Mardi 14 janvier 2025, LE JOUR OÙ reçoit Muriel Pénicaud (Ancienne ministre du travail, photographe, dirigeante d'entreprise)
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00:00Ce qui distingue les figures marquantes de notre histoire, c'est leur capacité à
00:20prendre des décisions qui transforment le cours des choses, à faire des choix décisifs
00:25qui impactent le collectif, dans le jour où nous explorons ces instants clés, ces moments
00:30où une vision individuelle devient une action collective, concrète, porteuse de changement.
00:35Mon invitée est une femme, elle incarne cette capacité à agir et à transformer.
00:40Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, a marqué la France avec ses réformes, en
00:45particulier sur l'emploi et la formation professionnelle, mais avant cela elle a brillé
00:49dans le secteur privé, contribué au rayonnement international de la France et s'est affirmée
00:54comme une leader engagée.
00:56Aujourd'hui, nous allons explorer le jour où Muriel Pénicaud a pris une décision
01:01qui a changé le cours de sa carrière et peut-être le destin de beaucoup d'autres.
01:05Muriel, bienvenue et merci d'être avec nous.
01:07Bonjour Fanny, merci.
01:08Alors, on va commencer par le cœur de notre émission, quel est le jour où vous avez
01:12pris une décision qui a marqué votre vie ?
01:14J'ai un peu de mal à répondre à un jour.
01:18J'imagine.
01:19Pour moi, il y en a quatre qui ont été fondamentaux.
01:24Le premier, c'est quand j'avais 24 ans, j'étais administratrice territoriale.
01:28Ma petite carrière commençait à bien démarrer et ma phrase de l'époque, c'était « mes
01:34baskets sont confortables, je ne suis pas sûre que ce sont les miens ».
01:36Alors, pourquoi ?
01:37Parce que c'est ce que vous ressentez.
01:40Bon, ça marche, mais finalement, ça ne vous engage pas complètement, votre cœur n'est
01:44pas complètement là, ça n'a pas complètement de sens pour vous, pas suffisamment.
01:47Et vous étiez où quand vous avez pris cette décision, quand vous vous êtes dit « ces
01:51baskets, elles ne sont pas pour moi ».
01:52J'étais administrateur territorial à Nancy.
01:57Je venais de monter une formation pour les personnels des collectivités locales, les
02:04directeurs, une formation, et on a fait des photos et l'exposition de cette photo a été
02:12censurée parce que montrant des réalités sociales trop dures.
02:16Donc, je pense que ça a précipité une décision en disant « oui, bon, d'accord, ce n'est
02:19pas mon univers, moi, je peux pouvoir dire les choses ».
02:21Et donc, j'ai pris mon sac à dos et pendant un an, j'ai été à plein d'endroits dans
02:24le monde et ça m'a permis de savoir ce que je voulais faire.
02:27Donc, vous êtes partie voyager, excusez-moi, sac à dos, toute seule, sac à dos, réfléchir
02:32et voyager.
02:33Voilà.
02:34D'accord.
02:35Réfléchir, voyager, rencontrer surtout.
02:36Et rencontrer, évidemment.
02:37Rencontrer, expérimenter et voyager.
02:38Et qu'est-ce que vous avez appris de ce voyage ?
02:40J'ai appris d'abord que le voyage serait à jamais ma source d'inspiration et nourriture.
02:46Et puis, ça m'a surtout appris que par décantation, par rencontre, que je voulais
02:54vraiment être engagée socialement.
02:55Voilà.
02:56C'était clair.
02:57Et d'autres, alors ? Vous avez plusieurs jours décisifs dans votre vie.
02:59Oui.
03:00Alors, j'ai sauté dans le temps.
03:01En 2008, je suis devenue directrice générale des ressources humaines du groupe Danone.
03:07Et à l'époque, Danone avait pris son virage de la santé par l'alimentation.
03:11Et un jour, je suis allée voir Franck Riboud, le président, et je lui ai dit « Écoute,
03:14on a un problème, c'est qu'on promet des produits sains, mais nous, on a 100 000 salariés,
03:2070 % sont dans des pays en développement où ils n'ont pas de sécurité sociale,
03:23pas de couverture santé.
03:24Ce n'est pas cohérent.
03:25» Il m'a dit « Vas-y ». Et donc, on a créé DanCare, ce qui est la première
03:29couverture santé qu'une entreprise dans le monde ait faite pour tous ses salariés
03:33dans 90 pays.
03:35Et là où ça m'a appris des choses, c'est que ensuite, 300 autres groupes ont suivi.
03:41L'Organisation Internationale du Travail a célébré ça.
03:44Et quelquefois, vous ne savez pas du tout vous-même vos choses, ce que vous faites.
03:50En positif, en négatif, ça s'avère.
03:52Je pense à l'intuition, au courage, à l'intelligence et au cœur, et puis après,
03:56on voit ce qui se passe.
03:57Et ce qui s'est passé, c'est que quand j'ai été ministre du Travail, c'est
04:01le moment où la France a présidé le G7, présidé évidemment par le président de
04:05la République.
04:06Mais certains ministres avaient un G7 sectoriel.
04:09J'ai eu le G7 social à présider.
04:10Et là, patronat et syndicats mondiaux, confédérations, sont venus me voir en disant, on se rappelle
04:16d'Ankers, il y a 4 milliards de personnes qui n'ont pas de couverture santé.
04:20Est-ce qu'on peut faire une négociation du G7 avec les partenaires sociaux mondiaux ?
04:24Il n'y avait jamais eu une négo du G7 avec les partenaires sociaux.
04:26On a mené cette négo et maintenant, c'est un programme qui est repris par l'ONU.
04:30Donc ça, ça m'a appris beaucoup de choses.
04:32Ça m'a appris, d'abord, qu'on pouvait sauver des vies avec pas tant, beaucoup d'efforts
04:37et pas tant que salaire.
04:38On a beaucoup sauvé de vies.
04:39Vous devez être fière de cette avancée, finalement.
04:43Vous dites que vous avez contribué vraiment à changer la vie des gens.
04:46Il n'y a pas plus belle récompense dans la vie.
04:49Donc ça, c'est un deuxième moment qui a été fort pour moi.
04:52Et les autres ?
04:53Les deux autres ?
04:54Je crois qu'il y en a quatre.
04:55Le troisième, c'est quand je suis devenue ministre.
04:57Le quatrième, c'est quand j'ai arrêté d'être ministre.
04:59Alors, quand on devient ministre, comment ça se passe ?
05:01Alors, bon, à la française, on aime la dramaturgie.
05:06En ce moment, on le voit.
05:08On aime la dramaturgie.
05:09Donc, les passations se passent en trois quarts d'heure.
