• il y a 10 heures
Jacques Pessis reçoit Antoine de Caunes. Il lance un magazine intitulé « Vieux ». Un mot et un âge qu’il assume en évoquant un passé joyeux et en regardant vers demain.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-05##

Category

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Les clés d'une vie, celles de mon invité, le créateur permanent, comme vous n'avez jamais cédé d'être,
00:09demeure plus que jamais un homme à la page, vous le démontrez en créant un journal vieux
00:14dont on ne peut que dévorer chaque article, même un jour de jeûne.
00:17Bonjour Antoine Decaune.
00:19Bonjour Jacques Pessis.
00:20Alors pour question clé, je suis venu avec le trousseau, je suis prêt à répondre à tout.
00:24Et de tout.
00:25Et moi je suis heureux de vous recevoir pour parler de Vieux,
00:27qui est un journal formidable dont on a parlé tout à l'heure, le numéro 2 vient de sortir,
00:31et qui presque réconcilie avec la presse celles et ceux qui regrettent les journaux d'antan.
00:36Voilà.
00:37Alors avant, le principe des clés d'une vie sur Sud Radio, c'est d'évoquer votre parcours à travers des dates clés.
00:42Et la première que j'ai trouvée, c'est le 7 octobre 1955, votre première télé, écoutez.
00:47Vous m'excusez, je regarde l'heure, parce que maintenant j'ai rendez-vous avec un jeune homme,
00:50j'ai rendez-vous avec Antoine.
00:51Avec Antoine.
00:53Eh bien Antoine, Jacqueline, bonne promenade.
00:57Vous vous souvenez de cette séquence ?
00:59Très très vaguement, mais donc décidément les 7 octobre sont marqués d'une pierre noire.
01:05Non, c'était une séquence avec Jacqueline Joubert à la télévision dans un jardin de nuit.
01:09Et à la fin...
01:10Un jardin de nuit ?
01:11Un jardin de nuit, oui.
01:12Qu'est-ce que c'est que ça ?
01:13Je ne sais pas, c'était expliqué là-dedans.
01:14Non, c'était peut-être jardin d'acclimatation de la nuit.
01:16Exactement.
01:18Enfin, ça n'a pas nuit à votre carrière.
01:20Mais surtout, ce qui était extraordinaire, c'est que vous avez 2 ans,
01:24et vous montez dans une voiture décapotable avec votre maman.
01:27C'est votre première télé.
01:28Ah, mais ce qui explique que j'en ai un souvenir aussi confus.
01:31Une voiture décapotable.
01:32Alors c'était soit parce qu'elle avait un pot de yaourt, ou bien une dauphine à l'époque.
01:35C'était la dauphine.
01:37Voilà, très bien.
01:38Juste pour situer au carbone 14.
01:41Donc elle évoque son émission Rendez-vous avec, Jacqueline Joubert, justement votre mère,
01:45qui a quand même été, on ne peut pas l'oublier, la première émission
01:48qui a accueilli Jacques Brel dans une caisse,
01:51qui est sorti d'une caisse de Bruxelles,
01:52qui a fait venir tous les grands artistes.
01:54C'est la première émission de variété talk show de l'histoire de la télévision.
01:58Absolument, oui.
01:59Et en plus, elle allait chez l'invité avant l'émission,
02:02ce qu'on ne peut pas imaginer aujourd'hui,
02:03pour voir où il vivait, comment il habitait.
02:05Oui, c'est-à-dire qu'en fait, elle n'avait pas de bureau.
02:07Elle recevait donc à la maison les invités pour préparer les interviews,
02:12et voir chez eux à quoi ressemblait un peu leur biotope.
02:15J'ai donc le souvenir, moi enfant, de Bourville, par exemple, passant à la maison.
02:20Un homme d'une gentillesse exquise, évidemment,
02:23exactement l'image qu'on peut en avoir,
02:25et me faisant sauter sur ses genoux, en tout bien tout honneur, bien sûr.
02:28Et voilà quelques souvenirs comme ça, Charles Trenet aussi, qui était passé,
02:32qui lui aussi voulait me faire sauter sur ses genoux,
02:34pour d'autres raisons que nous ne dévoilerons pas ici.
02:37Alors, Jacqueline Joubert, il ne faut pas l'oublier,
02:39elle a animé La Joie de vivre, qui est la première émission de télé, de radio des variétés,
02:42avec Henri Spade, et puis elle a été la pionnière d'Espicrine,
02:46et je ne sais pas si vous le savez, mais vous le savez sans doute,
02:48elle a passé une audition, elle est repartie,
02:50persuadée qu'elle n'aurait pas le poste, et on l'a rattrapée dans la rue.
02:53Absolument. Elle l'avait passée comme ça, pour voir,
02:56parce qu'elle était comédienne de formation,
02:58et que ça l'amusait, cette idée de pouvoir se retrouver dans une caméra
03:02et faire ce métier, mais autrement.
03:04Et puis, elle avait des textes impossibles à dire,
03:07des noms de villes imprononçables,
03:09et ça en était très bien sorti, parce qu'elle avait une articulation absolument parfaite,
03:12je tiens à le rappeler.
03:14Et oui, elle a été prise par surprise, si je puis dire.
03:17Oui, en même temps, elle a fait beaucoup de choses.
03:19Alors le soir, pour La Joie de téléviser,
03:21qui était en direct, sans beaucoup de moyens,
03:23il y avait une petite cabine où tout le monde se retrouvait,
03:25je ne sais pas si vous le savez,
03:26alors on faisait les commentaires sur les images,
03:28sans avoir vu le film avant,
03:30ce qui fait qu'on racontait quelques fois n'importe quoi.
03:32Et ça passait.
03:34Ça mériterait d'être réactivé, cette pratique.
03:37Oui, je pense.
03:38Ça ne changerait pas beaucoup.
03:39Non, ça ne changerait pas énormément,
03:40mais en connaissance de cause, il y aurait de quoi s'amuser.
03:42Voilà, et c'est d'ailleurs dans ces coulisses
03:44qu'elle a rencontré Georges Leconne, votre père.
03:46Et il y a eu une belle histoire d'amour,
03:50et il y a vous, et puis il y a un livre de Jacqueline Joubert
03:53qui m'a beaucoup ému, qui s'appelle Lettre à Emma,
03:55qui est un livre sur votre fille.
03:57Oui, Lettre à sa petite-fille, donc,
04:00elle voulait raconter un peu comment tout ça s'était passé,
04:03donc elle raconte en creux l'histoire de la télévision,
04:07mais à l'usage de sa petite-fille, pour la mettre en garde.
04:11En tout cas, je crois que ça n'a pas marché,
04:13puisqu'elle fait du cinéma aujourd'hui.
04:15Il se trouve, Antoine Leconne, que votre mère et votre père
04:18ont été deux rebelles.
04:19Elle s'est fait virer après 1968,
04:21il s'est fait virer plusieurs fois,
04:23ça ne les a pas empêchés de devenir des stars de la télé.
04:26Oui, je ne sais pas si ça tient à ça,
04:29mais en tous les cas, c'était des gens
04:31qui avaient du mal à rentrer dans le cadre.
04:33Si le cadre devenait un peu oppressant ou étouffant,
04:36ils allaient voir ailleurs.
04:37Soit on les poussait vers la sortie,
04:40comme ça avait été le cas de ma mère en 1968,
04:42soit mon père se faisait virer purement et simplement du JT
04:46parce qu'il faisait des commentaires
04:47qui étaient considérés comme déplacés à l'époque.
04:49Il a été l'un des premiers à commenter
04:51l'arrivée du Tour de France au Parc des Princes,
04:53et on voit une image où il est dans un coin du Parc des Princes,
04:56assis par terre avec une petite caméra, une petite télé.
04:59Je ne sais pas si vous connaissez cette image.
05:00Oui, oui, je la vois, cette image.
05:02C'est hallucinant, on ne peut pas imaginer ça.
05:04C'était du bricolage à l'époque,
05:06et puis ils étaient un peu multitâches, tous les deux.
05:08Ils présentaient des émissions,
05:10ils présentaient soit les émissions à proprement dire,
05:13soit des émissions de toute nature,
05:16du sport, des divertissements,
05:18des news pour mon père,
05:20des talk-shows, comme vous disiez, avec ma mère.
05:23Ils faisaient un peu tout.
05:24Oui, et Jacqueline Joubert a aussi découvert une certaine dorauté,
05:27quand personne n'y croyait.
05:28Absolument, oui.
05:29Alors, il se trouve aussi que votre enfance est liée, je crois,
05:32à Antoine de Cône à Trouville.
05:33Depuis l'âge de 3 ans, c'était le lieu de vos vacances.
05:36Oui, en fait, c'était un endroit où nous allions tous les étés,
05:39parce que ma mère, il louait une maison,
05:42une petite maison de pêcheur dans la rue Carnot, à côté du casino,
05:45qui appartenait à un vieux Trouvillais,
05:47qui lui, quand il nous louait cette maison,
05:50allait s'installer dans une autre petite maison,
05:52derrière, au fond de l'impasse, en attendant.
