Corinne Lhaïk, journaliste au service politique, revient sur l’année (très) compliquée du président de la République
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00:00L'année 2024 est une année catastrophique sur le plan politique pour Emmanuel Macron.
00:04On peut dire qu'il a pris une succession de décisions qui l'ont considérablement affaiblie,
00:08au point de perdre énormément de ses pouvoirs.
00:16La première décision, c'est de changer de Premier ministre à la fin de l'année 2023.
00:20En fait, l'arrivée de Gabriel Attal au pouvoir a lieu le 9 janvier.
00:24On ne comprend pas très bien pourquoi il change de Premier ministre à ce moment-là,
00:27sinon parce qu'il ne s'entend pas très bien avec Elisabeth Borne,
00:30qui ne peut plus la supporter.
00:32C'est vraiment une question de feeling, si je dois dire.
00:34Et donc, il la change pour Gabriel Attal.
00:36Et ce faisant, il se prive d'une cartouche précieuse,
00:39puisque les élections européennes arrivent, elles ont lieu le 9 juin.
00:42Et s'il voulait tenir compte du résultat des Européennes,
00:46qui s'annonce plutôt mauvaise pour son camp,
00:48il pourrait à ce moment-là changer de Premier ministre.
00:50Mais s'il l'a fait en janvier, il ne peut plus le faire en juin.
00:52Donc, il se prive de cette carte.
00:54Il pense alors que les élections européennes vont être gagnantes pour son camp.
00:58Il pense qu'il va dépasser le score des 20 %,
01:00alors que la candidate Valérie Ayé de Renaissance termine à 14 %.
01:06Il s'avance vers les élections européennes très confiant dans le résultat.
01:10Et quand l'échec apparaît patent, donc le 9 juin au soir,
01:14il prend une décision qu'il mijotait en grand secret depuis un certain temps,
01:18la dissolution.
01:19C'est-à-dire qu'il a sous-estimé la perspective d'une défaite
01:22et tout à coup, il surestime les conséquences de cette défaite
01:26en prenant un bulldozer pour frapper une mouche.
01:28Et donc, la dissolution va être lourde de conséquences
01:31que nous vivons encore aujourd'hui.
01:33D'abord, elle est lourde de conséquences, pas seulement pour lui, mais pour le pays,
01:36car énormément de décisions sont en suspens.
01:38À l'heure où nous parlons, la France n'a pas de budget, sinon une loi spéciale.
01:42La loi agricole n'a pas été votée, la loi sur la fin de vie non plus.
01:45Énormément de décisions sont en suspens.
01:47Et puis, pour lui, parce qu'il est amené à essayer de trouver un Premier ministre
01:52qui, de son point de vue, limite la casse et maintienne le plus possible
01:56la politique qu'il a menée jusqu'à présent,
01:58il a énormément de mal.
01:59Ce sont des gouvernements minoritaires.
02:01La preuve, c'est que celui de Michel Barnier est renversé
02:03par une motion de censure le 4 décembre.
02:05Et il est contraint et forcé de nommer François Bayrou au poste de Premier ministre.
02:10François Bayrou, qui appartient à son camp, l'oblige à accepter sa nomination
02:14de Premier ministre en menaçant de rompre politiquement avec Renaissance,
02:18auquel cas la majorité présidentielle deviendrait encore plus réduite.
02:22Et donc, il entre dans une véritable cohabitation avec un Premier ministre
02:26qui a envie d'exercer la plénitude de son pouvoir
02:28et qui lui laisse, moins que jamais, des marges de manœuvre.
02:31Il est difficile, dans le contexte totalement inédit,
02:34de parler de quoi que ce soit de définitif.
02:36On peut dire que, très probablement, il va lui être difficile de retrouver du pouvoir.
02:41Plusieurs options sont possibles pour lui.
02:44Il peut attendre, s'il en a le loisir, de procéder à une nouvelle dissolution,
02:48elle ne pourrait avoir lieu qu'au mois de juillet,
02:51mais il n'est pas sûr que la majorité qui sorte de nouvelles législatives
02:55lui soit favorable, auquel cas, on imagine mal qu'il puisse rester en poste
03:00et il serait amené à démissionner.
03:03En tout cas, la pression pour sa démission, qui existe déjà aujourd'hui,
03:05serait encore plus forte.
03:06Il peut décider, comme l'Élysée en caresse l'idée, de procéder à un référendum,
03:12peut-être un référendum sous forme de questions multiples,
03:15pour éviter que les électeurs répondent à la question pour ou contre Emmanuel Macron.
03:20C'est une idée qui est étudiée, réfléchie par l'Élysée.
03:23Je ne sais pas si elle va aboutir.
03:24Elle serait aussi extrêmement dangereuse pour Emmanuel Macron,
03:27car s'il y avait trop de noms, là encore, il serait amené à la démission.
03:31Il faut se rappeler, le précédent de 1969,
03:34le général de Gaulle avait procédé à un référendum,
03:36mais lui-même avait mis sa démission dans l'avalanche
03:39et comme il a perdu le référendum, il a démissionné.
03:41Est-ce qu'Emmanuel Macron réfléchit à d'autres possibilités
03:45pour rebondir en 2025 ?
03:47C'est possible.
03:48Ses partisans, qui restent encore attachés à sa personne et à sa personnalité,
03:53imaginent qu'il va sortir un ultime lapin de son chapeau
03:56et rebondir comme il a su le faire jusqu'à présent.
03:59Mais pour le moment, on a du mal à imaginer quel pourrait être ce lapin.