L'ancien commissaire européen chargé du Marché intérieur, Thierry Breton, est l'invité de France Inter. Il est question de guerre commerciale, d'intelligence artificielle et du budget de la France, qui a franchi une étape décisive avec un premier compromis au Parlement.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Et dans le grand entretien de ce 1er février avec Marion Lourdes, nous recevons un ancien
00:05ministre de l'économie et des finances, il était encore récemment commissaire européen
00:10au marché intérieur en charge du numérique, de la politique industrielle, de la défense,
00:16il a également été le patron d'une grande entreprise de la tech, question intervention
00:21chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'application de France Inter.
00:27Bonjour Thierry Breton.
00:28Bonjour.
00:29Et bienvenue dans ce studio, on a de très nombreux dossiers à voir avec vous, il y
00:34a cette guerre commerciale qu'a peut-être déclaré dans la nuit Donald Trump en parlant
00:40de monter les taxes sur les importations des produits européens, il y a la question évidemment
00:45de la technologie et de l'IA dont vous êtes l'un des spécialistes et puis il y a ces
00:51problèmes qui concernent non seulement l'Europe mais la France, la question budgétaire, c'est
00:56assez frappant, vous avez été donc ministre de l'économie et des finances, en relisant
01:01vos discours devant l'Assemblée en 2005 et 2006, on pourrait reprendre quasiment les
01:07mêmes mots, François Bayrou pourrait les prononcer ces mots-là puisque déjà, il
01:13y a maintenant quasiment 20 ans, vous parliez de la maîtrise des dépenses publiques, qu'il
01:18fallait absolument dépenser à l'euro près, bref le vocabulaire est le même, il y a eu
01:25cette commission mixte paritaire et un accord qui semble avoir été trouvé pour avoir
01:33un budget, est-ce que vous dites aujourd'hui un budget, ça vaut mieux que pas de budget
01:38ou est-ce que vous reprenez l'expression de Dominique Seux dans ce studio et dans les
01:43échos quand il dit que c'est un budget avide ?
01:45Votre référence, monsieur Baddou, à la période effectivement où j'étais ministre
01:52des finances, alors je le rappelle pour nos auditeurs puisque vous faites un petit plongeon
01:57historique en arrière, c'était sous Jacques Chirac et lorsque j'ai pris mes fonctions,
02:06la dette de la France, l'endettement de la France était à 67% du PIB et lorsque je
02:09suis parti, il était à 62% du PIB, celui de l'Allemagne était lui resté à 67%,
02:15on en était mieux que l'Allemagne et on avait 1200 milliards de dettes, aujourd'hui
02:19c'est 3300 milliards.
02:20Mais il est déjà une question de la dette, il est déjà une question de dérapage des
02:24dépenses publiques, il est déjà une question d'un exercice quasi impossible, vous connaissez
02:28ça donc comment jugez-vous celui qui a été, disons, négocié hier ?
02:34Oui parce que précisément il fallait absolument tenir, encore une fois, les engagements qui
02:38sont ceux de la France à travers les traités qui nous lient à l'Union Européenne, l'Allemagne
02:42les a tenus, l'Allemagne est à 67% en 2007, ils sont à 62% aujourd'hui, nous étions
02:48à 62% lorsque je quitte Bercy, on est à 116%, qu'est-ce qui s'est passé ? On a eu les
02:53mêmes crises de côté du Rhin, comment on en est arrivé là pour avoir désormais deux
02:57fois plus d'endettements que l'Allemagne ? Et bien il s'est passé tout simplement qu'on
03:01n'a sans doute pas tenu compte du fait que nous avons un modèle social qui est très
03:06important auquel nous sommes très attachés mais que nous ne pouvons plus nous payer en
03:11l'État.
03:12Et pour qualifier le budget, un mot pour qualifier ce budget-là.
03:13Et que donc il faut se remettre au travail, se remettre au travail autour de la table
03:17et avec un budget évidemment, alors ce budget, voilà, on en est quand même au troisième
03:23gouvernement pour essayer d'avoir un budget pour la septième puissance économique mondiale.
03:28Je rappelle que c'est sans doute l'élément principal qu'a retenu le président de la
03:34République, en tout cas c'est ce qu'on en a compris, des raisons pour lesquelles il
03:37a voulu dissoudre, en disant ça va être tellement compliqué d'avoir un budget au mois de septembre
03:41qu'on va se faire censurer, donc je dissous.