05:12Aux Etats-Unis, c'est trois mois et demi.
05:13Nous, c'est trois quarts d'heure.
05:14Bon, je pense que la vérité devrait être entre les deux, donc quasiment pas de passation.
05:18Non, mais avant ça, c'est-à-dire que le chef d'État vous appelle, le président
05:23vous appelle et vous demande…
05:24Oui, c'est le président du Premier ministre.
05:25Moi, je n'avais pas du tout anticipé que…
05:26D'accord.
05:27Vous étiez où ? Vous étiez où à l'instant où le chef d'État vous appelle ?
05:33Je venais de poser mes valises chez moi littéralement trois minutes avant et la
05:38veille, j'étais à Tokyo où je faisais trois choses.
05:40Donc, j'étais sur mon petit village.
05:42J'emmenais, comme j'étais déjà de Business France, une centaine d'entreprises
05:46à l'export, leur permettre de trouver des marchés.
05:49J'étais speaker au Global Summit of Women chez le Monde du Monde et c'est mon engagement
05:53pour les femmes.
05:54Et je faisais le vernissage de ma première expo photo à Tokyo.
05:57Autrement dit, je n'avais qu'une envie, c'était de rester et je me suis dit quand
06:02même, je suis déjà de Business France, il se passe des choses, il faut que je revienne.
06:05Le téléphone a sonné à ce moment-là.
06:06Et d'accord.
06:07Qu'est-ce qui vous a dit ?
06:08Ça dure quelques heures.
06:09Par contre, j'ai pris un petit moment pour réfléchir.
06:13Vous n'avez pas dit oui tout de suite ?
06:14Non, je n'ai pas dit oui tout de suite parce qu'il y a assez de monde politique pour
06:19savoir que c'était très violent et parfois impuissant.
06:22C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de fonctions ministérielles où finalement, votre impact
06:26va être très faible.
06:27Ça franchement, aller dans la cage du hamster politique qui est extrêmement brutale, si
06:34on ne peut rien faire pour son pays, ça n'a pas d'intérêt.
06:37Alors la réaction autour de vous, quelle a été la réaction de vos proches justement
06:42à cette annonce, à votre choix de devenir ministre du travail ?
06:45Il y en a qui ont été très inquiets pour moi et d'autres ravis pour moi et avaient-ils
06:50la gentillesse de dire pour la France.
06:52Les ravis étaient plus contents mais il y avait quand même les inquiets.
06:55Les deux avaient raison.
06:56Plus de soutien ou plus de résistance ?
07:02Non, soutien.
07:03Soutien ?
07:04Soutien.
07:05Évidemment les proches mais aussi du côté patronat, syndicat.
07:09En 2017, c'est-à-dire 111 ans après la création du ministère du travail en France,
07:16j'étais la première qui avait une vraie expérience d'entreprise.
07:19D'accord.
07:20C'est important finalement.
07:21Ça n'avait pas semblé important jusque-là.
07:24Apparemment, quelqu'un s'est dit, ce n'est peut-être pas idiot qu'elle connaisse l'entreprise
07:30et une femme.
07:31Et une femme.
07:32Je n'étais pas la première.
07:33Non, vous n'étiez pas la première mais c'est quand même important.
07:34D'accord, donc du soutien et de la résidence.
07:36Le dernier moment décisif pour vous, ça a été lequel ?
07:40Ça a été de quitter le gouvernement.
07:43Après le code du travail, la réforme de l'apprentissage, le code personnel de formation, l'index égalité
07:48et toutes les mesures d'activité partielle pendant le Covid, après 18 mois de menaces
07:52de mort quotidiennes, etc.
07:54Moi, en 2020, je me suis dit, ça y est, je n'étais pas venue pour faire carrière politique,
08:00j'étais venue à un moment donné pour pouvoir contribuer et faire des choses pour mon pays
08:06et mes grands citoyens.
08:07Donc, on a pu les faire.
08:08Il y a eu quand même un million et demi d'emplois qui se sont créés.
08:11Ce n'est pas que les réformes du ministère du Travail, mais c'est un gros contributeur,
08:14notamment sur le chômage des jeunes.
08:15Et donc, je me suis dit, bon, job is done pour ce que je peux faire moi.
08:21Et donc, quand il a été question de changer le gouvernement en 2020, à la fin du deuxième
08:26gouvernement d'Edouard Philippe, les deux premiers, à ce moment-là, j'ai dit, je suis
08:31volontaire, il faut qu'il y en ait qui bougent.
08:33Vous en aviez marre ? Vous étiez fatiguée ?
08:36Non, enfin, si, fatiguée, regardez toute la tête des politiques, et regardez cinq ans
08:41après, quand vous avez l'air plus jeune, il y a une légèreté de vivre que vous pouvez
08:46faire, trouver que vous n'avez pas, mais oui, je pense que ce n'était pas tellement
08:52ça.
08:53C'est qu'on rentrait dans...
08:54Vous savez, les trois premières années, vous pouvez faire des réformes, ou gérer
08:57des crises comme le Covid, et puis après, à la fin, on rentre dans une période...
09:02Les périodes préélectorales, c'est de la popole.
09:04D'accord.
09:05Et ça, ce n'est pas mon truc, donc moi, je ne suis pas l'animal pour faire ça, voilà.
09:09Comment ça se passe, justement, pendant le Covid, quand on est ministre du Travail,
09:12une journée type d'un ministre du Travail pendant le Covid ?
09:14On est passé de 12-15 heures à 18 heures de travail par jour, parce qu'en fait, c'était
09:20assez hallucinant.
09:21Donc, on avait le droit d'aller au ministère du Travail, dans un silence de Paris total,
09:27on entendait les oiseaux, c'était très spécial.
09:29Mais surtout, j'ai fait partie des quelques ministres qu'on sut quelques jours avant,
09:35et on s'est dit comment on fait pour ne pas refaire les erreurs de 2008-2009 où le chômage
09:43a augmenté énormément, une crise économique et financière, et là, on savait qu'on allait
09:47fermer une partie de l'économie, donc on a regardé, on a regardé ce qu'avaient fait
09:51les Allemands, ce qu'avaient fait beaucoup mieux.
09:52Nous, on venait juste de passer au niveau d'emploi qu'on était 11 ans avant, avant
09:59la crise de 2008-2009.
10:00Donc, on s'est dit, si on en prend pour 11 ans, là, ça ne va pas, et donc, on a travaillé
10:03avec mon équipe et j'ai proposé au président et au premier ministre qu'on mette en place
10:07un airbag sur l'emploi, c'est-à-dire l'activité partielle généralisée, pour à la fois sauver
10:14l'emploi des salariés, mais aussi sauver les compétences des entreprises pour qu'elles
10:17repartent derrière.
