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00:00Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie.
00:05Bonjour Nicolas Pouvre-Monti.
00:06Bonjour.
00:06Bienvenue sur Europe 1.
00:07Comment obtient-on aujourd'hui des papiers pour résider en France ?
00:11Alors pour cela, il y a de nombreuses voies.
00:13Ça peut être le travail, ça peut être les études, ça peut être le regroupement familial.
00:17Et puis bien sûr, il y a le droit d'asile.
00:19Alors c'est l'honneur de la France de se faire la protectrice et le sanctuaire de ceux que leur propre pays persécute
00:26pour leurs idées ou pour leur religion.
00:27Sauf que le droit d'asile aujourd'hui est hors de contrôle.
00:31C'est ce que vous écrivez, Nicolas Pouvre-Monti, dans une note que vous venez de rendre publique.
00:35Vous donnez ce chiffre.
00:36Vous estimez que 580 millions de personnes dans le monde remplissent les critères pour demander l'asile en France.
00:45Comment vous arrivez à ce chiffre ? 580 millions, c'est énorme.
00:47Écoutez, assez simplement, nous avons recensé l'ensemble des critères qui permettent aujourd'hui d'obtenir l'asile en France.
00:53Que ce soit le statut de réfugié au sens strict ou ce qu'on appelle la protection subsidiaire qui est juste une autre forme du droit d'asile.
00:58Et il faut dire que ces critères se sont étendus de manière très large au cours des dernières décennies.
01:02De telle sorte qu'aujourd'hui, le droit d'asile ne concerne plus des individus, mais des groupes entiers,
01:07parfois quasiment des peuples entiers.
01:09On pourrait multiplier les exemples.
01:11Toutes les femmes afghanes, par exemple, ont droit à l'asile en France.
01:14C'est 20 millions de personnes.
01:15Parce que femme et afghane.
01:16Parce que femme et afghane.
01:17Donc c'est potentiellement 20 millions de personnes.
01:19Absolument.
01:20Toutes les personnes homosexuelles d'un certain nombre de pays persécutées pour cette raison.
01:24Les populations de zones soumises à des violences de haute intensité au Soudan, en Somalie, à Haïti.
01:30Les femmes qui fuient l'excision et les mariages forcés.
01:33Les membres d'ethnies minoritaires persécutés par leur gouvernement.
01:36Les personnes atteintes d'albinisme.
01:39Les albinos du Nigeria.
01:40On pourrait multiplier l'inventaire de ce type-là.
01:43Et effectivement, en appliquant ces critères à l'ensemble des pays du monde,
01:46on arrive à estimer qu'environ 1,5 milliard de personnes, 580 millions,
01:50remplissent au moins l'un des critères permettant d'obtenir l'asile en France.
01:53Vous montrez que dans certains pays, surtout en Afrique,
01:56vous avez entre le quart et la moitié de la population de certains pays,
01:59je pense au Soudan, à l'Ethiopie, etc.,
02:01qui sont éligibles aux droits d'asile en France.
02:03Mais qui définit ces critères ?
02:05Qui fait fonctionner ce droit d'asile qui ne cesse de s'étendre
02:08avec toujours plus de possibilités d'y avoir droit ?
02:11C'est le canal d'immigration sur lequel le politique aujourd'hui a le moins de contrôle.
02:15Le droit d'asile est déterminé en amont par des grands traités structurants,
02:19donc la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés,
02:22le protocole de New York de 1967, c'est la même chose en plus étendue,
02:25et en aval...
02:26Les traités européens également.
02:27Absolument, les traités européens qui ont internalisé
02:29les dispositions de ces grandes conventions.
02:31Et en aval, des juges, donc en l'occurrence en France, c'est la CNDA,
02:35la Cour nationale du droit d'asile, au niveau européen,
02:37c'est la Cour de justice de l'Union européenne,
02:39qui interprètent ces traités et qui définissent sur la base
02:42des grands principes fixés par ces traités, qui a droit à l'asile.
02:45Et l'État n'a pas de prise sur la Cour nationale du droit d'asile ?
02:48L'État n'a pas de prise sur cette Cour, et l'État...
02:50En vertu de la séparation des pouvoirs, c'est ça ?
02:52Absolument.
02:53Il y a aussi, avant la CNDA, l'OFPRA,
02:56l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,
02:59qui est un établissement public avec une indépendance fonctionnelle,
03:02donc qui n'obéit pas aux consignes du politique.
03:04Et la vraie difficulté, c'est que ce droit d'asile, aujourd'hui,
03:07c'est un droit absolu, c'est une sorte de droit opposable à l'immigration,
03:10c'est-à-dire que si vous vous présentez en France
03:12et que vous remplissez les critères de l'asile, vous obtiendrez l'asile
03:15sans qu'aucune limite quantitative ne puisse être fixée
03:18dans l'état actuel de notre droit.
03:19Alors ça, c'est très important de dire qu'il n'y a pas de quota, entre guillemets.
