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00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Jacques Serret. Vous recevez ce matin Étienne Blanc, sénateur Les Républicains et rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic.
00:10Bonjour Étienne Blanc.
00:12Oui bonjour.
00:13Gérald Darmanin est donc attendu dans un peu moins d'une heure à Marseille, cette ville.
00:17Il s'y est rendu à de nombreuses reprises en tant que ministre de l'Intérieur ces dernières années,
00:20mais il s'agit là de son premier déplacement dans la cité fosséenne en tant que ministre de la Justice.
00:25Gérald Darmanin fait de la lutte contre le narcotrafic l'une de ses priorités.
00:29Il veut notamment placer à l'isolement les 100 plus grands narcotrafiquants pour qu'ils ne puissent plus gérer leur business en cellule.
00:37Étienne Blanc, quand on constate à quel point les prisons sont devenues des passoires où circulent des dizaines, des centaines de téléphones,
00:44est-ce que vous pensez sincèrement que le nouveau garde des Sceaux peut changer quelque chose ?
00:49Bien sûr, c'est une question de volonté politique. Dans le rapport sénatorial, nous avons pointé cette question.
00:56Comment peut-on accepter aujourd'hui que des personnes qui ont été jugées, condamnées parfois à des peines lourdes,
01:02puissent continuer depuis leur cellule à instrumentaliser les réseaux de narcotrafiquants ?
01:07Ça veut dire qu'ils ont des téléphones et pour avoir des téléphones ils ont des complicités.
01:11Ça veut dire qu'on ne parvient pas à brouiller les communications.
01:15Ça veut dire qu'il y a un défaut de surveillance. Il n'y a pas assez de fouilles. Il n'y a pas assez de surveillance, des visites.
01:21Les Français ne comprennent pas. On condamne. C'est un système qui marche sur la tête.
01:27On condamne et la condamnation n'a absolument aucun effet.
01:31Je trouve que Gérald Darmanin, tout comme Bruno Retailleau d'ailleurs, a parfaitement raison de prendre ce dossier en main
01:39et d'apporter des réponses qui, à mon avis, sont des réponses de bon sens.
01:43C'est l'isolement absolu des narcotrafiquants pour qu'ils cessent leur business.
01:48Mais comment on fait concrètement pour faire cesser l'afflux de téléphones portables dans les cellules ?
01:53D'abord, il faut des fouilles régulières. Une fouille par jour, ça ne suffit pas. Il en faut deux, il en faut peut-être trois.
02:00S'il y a une visite, à l'issue de la visite, il faut faire de nouvelles fouilles.
02:04Il faut aussi mettre en place des systèmes techniques qui permettent de brouiller les communications.
02:10Et puis, il faut un isolement absolu, c'est-à-dire un régime qui permet d'éviter les contacts, les détenus, les uns avec les autres
02:16pour que les téléphones passent d'une cellule à l'autre.
02:19Il faut surveiller ce qu'on appelle le système pendulaire, où depuis votre cellule, par la fenêtre, au bout d'une ficelle,
02:25vous faites voyager un téléphone pour aller à la cellule voisine ou à la cellule à l'étage en dessous.
02:29C'est tout un système de surveillance nouveau qu'il faut mettre en place.
02:32Mais pour ça, il faut avoir conscience de l'ampleur du risque que font courir les narcotrafiquants sur notre société.
02:41On est dans une situation, je ne vais pas reprendre les termes qui ont été utilisés, mais quand on parle de mexicanisation...
02:48Ce sont les termes de Bruno Rotailleau.
02:50Ce sont les termes de Bruno Rotailleau.
02:52Et il a bien raison d'utiliser ces termes-là, c'est un peu des électrochocs, mais il a raison.
02:56Si on ne prend pas les mesures nécessaires, on a un risque de bascule dans un système irréversible.
03:03Un certain nombre de pays du monde nous démontrent qu'ils n'arrivent pas aujourd'hui à revenir sur une sorte de tolérance ou de laxisme
03:11parce que les narcotrafiquants ont pris le pouvoir.
03:14Mais est-ce que cela passe aussi par un contrôle des visiteurs en prison ?
03:18Mais bien sûr, il faut mieux contrôler les visiteurs.
03:22Moi je suis de ceux qui pensent qu'il faut maintenant autoriser des fouilles pour les personnes qui viennent visiter les narcotrafiquants.
03:32Pour moi c'est une évidence.
03:34Et à l'issue de la visite, il faut qu'il y ait une fouille de l'intéressé, mais aussi une fouille de sa cellule.
03:40Et si ça ne suffit pas, dans la même journée, il faut fouiller à nouveau la cellule.
03:45Sinon, on n'y parviendra pas.
03:47Étienne Blanc, je rappelle que vous êtes sénateur des Républicains, rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafique.
03:53Gérald Darmanin veut donc mieux isoler les 100 plus grands narcotrafiquants en France,
04:00en tout cas ceux qui sont en prison.
04:02Est-ce qu'ils sont identifiés, ces 100 plus grands narcotrafiquants ?
04:07Oui, bien sûr. Par les procédures pénales, on connaît l'ampleur du trafic auquel ils se sont livrés.
04:15On connaît les réseaux qu'ils ont constitués.
04:19Alors bien sûr, et c'est tout le sens de la proposition de loi que le Sénat examinera fin janvier, si cette date est bien confirmée.
04:28Il faut aller un peu plus loin dans les possibilités données à la police et à la justice de rentrer dans les entreprises de narcotrafique.
