35:11Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:13Sud Radio, les clés d'une vie,
35:15mon invité Albert Algoud.
35:17On a donc parlé de l'oeuvre d'RG,
35:19de Tintin, que vous connaissez par cœur.
35:21Et à tous les livres qui sont sortis,
35:23les 700 livres qui sont sortis,
35:25vous ajoutez « La vraie vérité sur Tintin »,
35:27chez Hugo Dessinges,
35:29qui est sorti le 2 octobre 2024.
35:31Pourquoi ce livre, aujourd'hui ?
35:33Pourquoi ce livre, aujourd'hui ?
35:35Parce qu'il y avait des révélations
35:37tout à fait formidables
35:39à faire sur cette oeuvre.
35:41Alors, évidemment,
35:43« La vraie vérité », c'est une tautologie,
35:45certains vont dire « mais c'est racoleur ».
35:47Non, ce n'est pas racoleur,
35:49tout est vrai à l'intérieur.
35:51Comment avez-vous trouvé ces pistes inédites ?
35:53RG parlait peu de tout ça.
35:55Il parlait peu, il était même assez menteur
35:57dans les interviews, il édulcorait beaucoup.
35:59Par exemple, Milou.
36:01Oui.
36:03Milou, en fait,
36:05c'était le prénom de sa première petite amie.
36:07Il avait 15 ans, elle en avait 17.
36:09Elle s'appelait Marie-Louise.
36:11Tout le monde l'appelait Milou.
36:13Or, le père de cette jeune fille
36:15voyait d'un très mauvais œil
36:17cette amourette,
36:19on ne va pas parler de liaison,
36:21entre ce garçon qu'il prenait pour un boirien,
36:23parce que c'était un gribouilleur,
36:25il faisait des petits dessins du journal Scoot,
36:27mais c'était Georges Rémy à l'époque.
36:29Il s'est dit « ce mec ne fera jamais rien »
36:31et il a tout fait pour que sa fille...
36:33Les deux ont été très malheureux.
36:35En fait, RG s'est vengé
36:37quelques années après,
36:39puisque le chien de Tintin, dans les soviets,
36:41c'est à peu près 4 ans après,
36:43le père avait vraiment eu du flair.
36:45Environs ce très bon parti.
36:49Et il a appelé son chien.
36:51D'où, j'en déduis, que Milou est une chienne.
36:53Exactement. Alors, il se trouve aussi
36:55qu'il faut retrouver toutes ces informations.
36:57Comment est-ce que vous avez fait ?
37:01Ça doit être pour vous la même chose
37:03quand vous écrivez des ouvrages,
37:05quand vous faites des documentaires
37:07ou des émissions.
37:09Quand on est dans la fantaisie,
37:11le réel vient à votre secours très vite.
37:13C'est la passion qui nous guide.
37:21Par exemple,
37:23Benjamin Rabier,
37:25illustrateur célèbre,
37:27qui est le maître d'RG,
37:29vous avez trouvé des éléments
37:31que vous évoquez dans ce livre
37:33« Preuve à la pluie »,
37:35pour montrer qu'il y a plein de points
37:37en commun avec Tintin,
37:39y compris le nom de Tintin.
37:41« La vache qui rit »,
37:43je ne fais pas de réclame,
37:45c'est Benjamin Rabier,
37:47« Les aventures de Gédéon le canard »,
37:49qui est un immense dessinateur,
37:51très drôle, lignes claires,
37:53coloriste magnifique.
37:55« Les fables de la Fontaine »,
37:57s'il faut ouvrir un bouquin pour Noël aux gamins,
37:59c'est « Les fables de la Fontaine »,
38:01illustré par Benjamin Rabier.
38:03C'est prodigieux, il n'y a pas besoin d'être très bon en français.
38:05Ça passionne les mots.
38:07Benjamin Rabier, grosse influence sur RG
38:09quand il était petit.
38:11Benjamin Rabier est l'auteur,
38:13on est en 1894,
38:15de « Tintin lutin ».
