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Jade Grandin de l’Eprevier, correspondante de l’Opinion à Bruxelles, revient sur les menaces qui planent dans le ciel industriel européen en ce début d’année 2025

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Transcription
00:00C'est une tempête parfaite pour les entreprises européennes
00:02parce que d'abord, leur plus grande crainte,
00:04c'est d'avoir des nouveaux tarifs douaniers imposés par Donald Trump.
00:13Lors de la campagne, le prochain président américain a été très clair
00:16sur le fait qu'il voulait augmenter les taxes à l'importation.
00:24Sur les produits, non seulement européens,
00:26en parlant de 10 à 20 % par exemple de surtaxes,
00:29mais aussi les produits chinois.
00:31Et cette surtaxe des produits chinois qui pourrait monter à 100 %
00:35est aussi très importante parce que ça veut dire que,
00:37non seulement les entreprises européennes seraient plus taxées
00:40sur leurs exportations, mais en plus,
00:41vous auriez tout un déferlement de produits chinois
00:45qui se redirigerait des États-Unis vers l'Europe.
00:47Donc pour les entreprises européennes,
00:49l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche,
00:51c'est potentiellement une double peine
00:53avec des difficultés à exporter vers les États-Unis
00:56et plus de concurrence à bas coût de la Chine en Europe.
00:59Donc leur première crainte, c'est cette guerre commerciale
01:01et plus largement l'instabilité internationale
01:05qui fait que c'est beaucoup plus difficile pour elles
01:06de prévoir vers quels pays elles pourront exporter.
01:09Et puis s'y ajoute une instabilité politique interne à l'Union européenne
01:13avec les deux pays traditionnels du moteur de l'Europe,
01:17la France et l'Allemagne,
01:18qui sont tous les deux paralysés par des crises internes
01:21avec des élections prochaines en Allemagne.
01:24Et en France, les difficultés que l'on connaît,
01:26l'absence de budget et donc l'absence de visibilité
01:29À cela s'ajoute un troisième problème
01:32qui est le ralentissement de la croissance en 2025
01:35et potentiellement une hausse du chômage
01:38et donc moins de perspectives pour les entreprises.
01:44La Commission européenne a bien identifié ce problème
01:47du déclin économique de l'Europe
01:49qui a été résumé dans un rapport dont on parle beaucoup,
01:52le rapport Draghi,
01:53du nom de l'ancien président du Conseil italien Mario Draghi.
01:57Et pour lutter contre ce déclin économique,
01:59Bruxelles prévoit des solutions à court terme et à long terme.
02:02À court terme, elle a trois priorités,
02:04la simplification, l'automobile et l'industrie propre.
02:07Et dans ces trois cas, elle va présenter des mesures
02:10dans les prochaines semaines,
02:11des mesures qui pourraient être appliquées assez rapidement.
02:14Par exemple, sur la simplification,
02:16elle prévoit de diminuer la charge administrative
02:19pour les entreprises d'au moins 25%,
02:21voire 35% pour les PME,
02:23en revenant sur toute une série de textes
02:25qui sont vus comme les plus lourds
02:27en normes et en bureaucratie pour les entreprises.
02:30Sur notamment le reporting ESG,
02:32donc le reporting extra-financier,
02:34sur le devoir de vigilance et sur la taxonomie,
02:36Bruxelles va rouvrir ces dossiers très compliqués
02:39pour essayer de simplifier les règles.
02:41Sur l'automobile,
02:42qui est un des secteurs les plus importants pour l'Europe
02:44et qui est le plus en difficulté,
02:46elle a aussi lancé un dialogue stratégique
02:48qui devrait commencer en janvier.
02:49Et elle prévoit là aussi des mesures
02:51avec une forte pression de l'Allemagne,
02:53qui veut que dès le mois de mars prochain,
02:55on puisse faire des choses pour aider l'automobile,
02:57par exemple en soutenant les primes à l'achat de véhicules électriques,
03:01en soutenant la demande qui n'est pas au rendez-vous.
03:04Et plus largement pour l'industrie propre,
03:05Bruxelles va là aussi lancer une nouvelle série de mesures
03:09pour encourager par exemple la décarbonation des sites polluants.
03:12Elle va essayer de mettre de l'argent,
03:14de simplifier les choses pour qu'assez rapidement,
03:16on puisse soutenir les secteurs en difficulté.
