Alors que les tombes du cimetière d'enfants harkis décédés au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) entre 1962 et 1964 ont été découvertes vides le mois dernier, la préfecture répond à la colère des familles et promet la poursuite des recherches.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Il est 7h48 dans ICI Matin, vous l'avez entendu sur notre antenne il y a quelques minutes,
00:04les fouilles menées au camp de Rivezalt n'ont pas permis de retrouver d'ossements dans le cimetière d'enfants de Harkis.
00:09Les familles sont très déçues et très en colère. On va tenter de comprendre ce qui s'est passé avec notre invité ce matin, Suzanne Chaudjahi,
00:15secrétaire générale de la préfecture des Pyrénées-Orientales.
00:17Bonjour Bruno Berthet.
00:18Bonjour.
00:19Alors l'État avait autorisé l'année dernière ces fouilles au camp de Rivezalt pour retrouver donc une cinquantaine de sépultures
00:25creusées dans les années 60, au moment où des milliers de Harkis ont vécu dans ce camp parce qu'ils avaient fui l'Algérie après la guerre.
00:32Il s'agissait de tombes d'enfants.
00:34Finalement, coup de théâtre, hier vous annoncez aux familles que les archéologues n'ont trouvé aucun ossement. Comment c'est possible ?
00:41Il faut revenir sur l'histoire quand même de tout cela. L'engagement c'était
00:45d'engager des fouilles sur le cimetière. C'était la secrétaire d'État qui l'avait annoncé il y a à peu près un an de ça, vous l'avez rappelé.
00:51Le problème c'est que déjà l'identification du lieu du cimetière n'était pas faite à cette époque-là. Donc tout le travail qui s'est conduit entre
00:57l'annonce et aujourd'hui, ça a été de retracer mémoire d'hommes et mémoire livresque ou archives, de savoir où était le lieu de sépulture
01:05sur le camp de Rivezalt à l'époque et de savoir où pouvaient se concentrer les fouilles parce qu'il ne s'agit pas non plus
01:10juste de prospecter, il fallait savoir où concentrer les efforts.
01:13Donc le temps de tout cela, on a eu cinq ou six lieux qui a été identifié par les familles futintantes de leur mémoire,
01:20par les archives documentaires, est-ce qu'on pouvait retracer. Aucun de ces cinq lieux s'est révélé pouvoir être le lieu de sépulture.
01:27Finalement c'est très dernièrement qu'on a eu, via les photos
01:31aériennes qui avaient été prises régulièrement sur le site, un lieu potentiel avec
01:36une déformation du terrain qui pouvait laisser penser que ça pouvait ressembler à un cimetière avec un ensemble de tombes.
01:42Donc c'est la toute première étape et finalement la plus longue de tout ce qui s'est fait jusque là, d'arriver à identifier le lieu où pouvoir
01:48faire ces fouilles ou ce sondage comme ça avait été annoncé.
01:51Donc si je comprends bien, s'il n'y avait pas de traces de ce lieu de sépulture,
01:55selon vous il ne peut pas y avoir de traces d'éventuels déplacements de corps, c'est ce que vous sous-entendez ?
01:59Pour le coup non, c'est sans parler de ça, c'est vraiment la phase avant et puis après, la phase après, ça a été de dire une fois qu'on avait le lieu,
02:05on a prospecté à pied pour vérifier qu'on était vraiment sur le site et dans tout le respect des procédures archéologiques,
02:12voir ce qu'il y avait sur place, est-ce qu'il y avait encore des structures maçonnées, est-ce qu'il y avait
02:16des traces de sépulture encore en place et pour le coup on voit que sur le terrain rien, c'était de la végétation à ce moment-là,
02:22quelques plaques métalliques qui ont été retrouvées et qui seront analysées par les archéologues et pour le coup ils ont décapé ensuite
02:28très progressivement le terrain pour voir et avancer et on retrouve des structures de tombes
02:33après dire que ce sont les tombes archi de l'époque, c'est le croisement
02:37entre une orientation de la sépulture plutôt vers la Mecque qui traduirait plutôt le respect du culte musulman de l'époque.