05:55Et donc, comme les locations, à l'époque, ça courait de Pâques à Septembre,
05:59nous y allions pour Pâques, et puis tout l'été.
06:02Et non seulement, j'ai...
06:04Alors, évidemment, je suis tombé amoureux de Trouville,
06:06et je suis toujours amoureux de Trouville aujourd'hui,
06:08mais en plus, j'avais fait la connaissance de cet homme absolument extraordinaire
06:11qui était devenu mon grand-père adoptif.
06:13Mon premier grand-père maternel avait quitté cette vallée de l'Arme en 1928,
06:18et le deuxième en 1936.
06:20— Je crois d'ailleurs que vous avez fait un rêve, un jour, à propos de votre grand-père.
06:23— Oui, j'ai rêvé de mon grand-père.
06:24J'ai rêvé de mon grand-père dont je n'avais jamais vu le visage, curieusement.
06:27— C'est incroyable.
06:28— Il était comédien, il dirigeait le Trianon Lyrique à Paris,
06:32il montait des opérettes, il chantait, il faisait de la mise en scène, il dansait.
06:36Et tout ce que je connaissais de lui, c'était des portraits déguisés.
06:40Oui, on tourne toujours autour de ça.
06:42Il était en Taras Boulba, il était en Arpagon,
06:44mais je l'avais jamais vu sous son vrai visage.
06:46Et un jour, j'ai rêvé d'un homme, j'étais dans un train,
06:51et un homme est venu, vient s'asseoir au bord de la couchette,
06:54me prend la main et me dit « Ne t'inquiète pas, je serai toujours là ».
06:58Et son visage m'a tellement frappé que j'en ai parlé à ma mère le lendemain matin,
07:02j'en ai fait même un portrait très précis,
07:04elle m'a dit « C'est Léon ».
07:06— C'est incroyable.
07:07— « C'est ton grand-père ».
07:08Et elle m'a montré une photo de Léon que je n'avais jamais vue avant,
07:11et c'était vraiment lui.
07:12— Alors, vos études sont sérieuses, fac de lettres ?
07:15— Sérieuses, jusqu'à un certain point, oui.
07:17— Au départ, c'est fac de lettres, donc sérieux.
07:20Vous êtes coursier aussi, je crois, dans un cabinet médical ?
07:23— Absolument, oui.
07:24Je livrais des radios pour un spécialiste du cancer du sein.
07:26— Voilà, déjà des radios.
07:27— Déjà des radios.
07:28Ça commence à me travailler.
07:30— Et puis, je crois que vos débuts, c'est une agence de photos,
07:32où vous avez été engagé comme assistant, Antoine Decoy.
07:34— Oui, alors, en fait, ce qui s'est passé,
07:36c'est que j'ai fait deux ans de fac de lettres classiques,
07:39parce que j'adore la littérature.
07:42J'ai un besoin organique de littérature, dans ma vie de tous les jours.
07:45Et puis, la fac, c'était une répétition de l'école.
07:48On était à nouveau sur des bancs, avec un prof au tableau et tout.
07:51J'avais besoin de bouger, moi.
07:52J'avais besoin de voir la vraie vie.
07:54Et donc, j'étais coursier à mi-temps pour gagner ma croûte.
07:59Et puis, je commençais à faire des piges, à droite, à gauche,
08:01pour des petits journaux comme Rock'n Folk, Zoom, Science et Vie.
08:05Enfin, un panel assez hétéroclite, on va dire.
08:08— Science et Vie, je crois que c'était sur les gadgets insolites.
08:10— Oui. Alors, Science et Vie, j'avais été pris comme assistant grouillot du photographe maison.
08:17Et ils m'avaient confié comme mission de photographier des trucs chiants comme la mort, quoi,
08:22des boulons, des clés de douze.
08:24C'était pas Science et Vie, quoi.
08:25Mais donc, je m'étais appliqué à faire ça.
08:27Et parallèlement, j'ai travaillé à l'agence Sigma, où j'étais grouillot.
08:33Là aussi, je développais des négatifs, je rangeais les diapos.
08:36Et puis, j'attendais que mon tour vienne.
08:38— Voilà. Et parmi les fondateurs de l'agence Sigma, il y avait quand même Raymond Depardon.
08:42— Oui. Alors, Raymond Depardon avait fondé Gamma, lui.
08:44— Oui, mais il était dissident. Ensuite, il a fondé Sigma après, parce qu'il était dissident de Gamma.
08:49— Absolument. C'était des dissidents de Gamma. Il a été très bien renseigné.
08:52— Alors, ça, c'était au départ avec les articles. Et puis, la télévision est arrivée.
09:01Chorus. Le générique de Chorus qui a été...
09:04— J'entends le générique de Chorus.
09:05— Oui. C'est vraiment vos débuts à la télévision.
09:07— Oui. C'est un générique assez marrant, parce qu'il est signé Bazooka,
09:10qui était un groupe graphique, une intervention graphique de l'époque,
09:14avec plein d'images subliminales dedans que, en tous les cas, les directeurs de l'époque n'ont pas vues.
09:21— Heureusement.
09:22— Je pense qu'on aurait sauté assez rapidement, ce qui prouve une fois de plus à quel point
09:25les gens qui font la télé la regardent peu.
09:28— Et ça, c'est arrivé, ça a été le point de départ, parce que c'est une émission qui était faite sur le toit de l'Empire.
09:32— Oui.
09:33— Il y avait Jacques Martin en bas et vous au-dessus, en train de couronner.
09:35— Alors c'était... En fait, je faisais partie de la grille Martin du dimanche.
09:40Donc j'ouvrais le... On avait remplacé une émission qui s'appelait Blue Jean,
09:44qui faisait du playback idiot dans les sous-sols de l'Empire.
09:48Et on avait réussi à troquer ce mini-budget contre l'occupation du plateau.
09:52C'est-à-dire que j'avais le plateau de l'Empire, qui était un très beau théâtre,
09:54un très beau studio à l'époque, qui a disparu dans des circonstances très mystérieuses.
09:59— On est d'accord.
10:00— Il a cramé un jour. Personne n'a jamais compris pourquoi.
10:03J'ai récupéré le plateau où je pouvais faire venir des groupes avec l'équipement
10:06pour qu'ils jouent dans des conditions de concert.
10:08Et donc on a fait ça pendant trois ans.
10:10— Avec Jacqui, qui débuque...
10:11— Avec Jacqui.
10:12Alors Jacqui, lui, à l'époque, était attaché de presse chez Polygram.
10:15Il s'occupait en particulier de Gainsbourg et de Blondy.
10:18Et il avait pour particularité de ne jamais apporter des disques.
10:21Enfin, les oublier toujours.
10:23Mais comme c'était un type charmant et que je m'entendais très bien,
10:26on passait une grande partie de notre temps à mon bureau.
10:30Et le jour où je me suis retrouvé seul devant la caméra,
10:33j'étais pétrifié.
10:35Ça me tétanisait, l'idée d'avoir à présenter.
10:38J'avais pas le choix. J'avais pas le choix.
10:40Il n'y avait pas d'alternative.
10:42Donc voilà, je me retrouve devant la caméra
10:44et j'ai demandé à Jacqui de rester avec moi dans le champ.
10:46— Et finalement, votre but n'était pas de faire de la télévision.
10:48— Non, non, pas du tout, pas du tout.
10:50Moi, je me destinais pas à la télé.
10:52En fait, ça a été un concours de circonstances et un allumement de planètes.
10:55Alors évidemment, je grenouillais dans un milieu audiovisuel.
10:59Donc je connaissais un peu les gens.
11:01Mais ça suffit pas, ça suffit pas.
11:03Et à l'époque, j'étais passionné,
11:05mais alors à un point que vous ne pouvez même pas imaginer,
11:08et je le suis d'ailleurs toujours, par le rock.
11:10Et au point que je m'étais fixé pour mission
11:14de présenter ce rock à la télé,
11:16puisqu'il était interdit de programme.
11:18Il n'y en avait que pour les Carpentiers, pour les Guilux,
11:20enfin pour toute la variétoche française
11:23qui me sortait par les yeux.
11:25Et donc on avait commencé à faire cette émission.
11:27Et c'était comme un...
11:29Oui, c'était une manière de résistance.
11:32Enfin, je vais pas employer des grands mots,
11:34mais une manière de proposer autre chose.
11:36Réussir à proposer autre chose,
11:38mais quelque chose qui me tenait énormément à cœur.
11:40C'est-à-dire que j'aurais pas fait de la télé pour présenter des jeux, par exemple.
11:43Écoutez, vous avez fait aussi beaucoup d'autres choses qui vous tenaient à cœur.
11:46Et on va l'évoquer à travers une date que vous n'avez pas oubliée,
11:48le 4 novembre 1984.
11:50A tout de suite sur Sud Radio, avec Antoine Decaune.
11:53Sud Radio, les clés d'une vie.
11:55Jacques Pessis.
11:56Sud Radio, les clés d'une vie.
11:58Mon invité Antoine Decaune,
12:00avec ce journal vieux dont on va parler tout à l'heure,
12:02qui est pour moi le journal que tous les jeunes devraient lire.
12:06On va expliquer pourquoi.