03:19Mais tout cela ne suffira pas à redresser la compétitivité européenne.
03:23À long terme, il faudra lancer de nouveaux outils.
03:26Donc là, ça prendra plus de temps.
03:27Sera notamment discuté à l'été le fameux fonds de souveraineté européen
03:31qui est réclamé par la France depuis plusieurs années,
03:33mais qui a besoin d'argent frais.
03:35Donc c'est pour ça que ça prend du temps.
03:36Et puis, il faut lancer le chantier de l'union des marchés de capitaux
03:39que tous les dirigeants réclament,
03:41mais qui aujourd'hui est encore difficile à mettre en place
03:43parce qu'il faudrait fusionner énormément de réglementations.
03:46Et là, certains États freinent un peu au démarrage.
03:53Il y a trois difficultés majeures à surmonter.
03:55La première, c'est qu'en cherchant à simplifier,
03:58il ne faut pas rendre les choses plus compliquées pour les entreprises.
04:01La plupart des textes que Bruxelles veut rouvrir
04:04ont déjà commencé à s'appliquer.
04:05Ça veut dire que les entreprises ont déjà embauché des comptables,
04:10elles ont déjà investi.
04:11Pour se plier aux normes, par exemple sur le reporting ESG,
04:15il y a des nouvelles obligations qui entrent en application tous les six mois.
04:19Donc aujourd'hui, les entreprises sont déjà en train de préparer
04:22des plans, des données à récolter,
04:25en disant, dans six mois, je dois faire tel rapport et dans six mois, tel rapport.
04:28Donc si du jour au lendemain, Bruxelles leur dit,
04:31attendez parce que tout ce que vous êtes en train de préparer, ça peut changer,
04:34c'est encore plus compliqué pour elle d'avoir cette instabilité juridique.
04:38Ce premier problème, Bruxelles pourrait le régler
04:40en suspendant l'application des textes qui sont déjà entrés en vigueur,
04:45en disant, on met tout en pause, on essaye de simplifier les choses
04:48et ensuite, ça recommencera à s'appliquer.
04:50La deuxième difficulté, quand vous voulez simplifier,
04:53c'est la résistance de ceux qui ont conçu les lois au départ
04:56et qui sont attachés à ces lois comme à leur bébé.
04:59Les services internes de la commission,
05:01ce sont eux qui ont écrit depuis des années, depuis cinq à dix ans,
05:04toutes les lois, les réglementations sur les entreprises qui sont entrées en vigueur.
05:07Et aujourd'hui, les commissaires leur demandent de simplifier ces lois.
05:10Donc eux, ils ont plein d'arguments pour dire,
05:12ben non, regardez, tel critère est nécessaire, tel aligné est nécessaire.
05:16Pourtant, c'est eux qui doivent dire comment simplifier.
05:19Donc, il y a tout ce problème de, on a une volonté politique de simplification,
05:22mais derrière, les équipes techniques qui écrivent les réglementations,
05:26elles estiment qu'il y a des bonnes raisons à ces réglementations
05:28et donc, parfois, c'est compliqué pour elles de simplifier
05:31ce qu'elles ont elles-mêmes mis sur la table.
05:33Et le troisième danger, c'est d'ouvrir une boîte de Pandore
05:35qui serait de détricoter toutes les lois environnementales
05:39qu'on a eu tant de mal à créer ces dernières années.
05:41Parce qu'aujourd'hui, les lois ont été adoptées et votées,
05:44donc ce sont des dossiers qui sont refermés.
05:45Si on les rouvre pour simplifier,
05:47beaucoup de gens vont essayer de s'engouffrer dans la brèche
05:49pour détricoter les textes.
05:51Au Parlement européen, beaucoup de parties de droite
05:54cherchent à vider les textes de leur substance.
05:57Donc, on va ouvrir cette possibilité
05:59et peut-être qu'au Parlement européen,
06:01on va trop détricoter au risque de mettre en péril
06:04les objectifs environnementaux et climatiques
06:06que l'Union européenne veut garder.
06:08Donc, il y aura un équilibre très difficile à trouver,
06:11surtout au Parlement européen,
06:12entre simplifier les règles pour les entreprises, oui,
06:14mais pas en sacrifiant nos objectifs climatiques.

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