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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit le navigateur Français Yves Parlier.
Dans « le grand témoin » Télématin reçoit le navigateur Français Yves Parlier.
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00:0010 novembre dernier, 40 skippers engagés pour le Vendée Globe autour du monde en solitaire
00:05et l'un de ses participants mythique est votre invité, votre grand témoin ce matin, Flavie.
00:08C'est même une légende, on peut l'accueillir comme ça.
00:10Bonjour Yves Parlier.
00:11Bonjour.
00:12Merci d'être avec nous si tôt ce matin.
00:13Vous avez participé à trois reprises au Vendée Globe, vous avez terminé une fois la quatrième position
00:18et votre dernière, c'est surtout de celle-là qu'on va parler parce qu'elle reste à ce jour
00:23l'une des histoires les plus incroyables de la compétition du Vendée Globe.
00:27Quand vous voyez les images qui circulent en ce moment, qu'on voit absolument partout du Vendée Globe,
00:32quand vous voyez ces marins sur la mer, vous avez une pointe de nostalgie ou pas ?
00:35Bien sûr, oui. Je regrette de ne pas être au départ et je suis la course au jour le jour,
00:42même je dirais à chaque pointage.
00:45À chaque pointage, donc vous suivez l'actu, vous voyez bien ce qui se passe.
00:48Exactement.
00:49Pourquoi on vous reçoit ce matin ? C'est parce qu'il s'est passé quand même des événements,
00:52notamment un hier qui a fait résonance avec votre incroyable aventure de l'an 2000.
00:56On y reviendra dans un instant.
00:58C'est le skipper Antoine Cornic qui a réussi l'exploit de réparer le rail de sa grande voile
01:03suspendue pendant près de cinq heures en pleine mer.
01:06Ça c'est super héroïque.
01:08Et puis dimanche dernier, c'est une skippeuse Pip Air qui a subi une avarie après une violente vague.
01:14Son mât s'est effondré.
01:16Ça sert à quoi le mât d'un bateau ?
01:18Alors ça sert à porter les voiles et donc ça encaisse énormément d'efforts
01:23puisque c'est tenu par des haubans qui tirent vers le bas.
01:27Il y a énormément de compression.
01:29Et entre les vagues, la pression des voiles et le couple de chavirements,
01:34le mât qui est dimensionné au minimum parce qu'il est léger,
01:38parce qu'il ne faut pas mettre de poids dans les hauts,
01:40est une pièce fragile.
01:42Il suffit qu'il y ait une des pièces qui le tiennent, qui casse, et le mât peut tomber.
01:46Et bien vous, votre mât, en l'an 2000, quelque part il vous a lâché.
01:5117 décembre, c'est votre troisième Vendée Globe.
01:54Vous faites partie du trio de tête.
01:56Vous êtes accompagné avec Michel Desjoyeaux et Roland Jourdain
01:59quand soudain, quand soudain, votre mât se brise en trois morceaux.
02:04Racontez-nous ce qui s'est passé.
02:05Eh bien en fait, mon bateau qui était sorti pour le Vendée Globe quatre ans avant,
02:11qui avait été un Vendée Globe assez dramatique avec la disparition de Djérouf,
02:16a mis en cause nos bateaux qui étaient stables à l'envers.
02:20Et il a fallu, je vous passe les détails,
02:22mais descendre le centre de gravité du bateau de 70 centimètres
02:26et donc faire un mât extrêmement léger.
02:29Et donc ce mât, il fallait vraiment le tenir comme de l'huile sur le feu, on va dire.
02:35Et malheureusement, j'ai fait ce qui s'appelle un départ à l'abatté,
02:40et le mât a cassé.
02:43Et donc je me suis retrouvé d'un seul coup avec plus de mât.
02:46Mais qu'est-ce qu'il se passe quand un mât casse ?
02:49C'est-à-dire que c'est un bruit énorme ? En tant que marin, qu'est-ce qu'on sent ?
02:52On se dit, ça y est, c'est foutu, je ne peux plus rien faire ?
02:54C'est foutu, c'est-à-dire que dix années de préparation, sept jours sur sept,
02:58avec votre équipe, avec vos sponsors, tombent à l'eau.
03:01Vous vous culpabilisez.
03:04Et vous avez envie de pleurer quand vous êtes sur votre bateau ?
03:07Il faut réagir. Moi, j'avais mon mât qui était cassé en trois morceaux,
03:11et j'avais un morceau qui était vertical et qui pilonnait le roof,
03:14qui faisait un trou dans le roof.
