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00:00Et j'accueille Nathan Dever, écrivain et philosophe. Bonsoir Nathan, joyeux Noël à vous, je ne vous ai pas vu aujourd'hui.
00:06Vincent Roy, journaliste et écrivain, bonsoir Vincent, et joyeux Noël, bah oui on s'est séduit déjà aujourd'hui.
00:14Alors bon, entre temps, il s'est passé des choses, finalement on a l'impression que c'est la rentrée avec Gérald Darmanin décidément très énergique,
00:20à peine nommé, le voici, fidèle quand même à son habitude sur le terrain.
00:25Premier déplacement du tout nouveau Gare des Sceaux à la rencontre du personnel du tribunal judiciaire d'Amiens dans la Somme et des agents du centre pénitentiaire de Lyon-Cours dans l'Oise.
00:35Nathan Dever, comment vous jugez ce petit coup d'éclat du 25 décembre, il aurait dû prendre un petit peu de repos ?
00:43Parce que là c'est vrai qu'il a un petit peu grillé la politesse de tout le reste du gouvernement, ou c'est plutôt une bonne chose finalement, c'est un bon signal ?
00:51Je crois que là on est quand même dans l'ordre de la communication, et qu'en cela Gérald Darmanin a été à très bonne école puisque c'est l'école du mimétisme de Nicolas Sarkozy à Beauvau
01:01qui était excellent dans ce domaine, et qu'en soi faire un déplacement le 25, le 26, le 30, ça n'a pas grande importance en dehors de l'orientation qu'il veut donner.
01:15Et sur cette orientation, il y a en effet deux sujets où il a un discours qui est fort, avec lequel on peut être en accord ou en désaccord complet, mais il faut reconnaître qu'il est fort,
01:23la nécessité d'une célérité de la justice, et ça il y a peut-être une forme d'unanimité, c'est pour ça que ce diagnostic était pertinent à avancer aujourd'hui,
01:34à savoir que les magistrats, même les magistrats syndiqués qui s'opposent à sa nomination ou qui la voient d'un très mauvais oeil,
01:41tout le monde est d'accord pour dire qu'avec une détérioration du service public dans tous les domaines, y compris la justice, cette détérioration a des mauvais effets,
01:49à commencer par une sorte de ralentissement permanent des décisions de justice, et la deuxième qui est la question des centres pénitentiaires,
01:58et alors là, derrière une sorte de diagnostic de façade, à savoir qu'il y a de la surpopulation, là il y a une sorte de vraie controverse politique qu'on peut faire naître,
02:07est-ce que la solution c'est de dire qu'il faut plus de place, ce que répètent globalement les politiques depuis des années et des années, alors que ça n'a pas d'ailleurs beaucoup d'effets,
02:14ou est-ce que c'est une sorte de révision plus profonde et plus radicale de notre politique carcérale, en estimant que le modèle français de la prison est problématique à bien des égards ?
02:23On va en reparler justement, Nathan Devers, on va rentrer un petit peu dans les détails, mais sur l'ensemble de l'œuvre, Vincent Roy, ça vous a étonné de voir Gérald Darmanin arriver sur le terrain ?
02:33Mais pourquoi M. Darmanin fait quelque chose que M. Migaud n'a pas fait ? Surtout sur une question sur laquelle tout le monde est d'accord, c'est-à-dire la célérité de la justice que vient de saluer Nathan Devers,
02:49qui est pour une célérité de la justice, comme quoi la magie de Noël fonctionne. Pourquoi M. Migaud n'a pas fait ça ? On l'attendait aussi là-dessus.
02:59Evidemment, Nathan a raison, il y a eu une affaire de com' là-dessus. Nathan a raison aussi de citer le modèle Sarkozy s'impose, il faut prendre la place, et puis il faut peut-être aussi occuper la place tellement fort que l'on va, au bout d'un moment, peut-être occulter M. Retailleau.
03:23Parce que la bagarre là, je sais que vous n'aimez pas, ça fait deux fois que je vous dis ça, vous ne voulez pas l'entendre, on nous a promis un couple absolument idéal. Vous savez, il y a des affaires de couple pas très nettes, vous allez voir que peut-être cette affaire de couple ne va pas être si nette qu'on nous l'a présentée.
03:41On va aller poser la question à un intéressé, Rudi Mana, porte-parole du syndicat Alliance Police Nationale, qui est notre invité. Bonsoir Rudi Mana, on a entendu vos confrères policiers se réjouir de ce tandem à l'idéologie assez cohérente. On en déplaise à Vincent Roig. Qu'est-ce que vous en pensez, c'est plutôt de bon augure ?
