Dans son édito du 08/01/2025, Paul Sugy revient sur les manifestations lors du décès de Jean-Marie Le Pen.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Paul Sujit avec nous, bonjour Paul. Bonjour Romain. La mort de Jean-Marie
00:03Le Pen suscite des passions contrastées comme c'était déjà le cas bien sûr de
00:09son vivant. Certains le pleurent, d'autres ont célébré sa mort au champagne hier
00:13soir, on a vu les images. Quel héritage politique peut rester après la
00:17disparition du fondateur du Front National, Paul Sujit ? Mais l'héritage
00:21politique, sans doute pas grand chose. Après tout, même sa fille Marine Le Pen
00:25n'en veut pas vraiment. En revanche, un souvenir bien sûr qui va en rester, Jean-
00:28Marie Le Pen est mort, sa famille est en deuil, ses militants vont enterrer avec
00:31lui un visionnaire, peut-être même un exceptionnel capitaine politique.
00:34Ceux plus nombreux qui le haïssaient penseront sans doute naïvement que le
00:38diable est mort, comme si on pouvait enterrer le diable. Et ceux plus malins
00:42qui ont compris que cette diabolisation était d'un autre temps vont se
00:45contenter poliment de dire qu'il fait désormais partie de l'histoire politique
00:48de France, ce qui est juste. Alors contrairement sans doute à ce que
00:52laisse entendre le communiqué de l'Elysée, qui appelait hier au jugement de
00:55l'histoire, il n'est pas certain que l'histoire, parce qu'elle est souvent plus
00:58prudente que nous, jugera vraiment Jean-Marie Le Pen. Elle retiendra tout
01:02cela à la fois, sa verve comme ses provocations antisémites, l'adulation et
01:06la haine qui l'a suscité, l'épopée politique hors normes qui a été la sienne
01:10mais aussi les dissensions internes permanentes au Front National.
01:12Enfin, l'unanimité médiatique contre lui, doublée aussi, il faut bien le dire,
01:16une forme de fascination, fascination hors normes, que rappelle par exemple Camille
01:21Vigogne dans un article de L'Express. C'était une journée, ce qui n'aimait pas
01:24beaucoup Jean-Marie Le Pen, mais qui raconte l'excitation que ressentait tout
01:28journaliste convié à le rencontrer à Montretout.
01:30Alors vous le dites, il a suscité jusqu'au bout et même après sa mort, une
01:34haine sans pareil chez ses adversaires politiques.
01:37Oui et même une fois que Jean-Marie Le Pen est mort, la foule haineuse de la
01:40gauche est allée danser sur sa tombe, en appelant au passage à la mort de sa
01:43fille, Marine Le Pen, sans respecter ni la décence des circonstances, ni même le
01:47deuil de l'intéressée. Au fond, cette gauche-là est sans doute la première en
01:50deuil ce matin, car avec Jean-Marie Le Pen, elle perd sa dernière raison d'être,
01:54l'ultime grande chevauchée morale qui pouvait encore lui donner le frisson du
01:57courage. Il y avait bien longtemps que les passions entraînantes de la gauche ne
02:01font plus recette, que les idées révolutionnaires n'ont plus vraiment
02:03cours. Alors cette ingénieuse diabolisation a fait autrefois les affaires de
02:07François Mitterrand, même si ça reste évidemment Jean-Marie Le Pen, le premier
02:11grand responsable par cette dérapage antisémite, lui qui riait de voir son nom
02:15si mal mené, pourvu qu'on le voit sur toutes les lèvres des journalistes.
02:19Au fond, l'antilopénisme, qui a commencé en 2002 dans une grande fête populaire,
02:22on se rappelle de l'entre-deux-tours, est devenu peu à peu un masque de théâtre,
02:26sans doute pour camoufler l'absence de grande conviction à gauche ou même au
02:29sein du macronisme. C'est peut-être même une escroquerie politique. Il finissait
02:34par tourner à vide, mais il permettant encore de sauver des élections.
02:37Cet antifascisme de carnaval, pour le coup, on ne le pleurera pas beaucoup.
02:40Vous pensez que la diabolisation de Jean-Marie Le Pen a fait du tort à la vie
02:44politique ? Oui, je crois, parce qu'elle a empêché
02:46en fait tout débat rationnel sur les sujets que Jean-Marie Le Pen a installés
02:50dans la conversation citoyenne, à commencer évidemment par la question de
02:53l'immigration. Vu qu'il était le diable, il fallait coûte que coûte tenir les
02:56convictions opposées aux siennes. Et cette hostilité de principe a fait perdre,
03:00je crois, un temps précieux au pays. Il y a un seul exemple que je vous propose,
03:03mais il est tellement éloquent. En 2018, Jean-Marie Le Pen est confronté à
03:07Gérald Darmanin, qui n'est pas encore ministre de l'Intérieur, mais qui est déjà
03:09au gouvernement, sur le plateau du service public. Et ils débattent tous deux
03:14de l'immigration, notamment à Mayotte. La situation à Mayotte était déjà
03:17explosive. Et dans une saillie verbale, comme Jean-Marie Le Pen en a le secret,
03:20il pourfend le droit du sol et il expose méthodiquement le problème que pose
03:24cette immigration comorienne à Mayotte. Gérald Darmanin le regarde d'un air
03:28goguenard et se sent obligé de tout rejeter en bloc, y compris donc l'idée de
03:32la suppression du droit du sol à Mayotte. Vous voyez comment est le débat
03:35aujourd'hui. Gérald Darmanin, en début d'année dernière, parlait explicitement
03:38de supprimer le droit du sol. Et aujourd'hui, tout le gouvernement, à
03:41l'exception notable d'Elisabeth Borne, pense que la question est appropriée et
03:44que des restrictions à ce droit du sol à Mayotte sont au moins nécessaires.
03:47Alors Jean-Marie Le Pen est mort. Son approche provocatrice du débat politique
03:51avait été enterrée depuis longtemps déjà par sa fille et par son parti.
03:54Il faut espérer à présent que la politique puisse se dégager des
03:58pétitions de principe paralysantes pour aborder la question de l'immigration
04:00avec courage.