David Balland, le cofondateur de l'entreprise de cryptomonnaies Ledger, a été enlevé dans le Cher contre une rançon, avant d'être libéré grâce notamment à l'intervention du GIGN. L'enquête se poursuit sur les auteurs du crime. Le patron du GIGN, le Général Ghislain Réty, est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 24 janvier 2025.
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00:00Il est 18h19, bonsoir Général Gislain Retty.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes le patron du GIGN, groupe d'intervention de la Gendarmerie Nationale, qu'on ne présente
00:11plus.
00:12Vous venez de mener une série d'interpellations très délicates dans une affaire d'enlèvement.
00:15Il s'agit du fondateur d'une entreprise de crypto-monnaie enlevée puis libérée,
00:19son épouse ayant été elle aussi kidnappée.
00:21Au total, plus de 230 gendarmes ont été mobilisés.
00:24Comment dirige-t-on une opération pareille ?
00:27Effectivement, 230 gendarmes qui ont été mobilisés, dont un peu plus de 90 du GIGN.
00:33Le GIGN vient vraiment en appui du travail des enquêteurs, mais il y a d'autres unités
00:38qui ont été mobilisées, l'Unité Nationale Cyber, des hélicos, d'autres moyens qu'on
00:43ne pourrait pas développer.
00:44L'action du GIGN, bien évidemment, on pense aux interpellations, mais aussi c'est un
00:49appui dans le domaine de l'acquisition du renseignement par des filatures, par des
00:53exploitations techniques, la mise en place éventuellement de capteurs.
00:57Et c'est aussi toute la partie négociation qui est vraiment un outil tactique au sein
01:02de ce type de mission.
01:03Donc ce que je viens de comprendre, c'est que vous êtes sur le terrain avant d'être
01:06sur le terrain d'une certaine façon.
01:07Vous comprenez ma question ?
01:09On est immédiatement sur le terrain, même si ce sont des missions qu'on anticipe.
01:14Le GIGN est aguerri aujourd'hui à ce type de mission.
01:17On a fait une dizaine d'enlèvements, on a résolu une dizaine d'enlèvements au cours
01:21de l'année 2024, par exemple.
01:24On participe aussi à des fois à des ransomware, qui sont des prises d'otages de données,
01:28qui nous donnent un petit peu un avantage quand il s'agit de parler un petit peu en
01:31crypto-monnaie, en bitcoin, c'est de comprendre un petit peu cet écosystème dans le domaine
01:35de la négociation.
01:36Quelles informations avez-vous pour commencer cette enquête ?
01:39On part avec quoi ?
01:40On part avec pas grand chose, puisqu'on a uniquement des revendications de la part
01:47des ravisseurs, par l'intermédiaire d'une tierce personne, qui demande une rançon
01:53en échange de la libération des deux victimes.
01:57Mais on n'a aucun renseignement, on ne sait pas où sont les victimes, on ne sait pas
02:01qui sont les ravisseurs, où est-ce qu'ils sont.
02:03C'est aussi toute la difficulté dans un enlèvement, c'est qu'en fait c'est une prise d'otages,
02:07mais en plus on ne sait pas où elle est.
02:08Donc il y a d'abord un gros travail d'investigation, là on revient à tous les moyens techniques
02:13du GIGN, mais aussi les moyens du cyber, les moyens des enquêteurs, sous l'autorité
02:18des magistrats, pour essayer déjà de localiser ces victimes.
02:23Et ensuite il y a un travail d'interpellation des auteurs pour libérer les victimes.
02:30Donc vous intervenez dans un enlèvement lui-même complexe, avec une prise d'otages non localisée,
02:35et un enlèvement en deux lieux, si on doit résumer les choses.
02:37Double complexité, vous venez de le souligner, c'est que les victimes sont très rapidement
02:42séparées.
02:43Donc ça nécessite un travail de coordination, ça nécessite un double engagement, puisqu'ils
02:50sont séparés en plus de plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres, ce qui complexifie
02:55grandement bien évidemment la résolution de l'affaire.
02:58Comment fait-on pour savoir si les victimes sont toujours en vie, même au-delà de l'opération
03:03dans laquelle nous parlons ? Parce que ça change évidemment vos méthodes et votre
03:06engagement.
03:07C'est tout le travail de la négociation, le travail de la négociation c'est d'avoir
03:11des garanties que les personnes sont vivantes, et s'il devait y avoir un versement, d'avoir
03:18la garantie que les personnes seront libérées, et bien évidemment aussi la garantie qu'on
03:22puisse rapidement récupérer l'argent, c'est une autre étape.
03:25Vous êtes allé visiblement très vite, c'était important dans ce type d'enquête ?
03:28Chaque seconde compte, c'est une course contre le temps.
03:31Donc là en plus il y avait une notion d'espace qui était sur plusieurs départements, mais
03:36chaque seconde compte, on sait qu'à un moment on a des gens extrêmement déterminés, vous
03:40l'avez souligné, il y a eu une mutilation, donc on se doute qu'ils peuvent passer à
03:44d'autres actes qui peuvent être potentiellement même beaucoup plus graves qu'une mutilation.
03:49Dans votre équipe, on l'a évoqué rapidement, il y a une quinzaine de cyber enquêteurs
03:53de la Gendarmerie Nationale, quelle était leur mission exacte ? Identifier et saisir
03:58la crypto-monnaie, c'est ça ?
