Lee Jung-Jae et Wi Ha-Jun, acteurs de la saison 2 de la série "Squid Game" sur Netflix, Vincenzo Cicchelli et Ophélie Surcouf sont les invités du Grand Entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-26-decembre-2024-2117150
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00:00Ne me dites pas que vous n'avez jamais regardé un film coréen, Parasite, pour ne citer que
00:12le plus primé, Oscar du meilleur film, Palme d'Or.
00:15Vous avez déjà regardé sans doute une série coréenne, Squid Game par exemple, la série
00:19la plus vue sur la plateforme Netflix, dont la saison sort aujourd'hui, la saison 2,
00:24et dont les deux acteurs stars trompent avec nous dans quelques minutes en avant-première.
00:28Vous avez déjà mangé coréen, vos enfants font défiler les vidéos d'influenceuses
00:33beauté coréenne peut-être, ou alors ils écoutent les groupes de K-pop qui remplissent
00:38des stades.
00:39Eh bien, racontez-nous tout cela au 01.45.24.7000 et sur l'application de Radio France, mais
00:43vous participez sans le savoir peut-être à la Hallyu, c'est cette vague culturelle
00:49coréenne dont nous parlons ce matin avec deux grands connaisseurs du phénomène, Ophélie
00:53Surcouf en direct de Séoul d'abord, bonjour.
00:55Bonjour.
00:56Vous êtes journaliste indépendante, autrice entre autres de K-pop, culture, toutes les
01:00clés pour mieux comprendre la Corée chez Hors Collection, et puis Vincenzo Cicchielli
01:05en studio avec nous, bonjour.
01:07Bonjour.
01:08Vous êtes sociologue, maître de conférences à l'université Paris Cité, chargé de
01:11cours à Sciences Po, et vous venez notamment de publier avec Sylvie Octobre les K-dramas,
01:16ces séries qui font du bien aux presses universitaires de France.
01:20Ophélie Surcouf, la pop culture coréenne, cette vague culturelle dont nous parlons,
01:27est aujourd'hui la principale concurrente de la culture populaire américaine ?
01:30Je pense qu'on peut commencer à dire ça, même si les mettre au même niveau, ce n'est
01:35encore peut-être pas le cas, mais à l'international, oui, on peut même commencer à parler d'un
01:41rêve coréen.
01:42Vincenzo Cicchielli, c'est peut-être ce qui explique aussi son succès, justement,
01:46cette concurrence avec la pop culture made in USA, c'est que la culture coréenne offre
01:51une alternative.
01:52Absolument.
01:53Je pense qu'en effet, on peut parler aujourd'hui de concurrence forte, d'ailleurs les Américains
01:57l'ont bien compris, en investissant beaucoup d'argent par Netflix, dans les séries télé
02:02et autre chose.
02:03C'est une alternative parce que ça montre des choses que les productions américaines
02:08ne montrent plus, par exemple.
02:09Oui, mais c'est la question justement à un milliard de won, le won c'est la monnaie
02:13sud-coréenne.
02:14Pourquoi un tel succès ?
02:17C'est quoi la recette ?
02:18C'est difficile d'expliquer le succès, c'est toujours après coup qu'on l'explique, mais
02:22en fait, il y a des éléments qui font que c'est la Hallyu attire, c'est parce que peut-être
02:27dans un monde aujourd'hui de plus en plus compétitif, dans un monde qui a été longtemps
02:30dominé par la culture américaine et occidentale, les publics ont besoin de quelque chose de
02:36différent qui montre l'histoire d'un pays qui était il y a 30 ans encore, 40 ans, il
02:41faisait partie de ce qu'on appelait autrefois le tiers monde, et aujourd'hui est devenu
02:44un compétiteur global de haut niveau, un acteur important, et en plus un pays qui n'a jamais
02:50eu d'ambition impérialiste ou colonialiste, ils sont irréprochables de ce point de vue-là.
02:54Ophélie Surcouf dit « personne ne déteste la Corée ». C'est ce que vous dites, Ophélie.