38:17Et ce Tintin lutin,
38:19il a des pantalons de golf, une houppette,
38:21et souvent il se travaille avec un petit chien.
38:23Et plus tard, on retrouve
38:25le personnage de Tintin dessiné
38:27un petit peu avant la guerre de 14.
38:29Et RG, alors,
38:31il a quand même dit qu'il avait élu
38:33Benjamin Rabier, mais il ne parle jamais de Tintin.
38:35Il ne parle jamais de Tintin.
38:37Ce qui est drôle, c'est que l'enfance de Tintin,
38:39elle est chez Benjamin Rabier,
38:41et Tintin, qui ensuite est un personnage sans âge,
38:43puisque le temps n'a pas de prise sur lui,
38:45c'est RG.
38:47Mais l'enfance,
38:49elle est chez Rabier,
38:51et RG avait forcément
38:53beaucoup plus que lui
38:55« Les fables de la Fontaine ».
38:57Il se trouve aussi qu'il y a une série moins connue
38:59qui est « Josette et Joco »,
39:01et le singe Joco, il est aussi chez Benjamin Rabier.
39:03C'est un personnage de Benjamin Rabier très drôle,
39:05mais il n'est pas le ciné-alcooloir.
39:07Ce qui est drôle dans « Josette et Joco »,
39:09c'était les bons-pères qui trouvaient que Tintin
39:11n'était pas recommandable, parce qu'il n'avait pas de famille,
39:13il n'avait pas de boulot,
39:15on ne savait pas de quoi il vivait.
39:17Et puis,
39:19les bons-pères
39:21des éditions Fleurus,
39:23du magazine Cœur Vaillant,
39:25avaient demandé à RG
39:27de faire une histoire avec un garçon,
39:29une fille, un frère et une sœur,
39:31bien entendu, en tout honneur.
39:33Mais RG avait quand même rajouté un singe,
39:35Joco, et il en a fait un alcoolo.
39:37Donc c'était sa manière,
39:39parce qu'en fait, il n'aimait pas trop
39:41Josette, c'était une commande.
39:43Or, les soviètes, c'est une commande,
39:45mais après, c'est vraiment son œuvre.
39:47Et donc ça, c'est amusant.
39:49Joco, effectivement, vous avez raison,
39:51c'était un des animaux de Benjamin Rabier.
39:53Et d'ailleurs, il se trouve que les écoles religieuses
39:55ont beaucoup pédé le journal Tintin,
39:57puisqu'au début, les abonnements étaient
39:59des écoles religieuses, qui ont lancé
40:01le journal. Mais vous voyez,
40:03parler d'institutions religieuses,
40:05de journaux
40:07quand même très
40:09catholiques, etc.
40:11Un des héros, c'est un alcoolo, c'est le capitaine Haddock,
40:13et au début, il tente d'assassiner Tintin
40:15à plusieurs reprises,
40:17de l'étrangler, de lui fracasser
40:19le crâne à coup de bouteille. Donc ça, c'est fort
40:21de la part d'RG d'avoir introduit,
40:23dans une BD,
40:25bien pensante, des personnages
40:27tout à fait inquiétants et troublants.
40:29Et vous révèlez une chose extraordinaire
40:31dans ce livre, Albert Algoud,
40:33c'est que finalement, Haddock,
40:35il était sur le Titanic.
40:37Alors Haddock était sur le Titanic, ça c'est absolument vrai.
40:41Le premier commandant
40:43du Titanic, ça a été un capitaine Haddock.
40:45Et ensuite, il a été muté sur le
40:47sister ship, c'est-à-dire le navire jumeau
40:49du Titanic, qui s'appelait
40:51l'Olympic. Et donc,
40:53Southampton,
40:55Cherbourg,
40:57c'était le...
40:59Quand le Titanic faisait ce trajet,
41:01Cherbourg, Southampton, dans l'autre sens,
41:03c'était fait par l'Olympic. Et quand le
41:05naufrage, hélas, a eu lieu,
41:07le Olympic était en route.
41:09Le capitaine Haddock a reçu ordre de se
41:11dérouter pour porter secours au Titanic.