10:18Et voilà, c'est la réunion la plus chère de ma vie.
10:21– Allez-y, donnez-moi un chiffre.
10:24– On a fait, on a tout, l'idée est dans tous les sens, et on discute deux heures,
10:31à la fin, ils me disent, bon, le président me dit, ok, on est co-accus, il faut combien ?
10:36Là, c'est le moment où vous prenez votre respiration, on ne sait pas si ça va durer
10:413 semaines, 3 mois, 3 ans, donc on a pris une hypothèse à 2 ans, coup de bol, enfin…
10:45– Oui, c'est coup de bol.
10:47– Parce qu'on ne savait rien du tout, et donc là, si on fait vraiment un confinement
10:55fort, il faudra 30 milliards, et à la fin, ça a été 28 milliards, mais si on ne l'avait
11:01pas fait, il y aurait eu un coût monstrueux humain, un coût monstrueux, on n'aurait
11:05pas assez, aussi des dizaines de millions à la Sédic.
11:08– Et le PGE, là-dedans ?
11:09– Le PGE, alors c'était Bercy, donc on travaillait main dans la main.
11:12– Conjointement, j'imagine.
11:13– Voilà, absolument, Bercy avec Bruno Le Maire et ses équipes, nous pour l'activité
11:16partielle, et ce qui était aussi très étonnant à ce moment-là, c'est qu'on n'avait
11:21pas encore de visio.
11:22– Non, j'imagine.
11:23– Déjà très moderne, mais on faisait un call, 3 fois par semaine, je faisais un call
11:27avec les numéro 1 patronat et syndicat, les 3 représentants patronaux des 3 syndicats,
11:31tous ont toujours été là au call, et de façon hyper constructive, parce qu'il fallait
11:37régler aussi, on découvrait que les marais pêcheurs n'ont pas de salaire de base,
11:40comment vous faites le salaire de base pour l'activité partielle ?
11:42Les intermittents du spectacle, hop, rallonge de 1, non, enfin on a…
11:46– Ouais, cas par cas.
11:47– Cas par cas, et puis il fallait élever plein d'obstacles parce qu'on a changé
11:50un système d'information en 3 semaines, qui a, 3 semaines après, payé les salaires
11:54de 8 millions de personnes dans 1 million de boîtes, vous imaginez bien que ça a tout
11:58bousculé, et moi je crois à un immense coup de chapeau, parce que les administrations
12:02ont fait un boulot incroyable, quand je les rencontre aujourd'hui, c'est le plus beau
12:05jour de notre vie professionnelle, parce qu'on a fait vraiment un truc qu'on pensait impossible
12:09pour les autres.
12:10– On va revenir sur votre parcours et sur vos inspirations, il est riche et varié,
12:15on le voit, vous avez été l'une des dirigeantes d'entreprises, une diplomate économique,
12:18puis une ministre, quelles étapes ont été les plus formatrices pour vous, mis à part
12:22le voyage ?
12:23– Ah oui, tout, enfin moi j'aime la vie à 360 degrés, peut-être que c'est ça,
12:30la photo je me retourne, et du coup j'ai voulu aller de l'associatif aux collectivités
12:35territoriales, à l'état, mais sur le terrain et national, en politique et dans l'administration,
12:42et puis beaucoup dans l'entreprise, dans l'entreprise internationale, et dans la
12:47diplomatie 2 fois, j'étais ambassadrice 2 fois, donc avant et après d'être ministre,
12:51donc je pense que j'ai une curiosité qui n'a pas de fin, si il y a une fin, je meurs,
13:01mais presque dans ce sens-là, donc la curiosité et puis la passion de voir ce qui me forme
13:09tout le temps, je suis toujours stupéfaite, mais ça m'apprend des choses aussi, de
13:14voir à quel point il y a des gens engagés, on ne dirait pas parce que…
13:18– On ne les voit pas forcément ?
13:19– On a l'impression que le monde entier va mal, et que tout va mal, mais en fait,
13:23par exemple quand j'étais ministre, j'ai passé un jour par semaine sur le terrain,
13:28sans les caméras, une demi-heure pour les caméras, et puis après discuter réellement,
13:33les trésors d'engagement qu'on a dans notre pays, alors c'est des patrons de TPE,
13:37de PME, c'est des associations, c'est des individus, c'est des maires, il y a des
13:42trésors d'engagement, et ça, ça m'apprend à chaque fois, parce qu'ils sont loin de
13:46la visibilité, donc ce n'est pas ça qu'ils cherchent, mais ils ne baissent pas les bras,
13:52le courage des autres renforce le mien, et moi, ça m'apprend des choses en continu,
13:57et puis ça m'apprend la réalité sociale tout simplement.
13:58– Je vous appelle Murielle, mais vous préférez peut-être que je vous appelle Madame le ministre ?
14:01– Ah non, non, non, on a le truc officiel, oui, la première phrase, et après c'est Murielle.
14:06– D'accord.
14:07– J'ai retrouvé mon prénom, c'est bien.
14:08– C'est quand même pas mal.
14:09– C'est pas mal.
14:10– Quels ont été les modèles ou les mentors qui ont inspiré chaque phase de votre carrière ?
14:12Parce que j'imagine que vous en avez eu des mentors, des gens qui vous ont inspiré.
14:16– Oui, alors moi, jusqu'à 30-35 ans, les trois personnes qui m'ont le plus inspirée,
14:26c'est une femme, le jeune Biaf Kagour, qui était la DG adjointe du centre de formation
14:31des personnels communaux là où je travaillais, avant de prendre le vent, et donc il y a eu
14:37un concours pour être administrateur territorial, et c'était un concours sous titre, parce
14:41qu'ils venaient de créer le concours, et donc je postule, et ne sont pris que des
14:48hommes beaucoup plus âgés, donc je pose ma démission.
14:51Et elle va me chercher, elle me dit attendez 24 heures, elle a demandé au régime délibéré,
14:57et j'ai été nommée administratrice, j'avais à l'époque…
15:00– Un peu l'épreuve quand même, parce que c'est…
15:02– Après pas du tout.
15:03– Contente ?
15:04– Non, mais j'ai compris à quel point la solidarité entre les femmes était importante
15:08dans la bataille.
15:09– D'accord.
15:10– Il y a eu des proportions de 50, tous les hommes étaient des hommes entre 35 et
15:1350 ans, et moi j'ai été la petite jeunette de 23 ans, mais…
15:18– Ça n'a pas dû être facile.
15:20– Je ne sais pas.
15:22– Et vous écoutez ? Vous avez votre mot à dire ?
15:26– Je vais vite suivre mon fan club de…
15:30– Dès que ça commençait, genre les blagues idiotes, tu t'auras les ramenées, moi j'avais
15:34rien à dire.