03:01En fait, c'est vraiment l'idée qu'il y a tellement de points d'entrée dans la culture
03:05coréenne, donc la nourriture, même les webtoons qui sont des bandes dessinées qui défilent
03:11sur téléphone, qu'en France on confond parfois avec un peu les mangas, ou alors les séries
03:15coréennes, la beauté, il y a tellement de points d'entrée possibles que n'importe
03:20qui peut y trouver son bonheur.
03:21C'est vraiment très fort le fait qu'ils aient réussi à faire une marque nationale
03:27comme ça, avec le « quai » devant, on parle de quai drama, de quai pop, de quai film,
03:32quai jeu, quai tout, même des fois quand ce n'est pas logique, et ça c'est très
03:36fort.
03:37On va finir tout ça, mais d'abord simplement dire qu'on découvre depuis quelques années
03:42en France cette vague coréenne, mais elle n'est pas nouvelle.
03:45Une anecdote que j'aime beaucoup que vous citez, Vincenzo Ciccheli, sur Lee Jung-jae
03:51qui sera avec nous dans un instant, l'acteur principal de Squid Game.
03:54Il est à la télé aux Etats-Unis, la présentatrice lui dit « alors ça vous fait quoi d'être
03:58célèbre ? » et lui répond « vous savez, ça fait longtemps que je suis célèbre dans
04:02la partie la plus peuplée du monde ».
04:05Oui, je crois que ça résume bien le fait que nous sommes très occidentalo-centrés
04:12et que ce qui se passe aujourd'hui dans le monde, ça se passe en Asie de l'Est,
04:16qui devient un véritable acteur de la globalisation culturelle.
04:19Les Japonais l'ont bien commencé il y a 40 ans, ça fait partie de ma génération.
04:25À l'époque, on regardait Goldorak, on s'intéressait aux animés, aux mangas et
04:29on a construit grâce au Japon un pont avec l'Asie de l'Est qui se poursuit par l'intermédiaire
04:35de la Hallyu.
04:36Parlons justement de tous les domaines dans lesquels cette culture coréenne, cette pop-culture
04:41se décline, cinéma, séries bien sûr, et puis la K-pop qui est sans doute le fer de
04:48lance de cette Hallyu, donc cette vague coréenne, là c'est carrément un monde à part avec
04:54des groupes comme Blackpink, Stray Kids qui sont capables de remplir un stade de France
04:59en quelques minutes, et puis il y a le plus connu sans doute, BTS.
05:11Ah ça change de la playlist France Inter ! Vincenzo Cicchielli, vous n'avez pas peur
05:16des mots, vous dites carrément BTS aujourd'hui c'est l'équivalent des Beatles.
05:20Oui, et je le dis en tant que fan absolu des Beatles, et pas forcément des BTS, mais
05:25je le dis dans le sens non pas de la qualité, chacun ses goûts évidemment, quoique ils
05:30sont évidemment très forts, non, dans le fait qu'ils sont la caisse de résonance
05:34d'une génération globale, comme l'étaient les Beatles à l'époque, et peut-être plus
05:38vu que le nombre de consommateurs est beaucoup plus important.
05:41Et c'est d'ailleurs intéressant de constater, Ophélie Surcouf, que si cette pop-culture
05:46offre une alternative, comme on l'a dit, à la culture américaine et plus globalement
05:51occidentale, elle est très largement inspirée des codes américains anglo-saxons.
05:55Il y a vraiment une inspiration des codes américains anglo-saxons, ça c'est clair,
06:01mais en même temps, tout ça à la façon coréenne, ils ont une manière très particulière
06:08de raconter les histoires qui ne va pas du tout avoir les mêmes morales que les séries
06:14américaines, par exemple.
06:15Qu'est-ce qui diffère ? C'est quoi la pâte coréenne ?
06:19Alors, on a beaucoup de choses, mais notamment une narration beaucoup plus centrée autour
06:25de la famille, de vivre avec les autres, on va avoir une esthétique aussi visuelle qui
06:32est très très différente, et d'ailleurs, on parlait de Squid Game, dans Squid Game,
06:37c'est très très fort et la série s'inspire beaucoup des clips de K-pop, notamment dans
06:42l'aspect visuel.