41:13Et j'en déduis qu'arriver
41:15sur place trop tard, il a vu
41:17dériver à la surface des eaux glacées
41:19tous ces malheureux
41:21noyés,
41:23qui étaient perdus à jamais.
41:25Et donc, pour se consoler de ça,
41:27pour oublier ça, il s'est mis à boire.
41:29C'est là que Haddock a commencé
41:31à devenir alcoolique. Mais le whisky
41:33sans glaçon, évidemment, qui lui rappelait les icebergs.
41:35– Bien sûr. Ce qui est tout à fait logique.
41:37– Je vous vois bien peiner, là.
41:39– Et Hergé a du y penser.
41:41Il se trouve aussi, vous racontez dans ce livre,
41:43que la Castia Fiore a existé,
41:45et que Hergé l'a rencontrée,
41:47Albert Algaud. – Oui, et moi aussi,
41:49je l'ai rencontrée. Alors,
41:51oui, oui, la Castia Fiore, il l'a rencontrée
41:53à Moscou, je le démontre,
41:55à l'Opéra de Bruxelles.
41:57Et la rencontre a été
41:59torride.
42:01Torride, non pas qu'il y ait eu,
42:03j'ai de dire, conclusion,
42:05mais Hergé a une révélation
42:07dans la loge de la Castia Fiore.
42:09Et cette révélation,
42:11je ne vais pas divulgacher
42:13ce que je révèle,
42:15mais la révélation, elle est déjà
42:17dans le nom de la Castia Fiore.
42:19Casta, féminin, Fiore,
42:21en italien,
42:23il Fiore,
42:25c'est masculin.
42:27Donc l'alliance du féminin
42:29et du masculin est tout à fait étrange.
42:31Et la vraie nature de la Castia Fiore,
42:33je l'avais révélée dans sa biographie
42:35non autorisée, à savoir que c'est l'ultime
42:37castrat de l'histoire de la musique.
42:39Une des rares femmes dans les aventures
42:41n'en est pas une, à part Milou.
42:43– Bien sûr. Il se trouve aussi
42:45que Hergé a toujours dit
42:47qu'il avait fait la Castia Fiore parce qu'il détestait
42:49Maria Callas.
42:51– Je pense qu'il mentait beaucoup
42:53parce qu'il connaissait
42:55très bien l'opéra. Il y a des références
42:57à Boyle Dieu,
42:59à Rossini,
43:01à
43:03La Tosca.
43:05– Tout ce qu'on peut imaginer.
43:07– Oui. Il connaissait
43:09assez bien l'opéra parce que sa mère
43:11l'emmenait à l'opéra quand il était à Bruxelles.
43:13Là, Hergé, il n'est pas franc.
43:15Pourquoi il faisait ça ?
43:17– C'était son droit. C'est marrant des fois
43:19de mentir dans les interviews. Ce que je ne fais pas.
43:21– Non.
43:23Vous parlez aussi du professeur Tournesol
43:25qui a existé.
43:27– Ah oui, c'était le professeur. Alors là, il est vraiment
43:29directement inspiré du professeur Picard.
43:31Picard, vous savez,
43:33il s'est fait connaître avec le plus léger
43:35que l'air, un ballon sonde,
43:37et le plus léger que l'eau avec le batiscafe
43:39avec un record du monde qui tient toujours
43:41presque 12 000 mètres de profondeur.
43:43Et le professeur Picard était suisse mais
43:45il habitait Bruxelles. Il avait d'ailleurs
43:47un frère jumeau. Donc, vous voyez, la géminité, elle est très présente
43:49dans l'œuvre d'Hergé. Et Hergé le croisait souvent.
43:51Et physiquement,
43:53c'est Tournesol. Sauf qu'il était très grand.
43:55Et donc, Hergé a dit,
43:57quelque part, il était trop grand
43:59pour que je fasse entrer dans les cases. Donc, je l'ai rapetissé.
44:01Donc, Tournesol, c'est Picard.
44:03Et en plus, il en a fait un
44:05sourd.