15:35– D'accord.
15:37– Et puis le deuxième, c'est un certain M. Knecht qui était président de l'Union
15:41des commerçants de la ville de Metz, ça c'est quand j'ai… grâce à Bertrand Schwartz
15:46qui était aussi un mentor, à 28 ans j'ai dirigé la première mission, une des trois
15:51premières missions locales en France pour les jeunes, à Metz, et lui, tout le monde
15:56me disait, il est dans le journal tout le temps, il ne pense qu'à sa pomme, il ne
15:59pense pas aux autres.
16:00Puis je suis allée le voir un jour et je lui ai dit, ben voilà, nous on s'occupe
16:03aussi de la réinsertion des bombes à la prison de Queleux, maison d'arrêt, c'est
16:07moyen âge de 25 ans, bon mais pour ça il faut leur trouver une entreprise, alors vous
16:11qui avez un réseau incroyable, vous pouvez leur trouver une entreprise, si ça ne va
16:14pas on va aller chercher, ben il a joué le jeu, et grâce à lui qui n'était pas réputé
16:18comme machin, on l'a fait un travail que beaucoup n'ont pas pu faire, et le troisième
16:23c'est quand j'étais adjointe à la déléguée générale, il m'a pris l'état lui, déléguée
16:31générale à la formation professionnelle au ministère du travail, donc là j'avais
16:3430 ans, et un jour on avait une discussion budgétaire épouvantable, où déjà Bercy
16:39ne comprenait pas la différence entre un coût et l'investissement quand on investit
16:43dans les formations.
16:44Ce qui est quand même bizarre, Bercy !
16:45Ah non, non, mais ils n'ont toujours pas compris qu'investir dans les compétences
16:47c'est investir dans l'avenir de chacun et du pays.
16:50Dans les talons.
16:51Et du coup on est le 25ème pays au monde pour les compétences, on devrait être dans
16:55les 5 premiers.
16:56Bref, ils n'avaient pas compris mais lui il le savait, et un jour où il y a une réunion
16:59stupide où on veut supprimer un truc stupide qui marche très bien et qui a de l'impact,
17:05il se lève, il était grand, un peu la tatie, vous savez qu'il y a une démarche comme
17:08ça, et il se lève, il y avait 30 fonctionnaires, voilà, il se lève, il va à la porte, grand
17:17silence, il ouvre la porte et il dit « cette République est gouvernée par des comptables
17:22! ».
17:23Joli, joli moment de théâtre finalement.
17:28Oui, mais moi ça m'a fait comprendre quelques choses, un, même si on est fonctionnaire
17:31on peut avoir du courage.
17:32Bien sûr.
17:33Le courage c'est pas se taire, c'est assumé, donner ses opinions, les prouver, les démontrer
17:41bien sûr pour convaincre, il faut des faits, mais il faut y aller, et puis cette notion
17:47effectivement de l'investissement dans l'humain qui pour moi est la clé, pas simplement
17:52du social mais de l'économique aussi.
17:54On parle depuis à peu près 10 minutes déjà Muriel, mais je me demande combien de carrières
17:58vous avez eues, parce que depuis qu'on parle, vous avez eu au moins une dizaine de postes
18:01différents, je pense que c'est même plus que ça.
18:03En fait, tout à fait, on me dit à tous les jeunes aujourd'hui qu'ils feront 10 métiers,
18:07donc moi c'est fait.
18:08On est entre 5 et 10.
18:09Donc moi je suis très jeune parce que je suis dans la génération qui fait 10 métiers,
18:11qui prend son sac à dos et qui cherche du sens, donc je les comprends très bien les
18:14jeunes.
18:15En tant que femme leader, vous avez été confrontée à des défis liés à la perception
18:18du leadership féminin en France et à l'international, comment vous avez géré ça ?
18:22Alors, le premier épisode commence mal, c'était au bout de 3 mois de vie professionnelle,
18:30j'étais donc au centre de formation des personnels communaux et je fais un petit texte
18:33sur ce que devrait être la stratégie formation, puis ce texte, j'étais tout en bas de l'échelle,
18:39il y avait au moins 6 niveaux, 6 ou 7, monte les étages et plait et est présenté au conseil
18:45d'administration.
18:46Et donc on me demande d'aller le présenter.
18:47Alors moi j'étais là depuis 3 mois, j'étais une tremblotante comme vous imaginez.
18:50Et juste avant d'entrer, il y a la syndicaliste de la CFDT et l'adjoint de mon service qui
18:56me disent, fais gaffe, le président du conseil d'administration, il saute tout ce qui bouge,
19:02t'as 22 ans, 21 ans, fais gaffe, donc j'arrive encore plus sécurisée, j'arrive, je fais
19:13mon petit topo, et là le président qui est décédé maintenant, sinon je crois que je
19:17donnerais son nom, dit, écoutez Muriel, c'est très bien, c'est très intéressant,
19:27nous n'avons pas le temps d'en discuter, il dit ça devant tout le conseil, venez dans
19:31mon bureau après le conseil, comme ça nous pourrons en parler de façon plus approfondie.
19:36Et là je me lève, mue comme un ressort, et je lui dis, quand vous les pierres, personne
19:43n'avait jamais vu son prénom, quand vous les pierres, mais c'est dans mon bureau, et
19:47je sors en claquant la porte, je n'avais pas de bureau, j'étais stagiaire, et là, donc
19:53je me suis dit, bon ben je suis virée, c'est pas grave, je pourrais en être bleu, et alors
19:56vous avez été virée ou pas ? Non, parce qu'il y a eu tellement de témoins, mais voilà,
20:00et donc quand j'ai été dégérage de Danone, là je repars en 2008, le jour où je suis
20:08arrivée, c'est pourtant, c'est une entreprise très avancée socialement, mais sur les femmes
20:12à l'époque, non, très avancée sur d'autres sujets, pas ça, et je reçois une cinquantaine
20:17de mails, de femmes, la moitié avaient quitté l'entreprise, parce que j'avais déjà été
20:21dans le groupe aux agréments, et elle me dit, écoute, on ne savait pas que tu viendrais
20:27dégérager, t'es la première femme au Comex, ça nous donne de l'espoir, mais pour nous
20:30c'est trop tard, mais fais quelque chose pour les suivantes, nous on est partis parce qu'on
20:32n'avait pas d'espoir de carrière chez Danone, et puis les autres 25 à peu près, en disant,
20:37écoute, on est là, on n'en peut plus, t'es la première femme au Comex, fais quelque chose,
20:41et donc, c'est là qu'on a lancé, avec l'aide d'Anne-Thévenet, on a lancé le mouvement
20:47EVE, maintenant il y a près de 10 000 femmes qui sont entrées dans ce programme de développement
20:51du leadership des femmes, ça couvre plein d'entreprises, et puis que j'ai commencé
20:54à mesurer, j'ai vu la force de la mesure, et évidemment on s'est aperçus qu'il y
20:57en avait en bas, mais un peu au milieu, et pas du tout en haut, donc évidemment, quand
21:00j'ai été ministre du travail, je voulais...