06:43Donc, il va y avoir toutes ces choses-là qui vont créer un produit où en fait, dès
06:49qu'on le voit, on se dit « Ah, c'est coréen en fait ! » et on ne va pas penser à l'Amérique
06:53en les regardant.
06:54Parlez-nous, Ophélie Surcouf, des vidéos d'influenceurs, d'influenceuses, vous parlez
07:00de K-beauty, c'est-à-dire ce sont ces influenceurs, influenceuses qui font de la retape pour les
07:07produits de beauté coréens, ça aussi c'est un univers en soi ?
07:10Oui, après, ça va plus loin que ça parce que la beauté coréenne, ce n'est pas que
07:16des produits, c'est aussi beaucoup de techniques, notamment par exemple la manière dont on
07:20va prendre soin de sa peau, il y a des étapes qui vont aujourd'hui de 2 ou 3 étapes à
07:2512 avec plein de produits, mais aussi de logique et de manière de mettre les produits pour
07:31prendre soin de sa peau sur le long terme.
07:34Donc, c'est une industrie qui est énorme et qui d'ailleurs peut-être en Corée est
07:40la plus innovative finalement de tous ces produits culturels que la Corée sort, les
07:46spécialistes disent souvent qu'elle est au moins 10 ans en avance sur toutes les industries
07:51cosmétiques du reste du monde.
07:52Pour confirmer ce que vous disiez sur le caractère particulier des séries coréennes, témoignage
07:59d'une auditrice de France Inter sur l'application de Radio France, j'ai 49 ans et j'ai été
08:04biberonné au manga, donc japonais, du Club Dorothée, je trouve aujourd'hui mon bonheur
08:08dans les k-dramas, donc ces séries coréennes, pas de violence, pas de sexe inutile pour
08:14la narration.
08:15Donc, ça va totalement dans le sens de ce que vous disiez, Ophélie Surcouf.
08:18J'ai parlé de la gastronomie aussi, la langue aussi a du succès, Vincenzo Ecchikelli, des
08:25jeunes qui sans avoir jamais mis les pieds en Corée apprennent le coréen aujourd'hui.
08:29Tout à fait, en effet, on voit aussi bien à Paris qu'hier en France, nombre d'étudiants
08:34qui s'inscrivent pour suivre les cours de coréen dans des universités qui autrefois
08:38étaient réservées à vraiment peu de gens, happy few, les cours de coréen.
08:43Et maintenant, mes collègues sont submergés par la quantité d'étudiants qui veulent
08:47s'inscrire.
08:48On peut aussi apprendre avec les applications sur Internet.
08:50En parlant de l'application, mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'en fait, ils écoutent
08:54la K-pop qui autrefois était strictement en coréen et maintenant un peu en anglais,
08:58où les premiers fans qui ont commencé à regarder les K-dramas, c'est eux qui traduisaient,
09:03qui faisaient les sous-titres.
09:04Donc ça demande un investissement colossal, étant donné que le coréen est une langue
09:07difficile à apprendre.
09:08Après, ils font de la nôtre.
09:09Et puis, alors, on parlait des séries, il y a la plus vue tout simplement de l'histoire
09:15de la plateforme Netflix, Squid Game, 330 millions de spectateurs à travers le monde.
09:21Je vous résume l'intrigue en quelques mots si vous ne l'avez pas vue.
09:24Ce sont des parias, des gens en grande difficulté sociale, financière, qui se retrouvent recrutés
09:30au départ, malgré eux, dans un jeu pour enfants géant, où ils jouent aux billes
09:34à 1, 2, 3 soleils, mais où les perdants sont éliminés au sens propre du terme et
09:39où le gagnant, puisqu'il n'y a qu'un survivant, repart avec des millions.
09:44C'était une série, il faut le dire, ultra violente, mais un succès planétaire.
09:48Aujourd'hui, événement, la saison 2 arrive et les deux acteurs principaux ont accordé
09:53à France Inter une interview en avant-première.
09:56Yi Zhangjie et Wee Ha-Joon, bonjour, merci d'être avec nous.
