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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégie de l'IFOP, pour parler de la société en 2024.

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Transcription
00:00Il est l'heure d'essayer de comprendre la société française, ni plus ni moins, et oui, on est ambitieux dans Télématin, rassurez-vous, on va faire ça très facilement, grâce à des cartes, des infographies, des camemberts, aussi, pas le fromage, évidemment,
00:12grâce à un homme également qui étudie tout cela de très près, les transformations de notre société, c'est sa passion, et il en fait des livres qui sont des best-sellers, après l'archipel français,
00:21après la France sous nos yeux, voici, mesdames, messieurs, Métamorphose française, des éditions du Seuil.
00:26– Bonjour Jérôme Fourquet, et bienvenue sur le plateau de Télématin, vous êtes également directeur du département Opinion et Stratégie à l'IFOP,
00:32alors avant d'entrer dans le cœur de votre ouvrage qui est ici, on parle beaucoup du budget en ce moment, cette question d'actualité,
00:38Michel Barnier veut augmenter les impôts pour les plus riches mais aussi pour les entreprises,
00:42la revalorisation des retraites devrait être poussée de 6 mois, dans ce contexte financier très difficile pour beaucoup de Français,
00:49est-ce que ça pourrait être le retour d'une de vos illustrations, celle que vous avez choisie ici, des Gilets jaunes ?
00:55– Oui, alors ce n'est jamais évident de prédire à l'avance un mouvement social,
01:00on voit que la marmite bout depuis un moment mais il y a toujours l'élément déclencheur qui n'est pas forcément prévisible,
01:08si on regarde, on essaie de dézoomer un petit peu, en fait, on constate que la France a été caractérisée pendant longtemps
01:16par une espèce de pacte implicite entre la population d'une part et la puissance publique d'autre part,
01:22faisant que la population acceptait de vivre dans le pays où les prélèvements obligatoires étaient parmi les plus élevés au monde,
01:29mais qu'en contrepartie on acceptait cela dans la mesure où on avait le sentiment qu'on pouvait bénéficier de services publics
01:36de grande qualité, notamment dans l'école et à l'hôpital.
01:40– Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui du point de vue des Français.
01:42– Voilà, et alors la toile de fond de ce débat budgétaire dans l'opinion publique,
01:47c'est que la balance aujourd'hui apparaît déséquilibrée,
01:50c'est-à-dire que les Français constatent toujours un niveau de prélèvement obligatoire important,
01:53mais constatent depuis plusieurs années que tant à l'école que à l'hôpital public,
01:59on pourrait parler aussi de l'état de la sécurité, les services publics à la française ne rendent plus une qualité de service
02:06ou de prestation telle que ce qui avait pu être effectué par le passé.
02:10Donc c'est là le risque, si on alourdit encore davantage la barque en termes de prélèvements,
02:15c'est le risque qui peut se produire.
02:18– Ce qui est intéressant dans votre bouquin,
02:20c'est qu'on pourrait avoir l'impression qu'il y a plein de petites choses dans tous les sens,
02:23mais on a un grand portrait de la France et des évolutions de la France
02:26et notamment de la fulgurante déchristianisation.
02:29On va regarder quelques chiffres qui sont dans votre livre justement,
02:32vous dites on est passé de 82% d'enfants baptisés en France en 61 à 70% en 80
02:38et attention grosse chute à 27% en 2018, qu'est-ce que ça traduit ces chiffres-là ?
02:44– Alors on parle depuis longtemps déjà d'un phénomène de déchristianisation,
02:49du déclin du catholicisme, sauf que ce qu'on constate c'est que depuis les années 80,
02:54nous sommes rentrés sans doute dans une accélération de ce processus
02:57qui nous a fait arriver si vous voulez au stade terminal de cette déchristianisation.
03:04On n'a plus aujourd'hui que 4 à 5% de français maximum
03:08qui vont à la messe tous les dimanches, c'était encore 35% dans les années 60,
03:12il reste 10 000 prêtres catholiques en France,
03:15donc vous comptez 100 départements, 100 diocèses à peu près,
03:18ça fait à peu près 100 prêtres et avec une moyenne d'âge assez âgée.