21:03Justement, on va en parler, on va en parler, vous avez initié des réformes majeures.
21:07J'ai été dans des endroits différents, mais je suis toujours sur les mêmes sujets.
21:10Ah oui, bien sûr, mais vous avez raison, de toute façon, pour convaincre, il faut
21:13se positionner.
21:14Vous avez initié des réformes majeures, notamment sur la réforme professionnelle
21:18et l'assurance chômage.
21:19Quelle a été la plus grande difficulté à surmonter pour faire passer ces réformes ?
21:23Alors, la plus grande difficulté, ça a été sur l'apprentissage, parce que...
21:29Ce qui est aujourd'hui, l'apprentissage, c'est une part très très très importante
21:35de l'emploi de demain.
21:37De l'emploi de demain et, je pense, des réussites qualificatives qu'on a faites, parce qu'on
21:41est passé d'environ 300 000 apprentis à un million, et moi, j'inaugure encore des
21:46CFA, quatre ans plus tard, on me demande, je suis devenue un peu la marraine de l'apprentissage,
21:50et je vois des jeunes passionnés, ce n'est pas parfait, mais il y a plein de jeunes passionnés
21:54et à qui s'ouvre une voie royale pour les études comme pour le travail.
21:59Et donc, en fait, ce qui a été difficile, c'est que les régions, je connaissais bien
22:05le sujet, l'équipe que j'avais réunie autour de moi dans mon cabinet aussi, on avait une
22:09vue assez claire de ce qu'il fallait faire, mais pour ça, il fallait reprendre le pouvoir
22:15aux régions et surtout l'argent qu'elles n'utilisaient qu'à moitié pour l'apprentissage,
22:20et donner l'initiative aux jeunes, aux entreprises, aux branches, et donc, il y a eu, c'est quand
22:28même assez rare quand on est ministre, d'avoir une pétition de président de région dans
22:31la presse pour dire qu'il devrait partir, c'est assez rare.
22:33Vous êtes vous, vous ne devez pas être bien.
22:35Vous vous en foutez.
22:38Il y en a un qui a sauté, c'est Thierry Bertrand, qui a été un ancien ministre du travail.
22:44Et le Sénat, bien qu'il soit l'émanation des régions, ça s'est quand même plutôt
22:49bien passé.
22:50On va parler de la réforme de la formation professionnelle via le compte Formation, ça
22:54a touché des millions de Français, quand vous la regardez aujourd'hui, quels en sont
22:57les succès et les points à améliorer ? Est-ce que vous pensez qu'il y en a ?
23:01Oui, les deux.
23:03Le plus grand succès, c'est que quand on a lancé ça, toujours dans la loi pour la
23:09liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, la même que l'apprentissage et
23:12l'index, égalité hommes-femmes, moi j'avais la conviction qu'on entrait dans une société
23:18de compétences.
23:19C'est encore plus visible aujourd'hui, avec l'IA, la transition écologique.
23:22On ne va pas simplement changer de métier dix fois, on va se former tout le temps parce
23:26que d'après le CDE, les compétences professionnelles qu'on apprend dans l'enseignement initial,
23:32maintenant elles ont une durée de validité de deux ans en moyenne.
23:35Autrefois, c'était 30 ans.
23:37Donc se former, apprendre, travailler, apprendre, travailler, ça va être un seul bouffement.
23:43Donc on ne peut pas compter sur les entreprises pour faire toutes les formations sur tous
23:48les sujets, même s'ils ne sont pas de leur ressort pour tous les salariés.
23:52Donc on s'est dit, il faut l'engagement des entreprises sur la formation et le complémentaire,
23:56donner du pouvoir à chaque individu sur sa vie.
23:58Pour avoir du pouvoir sur sa vie, pouvoir choisir son métier, il faut pouvoir avoir
24:03le choix de se former.
24:04Donc il existait un compte personnel de formation, mais il fallait des autorisations, c'était
24:11long.
24:12Maintenant c'est très simple.
24:13Donc on a changé quoi ? D'abord on a dit, ça ne va pas être des heures, ça va être
24:17du temps, ça va être de zéro sur un compte en banque à la Caisse des dépôts.
24:20Deuxièmement, c'est très simple, troisièmement, on fait une appli où vous avez toutes les
24:24formations qualifiantes du pays, vous savez si vous pouvez faire un CACS, on peut tout
24:29faire avec le compte de formation.
24:31On peut tout faire ce qui est professionnel, avec des titres professionnels et j'ai fait
24:35une exception pour le permis de conduire parce qu'il y a tellement de gens qui ne peuvent
24:38pas prendre un emploi parce qu'ils n'ont pas les moyens de se passer le permis et c'est
24:42effectivement un des cinq best-sellers et l'autre c'est la création d'entreprises,
24:45c'est le bilan de compétences et c'est la technologie et les langues.
24:49Et les points améliorés ?
24:51Le grand succès c'est qu'il y a eu 7 millions de personnes déjà, mais là-dedans ce dont
24:55je suis et nous sommes les plus fiers, c'est que 80% sont des ouvriers et des employés.
25:00Et vous nous avez prédit, ça sera les 4 comme d'habitude, ils n'y auront… Non,
25:04les Français ont bien compris que c'est le passeport pour l'avenir pour eux, 80%
25:08d'ouvriers et d'employés, 50% de femmes qui avant y accédaient moins et 20% de seigneurs
25:13qui ont bien compris que les entreprises pour l'instant ne misaient pas sur eux.
25:16Donc c'est un vrai succès populaire d'émancipation sociale, je regarde beaucoup que le gouvernement
25:23ait mis un reste à charge, c'est-à-dire que maintenant il faut payer 100 euros.
25:28Alors si vous êtes quatre supérieurs et que vous faites un master, ce n'est pas
25:31un problème, mais pour ceux qui sont au SMIC, qui sont les premiers concernés, il y en
25:37a beaucoup maintenant que ça freine.
25:39Et dans les choses améliorées, il y avait des choses sur la qualité, le démarchage
25:43qui ont été faits, il y a encore des améliorations techniques à faire, notamment, c'est un
25:49peu technique, mais comment les entreprises peuvent co-financer avec les individus en
25:54co-payant.
25:55Il y a encore des choses techniques à faire.
25:58Très bien.