10:06La saison 1, pour être tout à fait honnête, était assez éprouvante, tout de même, pour
10:11le spectateur.
10:12J'imagine encore plus pour vous, acteur, vous avez hésité à y retourner ?
10:16J'ai l'impression que cette deuxième saison a été créée par les téléspectateurs
10:34et par les fans, en fait, parce qu'ils nous ont tellement montré leur soutien, leur enthousiasme,
10:41leur amour, qu'il nous fallait bien y répondre, en produisant donc une deuxième saison pour
10:48les fans.
10:49En tant que comédien, c'est vraiment la première fois que je vis ça, tourner une
10:58deuxième saison juste pour répondre à l'enthousiasme du public.
11:01Vous parliez, Yi Zhangjie, de l'amour, du soutien des fans, après un succès aussi
11:08énorme, inattendu, est-ce que vous avez peur de ne pas faire aussi bien ?
11:12Naturellement, j'en perdais le sommeil, on avait un grand poids sur les épaules et je
11:24me posais beaucoup de questions, comment vais-je pouvoir faire mieux pour mon personnage,
11:30Gi-hun ? Pendant tout le tournage, ça me taraudait complètement.
11:34Oui, Ha-Joon, cette saison 2 promet, si l'on en croit en tout cas le premier épisode,
11:40d'être très violente elle aussi, en quoi la violence vous paraît-elle intéressante
11:45d'un point de vue cinématographique ?
11:47Moi, il me semble que la violence, c'est un moyen d'expression, c'est un véhicule pour
11:52faire passer des messages, pour critiquer la société, pour donner aux spectateurs
11:57et aux fans matière à réfléchir.
12:00Il s'agit de s'interroger sur la société dans laquelle nous vivons et le rôle que
12:04nous pouvons prendre pour l'améliorer.
12:06Justement, vous parlez des thèmes sociétaux que vous abordez dans cette série, ils sont
12:11très présents en Corée du Sud et ailleurs dans le monde évidemment, la violence d'une
12:16société marquée par la guerre, le surendettement, les inégalités dont sont victimes les femmes,
12:21les personnes âgées, les discriminations contre les immigrés, le culte de la performance.
12:25Vous continuez d'explorer ces thématiques dans la saison 2 ?
12:29La deuxième saison continue à travailler ces thèmes et ces sujets.
12:34Cette deuxième saison, elle parle beaucoup de polarisation, de division entre les gens,
12:40des conflits et de la violence, de la haine qui existe partout en ce moment.
12:46En regardant cette deuxième saison, vous êtes invité à réfléchir à ces problèmes.
12:50Il y a encore un message très fort.
12:52Lee Jung-jae, en tout cas, vos personnages reviennent dans un sale état, le vôtre,
12:58celui du policier aussi, même s'ils continuent de se battre au début de cette saison 2,
13:03ils sont plus seuls que jamais.
13:04En fait, nos deux personnages partageaient très peu de scènes dans la première saison.
13:12Chacun avait ses thèmes, son histoire.
13:17Je sais que beaucoup de spectateurs sont curieux de savoir si dans la deuxième saison,
13:25les personnages de Ki-hoon et Choon-ho vont se retrouver, si leurs histoires vont se
13:31croiser.
13:32Est-ce qu'ils vont coopérer et faire équipe dans cette deuxième saison ? Est-ce qu'ils
13:38vont évoluer chacun de leur côté, comme dans la première saison ?
13:42Je crois que les fans attendent de savoir, mais je ne veux rien dévoiler.
13:48Je préfère m'en tenir à ça.
13:53Quelles sont les raisons, d'après vous, de ce succès de la culture sud-coréenne à
13:57travers le monde ?
13:58La culture populaire coréenne, elle est très riche, elle est très percutante aussi.
14:10Que ce soit la K-pop, la cuisine coréenne, c'est très intense comme expérience.
14:21Les Coréens, ils apprécient la tradition, mais ils sont toujours à la recherche de
14:29la nouveauté.
14:30Les gens aiment le changement ici, les évolutions.
14:34Que ce soit dans la gastronomie, dans la musique, dans le cinéma ou à la télévision,
14:46les créateurs de la série ont toujours dans l'idée de proposer quelque chose de nouveau
14:52et qu'ils puissent trouver un écho auprès du public international.