03:43Très bien, un gouvernement est tombé, celui de monsieur Attal, un deuxième gouvernement
03:47arrive, celui de monsieur Barnier, il retombe, un troisième gouvernement et on a enfin une
03:52CMP.
03:53Et donc du coup ?
03:54Monsieur Baddou, vous vous rendez compte ? Trois gouvernements pour avoir un budget dont
03:58on nous dit qu'il va nous permettre de passer de 6% de déficit à 5,4, c'est-à-dire 0,6
04:05points de PIB, 0,6 points de PIB ça fait 18 milliards d'économies.
04:07Mais comment est-ce que vous le qualifiez ? Est-ce que c'est un budget d'austérité ?
04:10Non mais attendez, vous allez entendre dans ma réponse, 18 milliards d'améliorations
04:15par rapport à 1600 milliards de dépenses et ça nous a coûté trois gouvernements.
04:19Et on dit que c'est un budget d'austérité, il faut juste, pardon mais il faut remettre
04:24les chiffres, on est aujourd'hui le dernier élève de la classe européenne, celui qui
04:30a les budgets le pire, en plus grand déficit, on doit utiliser trois gouvernements pour
04:36faire 18 milliards d'améliorations sur 1600 milliards.
04:39Je vais vous dire une chose, ne nous étonnons pas que dans ce contexte, la France ait une
04:46voie qui porte moins.
04:47Ne nous étonnons pas que dans ce contexte, nous ayons des taux d'intérêts qui ont
04:51entre 70 et 90% d'écart de points de PIB avec l'Allemagne.
04:58Ne nous étonnons pas qu'on nous regarde aujourd'hui pas comme on devrait nous regarder.
05:03Est-ce que ça vous fait plaisir ? Non.
05:04Mais donc si on vous écoute, tiré breton, il faudrait faire plus d'économies dans
05:07le cadre de ce budget, en tout cas c'est ce qu'on entend dans vos paroles.
05:11Et en même temps, on a une conjoncture qui est fragile, avec une croissance qui n'est
05:15pas très brillante, on a le chômage qui repart, qu'est-ce qu'on va couper comme
05:18robinet ?
05:19Mais attendez, d'abord, on va peut-être reprendre les choses les unes après les autres.
05:23Pourquoi avons-nous une croissance qui s'est effondrée au dernier trimestre ?
05:27Moins 0,1%.
05:28Pourquoi ?
05:29L'incertitude.
05:30Ben évidemment.
05:31Mettez-vous à la place des entreprises.
05:34Oui, 0,9%, mais en fait les analystes nous disent 0,7%.
05:37Pourquoi ?
05:38C'est l'épaisseur du trait, on est autour de 1%.
05:40Vous pensez que c'est l'épaisseur du trait ?
05:42Qu'est-ce qu'il se passe aujourd'hui dans les entreprises ?
05:46Et je ne suis pas là pour les défendre, je suis là pour le dire.
05:49Je les connais, je parle avec tout le monde comme vous, et notamment avec les économistes
05:54et les entreprises.
05:55À partir du moment où on n'a pas de visibilité, zéro visibilité, qu'est-ce qu'on fait ?
06:00On attend de savoir ce qui va se passer.
06:02Et c'est la raison pour laquelle, je l'ai dit à plusieurs reprises, oui, la France
06:06est à l'arrêt depuis maintenant que nous vivons cette espèce de situation politique
06:11tout à fait inédite, 4 changements de gouvernement en 2024, 3 gouvernements pour avoir enfin
06:17un budget.
06:18Donc, si vous me posez la question sur la CMP, il faut évidemment s'en féliciter.
06:22La commission de mixte paritaire.
06:23Il faut évidemment s'en féliciter, parce que la priorité des priorités, c'est d'avoir
06:27un budget.
06:28Mais pardon de vous le dire, lorsque je vois que les uns et les autres, c'est la France
06:31dont il s'agit.
06:32C'est la France.
06:33On ne peut pas vivre sans budget.
06:35Alors bien sûr, il ne peut pas satisfaire les uns et les autres, mais il y a deux temps
06:39en démocratie.
06:40Il y a le temps, effectivement, des budgets, et puis il y a le temps ensuite des grandes
06:43options politiques.
06:44Les grandes options politiques, eh bien ce sera pour les présidentielles, de grâce
06:48que chacun retrouve raison et qu'on redonne un budget à la France, quel qu'il soit,
06:52pour qu'on avance.