12:08Et puis, une date importante dans votre vie,
12:10le 4 novembre 1984,
12:12la naissance de Canal+.
12:14Car vous faites partie des pionniers de la chaîne,
12:16mais pas seulement avec nulle part ailleurs.
12:18Non, le 4 novembre 1984, c'est-à-dire il y a exactement 40 ans,
12:22je suis là pour l'ouverture de la chaîne
12:24d'une émission à l'époque qui s'appelle « Surtout l'après-midi ».
12:27Parce que le slogan de Canal, c'était « C'est le jour et la nuit »
12:30et donc je l'ai baptisé « Surtout l'après-midi ».
12:32Et c'était un magazine de pop culture déjà,
12:35un vieux cheval de bataille donc,
12:37où l'on parlait de cinéma, de musique, de littérature, de mode,
12:41que je présentais avec mon camarade Gilles Verlan,
12:44qui était un journaliste belge,
12:46hélas aujourd'hui décédé,
12:48et ça durait 45 minutes tous les jours en direct,
12:50et c'était absolument passionnant.
12:52Certains disaient alors qu'il y aurait plus de monde sur votre plateau
12:55que devant la télévision.
12:56Oui, comme au début de la télévision,
12:58il y avait plus de directeurs, comme disait mon père,
13:00que de téléspectateurs.
13:01Oui bien sûr, parce que le démarrage de Canal
13:03a été compliqué et chaotique,
13:05pour plusieurs raisons d'abord.
13:07Il y avait des simples raisons techniques,
13:09des histoires de décodeurs, enfin bon.
13:11Et puis c'était la première chaîne à péage
13:14qui arrivait en France.
13:16Donc il y a eu des combats politiques
13:21qui ont été menés à l'époque contre cette chaîne
13:23par ceux qui ne l'avaient pas eue,
13:25c'est-à-dire la famille Fabius, pour ne pas les citer,
13:28enfin toute cette famille politique.
13:30Et nous étions là avec à la fois une presse hostile,
13:34des abonnements qui avaient un mâle fou à décoller,
13:37et puis l'annonce par Mitterrand à l'époque
13:40de la libéralisation des ondes,
13:43donc des dizaines de télés gratuites
13:45sur le point d'arriver en France.
13:47Ce qui fait que du jour au lendemain, il n'y avait plus personne.
13:49Personne ne s'abonnait.
13:50Oui, ça ne vous a pas empêché, Pierre Lescure,
13:52vous et quelques autres, d'y croire à fond, dès le départ.
13:54Oui, on y croyait, on avait l'énergie.
13:57C'était extraordinaire, enfin,
13:59donner naissance comme ça à un outil de cette ampleur-là,
14:02avec cette liberté, avec un cahier des charges aussi ouvert,
14:07parce qu'en fait les deux fondamentaux de la chaîne,
14:10c'était et ça reste le cinéma et le sport, évidemment.
14:13Mais nous, notre mission, c'était dans Leclerc, par exemple,
14:17de montrer, donner un peu l'humeur, le ton de cette chaîne,
14:20tout ce qu'on pouvait aussi trouver d'autre,
14:22en dehors du sport et du cinéma,
14:24et même pour ce qui était du sport, de la manière différente
14:26dont le sport était traité par des gens
14:28comme Jean Gény, par exemple, ou Charles Biettry.
14:30En tout cas, vous avez été plagié, copié depuis,
14:33ce qui prouve que vous n'aviez pas tort.
14:34Oui.
14:35Il vaut toujours mieux être pompé que pomper soi-même,
14:37paraît-il.
14:38Alors, il se trouve que ce qui a lancé justement la chaîne,
14:41ce sont les films X, Antoine de Gaulle,
14:43Abysse, Transition, Jacques Pessis,
14:45les films de boules, oui, comme on dit.
14:47Évidemment, le jour où les films de boules sont arrivés sur l'antenne,
14:50curieusement, l'audience s'est redressée.
14:53C'est vrai.
14:54Le film le plus célèbre de l'époque,
14:56ça s'appelait Dans la chaleur de Saint-Tropez,
14:58avec une certaine Marilyn Jess.
14:59C'est possible.
15:00Et ce film a été tellement connu
15:02qu'il a fini au Centre Pompidou.
15:04C'est pas vrai.
15:05Comme oeuvre d'art.
15:06Comme oeuvre d'art.
15:07Alors, il se trouve que vous allez quitter la chaîne,
15:09partir aux Etats-Unis, puis revenir deux ans plus tard.
15:12Oui, alors, comme la première grille,
15:14faute d'abonnés, ne marchait pas,
15:16il a fallu changer complètement le format.
15:19Donc, la première grille, au bout de quelques mois,
15:22a cessé, a disparu.
15:24Et moi, je suis retourné faire quelques Enfants du rock.
15:26Et puis, j'ai eu cette opportunité incroyable
15:29d'aller sillonner les Etats-Unis avec mon pote Chalumeau
15:32pour faire une émission de musique sponsorisée par Marlboro,
15:35et qui s'appelait tout simplement Marlboro Musique.
15:38Qui a fait un tabac, justement.
15:39Qui a fait un tabac, il n'y avait pas de tromperie
15:41sur les marchandises.
15:42Oui, mais ce qui est étonnant, c'est qu'on ne pourrait plus
15:44faire ce genre d'émissions aujourd'hui,
15:45avec une marque de cigarettes.
15:46Ah ben non, non, ce serait totalement interdit.
15:48Il y a des lois qui sont passées entre-temps.
15:49Mais nous, ce n'était pas du tout une émission
15:51pour inciter la jeunesse à fumer, loin de là.
15:54En fait, c'était une pure émission de radio,
15:56puisqu'on se promenait aux Etats-Unis de ville en ville,
15:59avec l'idée que chaque ville américaine
16:01avait un son particulier.
16:02Ce qui est évidemment vrai.
16:04On n'avait pas le même son à Nouvelle-Orléans,
16:06à Los Angeles ou à Detroit.
16:08Et donc, on a fait trois ans d'émissions
16:11vraiment de la radio pure, sur le terrain,
16:14à enregistrer les ambiances,
16:16à interviewer les locaux,
16:18et avec beaucoup de musique, évidemment.
16:20Donc, ce n'était pas une émission tabagique,
16:22si je puis dire.
16:23Voilà. Et puis, un jour, Alain De Greff,
16:25directeur de Canal+, vous rappelle,
16:27et ça va donner cette émission.
16:34Rapido. Rapido, qui a été aussi un événement.
16:37Là, c'était le rock sur Canal+.
16:39C'était le rock sur Canal+.
16:41Alors, il faut savoir que De Greff, quand même,
16:43avait été chef d'atelier sur Antenne 2, à l'époque,
16:47et responsable, notamment, des Enfants du rock.
16:49Et auparavant, il était monteur,
16:52il était chef monteur, c'était son premier métier.
16:54Et c'est lui qui montait une émission
16:55qui s'appelait Pop 2, dans les années 70.
16:57Donc, il connaissait un peu la musique, si je puis dire.
16:59Quant à l'escur, évidemment, il était biberonné au rock.
17:02C'était son terreau, quoi.
17:05Les Enfants du rock, c'est lui, au départ.
17:07Les Enfants du rock, absolument.
17:08Et donc, la conjugaison de tous ces individus
17:11avait donné naissance aux Enfants du rock,
17:13et, évidemment, justifiait celle de Rapido sur Canal+.
17:17Et là, Rapido, c'était aussi une autre forme
17:19de télévision moderne, rapide,
17:21ce qui existe aujourd'hui.
17:23Oui.
17:25L'idée, c'était de ne pas perdre de temps, déjà,
17:27sur les plateaux à blablater.
17:29Plutôt des images que du blabla.
17:31Donc, des plateaux réduits à la plus simple expression
17:34et graphiquement, et dans le débit aussi.
17:37Parlez vite, puisque vous avez remarqué
17:39que quand on parle vite, les gens vous écoutent
17:41plus attentivement que quand on parle très lentement.
17:43Oui, ils ont tendance à se soupir.
17:46Et oui, c'était un magazine.
17:49C'était une période très intéressante, musicalement,
17:51à la fin des années 80.
17:52Donc, il se passait mille choses,
17:53et le magazine était assez fourni, oui.
17:55Puis, en même temps, l'anagraphe vous dit
17:57est-ce que tu pourrais pas trouver une équipe d'auteurs
17:59parce que les nuls s'en vont, pour au nul par ailleurs ?
18:02Qu'est-ce qu'on peut faire ?
18:03Oui, les nuls avaient fait la première année
18:06de Nul par ailleurs.
18:07Et puis, le quotidien, c'est astreignant.
18:10Ils avaient d'autres envies,
18:12d'autres envies de télévision,
18:14et pas que de télévision.
18:15Et donc, ils ont cessé au bout d'un an.
18:17Et l'idée de Degrève, c'était de reconstituer,
18:19comme ils l'avaient fait avec les nuls,
18:21qui étaient des gens qui, au départ,
18:22n'avaient pas travaillé ensemble, avant de le faire,
18:24de reconstituer un quartet comme ça
18:27d'humoristes ou de je-ne-sais-quoi.