14:56On a une culture assez singulière, mais on pense au public au-delà de nos frontières.
15:05Voilà pourquoi la culture coréenne plaît tant à travers le monde et qu'elle est bien
15:12acceptée.
15:13Cette vague culturelle coréenne, c'est une véritable volonté politique qui est née
15:20de la crise financière asiatique des années 90.
15:23Vous avez conscience de participer aussi à une entreprise de soft power, de diplomatie ?
15:29Tout à fait.
15:32Malgré les difficultés politiques, on constate une croissance économique en Corée du Sud,
15:39un développement de la culture et l'importance du soft power, tout à fait.
15:45Et moi, j'en suis vraiment fier.
15:46Et j'espère que la Corée va jouer un rôle international plus important à l'avenir.
15:52En tout cas, vous avez réussi à assimiler, à intégrer le succès de la première saison
15:57trois ans après ?
15:58Oui, je le crois, tout à fait.
16:02En plus du spectacle et du message réconfortant de la première saison, on retrouve ici nos
16:10personnages et aussi toute une nouvelle famille de personnages, avec leurs histoires, leurs
16:16dynamiques entre eux.
16:18Et c'est un vrai festin pour les yeux, cette nouvelle saison.
16:21Et il y a de quoi réfléchir aussi.
16:23Merci à tous les deux, Lee Jung-jae, Weeha Joon, on espère suivre vos personnages le
16:28plus longtemps possible dans cette saison 2.
16:30On sait malheureusement que l'espérance de vie est assez limitée dans l'univers de Squid Game.
16:34Merci.
16:35Bye.
16:36Kamsahamnida.
16:37Bye bye.
16:38Admirez mon aisance en coréen, s'il vous plaît.
16:42Kamsahamnida.
16:43Merci.
16:44Donc, merci à Harold Manning pour la traduction de cette interview enregistrée il y a quelques
16:48jours en avant-première avec les acteurs de Squid Game.
16:52On est de retour en direct avec Vincenzo Cicchelli et Ophélie Surcouf, nos deux spécialistes
16:57de cette pop culture coréenne qui déferle sur le monde.
17:02Ophélie Surcouf, quel regard vous portez sur le succès de cette série Squid Game qui
17:07colle à l'ère du temps, qui a, on l'a dit, une audience énorme partout dans le monde
17:13mais qui est aussi clivante parce qu'ultra-violente ?
17:16Vous savez, comme Jean-Jérôme Puteau l'a dit, il était déjà connu en Asie depuis
17:22longtemps.
17:23Pour moi, l'ingrédient numéro un du succès de Squid Game, c'est vraiment le réalisateur
17:26Wang Yong-yok qui est un génie pour susciter la révolte chez son spectateur et ce dans
17:30tous ses films.
17:31On a souvent l'impression qu'il n'a fait que Squid Game mais en Asie, il était déjà
17:35hyper connu.
17:36Et après, il y a d'autres éléments, notamment l'identité visuelle et puis, il faut quand
17:42même le dire, Netflix derrière, son algorithme, sa réactivité, le fait que la série ait
17:47été doublée quand elle est sortie, c'est des éléments qui ont énormément participé
17:52à son succès et qui, je pense, vont aussi aider la saison 2.
17:56Et parce que cette Hallyu, donc encore une fois, ça veut dire littéralement vague coréenne,
18:02est très marketée, si je puis utiliser cette expression Vincenzo Cicchielli, c'est-à-dire
18:09très codée.
18:10Oui, tout à fait.
18:11Les produits culturels et les biens produits, ce sont des marchandises de très haut niveau,
18:14de grande qualité, mais faites pour que ce soit consommé à très haut niveau.
18:18Justement, Thomas nous envoie un message en disant que le côté CD et goodies, c'est-à-dire
18:22les produits dérivés des artistes sud-coréens, tranchent avec le côté plus dématérialisé
18:27des artistes américains sur les plateformes YouTube ou Spotify et ça, c'est super intéressant.
18:32C'est ce qu'il nous dit.