44:07Mais sourd presque quand il veut
44:09parfois, Tournesol. Parce que dans
44:11l'aventure lunaire, bizarrement, il est bien
44:13périllé. Il se met à entendre.
44:15Il y a aussi un roman de Jules Verne
44:17qu'il n'avait pas lu, qui a influencé
44:19Hergé. C'est Les Trébulations d'Un Chinois en Chine.
44:21Alors, qu'il n'avait pas lu, je pense que
44:23c'est ce qu'il dit.
44:25C'est ce qu'il dit. Il disait, alors,
44:27sur l'influence
44:29de Jules Verne, il se contredit Hergé.
44:31Il dit, Jules Verne, jamais. Et puis, à d'autres moments,
44:33il dit, oui, mais c'est comme dans telle aventure de Jules Verne,
44:35Michel Strogoff, etc.
44:37Peut-être, moi, je pense que c'était
44:39ses, j'allais dire,
44:41ses co-scénaristes, notamment
44:43Van Bell Quebec, qui était, comme disait ma grand-mère,
44:45des Jules Vernistes, qui connaissaient Jules Verne par coeur.
44:47Et dans Les Trébulations d'Un Chinois en Chine,
44:49il y a deux flics
44:51qui portent des espèces de chapeaux melons, qui sont
44:53carrément jumeaux.
44:55L'un commence une phrase, l'autre la termine.
44:57Il s'appelle Craig Fry.
44:59Et c'est la préfiguration des Duponts.
45:01C'est indéniable.
45:03Et d'ailleurs, pour Les Trébulations d'Un Chinois en Chine,
45:05il y a une scène du film avec
45:07Jean Rochefort, avec Belmondo,
45:09carrément inspiré de Tintin au Tibet.
45:11Je sais que Philippe de Broca
45:13a reçu du papier bleu.
45:15Mais il a reçu du papier bleu, avec les avocats
45:17d'Hergé qui ont dit, vous l'avez copié.
45:19Et il a dit, mais c'est involontaire.
45:21C'est involontaire ou c'est une réminiscence.
45:23Et puis, là encore,
45:25c'est lamentable de l'avoir
45:27poursuivi. En plus, il était très, très sympa
45:29de Broca.
45:31Et c'était un grand admirateur de l'oeuvre.
45:33Alors, il se trouve aussi que
45:35les Duponts et Duponts, d'après vous,
45:37Albert Algoud, doivent beaucoup
45:39à Dubout, qui est un dessinateur
45:41magnifique.
45:43Là encore, vous me posez la question, comment j'ai eu ces informations.
45:45C'était à l'époque,
45:47le monsieur qui dirigeait
45:49le musée
45:51de la Seyta, où il y avait une exposition Dubout.
45:53Et
45:55il m'avait envoyé des dessins qui datent
45:57d'avant la création des Duponts, où il y a
45:59deux flics qui sont Siamois
46:01qui exactement sont
46:03les Duponts. C'est extraordinaire.
46:05Les flics avaient tous des chapeaux melons
46:07à l'époque. Chapeau melon,
46:09parapluie très fin comme des cannes
46:11et habillés comme les Duponts,
46:13sauf la paire de moustaches, puisqu'il y en a un
46:15où la moustache descend et l'autre monte.
46:17Vous évoquez un sujet qui est toujours d'actualité,
46:19c'est Chang. Est-ce que Chang,
46:21qui est venu en 1981
46:23et qu'on a vu dans les bras d'Hergé, est le vrai Chang
46:25ou non ? Et ça, c'est une question qu'on s'est
46:27mystérieusement posée.
46:29C'est un sujet délicat
46:31parce qu'il faut faire attention à ce qu'on dit
46:33et aux avocats qui guettent,
46:35qui vous écoutent. Je parlerai
46:37au conditionnel.
46:39Il se pourrait bien que
46:41le Chang qui est revenu
46:43peu de temps avant la mort d'Hergé,
46:45qu'il a retrouvé, n'était pas
46:47le Chang originel,
46:49le Chang de sa jeunesse.