03:23Et donc tout ça n'est pas sans conséquences
03:26puisque cette matrice catholique a structuré bon nombre de nos références,
03:32notre rapport au corps, les pratiques funéraires,
03:35c'est une autre statistique qui de mon point de vue…
03:38– Ça veut dire qu'on perd nos repères en fait,
03:40parce qu'ils étaient guidés en grande partie culturellement par ça.
03:43– Voilà, même la population majoritaire qui n'était pas d'obédience catholique
03:47était bon gré, mal gré, structurée psychologiquement,
03:50anthropologiquement par ces références.
03:52Je reviens sur les rites funéraires,
03:54on va être dans quelques jours au stade de la Toussaint.
03:57En 1980, donc il y a 44 ans, il n'y avait qu'un pour cent des sépultures
04:02qui donnaient lieu à une crémation, c'était totalement marginal
04:06et totalement impensable au sens premier du terme,
04:08c'est-à-dire que ça ne venait même pas à l'idée des familles
04:12de faire incinérer le défunt.
04:14Aujourd'hui c'est 43% des obsèques et au rythme où le phénomène se développe,
04:19cette pratique qui était encore une fois totalement marginale il y a 40 ans,
04:23va devenir majoritaire.
04:24– Vous avez le sens de la formule, vous avez dit dans une interview
04:27que culturellement nous étions devenus des pokéballs.
04:30Les pokéballs ce sont ces salades que l'on peut composer
04:32avec différents ingrédients.
04:33Qu'est-ce que ça veut dire, nous sommes des pokéballs ?
04:35– Alors, ça veut dire que ces grandes matrices d'appartenance
04:40qui nous ont structurées, aujourd'hui sont moins structurantes
04:45et que l'individu s'est beaucoup autonomisé,
04:48ça peut être quelque chose de perçu très positivement
04:51vis-à-vis des cultures religieuses, des cultures politiques,
04:55vis-à-vis des cultures régionales, et qu'aujourd'hui cet individu
04:58assez autonomisé, un peu comme dans ce type de restaurant,
05:01compose son menu totalement, c'est même au-delà du à la carte,
05:05c'est-à-dire que c'est le plat lui-même.
05:06– Mais il y a quoi par exemple dans ce menu aujourd'hui en France,
05:08parce que si on décristianise, il y a d'autres choses qui remplacent j'imagine.
05:12– Alors sur le plan spirituel, vous avez par exemple
05:15l'essor du développement personnel, l'essor du yoga, du bouddhisme,
05:19même de certains courants chamaniques,
05:22et donc ça peut donner lieu à des espèces de scènes
05:25parfois assez cocasses et déroutantes,
05:27parce qu'encore une fois, partie de la population se bricole
05:31aujourd'hui son propre référentiel.
05:33Regardez aussi ce qui se passe sur le secteur des prénoms
05:37qui sont donnés aux enfants, par exemple avec une illustration
05:40de l'américanisation du pays, avec des prénoms qui ont fait leur apparition.
05:44– Les prénoms rares sont de plus en plus nombreux.
05:46– Alors les prénoms rares sont de plus en plus nombreux,
05:48les prénoms anglo-saxons également, et donc chacun va faire à la carte.
05:52Quand vous êtes intéressé à la généalogie, par exemple celle de votre famille,
05:56vous avez pu constater que sur les branches élevées de l'arbre,
06:00on retrouvait souvent les mêmes prénoms parce qu'on donnait aux nouveau-nés
06:02le prénom du grand-père ou de la grand-mère.
06:04Il fallait l'inscrire dans un héritage, une lignée.
06:06Aujourd'hui c'est dû à la carte et chacun va bricoler les prénoms également.
06:10– Ça rejoint l'idée de l'archipélisation de la société que vous développez.
06:13– Et d'individualisation aussi.
06:15Merci infiniment Jérôme Fourquet, ce livre est passionnant,
06:17jetez-y un œil, allez le voir, il est en librairie,
06:19ça s'appelle « Métamorphose française », c'est d'abord très joli en termes d'infographie
06:22et aussi extrêmement intéressant, merci à vous.
06:25– Vous croyez aux zombies Jérôme Fourquet ?
06:27– Personnellement non.
06:29– Eh bien vous avez tort !

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