06:53Sans ça, sans ça, je vous le dis, malheureusement, les 5,4% de déficit que nous vivons, on les
07:01atteindra pas.
07:02Je rappelle quand même pour nos auditeurs que 5,4% de déficit, ça fait quand même
07:06150 milliards d'euros de dettes de plus qu'on va engranger en 2025, après avoir
07:12engrangé 160 milliards de dettes de plus en 2024.
07:15On ne peut pas continuer comme ça.
07:17Alors là, Thierry Breton, on a une esquisse de budget, un espoir de budget qui pourrait
07:20être confirmé la semaine prochaine.
07:22Une des mesures emblématiques qui sort de cette commission mixte paritaire, c'est
07:25l'effort temporaire des ménages aisés sur l'impôt sur le revenu et la contribution
07:29exceptionnelle qui est demandée aux grandes entreprises.
07:32Ça a donné lieu à une passe d'armes entre Michel-Edouard Leclerc et le patron de l'LVMH
07:36Bernard Arnault, qui parle d'un matraquage fiscal qui pousse, selon lui, à la délocalisation.
07:42Est-ce qu'il a raison ?
07:43Vous savez, la France n'est pas une île.
07:48La France n'est pas une île.
07:50Donc les grands patrons peuvent en partir ?
07:52Non, c'est pas ça ce que je veux vous dire.
07:54Il faut regarder ce qui se passe autour de nous.
07:56L'Allemagne va annoncer, il va y avoir un nouveau chancelier, on le sait, des élections
08:01le 23 février.
08:02Il a dit qu'il allait ramener l'impôt sur les sociétés parce qu'on a tellement à
08:04investir pour assurer la transition verte, pour assurer la transition numérique, il
08:09va ramener l'impôt sur les sociétés à 15%.
08:11Le Portugal vient d'annoncer qu'il va ramener l'impôt sur les sociétés à 15% parce qu'il
08:16y a tellement à investir.
08:17Les Etats-Unis, on entend, Donald Trump vient nous le dire exactement lui aussi les 15%.
08:23Et nous, on va passer à 40%.
08:26Vous voyez, c'est provisoire comme la vignette, on connaît le provisoire.
08:32Vous parlez à un ancien ministre des Finances, je sais ce que ça veut dire que le provisoire
08:35ou ce que ça ne veut pas dire que le provisoire en matière d'imposition, croyez-moi.
08:39J'espère, mais les promesses n'engagent surtout en matière d'impôt que ceux qui
08:45les croient.
08:46Donc de toute façon, aujourd'hui, oui, quand on regarde ce différentiel, ça veut
08:50quand même dire quelque chose pour un pays, je vous le rappelle, qui est aujourd'hui
08:54le pays qui a les plus hauts taux déjà de prélèvements obligatoires.
08:57Donc Bernard Arnault a raison de soulever le problème.
08:59Mais je ne sais pas, encore une fois, qui a raison ou qui a tort.
09:04Je dis simplement que vous êtes question là.
09:06Bernard Arnault était le seul grand patron français présent à l'inauguration de
09:11Donald Trump.
09:12On peut imaginer qu'il parlait avec Donald Trump d'installer des usines aux Etats-Unis.
09:18Je ne sais pas.
09:19Ce que je sais, c'est qu'il a déjà effectivement, le groupe LVMH a déjà beaucoup d'activités
09:23effectivement aux Etats-Unis et de par le monde.
09:25Ce qu'il dit avec ce différentiel aujourd'hui, croyez-moi, il est absolument dramatique.
09:32Pourquoi il est dramatique ? Parce que derrière, il y a évidemment les entreprises françaises.
09:36Mais il y a aussi tous ceux qui avaient prévu d'investir en France et qui ne le font pas,
09:40madame.
09:41Mais ce n'est pas du chantage de la part des grands patrons.
09:42Mais ce n'est pas du chantage, c'est une réalité.
09:43Et qui ne le font pas.
09:44Je parle de ceux aussi, des entreprises, qui avaient prévu d'investir en France.
09:49On en a besoin.
09:50On en a besoin.
09:52Et qui ont décidé de ne pas le faire parce qu'on n'a pas de visibilité.
09:55Une entreprise non française qui investit en France, ce sont des emplois.
10:00Eh bien, voyez-vous, moi je préfère qu'on le fasse en France qu'ailleurs, avec le manque
10:05de visibilité.