18:31Donc, il y avait Gilles Verlan,
18:32il y avait Peter Stewart, qui était mon vieux complice
18:34avec qui j'avais fait Rapido et Rock Report avant,
18:37et puis Carl Zero.
18:39Et vous arrivez presque...
18:42La feuille est vide, au départ.
18:44Il faut trouver quelque chose,
18:45il faut trouver des personnages.
18:46Il faut...
18:47Alors, il y a une émission,
18:48il y a un cadre qui existe,
18:49qui est un cadre de talk show,
18:50et c'est la première fois qu'un talk show
18:53à l'anglo-saxonne voit le jour en France,
18:57c'est-à-dire avec du talk et avec du show,
18:59pour dire la chose simplement,
19:00avec des interviews, des entretiens,
19:01et puis du divertissement,
19:03de la déconnade, de l'image.
19:06Et donc, c'est la première fois
19:08que ce type d'émission voyait le jour.
19:11Et c'était pas évident,
19:13parce qu'en fait, il fallait...
19:15D'abord, les nuls avaient bien marqué le terrain.
19:18Je suis très fan des nuls,
19:19de l'humour de Chabat,
19:21je prends ça, je suis client à 100%.
19:24Donc, c'était difficile de se mettre dans leur sillon.
19:28Ils avaient vraiment marqué une marque.
19:29Donc, il fallait essayer d'imprimer une marque,
19:31il fallait essayer de faire autre chose,
19:32avec toujours des fausses pubs, des parodies,
19:34des petits formats courts comme ça,
19:36mais c'était pas facile.
19:37Donc, on a tâtonné.
19:38Et puis, en même temps,
19:40De Greff a demandé d'ouvrir l'émission,
19:42de faire un monologue pour présenter l'invité,
19:44et puis, assez rapidement,
19:45de trouver une idée pour sortir de l'émission.
19:48Donc, on a essayé plein de choses
19:49qui marchaient pas du tout,
19:50des panégériques, des nécros,
19:53jusqu'à arriver au personnage.
19:55Que vous avez trouvé,
19:56et ça a décollé du jour au lendemain.
19:57Ça a décollé très vite, ouais.
19:58Ça a marché très vite,
19:59parce que c'était une idée évidente, en fait.
20:01Oui, mais encore fallait-il y penser.
20:03Voilà.
20:04Il se trouve aussi que c'est grâce à vous
20:05que Philippe Gildas,
20:06qui était un formidable journaliste,
20:08a totalement changé l'histoire.
20:09Vous avez dit Philippe Journal.
20:10Oui, oui.
20:11Qui était un formidable gildasiste.
20:12Exactement, oui.
20:13Pas faux de s'allonguer.
20:14Il se trouve que Philippe Gildas,
20:15il y a une chose qu'on sait peu sur lui,
20:17il a été le témoin en studio
20:19du jour où on apprend la mort de Jean XXIII,
20:22à Radio Luxembourg,
20:23et le journaliste entre essoufflé
20:25et fait le pop-émar.
20:28Écroulé de rire.
20:29Et il reprend en faisant le samarépère.
20:31Et Gildas, c'était à l'époque
20:32celui qui faisait les flashs à l'antenne.
20:34Ah, déjà !
20:36Et c'est vrai qu'il a changé votre vie aussi, Philippe Gildas.
20:38Oui, parce qu'en fait, c'était...
20:40Vous savez ce que c'est, Jacques,
20:41dans ce métier,
20:42parfois on tombe sur des gens
20:44avec qui on va faire un bout de chemin,
20:46et il y avait une espèce d'harmonie parfaite entre nous.
20:50C'est-à-dire que Philippe était le vieux routier,
20:55capable de travailler sur tous les terrains possibles,
20:58et en même temps,
21:00quelqu'un d'extrêmement ouvert, curieux et demandeur.
21:04Demandeur, il demandait, il était curieux,
21:06il avait envie qu'on l'étonne, qu'on l'amuse.
21:08Donc le cahier des charges
21:10était assez doux, si je puis dire.
21:12Et moi, il m'a aidé à développer
21:15la partie pure comédie qui est en moi,
21:18qui sommeille toujours,
21:20en me laissant libre au champ.
21:22Lui, l'escure de greffe,
21:24toute la chaîne de l'époque.
21:26Et finalement, ça a marché pendant des années,
21:28et Philippe nous manque aujourd'hui,
21:29car je crois qu'il ne sera jamais remplacé.
21:31Personne n'est irremplaçable.
21:33Personne n'est irremplaçable,
21:34mais en tous les cas,
21:36c'est toujours, je ne sais pas pourquoi,
21:38je parle toujours d'alignement de planète,
21:40j'aurais dû faire astronome,
21:41mais c'était un moment où
21:44il y a eu une association comme ça,
21:46de caractères, de tempéraments,
21:48qui étaient évidentes et lumineuses.
21:50Voilà, alors ça, c'est la partie télévision,
21:52mais il y a une autre partie importante dans votre vie
21:54qu'on va évoquer à travers la date du 10 juillet 1999.
21:58A tout de suite sur Sud Radio,
22:00avec Antoine Decaune.
22:01Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
22:04Sud Radio, les clés d'une vie,
22:06mon invité Antoine Decaune,
22:07vieux, un journal dont on parlait à l'hora tout à l'heure,
22:10un journal de jeunes, justement,
22:12c'est son deuxième numéro.
22:14Et on en revient à votre parcours,
22:15on a parlé de la télévision,
22:16mais il y a une autre chose qui a compté dans votre vie,
22:18le 10 juillet 1999 et le 11,
22:21c'est la première de Solidez.
22:23Et ça, ça a compté pour vous.
22:25Oui, Solidez, c'est un festival
22:28qui est organisé par cette association
22:30Solidarité Sida,
22:32dont j'avais accepté quelques années plus tôt
22:34d'être président d'honneur.
22:36Et donc c'est le premier gros, gros événement
22:39qui voit le jour.
22:40Il y avait eu des Nuits de l'Humour,
22:41des Nuits du Zapping,
22:42des ventes aux enchères
22:44organisées par l'association,
22:46toujours dans l'idée à la fois
22:48de faire la promotion du message
22:50de la prévention auprès des jeunes
22:52et puis de récolter des fonds
22:53pour venir en aide aux associations
22:55travaillant sur le terrain.
22:56Mais là, c'est la première fois
22:57qu'un festival de cette ampleur-là
22:59voyait le jour.
23:00Oui, d'ailleurs, je me souviens,
23:01la presse est convoquée à l'Hippodrome de Longchamp
23:03pour annoncer ce festival,
23:04personne n'y croit à l'époque.
23:05Oui, non.
23:06On dit, mais ça ne va jamais marcher,
23:07on ne va jamais remplir Longchamp.
23:08Je suis habitué, moi.
23:09J'aime bien les projets comme ça
23:10où tout le monde vous dit
23:11que ça ne marchera jamais.
23:12Et l'idée était venue comment ?
23:14Alors ça, c'est une question
23:15qu'il faudrait poser à Luc Barbet,
23:17qui est le président fondateur
23:18de l'association.
23:19Mais je pense que l'idée,
23:21c'était comme notre mode d'action,
23:26c'était d'organiser des événements
23:29qui pouvaient intéresser la jeunesse
23:31pour mieux, sournoisement,
23:33leur faire passer notre message.
23:35Ben voilà, un festival de musique,
23:37ça me semblait remplir
23:38toutes les conditions, je crois.
23:39Oui, la seule personne
23:40qui avait combattu le sida
23:42jusque-là, c'était Lynn Renaud,
23:43avec Elisabeth Taylor.
23:44Elle avait organisé en 1984, je crois,
23:46une soirée au Paradis latin
23:48qui était les débuts
23:49de l'aide contre le sida.
23:52Alors, il se trouve
23:53que vous annoncez deux jours de fêtes,
23:55ce qui n'était pas évident,
23:56mais il y a quand même
23:57Robin Williams, Iggy Pop,
23:59qui est dans le numéro 2, de vieux.
24:01Il y a Jean-Jacques Goldman
24:02et beaucoup d'autres.
24:03Personne ne peut, aucun musical
24:06ne peut afficher ce genre de choses.
24:08Non, mais c'est-à-dire qu'en fait,
24:09à l'époque, d'abord,
24:10il y avait très peu de festivals.
24:12Et puis, c'était une époque aussi
24:14où le disque marchait encore très bien
24:17avant de disparaître tout à fait.
24:19Et donc, pour les artistes,
24:21c'était un geste qu'on leur demandait
24:23parce qu'évidemment,
24:24on leur demandait des conditions particulières
24:25qui ne nous chargent pas
24:26plein pot pour le festival.
24:28Et c'était un geste à la fois militant
24:31et naturel pour eux
24:32de venir participer
24:33à des événements comme ça.
24:35Aujourd'hui qu'il n'y a plus de disques,
24:37tout ça s'est dématérialisé
24:39et que les artistes ne peuvent plus compter
24:41que sur leurs concerts
24:43et les festivals pour vivre
24:44et que les festivals se sont démultipliés.
24:46Il y en a, je ne sais pas combien,
24:47on n'a jamais pu les compter.