03:23Donc, si on reprend l'exemple des femmes afghanes,
03:26dès lors que l'on considère qu'étant femmes en Afghanistan,
03:28elles sont exposées à des persécutions,
03:30c'est pour ça que si les 20 millions de femmes afghanes,
03:33prenons cet exemple théorique, demandaient l'asile en France,
03:36on ne pourrait pas leur refuser ?
03:39Absolument, elles l'obtiendraient parce que le droit d'asile
03:41n'est pas soumis à aucune limitation de volume, finalement.
03:44Et lorsqu'on évoque un demi-milliard de personnes
03:46qui remplissent ces critères de l'asile,
03:48il ne s'agit pas de dire que ce demi-milliard de personnes
03:50va se rendre en France,
03:51ni même que toutes ces personnes vont quitter leur pays.
03:53Mais il suffit que 1%, 2%, 5% de ces 580 millions de personnes
03:58décident de se rendre en France
04:00pour que les capacités d'accueil de notre système d'asile
04:03déjà saturé explosent complètement
04:05et qu'une pression très forte soit mise sur nos sociétés.
04:07Dans votre note, vous suggérez quelques pistes
04:09pour permettre à l'État de reprendre le contrôle du droit d'asile.
04:13Les réponses sont assez techniques,
04:15mais en substance, qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
04:17Nicolas Pouvremonty, parce que c'est vrai,
04:19c'est un sujet de préoccupation politique.
04:21On le voit aux États-Unis, en France et en Europe également.
04:23Absolument, la crise de l'asile existe dans l'ensemble du monde développé.
04:26Il y a d'autant de solutions.
04:28Est-ce qu'il peut être fait dès maintenant ?
04:30Par exemple, rendre le statut de demandeur d'asile
04:32moins attractif ?
04:33On sait que le montant de l'allocation pour demandeur d'asile
04:35en France est plus élevé qu'ailleurs en Europe.
04:37On pourrait faire en sorte
04:39que la clause d'asile interne,
04:41c'est-à-dire le fait de vérifier que les personnes
04:43ne peuvent pas être protégées dans une région de leur propre pays
04:45autre que celle où elles sont persécutées,
04:47cette clause soit vérifiée systématiquement.
04:49Vous avez des demandeurs d'asile aussi qui vont faire la demande
04:51dans 5-10 pays européens,
04:53et puis à la fin ils vont aller en France, peut-être parfois en second choix,
04:55mais ils finissent par arriver.
04:57La France est typiquement un pays de rebond
04:59avec beaucoup de demandeurs d'asile qui ont tenté leur chance
05:01dans un précédent pays et qui viennent ensuite déposer
05:03un dossier dans le nôtre.
05:05Mais plus structurellement,
05:07ce qui mérite d'être interrogé,
05:09ce sont les grands traités qui
05:11structurent ce droit d'asile.
05:13La convention de Genève de 1951 est tout à fait louable
05:15dans son principe, mais enfin elle est datée
05:17d'une époque où les réalités migratoires mondiales
05:19n'étaient pas du tout les mêmes qu'aujourd'hui.
05:21Et si on veut remettre en cause demain ce droit opposable
05:23à l'immigration qui est devenu l'asile,
05:25il faudra peut-être récuser cette convention.
05:27On voit qu'il y a un mouvement de volonté
05:29de reprendre les choses en main en Europe en ce moment.
05:31On a vu que l'Italie avait tenté d'externaliser
05:33l'asile avec des centres
05:35de rétention basés en Albanie.
05:37La justice italienne a quelque peu torpillé le projet.
05:39Mais il y a une idée qui circule beaucoup,
05:41c'est cette idée qu'il faudrait
05:43que les demandeurs d'asile déposent leurs demandes
05:45depuis leur pays d'origine.
05:47C'est une idée qui prospère
05:49notamment à droite. Nicolas Pouvremonti,
05:51vous dites que c'est une très mauvaise idée. Pourquoi ?
05:53Dans l'état actuel, le droit d'asile, c'est une très mauvaise idée
05:55tout simplement parce que ce qui sépare
05:57des centaines de millions de personnes qui auraient droit
05:59à l'asile, de centaines de millions de personnes
06:01qui demandent et obtiennent l'asile, c'est la distance,
06:03c'est la difficulté à arriver sur le territoire français.
06:05Demain, si on ouvre des guichettes
06:07de demandes d'asile en Afghanistan, c'est l'exemple
06:09que vous preniez, la moitié du pays
06:11est éligible, en sachant qu'avec l'asile
06:13vient ce qu'on appelle la réunification familiale
06:15qui est une version maximaliste du regroupement familial
06:17propre à l'asile, sans critères de ressources,
06:19de logements, de durée de résidence.
06:21Donc en la matière, c'est aller au-devant des difficultés.
06:23Merci beaucoup Nicolas Pouvremonti.
06:25Votre note, elle est à retrouver sur le site internet
06:27de l'OID, l'observatoire
06:29de l'immigration et de la démographie
06:31dont vous êtes le directeur. Merci d'être venu nous voir.
06:33Bonne journée.

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