10:06Que notre classe politique, c'est elle qui est responsable.
10:09Que notre classe politique, aujourd'hui, est en train de faire subir à la France,
10:13eh bien voilà où nous en sommes.
10:14Et j'espère vivement qu'on va enfin avoir un budget.
10:18Il ne sera pas parfait.
10:20Il y aura eu des petites victoires, alors on va revendiquer, ici ou là, pour justifier
10:24qu'on n'a pas censuré.
10:25Pardon, ce n'est pas à la hauteur de la France.
10:28Il faut que ça cesse.
10:30Beaucoup de sujets à aborder avec vous.
10:31J'aimerais avoir votre réaction sur ces notes secrètes de Bruno Le Maire sur le dérapage
10:36du déficit et qui sont publiées ce matin dans le Figaro, qu'il les a consultées.
10:41Et Bruno Le Maire a publié de nombreuses notes d'alerte envoyées au chef de l'État
10:47ainsi qu'au Premier ministre sur la dérive des comptes.
10:50Le Maire qui bataillait en coulisses pour redresser ou exposer clairement la faillite
10:55ou le dérapage budgétaire.
10:56Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous le croyez ? Vous le soutenez ?
10:59Ou qui est responsable de cette situation-là ?
11:00Non mais je n'ai pas vu ces notes et je n'ai pas lu l'article auquel vous faites référence.
11:06Enfin voilà, moi je parle en tant qu'ancien ministre, je le dis quand j'ai fait ce que
11:13j'avais à faire.
11:14On ne demande pas la permission, on fait.
11:17Donc il se défause de sa responsabilité ?
11:20Je ne sais pas, je ne sais pas ce qu'il y a dans ces notes, mais je peux vous dire
11:22que puisqu'on parlait, je vous donne un tout petit exemple, très rapide, puisqu'on parlait
11:26de la réduction de la dette, croyez-moi lorsque j'ai engagé la réduction de l'endettement
11:29de la France pour tenir les traités de Maastricht, je n'avais pas demandé la permission parce
11:34que c'était évidemment mon rôle, je ne vous cache pas que j'ai eu des remarques
11:37à l'époque du Premier ministre et aussi du Président, mais on l'a fait et à la fin
11:43ils étaient contents qu'on l'ait fait, quand on est ministre, eh bien on exerce évidemment
11:48toutes les responsabilités.
11:49Autre dossier, Thierry Breton, c'est cette guerre commerciale qui a peut-être été
11:52déclarée cette nuit par Donald Trump à l'Union Européenne.
11:54Oui, parce qu'il a réaffirmé hier le Président des Etats-Unis qu'il imposerait des droits
11:58de douane sur les produits européens à l'avenir parce que l'UE, dit-il, nous a très mal
12:02traités.
12:03Alors il l'avait déjà dit.
12:04Est-ce que vous redoutez-vous cette hausse annoncée de tarifs douaniers qui s'appliquent
12:08dès aujourd'hui avec le Mexique, avec le Canada notamment ?
12:12Vous savez, je vais vous dire les choses vraiment comme je les pense.
12:16Avec Donald Trump, il ne faut rien redouter.
12:17Avec Donald Trump…
12:18Il faut répliquer.
12:19Non, attendez, avec Donald Trump, il faut juste être bien conscient de ce que nous
12:25sommes.
12:26Nous sommes un très grand continent, nous sommes une très grande puissance économique,
12:32nous sommes une très grande démocratie.
12:33Je le rappelle, 450 millions de concitoyens européens, les Etats-Unis c'est 330, 340.
12:38On est une fois demi plus grand que les Etats-Unis.
12:40Voilà, c'est ça l'Europe.
12:42On a également un certain nombre d'éléments qui sont absolument incontournables.
12:46Pour nous, l'intégrité territoriale, c'est évidemment non négociable.
12:51Pour nous, nos lois qui ont été votées, y compris les lois numériques, c'est non
12:54négociable.
12:55Pour nous, le fait de ne pas quitter les accords de Paris, c'est non négociable.
12:59On a beaucoup de choses qui sont non négociables.
13:01Derrière, et il faut les rappeler, parce que si on ne les rappelle pas quand on est
13:05dans des logiques transactionnelles, c'est bien ça dont il s'agit, et bien celui qui
13:09est en face, il pousse jusqu'à ce qu'on dise stop.
