Est-il plausible qu’un homme politique de premier plan ait accepté l’argent d’un riche dictateur pour financer la campagne qui l’a porté au sommet de l’Etat ?
L'édito Politique dans le 7/9 par Patrick Cohen (7h43 - 6 Janvier 2025)
Retrouvez toutes les chroniques de Patrick Cohen sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00« Le 7-10 sur France Inter »
00:03L'éditopolitique Patrick Cohen, Nicolas Sarkozy de retour au tribunal, est-il plausible
00:09qu'un homme politique de premier plan ait accepté l'argent d'un riche dictateur
00:14pour financer la campagne qu'il a portée au sommet de l'État ?
00:17C'est pour Nicolas Sarkozy l'accusation la plus infamante et la plus controversée.
00:21Plausible, ce n'est pas la question posée aux juges qui diront leur intime conviction
00:25à partir du faisceau d'indices rassemblés par les enquêteurs.
00:28Mais plausible, c'est l'objection courante de ceux qui trouvent invraisemblable qu'un
00:33futur président ait pris le risque de se compromettre par de l'argent sale avant de
00:36faire la guerre à son donateur.
00:38Si ce pacte de corruption est vrai, le scandale est immense, ravageur, inédit sous cette
00:43République.
00:44Mais disons-le simplement, ils sont nombreux, les journalistes, observateurs, même opposants
00:48de l'ex-président, à ne pas y croire.
00:50Mais comme la justice Patrick n'est pas affaire de croyances…
00:52Je vais rappeler quelques éléments de contexte et de dossier.
00:552011, c'est l'année des printemps arabes.
00:57En janvier, le président Ben Ali s'enfuit de Tunisie.
01:00En février, l'égyptien Moubarak démissionne.
01:03Juste après, c'est le tour de la Libye où la contestation part de Benghazi.
01:06Le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, affirme que vont couler des rivières de sang.
01:10Le 27 février, Nicolas Sarkozy, le premier dirigeant occidental, a réclamé le départ
01:15du guide libyen, trois ans après l'avoir accueilli à Paris avec éclat, en le laissant
01:19planter sa tente dans les jardins de l'hôtel Marigny.
01:22Le 10 mars, alors que la France et la Grande-Bretagne préparent une résolution à l'ONU et les
01:26frappes aériennes, Mouammar Kadhafi menace de révéler, je cite, « un grave secret
01:31qui va entraîner la chute de Sarkozy ». Il dit ensuite « c'est moi qui ai donné
01:35Sarkozy, qui ai aidé Sarkozy à prendre le pouvoir, je lui ai donné de l'argent avant
01:39qu'il ne devienne président ». Manipulation, chantage ou pure vengeance, voilà en tout
01:44cas l'accusation originelle corroborée par sept anciens dignitaires libyens avant
01:50le document Mediapart divulgué entre les deux tours de la présidentielle de 2012,
01:54la révélation des rendez-vous secrets en Libye de Brice Hortefeux et Claude Guéant
01:58et les déclarations en zigzag de l'intermédiaire Jacques Tachédine.
02:01Mais Patrick, les enquêteurs ont-ils pu retrouver l'argent ?
02:04Ils ont établi que 6 millions d'euros ont été versés par la Libye sur le compte d'une
02:09société de Tachédine, qu'une partie, 1,5 million, a atterri chez un proche de l'ex-président
02:15et que beaucoup d'espèces ont circulé dans la campagne Sarkozy.
02:20Dans leur ordonnance de renvoi, les juges d'instruction expliquent que l'utilisation
02:23d'argent liquide, par nature difficilement traçable, a justement pour objectif d'empêcher
02:28la détection des fraudes.
02:29Ils supposent que le dépassement des frais de campagne de 2012, déjà condamné par
02:34la justice, a aussi eu lieu en 2007 avec l'argent libyen, mais sans qu'un seul document puisse
02:41à lui seul en attester, puisque la dissimulation est la règle, puisque les paiements en emprunt
02:45de jamais de circuit direct en matière de corruption, écrivent-ils, il n'existe pas
02:50de preuves absolues.
02:52Dès lors, soutenir qu'il n'y a pas de preuves irréfutables du pacte de corruption,
02:57comme le fait Nicolas Sarkozy, est peut-être factuellement exact, mais cela n'apparaît
03:01pas être un argument à décharge, susceptible d'invalider toute la procédure.
03:06Voilà quelques données, partielles d'un procès politico-financier aussi lourd en
03:10enjeux, où Nicolas Sarkozy engage son honneur et sa liberté, et les juges du pôle financier,
03:16leur réputation.