25:59Mais on est enviés, il y a plein de pays dans toute l'Europe, dans l'OCDE…
26:04On est le seul pays en Europe à avoir ce compte formation.
26:07On est le seul pays au monde, il y a Singapour qui avait commencé, qui avait arrêté,
26:11et là, qui vont probablement recommencer.
26:13Et par contre, il y a beaucoup de pays qui veulent le faire aussi.
26:15On va aller au sens plus large.
26:17En politique, les décisions sont souvent controversées, vous en avez été victime
26:20souvent.
26:21Comment on gère les critiques, les pressions, pour maintenir un cap ?
26:24D'abord, il vaut mieux avoir une vision, parce que sinon, vous n'avez aucune chance
26:28de tirer un cap.
26:29Ça c'est sûr.
26:30Ça parait net à dire.
26:32Parce qu'il y en a qui ne l'ont pas, de vision.
26:35Il y en a qui ont la vision électorale.
26:38Il y a des grands experts de la vision électorale.
26:41Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire, c'est nécessaire dans une démocratie.
26:44Quand ils sont trop en proportion, on n'a plus de vision pour le pays.
26:47Pour moi, il faut un dosage entre tout ça.
26:51Donc le premier, c'est avoir la vision.
26:53Deuxièmement, on ne va jamais seul dans une bataille.
26:56Non.
26:57Sinon, ça s'appelle…
26:58Faut mieux pas.
26:59Et puis c'est surtout inutile, parce que ça ne marche pas.
27:03Ça c'est vrai, le fait d'avoir quelques années de vol derrière moi.
27:08Je connaissais beaucoup de monde dans le patronat, dans le syndicat, dans les collectivités
27:13territoriales, dans l'associative.
27:15Ça joue beaucoup, parce que vous avez des alliés qui savent vos convictions, avec lesquelles
27:23on les partage au moins.
27:24Et puis après, il faut se retourner d'une super équipe.
27:26Je me suis retournée d'une super équipe.
27:28Il y en a qui venaient du patronat, du syndicat, des parlements.
27:31Tous engagés.
27:32Une énarque.
27:33Voilà.
27:34Et je n'ai pas fait du tout un cabinet classique.
27:37Vous n'avez pas fait l'ENA, vous ?
27:39J'ai fait ni l'ENA, ni HEC, ni Poétechnique.
27:43Et j'ai dirigé des Poétechniciens, des HEC et des énarques.
27:46Parce que quand j'avais 17 ans, j'avais le Bourdieu, la reproduction des élites.
27:50Donc j'ai refusé d'entrer en prépa pour pouvoir entretenir la reproduction des élites.
27:54Jolie.
27:55C'était de moyenne bourgeoisie.
27:56Jolie anecdote.
27:57J'avais pas compris que pour une femme, ça aurait été inavancé.
28:00Mais bon, c'est pas grave.
28:01Mais je ne regrette pas parce que je suis allée en histoire.
28:04En voyage ?
28:05Je suis d'abord allée à Nanterre, à la fac de Nanterre, en histoire, en sciences d'éducation.
28:10Le chemin est certainement plus long, mais il est plus riche.
28:12Donc je n'ai aucun regret.
28:13Vous avez été très engagée sur les enjeux sociaux, comme la qualité de vie et au travail.
28:17Quelles avancées souhaiteriez-vous voir encore dans ce domaine ?
28:20Je trouve qu'à un moment donné, on avait fait un rapport, c'est en 2000 je crois,
28:27sur après les suicides de France Télécom.
28:30On avait Henri Lachman qui présidait Schneider, Guy Larose qui était au bureau confédéral de la CGT,
28:37et moi qui étais des gérages de Danone, le premier ministre de l'époque,
28:40qui nous a confié un rapport à faire pour comment on évite les risques psychosociaux.
28:47Nous on est allé un peu plus loin, on a parlé de bien-être et d'efficacité au travail,
28:50on a fait un petit rapport qui tient en 12 pages, qui est toujours sur internet,
28:54qui est toujours cité parce qu'en fait il faut aller structurellement.
28:58Sur ce sujet-là, il faut que les conseils d'administration,
29:00il faut que les comités exécutifs s'en saisissent.
29:04Ce n'est pas un sujet juste pour faire du social à la fin.
29:06La qualité de vie et au travail, c'est essentiel sur le plan social,
29:09mais c'est aussi lié à l'innovation et à la qualité sur le plan économique.
29:14Je pense que les réformes à faire, elles sont beaucoup dans les entreprises maintenant pour avancer là-dessus.
29:20On va parler d'une vision sur l'avenir, sur des inspirations personnelles,
29:23avec un regard beaucoup plus global.
29:25Quels sont les grands défis du monde du travail aujourd'hui,
29:27de la formation auxquels nous devons nous préparer ?
29:30Je pense qu'il y a quatre grandes vagues, en espérant que ça ne soit pas un tsunami,
29:35quatre immenses vagues.
29:37Ça dépend de nous, nous tous, comment on anticipe, comment on accompagne.
29:41Il y a évidemment l'intelligence artificielle, la transition écologique,
29:45la démographie qui change beaucoup la structure du monde du travail,
29:48avec en gros les pays du nord du globe qui vieillissent très vite,
29:53et du sud qui sont jeunes,
29:55et évidemment le rapport au changement du travail.
29:58L'âge de la retraite ?
29:59Oui, c'est un petit bout de tout ça, mais qui est lié aussi à la démographie,
30:03et le changement du rapport au travail.
30:07Ces sujets-là sont importants.
30:09J'ai l'occasion d'en parler dans beaucoup d'endroits en France et dans le monde,
30:13et de préparer une BD, un roman graphique sur ce sujet.
30:17D'accord, donc ça sortira courant avril.
30:209 avril.
30:219 avril, d'accord.
30:22On va parler de votre vision pour le rôle des entreprises
30:24dans la transformation sociale des entreprises et écologique.
30:27Surtout, aujourd'hui, on sait que c'est la RSE un pan très important.
30:31Qu'est-ce que vous en pensez ? Quel est le rôle aujourd'hui qu'elle doit prendre ?
30:34Est-ce que c'est prégnant pour les entreprises ?
30:37L'Europe est plus avancée que le reste du monde là-dessus.
30:39D'accord.
30:40Hélas, on va le rester beaucoup plus avancé,
30:42parce que je pense qu'entre…
30:43Les Etats-Unis et la Chine.
30:44… les Etats-Unis et la Chine, on ne va pas avoir beaucoup de soutien sur ces sujets-là
30:47au plan international.
30:48C'est une vraie préoccupation.
30:49D'ailleurs, on le voit déjà au niveau COP, alors que ça yurge.
