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00:0020h14 sur Europe 1, je suis très heureuse d'accueillir David Rigolier-Rose, merci d'être avec nous dans ce studio.
00:05Chercheur associé à l'IRIS, spécialiste du Moyen-Orient et rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique.
00:10Evidemment, votre regard sur l'actualité ce soir a beaucoup d'importance, il va falloir que vous nous apportiez votre éclairage.
00:18D'abord, 15 mois de conflit entre Israël et le Hamas, on a le sentiment qu'on commence à voir le bout du tunnel.
00:26Dimanche, je parle sous votre contrôle, un cessez-le-feu va être acté entre Israël et le Hamas, en contrepartie, le Hamas va libérer des otages.
00:37On parle de 33 otages, libération qui va s'étaler sur 6 semaines.
00:41D'abord, comment qualifie-t-on ce soir la situation, David Rigolier-Rose ? Est-ce qu'on voit le début de la fin, déjà, de ce conflit ?
00:51A la fin de quoi, c'est ça ?
00:53Ce n'est pas un accord de paix.
00:54Non, ce n'est pas un accord de paix, c'est un cessez-le-feu, et qui, dans une première phase, est temporaire, qui a vocation à être pérennisé dans une deuxième phase,
01:04puisque dans les 42 jours que vous évoquez pour la première phase, qui doit conduire à la libération de 33 otages israéliens et de plusieurs dizaines de prisonniers palestiniens,
01:16au bout du 16e jour, il y a des négociations qui doivent être entamées pour formaliser une deuxième phase,
01:23qui verrait la libération des otages restants, en l'occurrence des hommes, valides, puisque là, ça concerne les femmes, les enfants, les personnes vulnérables,
01:31dont les deux étages français, semble-t-il.
01:33Mais ce sont des hommes, donc ils ne seront pas libérés tout de suite ?
01:36Non, là, c'est plus de 50 ans, ça fait partie de la catégorie de la première phase.
01:40D'accord.
01:41Après, ce sont les hommes valides et de moins de 50 ans, et puis les autres otages décédés, et dans une troisième phase, qui risque d'être la plus compliquée,
01:53si la deuxième se passe comme prévu, c'est-à-dire la mise en place d'une gouvernance avec l'idée d'une reconstruction,
02:03avec tous les attendus incertains, évidemment, de la troisième phase en question.
02:08Donc, je vais parler de nos deux compatriotes, peut-être, parce qu'on a une pensée pour eux.
02:12Ce soir, quand pourra-t-on, pourrait-on les voir revenir, David Rigolet-Rose ?
02:17C'est très difficile à dire, il faut être très prudent de toute façon, parce qu'il n'y a pas de calendrier de l'échelonnement des sorties.
02:24Vraisemblablement, ça concernerait d'abord les femmes et les enfants, et on évoque d'ailleurs la famille Bibas, justement,
02:32dont le petit garçon était devenu l'emblème, justement, de cette prise d'otages.
02:40Et donc, il y a beaucoup d'incertitudes, et il ne faut pas spéculer, parce que ça revient à alimenter aussi davantage encore l'inquiétude des familles.
02:50Parce qu'il y a un point central, c'est de savoir si les otages sont en vie ou pas.
02:55Exactement. Et ça, c'est un point d'interrogation, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas sûrs de voir leurs proches rentrer en vie.
03:01Et c'était d'ailleurs un point d'achoppement de la part du gouvernement israélien, qui demandait depuis le début d'avoir la liste circonstanciée, justement.
03:08Et il y avait évidemment une obstruction de la part du Hamas là-dessus.
03:11Est-ce que le conflit entre le Hamas et l'État israélien est terminé ? Est-ce que l'Israël est venu à bout des terroristes ?
03:20C'est le vrai problème, c'est-à-dire que dans le but de guerre à déclaré au début de l'opération militaire sur Gaza, à la fin de l'année dernière,
03:28il y avait deux buts de guerre, c'était l'éradication de la structure politico-militaire du Hamas et la libération des otages.