24:49C'est plus difficile aujourd'hui
24:50de monter Solides
24:51que ça ne l'était en 99.
24:52Oui, mais résultat,
24:53ça a tellement marché
24:54que lorsque Solides a lieu aujourd'hui
24:57à l'Hippodrome de Longchamp,
24:59il y a un nombre incalculable
25:00de taxis à une heure du matin
25:01venus chercher les spectateurs.
25:03Vous ne pensiez pas
25:04que ça durerait aussi longtemps ?
25:06Vous savez, on ne fait jamais
25:08de projet à long terme dans ce métier.
25:10Là, oui, 99, ça fait 25 ans maintenant.
25:13Et puis on se bat tous les ans
25:15pour que chaque fois le festival ait lieu
25:18parce que ce n'est pas juste
25:19un festival de musique.
25:20C'est un festival où on accueille
25:21une cinquantaine d'associations
25:22qui s'occupent de la solidarité
25:24au sens large,
25:25où il y a des débats,
25:26où il y a des interventions
25:29de spécialistes dans la science,
25:32la philosophie,
25:34dans plein de registres différents
25:36et c'est un lieu de rendez-vous,
25:38c'est un carrefour
25:39où on échange nos impressions,
25:41on écoute de la bonne musique
25:42mais pour une raison très précise.
25:44Et les lycéens comme les étudiants
25:46prennent des places pour Solides
25:48quelques mois à l'avance.
25:49C'est devenu une obligation,
25:50une tradition ?
25:51Oui, c'est devenu un rituel.
25:57C'est le festival qui ouvre l'été.
25:59Exactement, et on rentre à 4h du matin
26:01sans le moindre problème
26:02avec l'autorisation des parents.
26:03Ah oui, il n'y a jamais eu de problème
26:05sur ce festival.
26:07C'est étonnant.
26:09Jamais de bagarre, de viande morte.
26:11Non, ça se passe toujours très bien.
26:13Pourquoi vous êtes-vous lancé
26:14dans cette aventure
26:16et avoir soutenu la lutte contre le sida ?
26:18Parce qu'en fait,
26:19quand Luc Barret, le président,
26:21est venu me trouver,
26:22j'étais à l'époque à nulle part ailleurs,
26:24moi je prenais vraiment soin
26:26de toujours établir
26:28une frontière
26:30entre mes activités professionnelles
26:31et mes activités de citoyens.
26:33Je ne voulais pas me servir de lin
26:36au bénéfice de l'autre.
26:38Donc j'évitais toutes les causes
26:41qui pouvaient me faire prendre
26:43une couleur particulière,
26:45partisane, quel que soit le bord.
26:47Sauf que là, avec le sida,
26:49le sida était exactement au carrefour
26:52de tous les combats possibles et imaginables.
26:54On y parlait d'économie,
26:55on y parlait de politique,
26:56on y parlait de sexualité,
26:57on y parlait des relations nord-sud,
27:00on y parlait de transmission,
27:02déjà quelque chose qui me préoccupait à l'époque.
27:06Il n'y avait pas de raison de refuser.
27:09J'aurais été très malvenu de dire
27:11que ça ne m'intéresse pas,
27:12que ce n'était pas pour moi,
27:13que c'était pour moi.
27:14Parmi les manifestations que vous avez soutenues,
27:16c'est la nuit du zapping,
27:18qui a été aussi un événement,
27:19c'était la première fois
27:20qu'il y avait eu une nuit du zapping.
27:22Absolument, oui.
27:23C'était Patrick Meunet
27:24qui s'occupait du zapping de Canal de l'époque,
27:26qui supervisait la nuit,
27:28et il y avait 7 heures de zapping
27:30pratiquement ininterrompues.
27:32Et ça a tellement marché,
27:34c'est-à-dire que c'est resté une tradition.
27:36Et je me suis un peu renseigné,
27:37le mot zapping, ça vient de zap,
27:39c'est une onomatopée
27:41qui fait référence à une BD,
27:43Buck Rogers,
27:44dont le héros dispose dans son astronef
27:46d'un rayon de la mort
27:47qui abat ses adversaires
27:48et qui fait zap.
27:49C'est parti de là.
27:50Un rayon qui permet de changer de chaîne aussi.
27:52Exactement.
27:54À votre palmarès,
27:55il y a aussi un autre record,
27:56Antoine Decaune,
27:57c'est le nombre de présentations des Césars.
27:59Dix.
28:00Dix.
28:01C'est un chiffre en rond.
28:03C'est vivant.
28:04Mon ambition d'ailleurs,
28:05c'était ma seule ambition dans la vie,
28:06c'était de dépasser le chiffre record
28:08de Pierre Tcherner
28:09qui l'a présenté neuf fois.
28:10Donc voilà, c'est fait,
28:11je peux partir tranquille.
28:12Pierre Tcherner d'ailleurs
28:13qui a eu une rose d'un montreux
28:15en 1966
28:16pour L'arroseur arrosé
28:17qui était une parodie
28:18avec Goscinny
28:19des Frères Lumière.
28:20Je ne sais pas si vous connaissez
28:21ce documentaire,
28:22il est extraordinaire.
28:23Il faut le regarder.
28:24Je ne l'ai pas vu,
28:25mais je vais le regarder.
28:26Pourquoi justement,
28:27la nuit des Césars,
28:28c'est arrivé comment,
28:29Antoine Decaune ?
28:30C'est arrivé après nulle part ailleurs
28:33parce que moi,
28:34j'étais parti faire un peu de cinéma.
28:36J'ai toujours gardé un lien
28:39très étroit avec cette chaîne
28:41parce que j'ai fait plein de choses pour eux.
28:44J'ai fait des quotidiennes,
28:45des hebdos,
28:46du magazine,
28:47des reportages,
28:49de la fiction,
28:50des docs.
28:51Enfin vraiment,
28:52j'ai essayé toutes les palettes,
28:55toutes les couleurs de la palette.
28:57Et les Césars,
28:59je ne sais pas d'où est venue l'idée,
29:01je suppose,
29:02de De Greff,
29:03qui m'a dit,
29:04vas-y,
29:05fais le toit
29:06et essaye de dépoussiérer un peu
29:08la belle endormie.
29:10Oui, parce qu'il y avait du boulot
29:11et il y avait aussi les égaux
29:13à respecter des uns et des autres.
29:15C'est particulier,
29:16l'exercice des Césars.
29:18C'est-à-dire que c'est une cérémonie,
29:20avec tous les enjeux d'une cérémonie,
29:22mais là,
29:23s'y ajoutent les égaux des protagonistes
29:25qui sont un peu plus surdéveloppés
29:27que dans d'autres milieux.
29:29Mais surtout,
29:30je me suis rendu compte,
29:32en les faisant,
29:33parce que c'est en faisant
29:34qu'on apprend les choses,
29:36à quel point le cinéma
29:37était considéré comme un art
29:39dans ce pays.
29:40Bon, certes,
29:41c'est le pays qui a donné naissance au cinéma,
29:43on ne l'a pas oublié,
29:44mais on traite ça
29:45avec un sérieux terrible.
29:47Et en fait,
29:48les enjeux des Césars
29:50sont des vrais enjeux
29:51pour tous ceux qui participent,
29:52donc ça ne rigole pas.
29:53Et comme je l'avais dit à l'époque,
29:55il venait,
29:56c'était ma conclusion
29:57après la première cérémonie,
29:58c'est qu'en fait,
29:59il venait gagner
30:00ou regarder les autres perdre.
30:02Ce qui donne quand même
30:04une atmosphère un peu étrange.
30:06Alors ça s'est détendu avec le temps.
30:08Mais il y a eu une année,
30:09je crois que c'est en 99,
30:11où vous vous êtes retrouvé
30:12dans le rôle du présentateur
30:13et du nommé.
30:14Oui.
30:15Pour l'homme,
30:16il est une femme comme les autres.
30:17Exactement.
30:18C'est parti des nommés
30:19dans la catégorie meilleur acteur.
30:20C'était un problème.
30:21Et c'est Jacques Duvilleret
30:22qui l'a eu pour la contrebasse.
30:24Non, pour le dîner de cons.
30:25Non, non.
30:26Ah, c'est pour le dîner de cons.
30:28Ah d'accord, ok.
30:29Vous voyez,
30:30on va prendre des choses sur les Césars.
30:31Merci Jacques.
30:33Et oui, c'était un peu étrange.
30:34Mais j'avais préparé un remerciement
30:36que j'ai lu quand même,
30:37puisqu'il était écrit.
30:39Oui, exactement.
30:40Pas gâché.
30:41Alors le cinéma, pour vous,
30:42ça a commencé aussi
30:43de l'autre côté de la caméra
30:44comme acteur
30:45avec Tony Marshall, je crois,
30:47qui un jour vous a appelé,
30:48alors qu'il n'avait jamais pris de cours,
30:51pour un film qui s'appelait
30:52Pentimento.
30:53C'était son premier film
30:55et je connaissais Tony,
30:57on se connaissait depuis longtemps
30:58parce que nos mères,
30:59Micheline Prell et la mienne,
31:01étaient copines.