46:51Le premier témoignage, ce sont ceux d'Hergé lui-même
46:53qui auraient, je parle au conditionnel,
46:55un ami
46:57proche et commun qui s'appelait Pierre Sterx
46:59qui était très proche d'Hergé.
47:01Il avait dit à quel point
47:03il était déçu
47:05parce que
47:07au début ça a été médiatisé,
47:09les embrassades, les larmes, etc.
47:11Mais dans les jours qui ont suivi, il y avait comme une
47:13petite déception
47:15tout à fait étrange.
47:17Alors, il y a un historien
47:19des services secrets
47:21chinois et asiatiques
47:23qui a écrit sur Chang
47:25et qui démontre que dans sa jeunesse,
47:27quand il était présent à Bruxelles,
47:29il a connu Hergé. La communauté
47:31chinoise de l'université de Louvain,
47:33il y avait des études en chinois, souvent des études
47:35en chinois catholiques, parmi eux, était
47:37infiltrée des agents communistes qui étaient
47:39très proches de Chang.
47:41En même temps, moi j'ai rencontré Chang lorsqu'il a fini
47:43sa vie dans un petit atelier d'artiste
47:45près de Paris,
47:47à Neugeans-sur-Marne.
47:49Pour moi, c'était Chang.
47:51Et bien alors, c'était Chang.
47:55Pour moi aussi, c'est Chang.
47:57On apprend aussi, Albert Algou,
47:59une gloire familiale, votre grand-père
48:01a traduit les cigares du pharaon
48:03en slovéne. Alors, ce n'est pas les cigares du pharaon,
48:05c'est... Bon, on n'est pas loin.
48:07C'est le sceptre d'Otokara.
48:09Oui, parce que
48:11mon grand-père, très jeune,
48:13est parti en Slovénie pour créer une école
48:15avant la guerre de 1914.
48:17Il est parti en 1911
48:19et il a passé trois ans en Slovénie. Il est devenu ami
48:21avec tous les artistes slovènes
48:23de l'époque qui étaient très francophiles,
48:25qui étaient polyglottes, les mecs qui parlaient
48:27sept langues. Notamment Vladimir Leoustik
48:29qui était un grand écrivain slovéne,
48:31grand traducteur de la littérature française.
48:33Et...
48:35Plus tard, quand
48:37Lestou qui est revenu à Paris dans les années 30,
48:39parce que c'était des années quand même assez terribles,
48:41il y a eu la guerre,
48:43il a découvert
48:45les aventures de Tintin
48:47et il a été emballé par
48:49le sceptre d'Otokara qui se passe
48:51dans les Balkans.
48:53C'est un monde très proche
48:55de l'ex-Yougoslavie.
48:57Soit
48:59la Bosnie,
49:01soit la Macédoine, etc.
49:03Et il a
49:05entrepris de traduire en slovéne
49:09le sceptre d'Otokara.
49:11Leoustik a été victime à la fois
49:13des fascistes et à la fois des communistes.
49:15Et les fascistes,
49:17les occupants allemands, brûlaient sa bibliothèque.
49:19Il avait 2000 livres, ce qui à l'époque
49:21était considérable dans un pays
49:23comme la Slovénie.
49:25C'était un choc épouvantable.
49:27Après, les communistes ont fait des ennuis.
49:29Ensuite, il a été réhabilité
49:31comme un héros
49:33de la République
49:35de la Fédération
49:37de l'Yougoslavie.
49:39Mon grand-père et lui s'étaient amusés
49:41à traduire le sceptre d'Otokara.
49:43C'est dire si la vraie vérité
49:45sur Tintin est une histoire de famille.
49:47Un livre que je recommande à la CSE qui aime Tintin,
49:49parce qu'on apprend vraiment beaucoup de choses.
49:51Merci Albert Algoud.
49:53Merci Jacques, merci beaucoup.
49:55Et continuez ainsi. Ne changez rien.
49:57Merci. Les Clés d'une vie, c'est terminé
49:59pour aujourd'hui. On se retrouve bientôt.
50:01Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.