18:33Oui, tout à fait.
18:34Il y a derrière, mais c'est aussi ce qui se passe au Japon.
18:37C'est un univers.
18:38C'est un univers qui est vendu et un univers de sens qui permet aux spectateurs, aux consommateurs
18:44de construire sa propre vision des choses.
18:47Alors pourquoi, justement, c'est aussi élaboré ? C'est parce que cette vague coréenne,
18:53c'est un projet politique, Ophélie Surcouf, qui a été pensé à la fin des années 90,
18:59planifié, décidé par le pouvoir sud-coréen pour redresser le pays après la crise asiatique.
19:04C'est à la fois un projet politique, mais aussi quand même un projet d'entreprise.
19:10C'est-à-dire que je compare souvent ça à… Les entreprises ont vraiment planté
19:14les graines, ça a commencé à prendre tout seul, à sortir et le gouvernement est vraiment
19:18arrivé en réaction pour arroser les bourgeons et depuis, continue main dans la main avec
19:25les entreprises en mettant énormément d'argent dans toute cette industrie, en aidant aussi,
19:32en enlevant les obstacles, en fait.
19:35Par exemple, pour tourner les séries pendant très longtemps, il n'y avait aucune autorisation
19:38à demander pour aller tourner dans la rue à Séoul, par exemple.
19:41L'acteur principal, l'acteur qui est derrière le masque dans Squid Game, je l'ai vu dans
19:47la rue une fois en train de tourner une série, c'est quelque chose qui était totalement
19:54normal, qui aujourd'hui est un petit peu moins courant, mais qui il y a encore cinq
19:57ans était arrivé en permanence.
20:00C'est à la fois les entreprises et à la fois le gouvernement qui participent à faire
20:04grandir cette rallye.
20:05En tout cas, cette industrie culturelle est pour beaucoup dans le dynamisme extraordinaire
20:08de la Corée aujourd'hui, pays de 50 millions d'habitants qui est passé en quelques décennies
20:14d'un pays détruit après la guerre de Corée à l'une des économies les plus puissantes
20:19de la planète.
20:20C'est quoi la globalisation de la culture ? C'est une compétition forte entre pays,
20:25de plus en plus forte et qui se fait au moyen des industries les plus performantes.
20:29Donc la très haute technologie et la production culturelle.
20:31Et comme par hasard, les Coréens sont très bons dans les deux domaines.
20:35Autre preuve que c'est un phénomène politique tout de même, à la frontière avec la Corée
20:38du Nord, je rappelle que les deux pays frères ennemis sont toujours officiellement en guerre,
20:44les autorités de Séoul diffusent dans des hauts parleurs de la K-pop, de la musique
20:47qu'on a entendu tout à l'heure pour prouver que la vie est plus sympa au sud.
20:51Oui, c'est un peu ce qu'on faisait autrefois à l'égard de l'Union Soviétique et vice
20:56versa.
20:57C'est la propagande et c'est efficace.
20:59Il y a d'ailleurs un K-drama qui parle de ça, Crash Landing on You, qui a eu un grand
21:02succès et qui montre bien que de l'autre côté, ils écoutent la K-pop, ils essaient
21:07de regarder les K-dramas pour se consoler de la situation qui n'est pas facile en Corée
21:11du Nord.
21:12Ophélie Surcouf, on ne peut pas ne pas parler de l'envers du décor, c'est aussi un système
21:17qui broie des jeunes gens dans une société qui est particulièrement marquée par le
21:20culte de l'excellence.
21:22Le système en général, ce n'est pas forcément le système de la Hallyu, mais c'est vrai
21:26qu'en Corée, il y a une demande de l'excellence, il y a une pression notamment chez les jeunes
21:30et d'ailleurs les personnes plus âgées d'ailleurs, qui est un sujet qui revient
21:34dans Squeegame.
21:35C'est quelque chose de social, ça fait partie de la culture coréenne et c'est quelque
21:42chose que les Coréens ne voient pas du tout comme nous on le voit.