13:12Il y a un moment où l'Union Européenne doit dire stop.
13:15Après...
13:16Dire stop en instaurant des tarifs douaniers en réponse ?
13:17Après, si jamais on rentre dans une discussion commerciale dont on sait que c'est l'un
13:22des sujets principaux, puisqu'il y a effectivement un déficit de la balance commerciale entre
13:27les Etats-Unis et l'Europe, par parenthèse, 156 milliards, le déficit commercial avec
13:32la Chine c'est 1000 milliards.
13:33Il faut toujours en relativiser.
13:35Eh bien, on peut en parler, mais ceux qui ont la charge de discuter, et je rappelle
13:42que pour les aspects de commerce extérieur, c'est une compétence exclusive de la Commission
13:46Européenne, doivent évidemment être fermes.
13:49Je les invite donc à la fermeté.
13:51Qui dit fermeté, dit évidemment réciprocité.
13:54Alors on peut trouver des éléments, il se trouve que peut-être...
13:57Donc taxer de nouveau le Bourbon et les Harley-Davidson, c'est-à-dire les mesures des risoirs ?
14:01Les délocaliser en Malaisie, on verra bien, on verra bien, mais il y a peut-être des éléments...
14:06Donc rien n'est prêt comme arme pour répondre à Donald Trump ?
14:10Non, non, c'est pas ce que je dis, je crois savoir et je ne livre un secret pour personne
14:13qu'évidemment, et c'est leur rôle, et je l'espère vivement, il faut savoir que c'est
14:17le cas, que la Commission s'est préparée à tout ça, voilà, si on doit rentrer dans
14:20ces discussions, eh bien on rentrera dans ces discussions, mais je le redis à votre
14:25micro ce matin, ce doit être des discussions commerciales, et pas dérapées sur d'autres
14:31choses, notamment des éléments qui touchent à l'intégrité européenne, qu'elles soient
14:37de notre territoire ou de notre démocratie.
14:39Mais vous, vous avez rencontré Donald Trump, vous avez rencontré Elon Musk, est-ce que
14:43vous n'avez pas peur d'une escalade, connaissant leur personnalité, connaissant les personnages ?
14:48On est encore une fois dans des logiques transactionnelles, dans des logiques transactionnelles il n'y
14:51a pas d'escalade, chacun pousse son avantage jusqu'à ce qu'il peut, et après on s'assoit
14:58et on discute, eh bien très bien, on va rentrer dans une situation, dans une position où
15:03on va s'asseoir et on va discuter, mais je le redis, discuter d'aspects commerciaux,
15:07oui, discuter de ce qui touche à notre intégrité, non, évidemment.
15:11Alors il y a l'art of deal, l'art transactionnel.
15:14C'est le livre de Donald Trump.
15:16Exactement.
15:17Vous devriez lire l'art de la guerre de Sun Tzu à mon avis, ce sera peut-être plus utile.
15:24J'ai lu les deux.
15:25Nombreuses questions d'auditeurs, Thierry Breton, paradoxalement Trump n'est-il pas
15:28une chance pour l'UE parce que ça obligerait les pays européens à se reconstruire, à
15:34se réorganiser et à mener une politique protectionnisme, vous demande Aurélien, face
15:40au Nouveau Monde et à la loi du plus fort, est-ce que l'Europe est en mesure de se défendre
15:45et les 27 sont-ils unis ? Beaucoup de questions, ça c'est une question de Dominique, beaucoup
15:49de questions qui touchent justement à la capacité de l'Union et des 27 à faire face.
15:55Très rapidement, qu'est-ce que vous leur répondez avant de passer au dernier dossier ?
15:58C'est une bonne question, effectivement, c'est notre démocratie, nous avons encore
16:03une fois les éléments avec nos institutions européennes d'une vraie démocratie continentale
16:09et il faut savoir faire valoir ce que nous représentons, on est dans des logiques maintenant
16:13de bloc.
16:14Alors je ne suis pas de ceux qui disent « tous les 4 ans, en fonction du nouveau président,
16:20il va falloir qu'on en tire les conclusions pour faire avancer l'Europe ou la faire reculer ».
16:24Non, l'Europe doit avancer, nous avons notre projet, nous sommes une très grande
16:28démocratie, nous sommes un état de droit et nous avançons selon nos priorités.