31:02Donc on s'était vus
31:03quand on était mômes,
31:04on avait des photos de nous
31:05sur la plage de Trouville.
31:07Enfin, aucun rapport évidemment
31:08avec le film.
31:09Oui, oui.
31:10Et je ne sais pourquoi,
31:12mais elle m'avait dans l'œil.
31:15Elle me voyait dans la peau
31:17de son personnage,
31:19du premier rôle de son film.
31:22Ce qui me flattait évidemment,
31:23parce que je m'étais frotté
31:24à la comédie sur le plateau
31:26de nulle part ailleurs.
31:27C'était une comédie italienne,
31:29c'était du cirque,
31:30c'était de la caricature,
31:31de la parodie, des personnages.
31:33Là, on parlait d'un vrai rôle.
31:37Et j'avais dit à Tony,
31:39mais je ne sais pas faire ça,
31:40ce n'est pas mon métier.
31:41Il m'avait dit, je vais t'apprendre
31:42ton métier, ne t'inquiète pas.
31:43Et pendant six mois,
31:45elle m'a donné des cours particuliers
31:47tous les jours, tous les matins,
31:48on travaillait ensemble
31:49sur l'addiction, l'articulation,
31:51bouger, respirer, apprendre à jouer.
31:54Et vous avez formidablement appris,
31:56mais appris aussi dans les coulisses,
31:57vous avez réalisé plusieurs films.
31:59Et je crois qu'il y a un bonus
32:00qui vous tient particulièrement à cœur
32:02dans votre carrière de réalisateur.
32:10Bruce Springsteen,
32:11c'est vrai que ça a beaucoup compté
32:12dans votre carrière.
32:13Springsteen ?
32:14Oui.
32:15Springsteen, c'est même quelqu'un
32:16de fondamental dans mon développement.
32:18Je suis cet homme-là
32:20depuis le milieu,
32:22la fin des années 70, 77, 78.
32:25Et je n'ai jamais cessé
32:27de l'aimer, de l'admirer.
32:30Je ne suis pas idolâtre,
32:32je ne suis pas un fan, un idiot,
32:33mais je suis tellement admiratif
32:35de ce qu'il est lui,
32:37de l'homme qu'il est,
32:38de son travail,
32:39de la recherche permanente
32:41qu'il fait,
32:42de l'introspection permanente aussi
32:45sur son propre travail.
32:47Je suis très, très fan de Bruce.
32:49Voilà.
32:50Et en plus, il vous a demandé
32:51de réaliser ce bonus sur cet album,
32:53sur ce DVD, c'est ça ?
32:54Oui.
32:55Alors, j'ai fait je ne sais combien
32:57d'interviews avec Bruce
32:58depuis le début des années 80.
33:00Je ne les compte plus,
33:01j'en ai encore fait une
33:02il y a deux semaines à Londres.
33:04Je ne me souviens plus des circonstances.
33:06Je sais qu'avec Gilles Verlan,
33:09on avait fait une espèce de story
33:12autour de lui,
33:13c'est vieux tout ça.
33:14En tout cas, ça a compté.
33:16Il y a une chose étonnante
33:17sur Bruce Springsteen,
33:18le jour où l'homme a marché sur la lune,
33:20il était dans un petit bar,
33:22il jouait,
33:23personne ne la regardait
33:24parce que tout le monde
33:25regardait la télévision.
33:26Le pouvoir de la télévision.
33:27Le pouvoir néfaste de la télévision.
33:29Et puis, vous avez aussi
33:30une autre carrière,
33:31beaucoup plus brève.
33:32Écoutez.
33:37Il n'a pas peur de personne.
33:41C'est vous qui chantez
33:43ou qui slamez.
33:45Je slame, on va dire.
33:47Oui, j'ai joué Lucky Luke
33:49dans une série d'animation
33:52avec mon copain Ramon Pippin,
33:55d'Odeur,
33:56qui lui avait fait la musique du générique.
33:58On s'était bien amusés à faire ça.
34:00L'inconvénient,
34:01c'est qu'aujourd'hui,
34:02j'ai des mômes de 12 ans
34:03qui viennent me voir en disant
34:04« Ah, Lucky Luke ! »
34:05Ça a tellement marqué.
34:06Ah oui, oui.
34:07Mais en même temps,
34:08vous aimez cet univers de Lucky Luke.
34:10J'adore.
34:11J'adore.
34:12J'adore l'univers de Goscinny
34:13de manière générale.
34:14Tout ce qu'a fait Goscinny,
34:15pour moi,
34:16c'est de l'ordre du génie.
34:18On est bien d'accord.
34:19C'est pour ça qu'il faisait une blague.
34:20Maurice détestait les calembours,
34:21le dessinateur.
34:22Donc régulièrement,
34:23il en glissait un
34:25dans un scénario de Lucky Luke.
34:26Goscinny, il l'envoyait.
34:27Puis un jour,
34:28il n'en glisse pas.
34:29Et Maurice a passé des semaines
34:30à chercher un calembour
34:31qui n'existait pas.
34:33Non, mais Goscinny, Goscinny.
34:35Ne me branchez pas sur Goscinny
34:37parce que je peux rester là deux heures.
34:39On va parler d'autre chose,
34:43dont le numéro 2 est sorti
34:44le 19 septembre 2024.
34:46A tout de suite sur Sud Radio
34:47avec Antoine Decaune.
34:52Sud Radio, les clés d'une vie.
34:53Mon invité Antoine Decaune.
34:55Venu avec son trousseau.
34:56Exactement.
34:57Et surtout le numéro 2
34:58du journal Vieux
34:59qui est sorti
35:00le 19 septembre 2024.
35:02Et là, c'est un nouveau journal
35:04que personne n'attendait
35:05mais que beaucoup espéraient.
35:08Ça, je ne sais pas.
35:09Je ne sais pas.
35:10Et en fait,
35:11mon camarade Romain Juber
35:12avec qui on a monté ce canard,
35:16on ne savait pas très bien
35:17où on mettait les pieds.
35:18On ne savait pas
35:19comment ça allait être accueilli,
35:20si ça allait être accueilli favorablement
35:22ou au contraire tout à fait rejeté
35:23avec ce titre un peu provoque de Vieux
35:25mais qui dit les choses simplement.
35:28Vieux, vieux nous sommes.
35:29Vieux, je suis.
35:30J'ai 70 balais.
35:31Donc je sais de quoi je parle
35:32pour une fois.
35:34Et vieux, je vais rester.
35:36Et donc je peux en parler.
35:37J'ai envie d'en parler
35:38mais je n'ai pas envie qu'on me dise
35:40tu fais un journal
35:41pour les seniors,
35:42pour les matures,
35:43pour les cartes vermelles et tout.
35:44Non, c'est un journal
35:45fait par des vieux,
35:46pour des vieux
35:47mais à destination
35:48de ceux qui vont le devenir.
35:49Et là, d'un seul coup,
35:50ça élargit le spectre.
35:52Oui, parce que finalement
35:53les jeunes qui,
35:54à l'heure de la transmission,
35:55ne connaissent pas grand-chose
35:56sur cet un sujet
35:57et votre journal Vieux
35:58est là pour les préciser.
35:59Non, on se dit que simplement
36:00on a...
36:01Alors ce qui nous intéresse
36:02dans la vieillesse,
36:03d'abord moi ce qui m'intéresse
36:04c'est que c'est une aventure.
36:05Je n'ai jamais été vieux de ma vie.
36:06C'est la première fois.
36:10Il y a plein de choses
36:11à découvrir.
36:12Ce que je découvre
36:13est passionnant.
36:14Pas que passionnant.
36:15Heureusement,
36:16je ne suis pas en train
36:17d'engendiser la vieillesse
36:18en disant aux gens
36:19vous allez voir,
36:20c'est formidable,
36:21c'est merveilleux.
36:22Vieillissez le plus vite possible.
36:23Mais on a des choses...
36:24Par exemple,
36:25moi je ne suis plus préoccupé
36:26d'avoir à chercher
36:27ma place dans le monde.
36:28Je l'ai trouvé à peu près.
36:29Je sais où je suis,
36:30je sais ce que je peux faire,
36:31ce que je ne peux pas faire.
36:32Donc j'ai des choses
36:33à transmettre.
36:34Et j'adore parler
36:35avec des gens
36:36qui sont dans cet état
36:37d'esprit
36:38donc les grandes interviews
36:39par exemple,
36:40Yki Pop
36:41ou Jean-Louis Fournier
36:42pour le numéro 2.
36:43Et on parle de ça.
36:44On ne parle pas de la vieillesse,
36:45on parle du temps qui passe.
36:46On parle de ce qu'on peut,
36:47nous,
36:48apprendre
36:49des générations
36:50qui nous suivent.
36:51On n'est pas là
36:52dans un ghetto
36:53refermé
36:54à se dire
36:55on est vieux,
36:56on reste entre nous.
36:57Au contraire.
36:58J'ai envie qu'on m'apprenne moi.
36:59J'ai envie que ça circule
37:00et qu'il y ait
37:01de la circulation là-dedans.
37:02Oui, car vous êtes
37:03à la fois le créateur du journal,
37:04conseiller de la rédaction
37:05et journaliste au-dedans.