03:37Et c'est vrai que le bilan est quand même, pour le moins, mitigé sur les deux registres,
03:41puisqu'il y a encore des otages qui font l'objet de négociations pour leur libération, aujourd'hui.
03:47Et puis, concernant le Hamas, le Hamas est toujours là.
03:52Donc il n'est pas détruit, le Hamas ?
03:54Il n'est pas détruit, il est considérablement affaibli.
03:57D'ailleurs, Yoav Galand, l'ancien ministre de la Défense, avait dit récemment qu'il n'existait plus en tant que structure militaire.
04:03On estimait à 30 000, 25 000 ou 30 000 le nombre de combattants actifs au début de la guerre.
04:09Tsaïl dit que plus de la moitié auraient été éliminés.
04:13Mais en même temps, Antony Blinken vient de faire une déclaration cette semaine où il évoquait le fait qu'il y avait un recrutement de nouveaux membres, justement.
04:22Et là, on touche du doigt un point très central, c'est la question de la perspective politique.
04:27C'est-à-dire que la résilience du Hamas tient pour partie au fait à l'absence d'alternatives politiques à sa situation, à son pouvoir.
04:36Et c'est la faiblesse de la stratégie du gouvernement israélien qui a été élaborée, effectivement, depuis le début.
04:43Oui, c'est ça, parce qu'effectivement, Gaza, dirigée par le Hamas, ça ne changera pas pour l'instant.
04:47Il n'y a pas d'alternative, ce que vous dites, crédible.
04:50Et donc, ça veut dire qu'Israël ne sera jamais en paix, c'est ça ?
04:55L'enjeu, il est effectivement considérable, c'est l'horizon politique, une expression alternative qui pourrait se substituer au Hamas.
05:03Alors, la présidente Joe Biden et le président français, d'ailleurs, avaient évoqué une autorité palestinienne réformée,
05:08puisqu'elle fait l'objet d'une dévaluation en termes de légitimité, notamment avec la corruption et l'incurie de l'administration de Mahmoud Abbas.
05:17Mais, quand bien même, il y aurait ces velléités, le problème, c'est qu'il y a une obstruction de la part de Benjamin Netanyahou sur cette question centrale.
05:25Et d'ailleurs, il y avait des tensions avec l'établissement militaire qui n'avait pas envie de prendre en charge l'administration militaire aux civils de l'enclave.
05:33Et donc, là, on touche du doigt le point central et on retrouve la troisième étape, justement, et c'est attendu, très incertain.
05:39Et de l'autre côté, au Liban, Emmanuel Macron est en visite au Liban, 12 heures, c'est un peu express.
05:45D'abord, pourquoi le chef de l'État français est allé au Liban aujourd'hui, dans les circonstances que l'on connaît ? Quel message cela envoie-t-il ?
05:53C'est un message, déjà, de solidarité avec le Liban, parce qu'il y a une fenêtre d'opportunité qui se présente pour le Liban,
06:02avec la fin des combats depuis fin novembre entre l'Hezbollah et Israël, avec l'élection d'un nouveau président, puisque la présidence était vacante.
06:13Donc, le président général Joseph Aoun, un nouveau premier ministre, Nawaf Salam, qui va remplacer Najimi Khati.
06:21Et donc, c'est une mutation de l'échiquier politique libanais qui tient, évidemment, à l'affaiblissement du Hezbollah.
06:29Mais là aussi, le Hezbollah, est-ce que les frontières d'Israël sont sécurisées, aujourd'hui ?
06:34Il se trouve qu'aujourd'hui, avec le cessez-le-feu, en principe, l'armée libanaise est en train de prendre position pour remplacer, justement, la présence du Hezbollah.
06:45L'armée libanaise qui le fait en collaboration avec la Finul, puisqu'il y a un général français, c'est Jean-Jacques Fatiné, qui a été rencontré, d'ailleurs, par le président de la République.
