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Hôpitaux sous pression, campagne vaccinale insuffisante, le cri d'alarme des professionnels de santé : le docteur Emmanuel Piednoir, infectiologue, praticien hospitalier au centre hospitalier Avranches-Granville et professeur à la faculté de médecine de Caen est l'invité de Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 13 janvier 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud. L'épidémie de grippe est au cœur de l'actualité, nos hôpitaux sont sous très grande tension.
00:11Alors ce matin, Amandine, vous avez choisi d'interroger le docteur Emmanuel Piednoir, infectiologue à l'hôpital d'Avranches-Granville,
00:17et il est d'ailleurs en direct de là-bas car il ne peut pas se permettre en ce moment de quitter son poste.
00:21Bonjour docteur, et merci de nous accorder quelques minutes, l'hôpital d'Avranches-Granville,
00:27qui, comme près d'une centaine d'autres en France, a activé la semaine dernière son plan blanc.
00:32Très concrètement, qu'est-ce que ça signifie pour votre hôpital ?
00:38Très concrètement, pour un hôpital périphérique comme il y en a des dizaines en France,
00:42ça signifie de recentrer effectivement les organisations hospitalières pour pouvoir accueillir les patients qui sont atteints de grippe,
00:53en essayant au maximum d'optimiser les ressources médicales, logistiques et paramédicales pour pouvoir prendre en sache tous ces patients qui arrivent via les urgences.
01:03Mais ça veut dire quoi ? Des opérations, des consultations qui sont reportées par exemple ?
01:08Alors ça, depuis l'expérience un peu négative du Covid, on essaie au maximum de ne pas le faire,
01:13de continuer à prendre en charge chirurgicalement les patients qui sont admis à l'hôpital pour ces motifs-là,
01:19mais ça devient très compliqué effectivement, et ça va par l'ouverture de lits supplémentaires dans notre établissement
01:27pour pouvoir accueillir ces patients qui ont la grippe et pour justement éviter de déprogrammer des patients qui relèvent d'une chirurgie qui était prévue depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
01:36Mais ouverture de lits supplémentaires, pardonnez-même, question qui va peut-être vous sembler bête,
01:41mais vous les trouvez où ces lits ? Ils sont mis où ? Dans des couloirs ?
01:47Non, on se débrouille un petit peu. Par exemple, ce week-end, on a pris les lits de l'hôpital de jour pour les transformer en lits d'hospitalisation conventionnels.
01:56C'est des dispositifs comme ça qui sont très très rarement déclenchés,
02:00mais qui permettent quand même de pouvoir accueillir quelques patients de façon supplémentaire pour que les unités,
02:06pour que les urgences puissent faire remonter leurs malades dans les services de soins et qu'ils n'attendent pendant des heures sur un brancard.
02:13Alors, on imagine, si on arrive aujourd'hui dans l'hôpital d'Avranches-Granville, qu'est-ce qu'on voit ?
02:22Ce qu'on voit, c'est des urgences qui effectivement sont saturées. On voit des soignants à une direction...
02:29Des urgences saturées, pardon docteur, ça veut dire des patients qui attendent des heures, assis dans une salle d'attente ?
02:38Oui, c'est effectivement, je pense que partout en France, je pense que c'est pas spécifique à notre hôpital,
02:45il y a effectivement des patentes qui peuvent se rallonger en raison de l'afflux important de malades.
02:50Et c'est vrai que c'est pour ça que quand on évoque la vaccination qui est très peu faite en France,
02:55quand on évoque un peu l'abandon des gestes barrières, c'est effectivement très important
03:00parce qu'en fait, la prévention n'a pas été bien appropriée par l'usager et aussi par certains professionnels de santé
03:08puisque les taux de couverture vaccinales sont quand même assez bas en France par rapport aux autres pays, notamment les pays nordiques.
03:13Vous parlez de vaccination, docteur, parmi les patients qui sont admis aux urgences, combien sont vaccinés ?
03:22Vous donner un chiffre exact à la virgule, c'est bien sûr très compliqué.
03:26Ce qu'on sait, c'est que plus de 80% des patients admis en réanimation ne sont pas vaccinés.
03:30Et ce qu'on sait, c'est que même si la vaccination ne permet pas à 100% d'éviter la maladie,
03:36ce qui est certain, c'est qu'elle transforme une maladie grave en une maladie beaucoup moins grave.