04:07Écoutez, oui, c'est plutôt de bon augure. Et puis, en scène, on a un duo justice-police qui est cohérent. Il faut reconnaître les choses, c'est que les deux ou trois derniers duos qu'on a eus n'étaient pas très cohérents parce qu'entre Dupond-Moretier et Darmanin, ça a été quand même extrêmement compliqué. Et puis le dernier avec Retailleau et Didier Ligo, c'était aussi assez particulier.
04:33Donc aujourd'hui, on a un duo qui tient la route. La seule chose que nous, on veut, c'est que ce duo, à cause des égaux, ne devienne pas un duel. C'est la seule chose dont on peut avoir une certaine tête.
04:44Ce qui est sûr, par contre, c'est que Gérald Darmanin, lui, ne va pas parler de sentiments d'insécurité, comme l'avait fait un certain ministre de la Justice à sa prise de pouvoir. Parce que Gérald Darmanin, l'insécurité, il a vécu au quotidien pendant plus de quatre ans aux côtés des policiers, des gendarmes qu'il a dirigés pendant cette période. Donc lui, il ne peut pas parler de ça.
05:05Lui, il va aussi parler, vous l'avez très bien dit, à temps de verse, de la célérité d'une nécessité, de la célérité de la justice. Parce que lui aussi, en étant ministre de l'Intérieur pendant quatre ans, il l'a vécu et il l'a pris de plein fouet, parce que combien de fois on a pu se plaindre sur vos antennes, sur Stéphanie, sur plein d'autres antennes, de l'inefficacité de la justice et du manque de sanctions pénales qu'il pouvait y avoir.
05:29Donc tout ça, Gérald Darmanin, il le connaît. J'espère qu'il va le mettre à profit en tant que garde des Sceaux et on espère aussi que Bruno Retailleau va continuer d'aller à l'ancer ces trois premiers mois, parce que pour l'instant, il avait fait de très bonnes déclarations, mais à l'audace des mots, on attend la justesse des actes.
05:47Rudi, tout de même, vous ne portez pas un petit peu trop d'espoir à l'endroit de Gérald Darmanin, parce que ça insufflait, comme il le dit, la sévérité dans les décisions de magistrats. C'était votre collègue d'Alliance qui disait ça. On sait que les choses ne fonctionnent pas forcément comme ça. Il y a quand même une indépendance des magistrats, en tout cas du cierge. Qu'est-ce que vous en pensez ?
06:11Ah non, totalement. Il n'y a aucune difficulté. Ce n'est pas ça qu'on veut remettre en cause. En fait, nous, le seul espoir qu'on a aujourd'hui, c'est qu'on a, comme je vous le disais, un duo qui va plutôt dans le même sens. C'est la seule chose que l'on peut constater aujourd'hui. Et il faut se rendre à l'évidence que les derniers duos qu'on avait dans les différents gouvernements n'allaient pas du tout dans le même sens.
06:32Vous savez, dans la police, on appelle déjà ce duo tango et cash, en référence au film qu'il avait eu. Donc on espère que ça va fonctionner, je vous le dis de manière très claire. On espère que Gérald Darmanin va amener cette expérience de la police pour que ça évolue dans le bon sens en matière de justice, parce qu'il ne faut pas croire, 90% des magistrats veulent aller dans ce sens-là également.
06:52C'est vrai qu'il a parlé cet après-midi, je l'ai entendu, du manque de moyens de la justice, et là, il a totalement raison, parce que la justice, c'est un petit peu le parent pauvre de l'État, ça, il faut le dire de manière très claire. Donc on espère qu'il va obtenir ce qu'il veut, même si on n'est pas dans des conditions très faciles en ce moment. Nous, ce qu'on veut en tout cas en tant que policier, on veut garder le cap de ce que l'on demande depuis quelque temps, c'est-à-dire que toutes les promesses qu'on nous a faites pour les JO, la loi d'orientation et de programmation de Gérald Darmanin, elle continue à être mise en exécution pour que les policiers,
07:22ne soient pas déçus, à nouveau, par ce type de loi.
07:25Vincent Enroy, vous venez intervenir.
07:28Oui, bonsoir. Écoutez, il y a une chose qui est extraordinaire, il ne faut pas attendre de Gérald Darmanin qu'il puisse réformer la justice, tout au plus. Il peut prendre des circulaires auxquels peuvent être opposés, des contre-circulaires, mais que voulez-vous qu'il fie en, finalement, assez peu de temps, parce que le gouvernement ne va pas durer non plus très longtemps,
07:53Décidément, vous nous flambez le moral.