30:54Donc, je pense que l'important maintenant,
30:57c'est quelle est la part que doivent faire les gouvernements,
30:59la part que doivent faire les entreprises.
31:00Tout à fait.
31:01Et la société civile.
31:02Les gouvernements ont leur part.
31:04L'Europe, ok, c'est parfois peut-être un peu trop bureaucratique,
31:07mais quand même, ça va dans le bon sens.
31:09On a une constance maintenant depuis une dizaine d'années,
31:12et puis depuis la COP qu'a passé Laurent Fabius,
31:16on progresse quand même sur le point du droit international
31:18et du droit européen sur le sujet.
31:20Et puis, les entreprises, ce que je trouvais intéressant,
31:22c'est qu'il y a des secteurs où ils l'ont vraiment pris à bras-le-corps.
31:24D'accord.
31:25Et maintenant, c'est un sujet stratégique.
31:26Ce n'est pas simplement pour se conformer à des règles.
31:28Oui.
31:29C'est un sujet stratégique,
31:30et toute la chaîne de valeur est en train de changer.
31:32Par exemple, dans le bâtiment,
31:34vous avez besoin de travailler sur les fournisseurs,
31:36la matière première, les modes de construction,
31:39diminuer l'énergie dans les bâtiments.
31:43C'est toute la chaîne qui est en train de changer.
31:45Dans l'alimentaire aussi.
31:47Évidemment, dans l'industrie de l'énergie.
31:49Donc, moi, ce que je trouvais intéressant,
31:50c'est de voir maintenant qu'il y a des secteurs qui y vont,
31:52et là, ça va aller plus en profondeur.
31:54Mais il faut que la société civile reste présente.
31:56De toute façon, zéro émission carbone 2050 en Europe.
32:00Est-ce que vous pensez que les entreprises vont y arriver ?
32:02Ce n'est pas que les entreprises.
32:03Elles seront billées.
32:04C'est les entreprises, les collectivités publiques.
32:10Et pour ça, il faut beaucoup d'innovation aussi.
32:12Par exemple, un transport propre,
32:14il y a beaucoup d'innovation technologique dedans.
32:16Donc, il ne faut pas opposer la technologie développement durable.
32:19La technologie ne va pas tout faire,
32:20mais elle peut servir le développement durable.
32:22Et puis, il y a aussi les comportements de tout le monde.
32:24Mais quelquefois, les comportements vous focalisent
32:26sur des choses qui, en fait, sont secondaires.
32:29Il faut vraiment, par exemple, réinventer certains secteurs.
32:32C'est vrai pour les transports,
32:33mais pour l'agriculture et l'agroalimentaire.
32:36Or, on est en train de faire un peu le contraire
32:38par des mesures qui vont dans l'autre sens.
32:40Or, c'est un des gros sujets qui va être déterminant
32:43pour à la fois notre santé.
32:45Tout à fait.
32:46Et la planète dont nous ne sommes qu'un tout petit bout,
32:49quelques vivants au milieu de tous les autres.
32:51Donc, la planète nous survivra.
32:53On dit toujours sauver la planète.
32:54Non, c'est sauver l'humanité dans la planète.
32:56L'humanité et tous les autres êtres vivants,
32:59animaux et plantes.
33:01Si vous pouviez transmettre des messages
33:03aux dirigeants d'aujourd'hui, ça serait lesquels ?
33:05Alors, un, oser.
33:08Oser faire confiance à vos salariés.
33:11Oser miser sur l'investissement social.
33:14Oser la transition écologique.
33:15Oser l'innovation technologique avec l'IA.
33:18Oser, mais partager.
33:20Le partage de la valeur est quelque chose
33:22qui aujourd'hui est insuffisant.
33:24Et les écarts de rémunération dans certains domaines
33:27tuent tout autre discours.
33:29Je pense que, voilà, oser, soyez cohérents.
33:33On va parler de votre rôle de photographe maintenant.
33:36Parce que vous êtes aussi photographe à vos heures perdues.
33:38C'est un métier, c'est une passion pour la photographie ?
33:41Alors, c'est une passion.
33:42J'ai eu, toute petite, à 11 ans,
33:44avec mon premier épaulerie de noir et blanc.
33:46Quand je vois sur la photo, il était énorme.
33:48Il était énorme.
33:49C'était énorme.
33:50Et puis après, j'en ai fait un peu.
33:52J'ai un peu vite arrêté.
33:54C'était cher, l'argent qu'il fallait développer, etc.
33:56Quand on n'avait pas de labos, c'était cher.
33:58Puis j'ai une vie professionnelle légèrement active.
34:00Un petit peu ?
34:01Un petit peu.
34:02Des enfants.
34:04Bon, voilà.
34:05Donc, j'ai mis sous le boisseau longtemps.
34:07Et puis, il y a 12 ans,
34:09je me suis aperçue que les braises étaient toujours rouges.
34:12Je me suis dit, bon, là,
34:14des fois qu'on ne vit qu'une vie,
34:15je vais prendre cette hypothèse.
34:17Je ne peux pas ne pas vivre cette vie-là.
34:19Donc, j'ai commencé vraiment il y a 12 ans la photo.
34:22J'ai mes premières expositions à Paris, à Tokyo et à Pékin.
34:25Mais qu'est-ce que vous faites comme type de photo, Muriel Pénicaud ?
34:28C'est toujours dur de parler de ça.
34:30Je sais.
34:31Les éditions Skira viennent de sortir un livre
34:34qui s'appelle « Matrice du monde ».
34:35C'est une monographie de 150 de mes photos, pour les curieux.
34:38Mais disons que c'est la photo plutôt poétique, humaniste,
34:42principalement en couleur,
34:43sauf quand il s'agit de la liberté des femmes dans le monde
34:45où j'ai besoin du rouge.
34:46D'accord.
34:48Donc, j'avais commencé à exposer.
34:50J'ai dû faire une pause pendant période ministre et ambassadeur.
34:54Je n'avais pas le droit d'exposer.
34:56Et j'ai recommencé cette année.
34:58Et là, en ce moment, j'expose à Paris pour la deuxième fois de l'année.
35:02Et puis, janvier, c'est Pondichéry.
35:04Après, c'est Barcelone.
35:05Après, c'est Milan.
35:06On va retrouver le voyage, à la fois pour partager
35:09et à la fois pour recevoir et pour faire de nouvelles photos.
35:11Est-ce que vous faites de la retouche sur vos photos
35:13ou c'est des photos brutes, complètement brutes ?
35:15Je fais des petites retouches.
35:16Parce que, par exemple, une de mes sources d'inspiration,
35:18c'est l'envol de l'oiseau.
35:20L'oiseau envole au 1,6 millième de seconde.
35:22Vous avez parfois besoin de recadrer.