03:40Et donc les gens qui simplement passent aux urgences non vaccinées,
03:46probablement que s'ils avaient été vaccinés, ils n'auraient pas eu besoin de passer par des services d'urgence en France.
03:52Il faut encore se faire vacciner, est-ce qu'il est encore temps pour tous ceux qui nous écoutent qui n'ont pas eu la grippe de se faire vacciner ?
03:59Oui, bien sûr, il est vraiment encore temps et c'est un message fort.
04:02Vaccinez-vous, soit pour vous protéger vous-même parce que vous faites partie des gens qui sont à risque de faire des formes graves,
04:09soit pour protéger, la vaccination c'est aussi un geste altruiste, soit pour protéger les gens de votre entourage,
04:14ou alors pour éviter que l'institution dans laquelle vous travaillez, je pense aux hôpitaux notamment, ne souffre trop d'absentéisme.
04:21Et donc cela met encore un peu plus à mal le système de santé.
04:24Donc l'épidémie n'a pas encore atteint son pic, donc il est encore temps de se faire vacciner.
04:29Vous pouvez y aller maintenant chez votre médecin, chez votre pharmacien, chez votre infirmier.
04:33Donc l'offre vaccinale c'est très étendu en France, donc profitez-en que vous habitiez à Pont-en-Mer dans l'Eure,
04:39à Saint-Maximin, à la Sainte-Baume ou en Bretagne, allez vacciner, vous avez une offre vaccinale tout près de chez vous.
04:45Cet appel, docteur, vous le lancez aussi au personnel soignant, il y a un chiffre qui est toujours extrêmement frappant
04:51quand on parle de vaccination contre la grippe, c'est le peu de personnel soignant vacciné dans les hôpitaux.
04:56On a plein de chefs de service qui nous disent, moi dans mon service, j'ai à peine 10% des infirmières qui sont vaccinées.
05:02Cela paraît quand même surréaliste, d'un côté d'appeler les Français à se faire vacciner et de voir que les soignants ne le sont pas.
05:08Vous êtes vacciné, vous, par exemple ?
05:11Oui, bien sûr, moi je me vaccine tous les ans pour deux raisons. La première, c'est une raison éthique,
05:16c'est que je pense qu'à partir du moment où on a un métier de soignant, il est important de ne pas nuire aux malades qu'on prend en charge,
05:21c'est le primum non nocere du serment d'Hippocrate. Et la deuxième raison, c'est pour éviter l'absentéisme de soignants,
05:27c'est aussi important de se faire vacciner et ne pas fragiliser des organisations hospitalières qui le sont déjà par d'autres facteurs.
05:35Donc vous dites que les soignants non vaccinés mettent en danger les patients dont ils s'occupent ?
05:41Oui, potentiellement. Non pas parce qu'ils ne respectent pas les gestes barrières, ça j'ai aucun doute.
05:46Les épidémies de Covid ont montré que finalement les Covid nosocomiaux étaient très peu véhiculés par les soignants.
05:52Après, personne n'est à l'abri d'un petit manquement, mais c'est surtout éviter l'absentéisme au travail qui fragilise déjà des organisations très fragiles.
06:02Et donc si en plus il y a de l'absentéisme de soignants en cette période épidémique,
06:06on aura encore plus de mal à absorber le flux de patients, que ce soit dans les urgences ou dans les services de soins conventionnels.
06:11Cette question, ce débat, il est récurrent. Faut-il aller jusqu'à une obligation vaccinale pour les soignants ?
06:17Obliger le personnel de santé à se faire vacciner contre la grippe ?
06:20La semaine dernière, le nouveau ministre de la Santé, Yannick Neudeur, a dit que la question doit se poser, elle se posera à l'avenir.
06:26Est-ce que vous, à titre personnel, vous y êtes favorable ?
06:30A titre personnel, j'y suis favorable.
06:34En ce sens qu'on a beau essayer sur le terrain de faire des actions de pédagogie, des actions d'incitation,
06:41c'est vrai qu'une fois ce temps-là passé, et quand on constate que ça ne marche pas vraiment,
06:47on peut légitimement se poser la question de l'obligation vaccinale pour les soignants qui prennent en charge les malades, bien sûr.
06:53Merci beaucoup, docteur, d'avoir été en direct avec nous.
06:57Docteur Emmanuel Piednoir, professeur à l'Université de Caen et infectiologue à l'hôpital d'Avranches-Grandville dans la Manche,
07:02un hôpital qui, je vous le disais, comme une centaine d'autres, a donc activé le plan.

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