Un nouveau bilan provisoire publié par la préfecture de Mayotte ce mardi 24 décembre fait état de 39 morts suite au passage du cyclone Chido le samedi 14 décembre. 4.136 blessés légers et 124 dans un état grave sont aussi à déplorer.
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00:00On va partir à Mayotte, Mayotte où le bilan s'alourdit, au moins 39 morts, situation très compliquée par endroits, situation dont nous parlons avec mon invité François-Xavier Bieuville.
00:08Bieuville, bonjour. Merci d'être avec nous. Vous êtes le préfet de Mayotte. Une première question sur le bilan, parce que c'est évidemment, quand on a vu les images et quand on voit encore les images,
00:19ce bilan est toujours extrêmement flou à préciser. Comment vous expliquez cette difficulté et est-ce que vous vous attendez à ce que le nombre de victimes soit de plus en plus important ?
00:34Alors c'est un bilan qui est effectivement très difficile à établir pour une raison très simple. C'est que dans la tradition musulmane, on enterre les morts très rapidement, maximum dans les 24 heures.
00:45Ensuite, il faut bien comprendre que ce qui a soufflé sur Mayotte, c'est un ouragan avec des pointes de vent à 230 km à l'heure et par conséquent, des quartiers précaires en tôle et en habitat précaire
00:58qui ont été complètement balayés avec une difficulté pour pénétrer à l'intérieur de ces quartiers dans les premiers temps. On a dépêché évidemment tous les secours pour porter secours.
01:08Ça a été très compliqué et par conséquent, cette difficulté, elle nous conduit aujourd'hui à être extrêmement prudents sur le nombre de victimes. On a effectivement 39 victimes qui sont établies
01:19puisque c'est des victimes qui ont été soit déclarées décédées à l'hôpital, soit déclarées décédées aux communes. Et sur le reste, on continue ce travail d'investigation pour essayer d'affiner au maximum ce chiffre.
01:30– On a le sentiment, et c'est ce que nous racontent nos témoins, nos journalistes qui sont sur place, qu'il y a une différence évidemment, c'est assez logique, dans des villes, dans des communes comme Mamoudzou
01:41où la situation s'améliore et puis des coins un peu plus reculés parce que difficile d'accès, parce que sans doute avec des habitations moins solides, des infrastructures beaucoup plus légères.
01:52Est-ce que c'est aussi votre sentiment et comment allez-vous essayer d'améliorer la situation en ces lieux-là ?
02:01– Écoutez, moi mon objectif c'est protéger et secourir, fournir de l'eau et de la nourriture et rétablir les fonctions vitales.
02:08Ce que nous essayons de faire sur ces trois sujets, encore une fois, on le fait dans l'urgence et c'est une course contre la montre.
02:15Il n'y a pas d'endroit à Mayotte qui est délaissé, il n'y a pas d'endroit à Mayotte qui est reculé, on essaye d'être partout.
02:21On a livré de la nourriture, de l'eau dans tous les villages de Mayotte depuis que la crise est arrivée.
02:27On a à la fois une chaîne logistique et un pont aérien qui fonctionnent et par conséquent il n'y a pas de point reculé.
02:33On a effectivement des zones d'accès qui sont plus difficiles, toutes les routes ont été dégagées dans les 24 heures
02:39et on est en capacité de se porter vers nos populations le plus rapidement possible dès qu'il y a un sujet.
02:46Par ailleurs, on a équipé les communes avec des stations Starlinks, ce qui nous permet, alors que le réseau de téléphonie est totalement détruit,
02:53de communiquer avec les élus et d'avoir désormais des temps de réaction qui sont beaucoup plus rapides.
02:58Mais il n'y a aucun point du territoire auquel nous n'accédons pas et auquel nous n'apportons pas à la fois du secours et de la protection.
03:03– Quels sont les besoins, justement, quand vous joignez ces élus de Mayotte ?
03:07Qu'est-ce qu'ils vous disent ? Quels sont les besoins prioritaires ?
03:12– Écoutez, on est dans un pays chaud, donc le premier besoin, c'est celui de l'eau, évidemment.
03:18On a un syndicat des eaux qui a la capacité de reproduire de l'eau dans des conditions qui sont, pour l'instant, insatisfaisantes,
03:26mais qui permettent d'apporter du secours aux populations.
03:29On a bon espoir d'être en capacité de reproduire de l'eau en totalité d'ici 8 jours.
03:34Donc c'est notre objectif, c'est une course contre la monde pour faire en sorte que chaque population puisse recevoir cette eau.
03:40Et ensuite, c'est les fonctions vitales, l'électricité, bien sûr, la téléphonie ensuite, la nourriture, bien évidemment.
03:46Et donc c'est toutes ces fonctions-là qui sont en cours d'être rétablies sur l'ensemble du territoire, avec toutes les difficultés,
03:53il faut le noter, d'un territoire qui a été détruit dans toutes ses infrastructures à hauteur de 90% à la suite de ce passage du cyclone.
04:00Donc on est dans une situation qui est encore difficile, mais qu'on arrive à maîtriser.