03:16Donc on est obligé, tout de suite, pendant six heures,
03:19j'ai bataillé pour récupérer les morceaux et que mon bateau ne s'abîme pas.
03:24Alors, parce qu'on va préciser, vous avez déjoué cette année-là, en l'an 2000,
03:28absolument tous les pronostics.
03:30Je n'envisage pas d'autres solutions que de tenter de redonner des ailes
03:33à mon grand oiseau bleu pour finir cette boucle.
03:36Vous n'avez jamais abandonné.
03:38Vous l'aviez fait en 1996, vous aviez déjà abandonné.
03:40Vous connaissiez la morsure de l'abandon.
03:42Vous l'avez réparé, votre mât,
03:44et vous êtes allé jusqu'à manger des algues pour pouvoir vous nourrir.
03:47Ça a duré combien de temps, cette histoire ?
03:49Alors, ça a duré 126 jours.
03:51Donc j'ai mis trois semaines pour aller jusque sur une île au sud de la Nouvelle-Zélande.
03:56Pendant cette semaine-là, j'ai préparé par collage la réparation du mât.
04:02Voilà, ça s'est emmerdé.
04:04Comment ? Parce que vous nous racontez ça comme ça, par collage.
04:07Le truc tranquille, quoi.
04:08Oui, c'est ça, vous avez du scotch, vous avez de la colle.
04:10J'avais 200 grammes de colle et j'avais aussi,
04:14donc j'ai réalisé avec les feux de navigation,
04:17un four pour chauffer la colle pour qu'elle prenne malgré la température.
04:22Mais vous aviez des connaissances alors en la matière.
04:24Alors oui, je suis ingénieur en matériaux composites
04:27et j'ai fabriqué le premier mât en fibre de carbone au monde.
04:31Donc oui, je m'y connais dans ce domaine.
04:34Donc non seulement vous avez refait votre mât en pleine course du Vendée Globe,
04:37mais en plus, évidemment la nourriture commençait à manquer
04:39et vous vous êtes nourri de ce que la mer pouvait vous donner ?
04:42Exactement. Après cette île en Nouvelle-Zélande,
04:46j'ai estimé ma nourriture et je me suis dit
04:51j'en ai pour 60 jours pour revenir au sable d'Olonne.
04:55Donc j'ai divisé ma nourriture par 60,
04:57ça faisait des petits paquets de 700 calories par jour.
05:00Et vous mangez les algues ? C'est bon les algues ?
05:03C'est surtout que jusqu'au Cap Horn,
05:05je n'ai ni pêché de poissons ni trouvé des algues.
05:08Finalement, c'est en allant vers les îles Falkland que j'ai trouvé des algues.
05:11J'ai ramassé 400 kg d'algues et j'en ai mangé jusqu'à mon écœuré,
05:15mais ça m'a quand même permis d'y aller.
05:17Vous en mangez maintenant parce que c'est tendance les algues ?
05:19Ah oui, c'est très très tendance et c'est très à la mode
05:24puisque c'est une des solutions pour amener des protéines maintenant
05:28et puis énormément de médecines viennent de la Nouvelle-Zélande.
05:33C'est comme ça que vous avez tenu ?
05:34On est préparé à se mettre en mode survie,
05:36comme ça, survie mécanique, survie physique aussi.
05:40C'est des choses qui s'anticipent.
05:42Oui, quelque part, on a réparé les choses.
05:45Un marin s'y attend, surtout après un troisième Vendée Globe.
05:50Par contre, la nourriture, c'est vrai que ce n'est pas simple à gérer psychologiquement.
05:55J'ai échangé avec Alain Bombard qui lui avait traversé l'Atlantique
06:00mais avait fait une préparation mentale pour ça.
06:04Lui, il n'a jamais souffert de la faim, bien qu'il a beaucoup plus maigri que moi
06:08et il avait de la nourriture à bord en réserve sous scellés.
06:13Il n'a jamais été obsédé par casser ses scellés et manger sa nourriture.
06:19Ça m'a paru incroyable.
06:20Merci infiniment en tout cas d'avoir accepté de venir ce matin.
06:23Je rappelle que le film qui raconte votre histoire, Yves Parlier,
06:26il est toujours disponible sur France.tv jusqu'au 30 décembre.
06:30Il s'intitule « Seul » et il est avec Samuel Lebihan.
06:33Merci infiniment.
06:34Le Robinson des Mers est aux éditions Robert Laffont.
06:36C'est votre ouvrage, à bientôt.
06:37On mange des algues sur un bateau, on boit du café aussi pour te dire,
06:40parce qu'on ne dort pas beaucoup évidemment, ça ils l'ont souvent raconté les marins.