06:53Et il s'agissait de montrer qu'effectivement, le processus avait vocation à être pérennisé, avec la garantie, quand même, de la supervision américaine.
07:01Parce que dans les deux cas, à la fois au Liban et à Gaza, ce qui a été décisionnaire, c'est la dynamique américaine.
07:09Alors justement, parlons-en. Donald Trump avait promis qu'avant son investiture, ce conflit serait réglé.
07:17Ce n'est pas retenu pour Donald Trump, qui va être investi lundi ?
07:21Le conflit n'est pas réglé, en tout cas.
07:23Il n'est pas réglé, mais il y a un cessez-le-feu.
07:24Il y a un cessez-le-feu, qui a été recherché depuis des mois par Joe Biden.
07:27Pourquoi Joe Biden n'y est pas arrivé ?
07:29Joe Biden n'est pas arrivé parce qu'il y avait des relations avec le Premier ministre qui étaient peu amènes, on va dire.
07:35C'est un euphémisme, alors même qu'il est un soutien déclaré d'Israël.
07:38Mais effectivement, il y avait des tensions.
07:40Et en fait, le Premier ministre Netanyahou pariait sur l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
07:47Puisque Donald Trump avait donné déjà des gages en déplaçant à Jérusalem l'ambassade américaine,
07:55en validant l'annexion du Golan, etc.
07:59Et donc, du point de vue de Netanyahou, il y avait une confiance beaucoup plus grande.
08:03Et d'ailleurs, son arrivée était espérée même par la ministre d'extrême droite.
08:07Pour autant, ça n'empêche pas que Joe Biden, par le biais de ses émissaires,
08:12ait fait pression sur le gouvernement.
08:14Et notamment, il a envoyé Steve Whitkoff, son envoyé spécial,
08:17qui a fait savoir à Netanyahou qu'il fallait un accord.
08:21Et avant son entrée en fonction,
08:23le Premier ministre israélien pouvait difficilement émettre une fin de non-recevoir auprès de cet allié privilégié.
08:30D'autant plus qu'il y a des échéances par la suite qui s'annoncent difficiles,
08:34comme la gestion de la crise avec le nucléaire iranien.
08:37Oui, bien sûr.
08:38Donc, pour Donald Trump, avant son investiture...
08:41Bon, pardon, excusez-moi de passer mal l'expression, mais ça le fait.
08:44C'est-à-dire qu'il va arriver lundi en disant, promesse tenue,
08:47l'investiture au Capitole, donc à l'intérieur.
08:49On a appris qu'il faisait trop froid pour que la cérémonie se passe à l'extérieur.
08:53C'est quand même une première victoire pour Donald Trump.
08:56Oui, alors ses partisans m'ont parlé d'un effet Trump,
08:59puisque Mike Waltz, son futur conseiller de la sécurité nationale,
09:03a dit que ça avait abouti parce que chacun va s'attribuer les mérites.
09:07Mais il faut relativiser des deux côtés, d'ailleurs,
09:09parce que le plan en question, c'est en fait le plan de Joe Biden, de mai dernier.
09:13Simplement, effectivement, il était bloqué et il a débloqué.
09:16Donc, d'ailleurs, les deux administrations...
09:18Elles ont travaillé ensemble, ce qui est très rare, non ?
09:21Oui, effectivement, c'était assez inattendu au regard des relations
09:27qui étaient pour le moins difficiles entre les deux anciens présidents et nouveaux.
09:32Mais effectivement, ils ont travaillé ensemble, clairement,
09:35et ça a facilité les choses, probablement.
09:37Bon, pour Donald Trump, effectivement,
09:39ce sera un plus quand il va arriver à la Maison-Blanche.
09:42On parle de cesser le feu, mais accord de paix, est-ce que c'est envisageable ?
09:45Pour l'instant, on n'en est pas là.