04:38C'est la raison pour laquelle on propose une amélioration du système des repentis, du système des infiltrés civils.
04:43Bien sûr, il faut mieux suivre les flux financiers.
04:47Oui, parce que là, on parle d'individus qui sont malheureusement très puissants face aux moyens de l'État.
04:53Bien sûr, et c'est tout le risque que je vous décrivais tout à l'heure.
04:57C'est quoi un narco-État ?
05:00C'est un État dans lequel les narcotrafiquants ont une influence sur la puissance publique.
05:05Ils la terrorisent, ils l'infiltrent, ils la corrompent.
05:09C'est ça un narco-État.
05:11Et si le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires,
05:16il suffit d'aller dans le rapport que nous avons établi avec mon collègue Jérôme Durand et avec les collègues sénateurs,
05:24pour comprendre l'ampleur du risque.
05:26Si la France ne prend pas sans délai les mesures nécessaires,
05:31le risque, c'est que la situation devienne irréversible.
05:35Vous avez des pays qui sont des pays voisins, comme la Belgique, comme la Hollande,
05:41où les narcotrafiquants se sont attaqués au plus haut de l'État,
05:44à des ministres en Hollande, à la famille royale.
05:48Voilà ce que ça veut dire. Le risque est là.
05:51Et si le gouvernement ne prend pas la mesure de ce risque,
05:54si le gouvernement ne reprend pas ce nombre de mesures, en ajoute même certaines,
05:58eh bien oui, il y a un risque de bascule dans ce que l'on appelle un narco-État.
06:03Face à ce risque, Gérald Darmanin a prévu, après Marseille,
06:07de se rendre dans le courant du mois de janvier à Dubaï.
06:11La lutte contre les narcotrafiquants, ça passe aussi par aller chercher des individus très loin de la France ?
06:19Et ça aussi, c'est quelque chose qui est absolument invraisemblable.
06:23Nous avons un certain nombre de personnes qui sont condamnées ou qui sont recherchées,
06:27où il y a des procédures qui contiennent des éléments probants extrêmement importants.
06:33Ces personnes fuient la France. Un certain nombre d'entre elles se retrouvent à Dubaï.
06:37On demande une extradition, et comme par hasard, pour des raisons qui sont souvent des raisons de forme,
06:43des raisons procédurales, parfois un peu futiles,
06:46nous avons des personnes qui ont été à l'origine de crimes graves,
06:50qui ne peuvent pas être extradées de Dubaï.
06:54C'est là où on peut aussi mesurer la puissance d'un pays et son autorité.
07:00Si la France n'arrive pas à récupérer un certain nombre de ses ressortissants
07:04qui sont installés là-bas, qui ont des entreprises,
07:08qui ont acheté des mètres carrés et des mètres carrés d'immobilier,
07:11qui ont des yachts, qui vivent dans des conditions d'aisance absolument invraisemblables,
07:17si nous n'y parvenons pas, oui, là aussi, c'est un des signes de l'affaiblissement de l'État.
07:24Donc je pense que Gérald Darmanin a raison de se rendre à Dubaï.
07:28J'ai eu l'occasion d'y aller il y a quelques mois.
07:32Nous y avons installé un magistrat de liaison,
07:34un magistrat qui peut discuter avec les instances judiciaires,
07:38justement, pour comprendre pourquoi ces extraditions ne sont pas plus rapides et ne fonctionnent pas.
07:42Pour conclure, Étienne Blanc, j'aimerais avoir votre réaction sur des propos qui suscitent la polémique,
07:47tout de même aujourd'hui, sur ce sujet des narcotrafics.
07:50Le député des Bouches-du-Rhône, Sébastien Delogu, propose de légaliser le cannabis
07:56et d'autoriser les dealers condamnés par la justice à en vendre dans des commerces régulés par l'État.
08:02Proposition donc de ce député insoumis.
08:05Dans le paysage politique français, tout le monde n'est pas sur la même ligne.
08:08Quand vous entendez cela, comment est-ce que vous réagissez ?
08:11Vous savez, la légalisation du cannabis a d'abord une belle conséquence, c'est sur la santé.
08:16On sait aujourd'hui que le cannabis porte des atteintes graves au système nerveux,
08:23et surtout sur des jeunes et des adolescents.
08:26Mais permettre à des dealers condamnés par la justice de vendre du cannabis, c'est complètement lunaire, non ?
08:33C'est lunaire, mais vous savez, si on autorise le cannabis,
08:37ce sont les narcotrafiquants qui, eux, ont l'habitude de commercialiser,
08:40qui prennent en main le système légal.
08:42Ils vont devenir prestataires de services pour l'État, ce qui est quand même un comble.
08:46Et pire encore, ils vont garder leur système parallèle,
08:49parce qu'ils vont vendre des produits plus toxiques,
08:52ils ne payeront pas les taxes, donc ils seront moins chers,
08:55donc ils gagneront encore plus d'argent.
08:57La légalisation du cannabis, c'est la pire des réponses que l'on puisse apporter.
09:01Surtout quand on a la honte de dire ouvertement
09:05qu'on va confier ce système aux narcotrafiquants eux-mêmes.
09:08Ça veut dire qu'on baisse les bras, et ça c'est absolument inadmissible.
09:11Merci beaucoup Étienne Blanc, sénateur Les Républicains,
09:14rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic.
09:16Merci beaucoup M. Blanc d'avoir accepté notre invitation sur Europe 1.

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