21:45Pour eux, c'est normal, pour eux, c'est un effort qu'ils doivent accomplir pour aider
21:49le pays à se développer et qui s'étancit d'ailleurs et est en train de créer de plus
21:53en plus de dissensions avec les plus jeunes générations qui revendiquent un droit à
21:57l'identité propre, à se démarquer.
22:00Alors une identité propre, pas forcément, mais en tout cas qui font face, qui essaient
22:05de perdre un peu cette demande d'excellence qui des fois, leur donne l'impression de
22:10ne pas avoir d'objectif, de ne pas vraiment avoir de rêve, donc ça c'est quelque chose
22:14qui est en train de se produire.
22:15Et c'est vrai que concrètement, il y a des centres dans lesquels on forme des jeunes
22:20gens à la K-pop par exemple, qui sont recrutés à 10 ou 12 ans, ils n'ont pas le droit d'avoir
22:24de petite amie, pas le droit d'exprimer une opinion, c'est vrai que la vitrine est rose
22:28bonbon mais ça peut être très violent derrière.
22:30Et en même temps, les fans sont très au courant en fait, il n'y a pas du tout de côté
22:37caché à tout ça, c'est vraiment très public et les fans sont parfaitement au courant et
22:41en fait c'est quelque chose que la Corée revendique comme étant un sacrifice à faire
22:45pour le succès.
22:46Rien ne s'obtient sans sacrifice et sans effort, donc c'est vraiment une mentalité
22:51différente mais clairement en France, nous ça nous broierait, les Coréens ça ne nous
22:56brouerait pas forcément mais nous oui.
22:57Vincien Zo, Tchikili.
22:58Oui, oui bien sûr mais n'oublions pas que nous avons des classes préparatoires en France,
23:02nous avons aussi un système de recrutement des jeunes qui se destinent mettons à la
23:07danse, au ballet, dans les centres sportifs, on fait pareil sauf qu'on ne dit pas de la
23:12même façon.
23:13Vous parlez de la fameuse K-beauty tout à l'heure, cette beauté à la coréenne, message
23:19de Fabien, je regarde occasionnellement des séries coréennes et je subis via mes filles
23:23les assauts de leur musique, je n'ai rien contre, je tiens néanmoins à éveiller le
23:27regard de nos enfants sur les dictates de beauté à la coréenne et le quasi-esclavagisme
23:32dont on parlait des stars de K-pop, il est important de remettre un peu de contexte dit
23:36Fabien sur l'application de Radio France derrière cette apparence de perfection et
23:40de bonheur total.
23:41Oui, c'est une société que les Spandulas poussent à l'extrême, la perfection et
23:47le perfectionnement, y compris esthétique, d'ailleurs c'est l'une des choses qu'on
23:51voit dans les K-dramas, le fait qu'il faut s'améliorer constamment, alors Squid Game
23:56est la version poussée au paroxysme de cette compétition, dans les autres K-dramas c'est
24:01fait de façon plus douce mais le message est toujours le même, si vous voulez exister
24:05vous devez vous améliorer vous-même et aussi la personne que vous aimez et c'est ça mon
24:09avis l'une des clés du succès de ces K-dramas, ce n'est jamais un jeu à somme nulle entre
24:13la personne, l'acteur et l'antagoniste en face, l'un gagne l'autre perd comme
24:18c'est le cas de beaucoup de séries américaines, on gagne ensemble mais pour y arriver il faut
24:22beaucoup de travail.
24:23En tout cas on verra dans les années, les décennies à venir si cette pop-culture coréenne
24:27qui est en train doucement de rattraper la pop-culture américaine devient trop mainstream,
24:33trop globale et à son tour remplacée par une autre mais c'était passionnant d'en
24:37parler avec vous, en tout cas Ophélie Surcouf, vous étiez en direct de Séoul, je rappelle
24:42le titre de votre ouvrage K-pop culture chez Hors Collection et puis votre prochain livre
24:49K-pop pour les enfants, il sortira en janvier chez Milan Jeunesse, vous Vincenzo Cicchielli
24:54vous signez au presse universitaire de France avec Sylvie Octobre, les K-dramas, ces séries
24:59qui font du bien, merci à tous les deux, la revue de presse dans quelques instants.