04:04– Et c'est évidemment la question que j'allais vous poser quand on parle de reconstruction, de retour à la vie normale.
04:09Vous qui êtes préfet de Mayotte, est-ce que vous arrivez à vous donner une échéance, un calendrier pour que l'on reconstruise Mayotte ?
04:19– Écoutez, le calendrier, il est extrêmement difficile.
04:22On a des sujets qui sont évidemment, éminemment difficiles.
04:25Je parle par exemple des écoles. La rentrée scolaire est dans un mois.
04:28Il va falloir se poser la question des modalités d'une rentrée scolaire
04:32qui permettra à tous les étudiants, les collégiens et les enfants de rentrer dans les écoles et de pouvoir étudier, passer leur bac.
04:39Donc ce sont ça les enjeux d'aujourd'hui.
04:41C'est aussi l'enjeu de l'électricité. Le réseau a été particulièrement détruit.
04:46Chaque jour est une petite victoire.
04:48Chaque jour, c'est un petit pourcentage de nos concitoyens maorais qui sont raccordés à l'électricité,
04:53avec beaucoup de colère et beaucoup d'attente, ce que nous comprenons évidemment.
04:58Mais comprenez bien qu'avec un réseau qui a été détruit à 90%, on a toutes ces lignes électriques qu'il faut remonter.
05:05Et tous ces enjeux-là sont devant nous, avec le travail au quotidien de toutes les équipes qui travaillent,
05:10qui travaillent d'arrache-pied pour arriver à trouver toutes ces solutions.
05:14Ces solutions que nous trouvons, encore une fois, de façon quotidienne, avec des petites victoires qui fonctionnent.
05:19Je vous entends évidemment. Ce cyclone, le passage de cyclone, vous le disiez, a quasiment tout détruit.
05:24Ça veut dire qu'il faut tout reconstruire.
05:26Quand on sait que l'archipel de Mayotte est un territoire en proie à des difficultés,
05:30la climatique évidemment, ce cyclone, mais économique, sécuritaire, sociétale,
05:36est-ce qu'il faut d'ores et déjà, malgré l'urgence, penser à reconstruire différemment
05:40pour permettre aux Maorais de vivre mieux l'après qu'ils ne vivaient l'avant ?
05:46Il est évident que ce cyclone a entraîné des dégâts qui sont, encore une fois, considérables.
05:52C'est 90% du territoire qui est détruit. Il va falloir penser autrement.
05:56Penser autrement notamment sur les constructions pour qu'elles puissent résister à des phénomènes climatiques
06:01dont on sait qu'ils pourront être à l'avenir plus fréquents,
06:05notamment dans les toitures, notamment dans les charpentes.
06:09Il faut qu'on réfléchisse différemment. Il faut qu'on réfléchisse à la nature.
06:13Il faut qu'on réfléchisse différemment. Il faudra sans doute aussi, sur le temps long,
06:17enterrer les réseaux électriques, les réseaux de téléphonie.
06:21Le territoire s'était engagé dans l'engagement d'un programme de fibre.
06:25Ce programme-là sera évidemment stratégique.
06:28Donc il faut évidemment repenser la construction différemment.
06:31C'est tout l'enjeu de la stratégie que nous menons aujourd'hui.
06:34Vous êtes confiant, pardon de cette question un peu plus personnelle,
06:38mais vous êtes confiant quand on voit l'ampleur de la tâche,
06:40on voit aussi les difficultés politiques.
06:42La nomination d'un nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls en l'occurrence,
06:45est-ce que c'est quelque chose qui va dans le bon sens pour vous aider, en tout cas concrètement ?
06:52Je ne sais pas si c'est de la confiance qu'il faut avoir.
06:54En tout cas, c'est de la volonté, de l'engagement.
06:57J'aurais voulu commencer cette interview en ayant une pensée pour toutes celles et tous ceux,
07:02tous les Mahorais et Mahoraises qui ont souffert dans leur chair, dans leur famille, dans leur maison.
07:07Ils ont vécu des moments, nous avons vécu des moments ensemble qui ont été extrêmement difficiles.
07:12Mais la qualité des Mahorais, c'est la résilience, c'est la solidarité,
07:16c'est la capacité à se relever de cette épreuve.
07:20Moi, je suis à la fois très confiant dans cette capacité que les Mahorais ont
07:25et dont ils ont su faire preuve dans les derniers jours,
07:28et puis aussi d'une certaine forme de fierté par rapport à cette population
07:32qui, malgré les difficultés d'accès en eau, d'accès à la nourriture,
07:36se remettent au travail, travaillent ensemble dans les communes pour dégager les déchets,
07:41organiser la libre circulation des routes.
07:44Et donc cette capacité absolument extraordinaire de se relever,
07:47c'est à la fois de la confiance, mais énormément de fierté.
07:50La fierté d'être le préfet des Mahorais, c'est vraiment la seule chose que j'ai envie de retenir.
07:54Merci beaucoup François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte, d'avoir été avec nous
07:59pour évoquer la situation évidemment extrêmement compliquée sur l'archipel,
08:03détruit, dévasté à 90% par ce cyclone Chido.