35:23Donc, je fais des légères retouches.
35:25Mais ça ne m'amuse pas, la retouche, en fait.
35:26Il y a des gens qui ont le kiff de vraiment travailler sur l'ordinateur,
35:28des heures, leurs photos.
35:29Moi, mon kiff, c'est la prise de vue.
35:30Comment, en un millième de seconde, vous capturez quelque chose
35:33qui peut être…
35:34Vous n'avez pas l'impression de perdre, justement,
35:36quand vous prenez la photo, de perdre l'instant
35:38parce que vous ne le regardez pas avec vos propres yeux ?
35:40Ah non, c'est l'inverse.
35:42C'est que parce que je fais de la photographie,
35:46je crois qu'en permanence…
35:48Là, j'ai déjà pris cinq photos depuis le début de notre entretien.
35:51C'est vrai ?
35:52Mon œil prend les photos.
35:53Donc, de temps en temps, j'en prends une.
35:55Et puis, c'est tellement beau qu'un millième de seconde
35:58peut permettre de partager quelque chose qui est universel,
36:00qui est intemporel.
36:01C'est magique, la photo.
36:02Et c'est à la portée de tout le monde.
36:04Il n'y a pas de barrière culturelle.
36:05Je vais vous demander de résumer votre parcours en quelques mots.
36:09Qu'est-ce que vous choisiriez de me parler
36:13si je vous demandais de résumer votre parcours ?
36:15Passion, engagement et découverte.
36:18Trois mots, simplement ?
36:20Déjà, ça ne fait pas mal.
36:22Oui, c'est déjà bien.
36:24J'ai une question.
36:25Quelle est la prochaine grande décision que vous espérez prendre
36:27ou que vous prendrez pour l'avenir, Muriel ?
36:32Je ne sais pas, mais c'est très bizarre.
36:35J'ai vraiment l'impression d'être au début d'un nouveau cycle de vie.
36:38D'accord.
36:40Vous en avez eu combien de cycles de vie, du coup ?
36:43Je ne sais pas, mais…
36:44Quelques-uns ?
36:45Oui, je pourrais me dire, à mon âge maintenant,
36:47ça va être un peu comme hier, en moins bien.
36:49Pas du tout.
36:50C'est d'autres fenêtres.
36:51Par exemple, l'art permet des conversations sensibles
36:54complètement différentes,
36:56soit avec les mêmes gens, soit avec d'autres gens.
36:58Donc, ça m'ouvre des horizons.
37:01J'aime aussi l'écriture.
37:03Vous écrivez aussi un petit peu ?
37:04Oui, mais pour l'instant, c'est des pseudos.
37:06Sauf les essais.
37:08Les essais engagés où je parle de ma vie de ministre
37:11et de dirigeante d'entreprise.
37:12Là, oui, bien sûr, avec mes convictions.
37:14Ça, c'est l'édition UMN6.
37:16C'est tout à fait officiel.
37:18Je ne sais pas, mais j'ai envie d'explorer des nouveaux champs.
37:22Et votre conviction par rapport aux femmes aujourd'hui dans le monde,
37:27qu'est-ce que vous mettez en place ?
37:29Moi, premièrement, je suis au Global Summit of Women.
37:33Je suis dans plusieurs réseaux de femmes engagées dans le monde.
37:36Mais aussi, j'ai créé une fondation il y a 10 ans, 12 ans,
37:40qui s'appelle Sakura.
37:42J'aime beaucoup le Japon.
37:43Et on aide des artistes engagés sur les sujets de société.
37:46D'accord.
37:47Et récemment, il y a quelques jours,
37:50on a décidé de s'engager encore plus sur le soutien aux femmes photographes
37:54dans le monde.
37:56Et notamment, en ce moment, on soutient une jeune iranienne,
37:59on va soutenir une jeune afghane qui sont exilées.
38:02Et donc, la cause des femmes, elle passe aussi par les photos,
38:05par les images, par l'émotion, par le partage.
38:09Et donc, ça fait partie des choses qui font partie de mes engagements
38:14et où je peux relier la cause des femmes et l'art.
38:19Donc, il y a plein de moyens d'aider.
38:21Et des défis politiques, non ?
38:24Muriel Pénicaud en politique, je pense.
38:26Tout ce dont on parle est politique, non ?
38:27Oui, c'est vrai.
38:28C'est tout à fait vrai.
38:29Moi, tout ça est politique.
38:30C'est tout à fait vrai.
38:32Et si on vous donne...
38:34Non ? Fini ?
38:35Non.
38:36Moi, j'ai été très heureuse de...
38:38J'ai capitalisé sur des tas de choses que j'avais faites avant
38:41pour essayer de faire avancer l'emploi, les compétences
38:45pour les jeunes, l'égalité pour les femmes et pour tous les salariés.
38:50J'ai fait ce que j'ai pu.
38:52Ce n'est pas parfait, mais on a fait quand même des grandes avancées
38:55et je pense qu'elles seront durables.
38:57Ça, c'est ce que je pouvais apporter de mieux.
39:00Mais bon, faire un truc parmi d'autres, moi, c'est pas...
39:03Moi, j'aime mieux être à 100% dans ce que je fais.
39:06C'est une autre manière d'avoir de l'influence, ce que je fais.
39:09Mes conférences, l'art, les conseils d'administration,
39:12je suis au Pôle international, je fais de l'influence aussi.
39:15Mais sous une autre forme.
39:17Très bien.
39:18Très bien.
39:19Donc, la prochaine grande décision, c'est finalement de vous occuper
39:22de votre art et de vous occuper de votre photographie.
39:24Ça, elle est déjà prise.
39:25Elle est déjà prise.
39:26Ce n'est pas que la photo.
39:27Mais l'art, la photo est maîtresse.
39:29D'accord.
39:30Pourquoi peinture ?
39:31Non, mais la dessin animé.
39:33Mais s'il y a un dessinateur, parce que moi, je ne sais pas.
39:35Sur la bande dessinée.
39:36Il y a un grand dessinateur.
39:37D'accord.
39:38Et vous en êtes où à peu près dans la préparation de cette bande dessinée ?
39:40On en est à la colorisation.
39:42Donc, c'est quasiment fini.
39:43Ça sera annoncé à Angoulême, au festival Angoulême.
39:45Et ça sort le 9 avril.
39:47Donc, c'est un scoop.
39:48C'est un scoop, absolument.
39:50Manuel Pénicaud, merci pour ce témoignage riche et inspirant.
39:53Nous espérons que ces partages guideront d'autres à faire des choix audacieux et impactants.
39:57Merci beaucoup d'être venue sur le plateau.
39:59Merci, Fanny.
40:00A bientôt dans le jour où.