16:32Maintenant, évidemment, dans ces priorités, dans ces moments, on sait que désormais
16:37nous entrons dans un monde qui va être un monde qui est un monde très dur, qui est
16:40un monde dans lequel les rapports entre les blocs vont être extrêmement tendus, on le
16:47sait.
16:48Et un monde où l'Europe a décroché par rapport aux Etats-Unis, notamment sur le plan
16:52des latèques.
16:53Et un monde où effectivement, il faut continuer à nous renforcer, nous sommes forts, c'est
16:59vrai qu'aujourd'hui on a des problèmes de compétitivité, et bien adressons ces
17:03problèmes de compétitivité, il y a évidemment des solutions, l'une des principales causes
17:08du manque de compétitivité c'est que nous n'avons pas de marché des capitaux unifiés
17:12et qu'il faut le faire pour faire en sorte que notre épargne serve à nos entreprises,
17:16alors qu'aujourd'hui, 300 milliards d'euros par an de l'épargne européenne quitte
17:21l'Europe pour aller s'investir aux Etats-Unis, il faut évidemment inverser cette tendance
17:24et pour ça il faut faire en sorte que nous ayons une union européenne du marché des
17:29capitaux, c'est pour moi la priorité absolue pour accompagner le développement de nos
17:33entreprises, de nos start-up et de nos entrepreneurs en Europe.
17:36Thierry Breton, le règlement européen sur l'intelligence artificielle, dont vous êtes
17:40largement à l'origine, entre en vigueur ce week-end, mais en fait quand on voit l'arrivée,
17:46l'irruption de l'IA, de l'agent conversationnel d'ipsy qui est très compétitif, qui coûte
17:53peu cher etc, est-ce que l'urgence c'était vraiment d'ajouter des régulations ? Est-ce
17:58que ça ne risque pas d'entraver la compétitivité de l'IA au niveau européen ?
18:01Alors l'IA on en parle depuis maintenant plusieurs années, et comme vous venez de
18:07le dire à l'instant...
18:08Et là c'est un disrupteur !
18:09Comme vous venez de le dire à l'instant, d'abord on va prendre les deux aspects de
18:12la question.
18:13Le premier c'est effectivement sur l'IA Act, donc la première régulation qui elle ne
18:19rentre en vigueur que demain.
18:21Donc il s'est quand même passé beaucoup de choses, ceux qui disent, pardon mais je
18:24voudrais le dire à votre micro ce matin, ceux qui disent que, oh là là, les Etats-Unis
18:29innovent et l'Europe régule.
18:31C'est toujours ce qu'on dit.
18:32Ils se font le porte-voix des GAFA, et évidemment de tous ceux qui aux Etats-Unis voudraient
18:38affaiblir l'Europe.
18:39Et donc je m'interroge que d'aucuns continuent à se faire le porte-voix de cette fake news
18:47en Europe.
18:48Pourquoi je dis que c'est une fake news ?
18:49Parce qu'évidemment, nous, nous sommes un Etat de droit, donc on met quelques règles
18:53pour l'IA.
18:54Les règles c'est par exemple dire, demain ce sera le cas, qu'on ne peut pas utiliser
18:59les programmes d'IA en Europe pour faire ce qu'on appelle, pardon de cet anglicisme,
19:04du social scoring, c'est-à-dire faire en sorte qu'on va dire exactement, on va suivre
19:07ce que vous avez fait dans votre vie, pour vous dire, parce que vous avez fait ça quand
19:10vous étiez jeune, vous êtes un bon payeur ou pas, ce qui se passe en Chine, ça c'est
19:14interdit.
19:15Donc quelques petites interdictions, mais qui ne sont pas du tout des éléments qui
19:18vont contre l'innovation, au contraire qui permettent de guider.
19:21Ça rentre en vigueur demain, ça va se déployer sur les deux ans qui viennent.
19:25Donc de grâce, arrêtons de propager ces éléments dont je suis vraiment bien placé
19:35pour pouvoir vous le dire, c'est poussé par les GAFA qui veulent continuer à être
19:39les maîtres du monde et à éviter que des grandes démocraties comme nous disent stop,
19:43il y a quand même certains éléments qu'on ne peut pas faire chez nous.
19:46Voilà ce que sont ces lois, rien d'autre, mais c'est déjà beaucoup pour nous.
19:50L'union face à ces nouveaux maîtres du monde, on verra en tout cas comment se déroulera
19:55l'apport de force.
19:56Merci Thierry Breton d'avoir été l'invité de France Inter ce matin.