07:57Oui, mais écoutez, il faut être réaliste, circulaire, contre-circulaire, on n'attend pas d'un ministre de la justice qu'il réforme la justice, on peut attendre que la loi la réforme si l'on a la volonté de la réformer, pour ça, il faut une légitimité, ça s'appelle la Vème République, et pour ce faire, une majorité.
08:18Pour le reste, de la com', 1, de la com', 2, de la com', 3, de la com', oui, le duo peut peut-être fonctionner, nous verrons, parce que, vous savez, les affaires d'égo sont absolument terribles, mais enfin, n'en attendons pas trop.
08:33Rudy Manin.
08:35Alors, pour répondre à Vincent Roy, bien sûr, Vincent, mais vous savez, on est déjà, on est le 25 décembre, donc, comme Noël, alors, si on commence à être pessimiste, comme Noël, on ne s'en sort plus, Vincent.
08:44Vous avez raison.
08:45Oui, j'ai envie d'être optimiste, bien évidemment que Gérald Darmanin ne va pas réformer en profondeur la justice.
08:51Ben, c'est ce qu'il faudrait, pourtant.
08:54Bien sûr que c'est ce qu'il faudrait, mais Vincent Roy a raison, il faut une légitimité parlementaire, et jusqu'à près du contraire, je ne crois pas qu'il y ait une majorité qui s'affirme dans ce Parlement pour qu'ils puissent faire voter toutes les lois qu'ils veulent.
09:05C'est bien ça la difficulté.
09:06Nous, ce qu'on a envie de voir, c'est de voir des petites avancées, de voir des avancées du quotidien qui redonneront du bon cœur aux policiers, de manière à ce qu'ils continuent...
09:16Saskia de Ville. Ça serait quoi, par exemple, Rudy Manin, vous pensez à quoi, concrètement ?
09:19C'est-à-dire, Vincent Roy a raison aussi, le problème des circulaires, effectivement, il va pouvoir faire passer des circulaires au niveau des parquets qui pourront être appliqués.
09:35Donc, on est plutôt là, s'il va dans le bon sens, ça peut être appliqué très rapidement.
09:41Ça, c'est une possibilité immédiate.
09:43Alors après, bien sûr qu'il va donner les circulaires, peut-être pour avoir davantage de sévérité, pour avoir davantage de sévérité dans certains domaines.
09:49Peut-être qu'il va donner les circulaires pour être très sévère pour les individus qui agressent des policiers, qui agressent des gendarmes, qui agressent des intermières.
09:59Peut-être que ces circulaires peuvent nous aider.
10:01Ça, depuis le temps qu'on le promet et qu'on le dit, je suis un petit peu étonnée d'entendre que ce n'est pas toujours fait.
10:09C'est même très rarement fait et c'est pour ça qu'on a un petit espoir à ce niveau-là.
10:14Et Darmanin l'a connu, ça, avec les ministères de l'Intérieur.
10:18Et puis, comme je vous disais tout à l'heure, il ne pourra pas dire, lui, qu'il y a un sentiment d'insécurité en France.
10:23Ce n'est pas possible qu'il dise ça.
10:24Donc, tout ça, ça va plutôt dans le bon sens avec ce duo.
10:28Maintenant, vous savez, il faut donner sa chance au produit.
10:31On va donner la chance au produit et on va voir ce que ce produit va donner.
10:36J'ai envie d'être optimiste.
10:38Je l'ai dit à Vincent Roy de manière très claire, on est le 25 décembre, soyez optimistes.
10:42Nathan Devers.
10:43Moi, ce que je trouve problématique sur la question de la justice, c'est qu'on a un débat qui est, en quelque sorte, mutilé.
10:50Mutilé pour deux raisons.
10:52D'abord, parce que sur le diagnostic, qu'il y a une montée de certaines formes d'insécurité, notamment des attaques aux personnes,
10:58que les Français en souffrent de plus en plus,
11:02que toutes les enquêtes d'opinion montrent que ça fait partie des sujets qui préoccupent vraiment,
11:07dans les trois premiers sujets qui préoccupent le plus les Français pendant les élections et au quotidien.
11:12Et il y a une partie du champ politique, une partie de la gauche, disons-le clairement,
11:16qui refuse de poser ce diagnostic ou de lui donner l'importance qu'il mérite.
11:20Alors qu'évidemment, il a une importance centrale.