02:42Donc on n'est pas du tout certain que ce soit le cimetière de ces enfants-là.
02:46En traces matérielles, de toute façon, on ne pourra pas le dire formellement maintenant, ce qu'on a
02:50voulu faire avec les familles c'était leur donner la même information que nous, c'est-à-dire que les fouilles se sont terminées il y a quelques jours,
02:55elles ne sont pas encore analysées puisqu'on a juste les rapports photographiques,
02:58on a protégé l'ensemble des endroits et des lieux qui avaient été fouillés mais pour le coup le rapport de l'INRAP ne sera disponible que
03:05d'ici quelques semaines, voire début d'année,
03:07février ou mars.
03:08Et ça veut dire qu'on n'a aucune idée, alors que c'était il y a 60 ans, c'est presque hier, on n'a aucune idée aujourd'hui
03:13de l'endroit où se trouvent les ossements de ces enfants-là.
03:16C'est la prochaine étape, c'est ce qu'on a dit aux familles, c'est-à-dire pour le coup il faut recomposer la trame, mais là c'est les archives matérielles,
03:22documentaires, qui doivent être encore travaillées par les services plutôt ONAC qui a dirigé ces travaux-là depuis les débuts,
03:28avec les collectivités qui possèdent aussi une partie des informations pour retracer l'évolution
03:34de ce site-là, mais aussi pour toutes les autres familles, puisqu'on n'a pas loin de 80 familles
03:38qui peuvent être concernées par des personnes décédées plutôt à l'hôpital de Perpignan, où on a aussi des sépultures
03:42probables dans les cimetières de Perpignan. Donc on a tout ce travail de recomposition de l'histoire récente
03:47pour leur donner la réponse qu'ils attendent.
03:49Donc vous avez engagé d'autres recherches ailleurs dans le département, vous pouvez nous dire où ?
03:53Pour le coup on a deux cimetières à Perpignan qui peuvent avoir accueilli aussi...
03:56Essentiellement dans les cimetières ?
03:57Ouais, des sépultures, et là pour le coup on a une partie qu'on pourra identifier assez vite, c'est ce qu'on leur a dit, c'est pour ça
04:03qu'il y a une cellule qui sera à la disposition des familles pour se signaler et en même temps pour travailler aussi sur retrouver les
04:08autres familles qu'on ne connaît pas encore et qui pourraient être
04:10affectées par cette situation.
04:12Essayer de retrouver les lieux de sépulture exactes et leur traduire, histoire qu'on ait un lieu de mémoire.
04:16Il est 7h52 sur France Bleu Rocian, dans Ici Matin, Suzanne Chaudjahi, notre invitée, Bruno Berthet, secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales.
04:23Vous avez entendu tout à l'heure les mots de cette femme, Galia Thamy, sur notre antenne.
04:27Elle attendait de retrouver le corps de son frère qui est mort au camp de Rivezalt alors qu'il était bébé.
04:32Elle dit, moi je prends ça pour de la profanation. Qu'est-ce que l'état français répond à ça ?
04:37On n'était pas du tout dans cette phase-là avec eux, c'est là où on leur a dit,
04:41honnêtement, on peut comprendre la douleur qu'elle a à l'heure.
04:43On l'a dit, c'est très déceptif et on leur avait dit aussi tout au cours des travaux, puisque les représentants des associations et des collectifs
04:49avaient été informés par l'ONAC au niveau national
04:51progressivement de l'avancée.
04:53On sait que pour le coup, la réponse n'est pas à la hauteur de leurs attentes pour pouvoir faire le deuil ou tout du moins reconstruire
04:59l'histoire. Ils ont quand même, et c'est l'information, mais après elle est douloureuse aussi, le premier lieu de sépulture
05:05dans l'histoire du camp, qu'ils n'avaient pas jusque là. Donc on a un premier lieu.
05:08Maintenant, toute la trame suivante doit être recomposée.