37:06Oui.
37:07Faites des grandes interviews.
37:09Des trois casquettes, oui.
37:10En fait non,
37:11moi je suis consultant éditorial.
37:13Pour dire les choses simplement,
37:14je ne suis pas rédacteur en chef
37:15et ce n'est pas moi
37:16qui ai créé ce journal.
37:17C'est Romain Juber,
37:18cet éditeur
37:19qui est venu me trouver
37:20avec cette idée-là.
37:21Donc voilà.
37:22On a lancé ça
37:23comme un fanzine
37:24sans prétention
37:25avec,
37:26si,
37:27avec l'intention de s'amuser.
37:28Mais en même temps,
37:29c'était un pari
37:30à l'heure où tout le monde
37:31parle du jeunisme,
37:32Antoine Decompte.
37:33Oui.
37:34Tout le monde me répète
37:35que je suis jeune.
37:36Je ne suis pas jeune.
37:37Je suis un faux jeune.
37:38Je ne suis peut-être pas
37:39encore un vrai vieux.
37:40Oui, mais vous travaillez beaucoup,
37:41ça vous permettrait
37:42de rester jeune.
37:43Oui.
37:44Vous savez,
37:45j'ai toujours eu beaucoup de mal
37:46à faire la frontière
37:47entre mon travail
37:48et mon plaisir.
37:49Vous savez très bien
37:50de quoi je veux parler.
37:51Oui.
37:52Ce que je fais,
37:53c'est ce que je suis
37:54en grande partie.
37:55Donc j'ai une curiosité
37:56qui est toujours insatisfaite,
37:58il ne faut pas dire insatiable.
37:59J'ai un enthousiasme
38:00qui est toujours prompt
38:01à se réveiller
38:02et à s'activer.
38:03Et donc,
38:04on me paye pour ça.
38:05On me paye pour ça,
38:06pour faire des choses
38:07que je ferais sans doute
38:08si je n'étais pas payé
38:09pour le faire.
38:10Oui, c'est un privilège.
38:11Ne répétez pas ça,
38:12s'il vous plaît.
38:13On ne dira rien,
38:14ça restera entre nous
38:15et ça laisse
38:16ceux de plus en plus nombreux
38:17qui écoutent Sud Radio.
38:18Alors,
38:19il y a aussi
38:20une chose importante
38:21dans tout cela,
38:22c'est l'irrévérence du journal
38:23et ça, vous y tenez beaucoup
38:24Antoine de Cône.
38:25Oui, parce que
38:26l'irrévérence d'une manière générale,
38:28je trouve que c'est
38:29une vertu cardinale.
38:30Il ne faut pas
38:31penser à l'irrévérence
38:34pour prendre les choses
38:35trop au sérieux.
38:36Je me méfie toujours
38:37des gens qui pontifient,
38:38qui vous font la morale,
38:39qui vous apprennent la vie.
38:40Moi, je suis
38:41dans une espèce
38:42d'incertitude permanente.
38:43J'aime bien
38:44ne pas être bouché,
38:45ne pas fermer les portes.
38:46J'aime bien écouter
38:47ce que les autres
38:48ont à me dire,
38:49y compris ceux
38:50qui ne sont pas de mon avis,
38:51qui ne partagent pas le mien.
38:52Ça peut arriver.
38:53Oh oui, ça arrive souvent.
38:54Alors,
38:55dans ce numéro 2
38:56comme dans le premier,
38:57il y a une chose
38:58qui est assez étonnante,
38:59Antoine de Cône,
39:00c'est qu'il y a
39:01des journalistes
39:02qui sont
39:03toujours
39:04les mêmes sujets,
39:05traités de façon différente,
39:06donc on finit par feuilleter.
39:07Là,
39:08il n'y a que des sujets
39:09dont on ne parle jamais.
39:10Oui.
39:11Là,
39:12par exemple,
39:13pour ce numéro 2
39:14de vieux,
39:15on a centré
39:16le cahier central
39:17autour des aidants.
39:18Les aidants,
39:19c'est 11 millions
39:20de personnes en France
39:21qui aident
39:22leurs proches,
39:23alors que ce soit
39:24des vieux,
39:25des handicapés,
39:26des enfants
39:27dont il faut s'occuper.
39:28Ça fait du monde,
39:2911 millions de personnes.
39:30Alors,
39:32en fait,
39:33il y a un vrai statut
39:34à inventer
39:35pour les gens
39:36qui passent
39:37jusqu'à 35 heures
39:38par semaine
39:39pour aider leurs proches.
39:40Donc,
39:41nous,
39:42ça nous intéresse,
39:43parce que quand on vieillit,
39:44on a besoin d'être aidé,
39:45on a besoin d'être secondé.
39:46Donc,
39:47oui,
39:48c'est un sujet
39:49qui me semble important.
39:50Il y a aussi
39:51Iggy Pop,
39:52que vous interviewez,
39:53qui parle de la vieillesse.
39:54Moi,
39:55je me souviens
39:56d'un des rares articles
39:57censurés dans ma carrière,
39:58c'est dans VSD,
39:59où on m'avait supprimé
40:01C'est en quelle année ?
40:02C'était l'année 80.
40:03Ah, dans les années 80 ?
40:04Début des années 80.
40:05C'est le scandaleux
40:06qui se voit torse nu.
40:07Il a toujours été torse nu.
40:08Et il parle de sa vieillesse
40:11en affichant
40:12une éternelle jeunesse,
40:13un peu comme vous.
40:14Oui, oui.
40:15C'est-à-dire qu'on sait bien
40:16que ça finira mal,
40:17mais on n'est pas décidé
40:19à quitter le terrain
40:20en se laissant faire.
40:22Au contraire.
40:23Et puis,
40:24il y a Pierre Richard,
40:25qui est un personnage incroyable,
40:26et il est naturellement
40:27présent dans Vieux.
40:28Bien sûr.
40:29Si vous voulez,
40:30les possibilités d'entretien
40:33de ce journal sont infinies.
40:35D'abord parce que,
40:36malheureusement,
40:37le Sheptel sort nouvelles,
40:38par la force des choses.
40:39Ce qui nous intéresse,
40:43c'est d'avoir des points de vue,
40:44que ce soit des comédiens,
40:46des acteurs de la société civile,
40:48que ce soit des philosophes,
40:50des écrivains,
40:51des gens de cinéma
40:52comme Patrice Lecomte.
40:53Ce qui est bien,
40:54c'est la somme
40:55de toutes ces impressions
40:56qu'il fait ce journal.
40:57Et effectivement,
40:58avec ce point de départ
40:59qui est,
41:00autant se dépêcher d'en rire
41:02avant d'avoir à en pleurer.
41:03Mais en même temps,
41:04ce qui est intéressant,
41:05c'est que,
41:06Antoine Decaune,
41:07le mot « vieux »,
41:08qu'est-ce que ça veut dire ?
41:09À quel âge on est vieux ?
41:10Moi, je me souviens un jour
41:11de Charles Trenet dans un gala.
41:12C'était un concert,
41:13un œil sur scène
41:14pour les vieilles personnes.
41:15Il avait 78 ans.
41:16Il rentre furieux en coulisses
41:17en disant
41:18« qu'est-ce que c'est que c'est vieux ? »
41:19Il y avait des gens de 65 ans
41:20dans la salle.
41:21Ça ne veut rien dire.
41:22Je crois qu'on avait partagé
41:24un souper avec Trenet,
41:25si mon souvenir est bon,
41:26en province,
41:27du côté de Besançon peut-être.
41:28C'était là.
41:29Ou sortant de scène
41:30après 40 chansons.
41:31On s'était retrouvés
41:32à minuit
41:33autour de la table
41:34d'un ami à lui,
41:35chez lui,
41:36pour souper.
41:37En fait,
41:38moi,
41:39je m'en étais péniblement extrait
41:40vers 3-4 heures du matin,
41:41à peu près ivre-mort,
41:42alors que Trenet,
41:43qui avait dépassé 80 à l'époque,
41:44lui,
41:45il était en train
41:46d'aller dans sa chambre
41:47et d'aller dans sa chambre
41:48et d'aller dans sa chambre
41:49et d'aller dans sa chambre
41:50et d'aller dans sa chambre
41:51et de savoir
41:52qu'il avait dépassé 80 à l'époque.
41:53Lui se farcissait
41:54des grands marniers,
41:55des scotch
41:56et surtout,
41:57avec une énergie,
41:58une joie de vivre,
41:59une drôlerie,
42:00un esprit,
42:01tout ce qu'on aimait chez Trenet.
42:02Voilà.
42:03Il l'avait fini
42:04à 9 heures du matin
42:05en nous engueulant
42:06parce qu'on partait déjà ?
42:07Alors,
42:08effectivement,
42:09tout a été étudié
42:10dans ce journal,
42:11y compris la police
42:12de caractère
42:13qui est beaucoup plus visible
42:14que dans d'autres journaux.
42:15Oui, ça vaut mieux.
42:16La vue baisse.
42:17Donc,
42:18augmentons le caractère.