03:59C'est dans l'équipe de la Gendarmerie, il y a une unité nationale de cyber qui est
04:03un petit peu spécialisée dans toutes ces enquêtes cyber, l'UGVN a une petite capacité
04:08qui vient aussi en complément dans le domaine notamment des négociations, puisque ça nous
04:12permet de bien connaître cet écosystème de la crypto-monnaie et de tout cet environnement,
04:19ça leur permet un petit peu de faire l'interface entre les négociateurs et les spécialistes
04:24cyber, une sorte d'interprète dans ce domaine-là.
04:27Depuis combien de temps la crypto-monnaie est-elle devenue pour vous, je dirais, une
04:30des sources sur lesquelles vous devez enquêter et pour lesquelles vous avez mis en place
04:35du monde pour comprendre et saisir toutes ces questions qui sont à mon avis d'une
04:38infinie complexité ?
04:39Depuis la naissance de ce mode de paiement, voire même de richesse, le UGVN a toujours
04:49essayé d'avoir un temps d'avance sur l'adversaire, donc on s'y est intéressé au plus tôt,
04:54comme aujourd'hui on s'intéresse par exemple à l'intelligence artificielle, on s'intéresse
04:57à plein d'autres domaines, il y a un vrai virage technologique qui est pris par le UGVN
05:02et des enlèvements dans le domaine des ransomwares, donc c'est une prise d'otages de données
05:07en fait.
05:08Mais les techniques de négociation sont les mêmes, les techniques de gestion de crise
05:12sont les mêmes, les moyens à mettre en œuvre sont les mêmes, sauf qu'au lieu de libérer
05:15des personnes comme on l'a fait cette semaine, c'était en général plutôt des libérations
05:21de données.
05:22Mais il faut des garanties qu'on ait la libération des données et ça fait maintenant plusieurs
05:25années que l'UGVN y travaille et a vraiment investi sur ce créneau.
05:28Mais ce n'est pas perturbant d'une certaine façon de ne pas avoir à faire justement à
05:32une monnaie qui est physique, si je puis dire.
05:34La finalité est la même, c'est-à-dire qu'il y a un versement d'argent ou pas,
05:42mais que l'argent soit virtuel, numérique ou que l'argent soit physique, les techniques
05:48de négociation sont les mêmes.
05:49La crypto-monnaie est visiblement à la mode, même plus que ça, vous ne craignez pas de
05:55voir exploser justement ce genre d'enquête dans ses conséquences et dans le fait que
06:02justement vous soyez, on a bien compris que vous étiez aujourd'hui formé à cela,
06:05mais voilà, ça change quand même une grande partie de votre travail.
06:08Ça change la partie de la négociation, mais après les modes opératoires restent les
06:13mêmes, les techniques de gestion de crise les mêmes, les moyens que met en œuvre l'agenda
06:17Murray restent les mêmes.
06:18Bien évidemment, c'est beaucoup plus sensible quand il y a des vies humaines que quand c'est
06:21uniquement des données numériques.
06:23En face de vous, vous aviez des professionnels avertis ou une bande d'amateurs, d'ailleurs
06:26peut-être les deux ?
06:28Je ne vais pas rentrer dans le profil, l'enquête est encore en cours, mais vous l'avez dit
06:33tout à l'heure, ce sont des équipes qui sont très bien organisées, avec des recrutements
06:37qui sont aujourd'hui, ils maîtrisent leur modèle, et c'est pour ça que je ne vais
06:45pas rentrer plus dans le détail, parce que l'enquête est encore en cours pour interpeller
06:49peut-être d'autres personnes.
06:50Donc vous avez, d'une certaine façon, le travail n'est pas terminé, je vous ai bien
06:53compris.
06:54Le travail des enquêteurs n'est pas terminé, le travail des magistrats n'est pas terminé,
06:59ce sont des enquêtes qui peuvent durer de façon à démanteler peut-être tout le réseau.
07:03La procureure de Paris, qui n'est pas toujours commode commode, vous dresse des lauriers
07:06dans sa conférence de presse, excusez-moi, mais on la connaît, on la charme pas facilement
07:12cette femme, est-ce que c'est agréable et est-ce que c'est une reconnaissance pour
07:15votre travail et vos interventions ?
07:17Je crois que c'est une belle affaire pour toute la gendarmerie, ça démontre toutes
07:22les capacités de la gendarmerie dans le domaine de la lutte contre la criminalité
07:25organisée.
07:26Donc moi, on prend toujours des reconnaissances, mais c'est vraiment un travail collectif
07:34avec les enquêteurs de la gendarmerie, l'UIT National Cyber, mais aussi les magistrats
07:38qui ont eu un rôle majeur et qui ont été très très réactifs pour répondre à toutes
07:43les sollicitations des enquêteurs.
07:44Un travail d'équipe, nous l'avons compris, merci infiniment Gislain Réti, je rappelle
07:47que vous dirigez le GIGN, le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale.
07:51Dans un instant, les toutes dernières informations avec notre journal de 18h30, puis à 18h40,
07:56nous reviendrons sur la pandémie de Covid-19, elle a fait 170 000 morts en France, deux
08:01journalistes du Monde ont remonté le fil de cette catastrophe et des erreurs commises
08:05par l'État, nous reviendrons avec eux sur leurs révélations, rendez-vous dans moins
08:09d'un quart d'heure, à tout de suite.