05:12Vous n'avez aucune piste à l'heure qu'il est ?
05:14On va travailler, je répète, sur les archives documentaires, parce que pour le coup c'est là qu'on va les retrouver.
05:19Et pour le coup, il faut un peu de temps aussi.
05:21Je répète, on ne savait même pas où c'était sur le site quoi, et comment ça avait été fait. Donc là pour le coup,
05:26on va avoir, dans les jours ou semaines qui viennent, des travaux.
05:29Perpignan, peut-être qu'on ira un peu plus vite, parce qu'on a des trames avec les archives de l'hôpital aussi qui ont eu lieu,
05:35les archives de la commune aussi.
05:37Sur Rivesal, c'est vrai que ce lieu-là, on a les archives militaires qu'on doit recomposer aussi, donc
05:41tous les acteurs doivent se mettre autour de la table, et c'était la force de cette démarche-là pour retrouver ces traces-là.
05:46Ce qui est troublant quand même, c'est qu'il s'est produit à peu près la même chose dans le camp de Saint-Maurice-Lardoise, dans le Gard,
05:51où neuf tombes sont vides.
05:54Comment on l'expliquait ? Est-ce que c'est l'État qui n'a pas bien fait son travail à l'époque, ou est-ce que c'est un acte malveillant ?
05:59Est-ce que vous avez des pistes d'explication ?
06:03À la fois pour le Gard, pour ici, puisqu'il y a des similitudes peut-être ?
06:06Le Gard, je ne m'engagerai pas sur la situation. Ici en tout cas, il n'y a pas d'acte malveillant.
06:10C'est certain.
06:11Les levées de corps ont été faits très proprement, dans le respect, en tout cas des premières conclusions de l'INRAP.
06:16Je répète, on n'a pas le rapport, ils n'ont pas analysé l'ensemble des preuves, il faudra voir avec eux la finalité.
06:20Mais en tout cas, les premiers constats qu'ils font, c'est que c'est une levée de corps qui a été plutôt faite dans le respect,
06:26en tout cas, des fins qui étaient là. Donc on n'est plutôt pas sur un acte
06:30barbare ou de dernière minute, on est vraiment sur l'idée d'une levée de corps qui a été effectuée.
06:35Maintenant, il faut retracer à quel moment, par qui, dans quel cadre réglementaire à ce moment-là.
06:38Vous allez recevoir une nouvelle fois les familles de descendants de Harkis dans deux mois.
06:42Vous avez également mis en place une cellule spéciale pour ces familles. Quel est son rôle ?
06:47L'idée de la cellule, c'est plutôt près de l'honnacle. Pour le coup, c'est pour être sûr qu'on a toutes les familles qui sont
06:53impliquées dans ces situations, et pouvoir leur donner l'ensemble des informations dont on dispose au fur et à mesure,
06:58puisqu'on avance chaque jour sur certains cas individuels, puisque pour le coup, c'est que des cas particuliers, c'est ça aussi
07:04le plus difficile. Donc on essaie de leur transmettre à chaque fois si on a une confirmation ou pas, si on a pu retracer
07:10le parcours de la personne, de leur famille, qui était au camp.
07:14Une cellule de contact. Oui, c'est ça. C'est vraiment pour les informer au plus court.
07:17L'autre proposition qu'on leur a faite, c'était de se revoir
07:20fin janvier, début février. On va caler la période en fonction des informations qu'on aura,
07:24pour leur transmettre, tout pareil, en toute transparence, toutes les informations dont ils disposeraient à ce moment-là. Et puis peut-être,
07:30s'ils le souhaitent, aller sur place sur le site
07:34de première sépulture, sur Rivesalde, pour voir un peu le lieu et pouvoir
07:39se recueillir aussi à ce moment-là. Merci beaucoup Bruno Berthier d'avoir été avec nous ce matin. Vous êtes le secrétaire général
07:44de la préfecture des Pyrénées-Orientales. Bonne journée à vous. Merci à vous.