09:47Ce qu'il faut, c'est que le cessez-le-feu tienne,
09:49ce serait la deuxième phase, déjà,
09:51parce qu'on ne peut pas exclure qu'il y ait des accros
09:53et des esprits malavisés qui feraient capoter le processus.
09:58Et puis après, il y a quand même la question très centrale,
10:01c'est le jour d'après.
10:03C'est-à-dire, qui va prendre en charge la gouvernance de l'enclave ?
10:06Et là, il y a un gros point d'interrogation,
10:08et effectivement, c'est loin d'être simple.
10:10Alors, à l'instant, le président de l'autorité palestinienne,
10:12Mahmoud Abbas, a déclaré que son gouvernement
10:14était prêt à assumer l'entière responsabilité de Gaza
10:18après la guerre.
10:20Dans sa première déclaration depuis l'annonce de l'accord du cessez-le-feu,
10:22selon le communiqué de la présidence,
10:24le gouvernement palestinien a achevé tous les préparatifs
10:27pour assumer la pleine responsabilité à Gaza,
10:30notamment concernant le retour des déplacés,
10:32la fourniture des services essentiels,
10:34la gestion des points de passage
10:36et reconstruction du territoire.
10:38David Rigolet-Rose ?
10:40Oui, mais le problème, c'est que
10:42c'est une position qui a été affichée,
10:44mais avec l'idée aussi de ne pas du tout
10:47intégrer le Hamas ou ce qu'il en reste
10:49dans un comité conjoint, évidemment.
10:52Et puis, le deuxième problème, c'est que
10:54le premier ministre Netanyahou avait dit,
10:56c'était en décembre dernier,
10:58ni Hamastan, ni Fatahastan.
11:00C'est-à-dire qu'il y avait l'idée
11:02de ne refuser par principe
11:04toute forme d'autorité palestinienne,
11:06quelle que soit sa forme.
11:08Et là, on touche, évidemment, du doigt
11:10le problème majeur.
11:12Parce qu'il faut, pour la gouvernance,
11:14il va falloir trouver, effectivement,
11:16une alternative.
11:18Et vous disiez tout à l'heure
11:20qu'il n'y en a pas.
11:21Il n'y en a pas, justement, compte tenu
11:23de l'obstruction et du manque de préparation
11:25là-dessus. Et c'est d'ailleurs ce que reprochait
11:27l'établissement militaire de Tsaral
11:29au premier ministre, c'est de dire
11:31qu'il faut ouvrir un horizon politique,
11:33parce que de toute façon, on ne pourra pas
11:35prendre en charge la gestion de l'enclave.
11:37Donc, pour l'instant, ce que vous dites,
11:39c'est que c'est le feu de dimanche,
11:41un cessez-le-feu, que l'on espère tenable,
11:43pour aller trouver des solutions.
11:45Et pour l'instant, on ne les a pas.
11:47Ça peut prendre des années, des mois,
11:49je ne sais pas, David Rigoulet-Rose ?
11:51Il y a eu des idées,
11:53des ballons d'essai sur un gouvernement
11:55de technocrate, justement, pour l'enclave.
11:57Mais de toute façon,
11:59il va falloir un consensus
12:01et puis un aval
12:03d'Israël pour
12:05l'expression d'une gouvernance minimale
12:07qui sera forcément
12:09palestinienne, d'une manière ou d'une autre.
12:11Même si c'est avec l'aide, évidemment,
12:13de pays arabes, etc. Et les pays arabes sont très
12:15réticents à s'engager, justement,
12:17sans visibilité pour la suite.
12:19Merci beaucoup, David Rigoulet-Rose,
12:21d'être venu ce soir sur le
12:23plateau d'Europe,
12:25pour nous apporter votre expertise.
12:27Chercheur associé à l'IRIS, spécialiste du Moyen-Orient
12:29et rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique.
12:31Merci infiniment. Il est
12:3320h26 sur
12:35Europe 1, le journal permanent, dans un instant.