42:19Et puis,
42:20Et puis, il y a Zabou Bretman aussi, ça c'est comme ministre de la culture.
42:23C'est un one shot, elle ne va pas être ministre de la culture dans tous les numéros, mais
42:27oui j'aimais bien l'idée, on avait commencé dans le premier avec Florence Foresti qui
42:31nous donnait ses impressions sur qu'est-ce que c'est que de vieillir, comment on sent
42:35que les choses bougent, alors elle a fait ça avec beaucoup d'humour, et là dans le
42:39deux c'est Zabou qui nous dit, si j'étais ministre de la culture, voilà ce que je
42:43ferais, voilà mes premières dispositions.
42:45Elle a commencé en chantant des chansons de vieilles justement, avec Dorothée qui
42:49s'appelait Dorothée Tambourbattant, c'était des vieilles chansons d'enfants au champ
42:52de Mars dans un spectacle.
42:53Ah je l'ignorais ça.
42:54Alors il y a aussi ce genre qui aurait pu s'appeler mature finalement, parce que être
43:00vieux c'est accumuler des expériences qu'on transmet, c'est pour moi pas autre chose.
43:04Oui c'est exactement ça, c'est surtout partager, je crois que plus on vieillit plus
43:10il faut partager, le positif, le négatif, mais moi j'ai plein d'histoires à raconter,
43:17ceux qui ont la patience de les écouter sont parfois intéressés, mais vous imaginez,
43:23je sais plus qui disait qu'un homme qui meurt c'est une bibliothèque qui disparaît,
43:27tout ce qu'on a en nous, tout ce qu'on a à raconter, tout ce qu'on a à apprendre
43:32de l'autre côté.
43:33Moi je suis passionné par les générations d'après, je veux qu'ils me nourrissent de
43:36ce qu'ils me disent.
43:37Bien sûr, car en fait vous faites ce journal, mais vous, votre but c'est l'avenir, ce
43:41qui vous intéresse c'est ce qu'il y a demain.
43:42Bien sûr, ah oui c'est pas du tout la nostalgie, c'est pas du tout ni un journal
43:46nostalgique, ni un journal pour les retraités à lire au coin du feu en fumant la pipe et
43:50en s'en laissant deux culs.
43:51Non, surtout qu'il y a en plus, vous évoquez le vocabulaire des jeunes, qui est parfois
43:56difficile à comprendre.
43:57Oui, ça c'est M. Poulpe qui s'y colle, bah oui parce que ça bouge très très vite
44:03le vocabulaire, et évidemment moi-même, je ne vais pas vous dire que je suis largué,
44:07j'ai un môme de 16 ans, je ne comprends pas un mot de ce qu'il me dit, heureusement
44:11aujourd'hui il y a des applications de traduction simultanée, donc je m'en sors, mais oui
44:16c'est très intéressant de voir à quel point le langage bouge, et quand on parle
44:19du langage qui bouge, c'est pas, une fois de plus, c'est pas dans une position de jugement
44:24à dire, ah c'était tellement mieux avant, on se comprenait, on s'est pu parler, non,
44:28faut écouter, faut écouter, faut écouter et se mettre sur la bonne fréquence.
44:31Et qu'on vous écoute aussi.
44:32Bien sûr, mais ça vaut mieux.
44:34C'est pas toujours évident.
44:35Et puis dans ce numéro de Vieux, vous parlez d'amour avec un titre de film qui a été
44:40une surprise totale, qui était Et la tendresse bordel, qui a été un énorme succès, avec
44:45Roland Giraud qui, dans ce film, dit quelque chose qu'on ne pourrait pas dire aujourd'hui,
44:49la différence entre le viol et le consentement, c'est le consentement.
44:52Je vois pas aujourd'hui cette phrase circuler sur internet.
44:55Non mais il y a peu de choses, enfin il y a beaucoup de choses qui circulent sur internet,
44:59mais beaucoup qui déclenchent immédiatement des tempêtes incontrôlables.
45:05Donc dans ce numéro de Vieux, vous parlez d'amour, et ça aussi c'est un sujet, quand
45:09on est vieux, l'amour ça existe ?
45:11C'est-à-dire qu'en fait, quand on est vieux, tous les sujets sont intéressants.
45:14Quand on est adolescent, l'amour c'est un sujet très préoccupant.
45:19Quand on est vieux, c'est un sujet qui redevient préoccupant, pour d'autres raisons.
45:22Mais tout ça pour dire qu'en fait, il y a du désir pendant toute la vie.
45:27Je pense que tout s'arrête le jour où vous ne désirez plus rien.
45:30Exactement.
45:31Vous désirez plus vivre, vous désirez plus apprendre, désirez plus écouter, lire, aimer.
45:36Là c'est la fin des haricots.
45:37On n'y est pas.
45:39Heureusement.
45:40Et vous surtout.
45:41Alors il y a aussi des personnalités de la nouvelle génération qui sont dans ce numéro
45:442, comme la militante écologiste Camille Etienne, ou la journaliste Salome Essac, je
45:50crois que c'est qui est, qui est « Sois jeune et tais-toi ».
45:52Ça aussi, ça veut dire que les jeunes s'intéressent à vieux.
45:55Ah ben oui, bien sûr.
45:56Mais là par exemple, Camille Etienne qui était dans le numéro 1, qui faisait un entretien
46:01croisé avec Brice Lalonde, voilà ce qui était intéressant, c'était d'avoir les
46:05deux points de vue d'une jeune activiste qui est prête à tout bousculer pour que
46:10le message passe, face à un vieux de la vieille, Lalonde, qui a été ministre, qui connaît
46:18tous les rouages de la machine, qui a été l'un des premiers à créer une association
46:21qui était les Amis de la Terre dans les années 70, donc c'est intéressant de confronter
46:24les points de vue.
46:25Moi c'est ce qui m'intéresse, c'est pas d'avoir un journal univoque avec des gens
46:29qui parlent et que vous écoutez, c'est d'apporter de la contradiction, de la discussion.
46:33Oui, et les journaux comme Vieux qui servent de transmission et de discussion entre générations,
46:39c'est pas si fréquent Antoine de Cône ?
46:40Non, c'est pas fréquent, ça devrait être beaucoup plus répandu.
46:43Y'a qu'au maintenant ! Personne n'y avait pensé avant, curieusement ?
46:46Non, je ne sais pas, et alors curieusement oui, comme le numéro 1 a vraiment très
46:51très très bien marché, au regard de la presse papier en France, parce qu'il n'y
46:55a pas de version digitale, c'est un journal, c'est kiosque ou abonnement, c'est simple.
47:03On était très étonnés de voir à quel point on remplissait une case et une fonction.
47:10Il n'y avait pas de journal de cette nature, personne ne l'avait encore fait, donc tant
47:15mieux, c'est nous.
47:16Et puis l'âge, ça a été souvent un déni français, c'était tabou finalement, jusque-là ?
47:21Oui, c'était tabou très longtemps, mais même moi, souvenez-vous Jacques, quand on
47:25était môme, pour nous les vieux c'était des hommes de 55-60 ans, très dégarnis,
47:31je ne dis pas ça pour vous, mais un peu voûtés, un peu résignés, qui voyaient
47:37sereinement arriver la vieillesse, un état un peu végétatif où on allait se reposer
47:42de tous les efforts fournis pendant l'existence.
47:43On n'est plus du tout comme ça, les gens que je connais de ma génération, ils pètent
47:50le feu, soit ils sont morts, soit ils pètent le feu.
47:52Soit ils sont au feu, soit ils pètent le feu.
47:54Mais ça veut dire que vous avez une autoroute, parce qu'on va vivre de plus en plus vieux,
47:59donc le tirage de vieux devrait augmenter au fil des années ?
48:01Oui, alors en même temps c'est troublant, parce que, je ne sais pas si c'est une bonne
48:06nouvelle ça, je ne sais pas s'il faut vivre très très vieux, je pense qu'il faut vivre
48:11bien, vieux et partir en pleine forme.
48:14Voilà, exactement.
48:15Plutôt que...
48:16Mais oui, pour vous répondre, oui bien sûr, il y a du monde.
48:19Alors vieux pour l'instant je crois que c'est trimestriel ?
48:21Trimestriel, oui.
48:22Et ça a peut-être été développé aussi ?
48:24Non, pour l'instant c'est trimestriel.
48:26C'est trop de boulot un journal.
48:28Ce n'est pas mon métier premier, moi, je fais quand même de la télévision, j'écris,
48:33je fais plein de choses, donc je vais vieux.
48:36Je ne dirais pas que c'est accessoirement, parce que je prends beaucoup de passion à
48:39le faire, mais je ne vais pas me transformer en journaliste, non non.
48:44Non, vous avez bien d'autres choses à faire, je le sais, et on en est heureux.
48:47Donc je recommande à celles et ceux qui nous écoutent ce magazine Vieux, qui est en kiosque
48:51en tout, le numéro 2, les suivants, et merci d'avoir pensé, et merci d'avoir répondu
48:56avec autant de jeunesse à mes questions.
48:58Merci Lucien.
48:59L'éclat d'une vie c'est terminé pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt, restez fidèles à
49:04l'écoute de Sous le Radio.

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