11:22Quand les femmes, dans certains endroits, ne peuvent pas rentrer seules le soir.
11:26Bref, c'est un sujet majeur.
11:28Et en face, il y a des gens, notamment à droite, et je pense que M. Retailleux et M. Darmanin en font partie,
11:34qui estiment que face à ce diagnostic, il y a un seul type de solution qu'il faut appliquer,
11:38qui sont des solutions répressives, de plus en plus répressives sur la justice.
11:42Or, c'est là que la gauche aurait son mot à dire,
11:45c'est qu'on peut tout à fait, pour lutter contre l'insécurité, avoir d'autres types de réponses,
11:50des réponses de gauche, et notamment sur la question carcérale.
11:52Vous savez, un des grands problèmes de la justice, et Rudy Mana, à mon avis, sera d'accord avec moi là-dessus,
11:56c'est la question de la récidive.
11:58Comment expliquer que des gens qui sortent de prison ferme récidivent massivement, plus d'un tiers,
12:04dans les 18 mois de leur libération, et que souvent ils récidivent en pire ?
12:08Donc ça veut dire que la prison participe d'un parcours de délinquance qui va dans des gradations, de pire en pire, etc.
12:14Il y a en France certains modèles de prison.
12:16Il y en a une, par exemple, en Corse, qui s'appelle la prison de Casablanda,
12:19qui est une prison ouverte, qui est une prison sans mur, si vous voulez,
12:23qui enferme les prisonniers, qui est une prison où on fait travailler les prisonniers.
12:26On les fait travailler dans des champs, on les fait s'intégrer à du travail manuel, d'agriculture, etc.
12:32Où le taux de récidive est, par exemple, beaucoup plus bas que dans la plupart des autres prisons.
12:36Ça, vous l'entendrez rarement dans la bouche de M. Darmanin et de M. Retailleau,
12:39parce que ça suppose de dire que ce qui fabrique aussi de la récidive et de l'insécurité,
12:43c'est parfois les remèdes que nous présentent les politiques en question.
12:47Donc je regrette le fait qu'il n'y ait pas davantage de nuances dans ce débat,
12:51de tous les côtés, aussi bien à gauche que à droite.
12:53C'est vrai que là, Gérald Darmanin a pris la parole.
12:54Il était d'ailleurs en accord avec Béatrice Brugère, qu'on a entendu tout à l'heure,
12:59sur ces peines. Il veut plus de places en détention pour des petites peines.
13:04Qu'est-ce que vous en pensez, ça, Rudy Mana ?
13:07Est-ce que ce serait le début d'une solution qui va un petit peu à l'encontre de ce que vous disiez ?
13:11C'est vrai, on est dans le répressif, mais Béatrice Brugère qui estimait
13:16qu'on emprisonnait un petit peu trop tard et trop longtemps, en France.
13:20Je suis assez d'accord avec Béatrice Brugère.
13:22C'est vrai, vous savez, avec l'Alliance, ça fait longtemps qu'on le propose,
13:24les courtes peines de 6 jours, 7 jours, 8 jours.
13:27Ça a été fait dans d'autres pays d'Europe, je crois que c'est au Pays Basque.
13:30Oui, dans le Nord.
13:31Et ça a plutôt des résultats assez positifs, mais Nathan Devers a raison.
13:36Effectivement, on a un vrai problème aussi avec la récidive en France.
13:39Et à partir du moment où il y a un énorme problème avec la récidive,
13:42c'est qu'il y a un problème avec la première incarcération,
13:45puisque souvent, il récidive derrière.
13:47Donc pourquoi pas imaginer, mais ça, ce sera au personnel de la justice,
13:52et notamment à Gérard Darmanin, d'imaginer des nouveaux concepts
13:56pour effrayer les moindres récidives.
13:58Mais par contre, ce qui est sûr, c'est qu'on a besoin très rapidement
14:01de ces peines de prison courtes, de, comme je vous disais,
14:055, 6, 8, 10, 15 jours, de manière à donner une première sanction.
14:09Parce qu'en fait, c'est ce sentiment, c'est cette certitude d'impunité
14:13qui nous coûte cher aujourd'hui.
14:15Merci beaucoup Rudy Mana, porte-parole du syndicat Alliance Police Nationale,
14:19d'avoir été avec nous.
14:20Nathan Devers et Vincent Roy, je vous garde avec moi.
14:23On se retrouve dans quelques instants,
14:26et on retrouvera aussi Rudy, pas Mana, mais Rudy Seada,
14:29pour le journal permanent.