Lors de l’Appel Pour l’Égalité du Think & Do Tank Marie Claire, à l’Hôtel de Lassay, à l’Assemblée nationale, des expertes engagées ont échangé sur les violences sexistes et sexuelles, leur prise en charge et les solutions pour mieux protéger les victimes.
Ghada Hatem, Fondatrice de la Maison des Femmes, Laetitia Dhervilly, Procureure de la République, et Isabelle Steyer, Avocate, ont partagé leurs expertises sur l’accompagnement des survivantes, l’accès à la justice et l’importance d’une mobilisation collective pour lutter contre ces violences.
Ghada Hatem, Fondatrice de la Maison des Femmes, Laetitia Dhervilly, Procureure de la République, et Isabelle Steyer, Avocate, ont partagé leurs expertises sur l’accompagnement des survivantes, l’accès à la justice et l’importance d’une mobilisation collective pour lutter contre ces violences.
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00:00Allez, on continue pour enchaîner sur cette réflexion de lutter ensemble contre les violences
00:16sexuelles et sexistes.
00:17Et bien, c'est aussi le rôle des associations, des institutions, de notre justice, Angélique
00:21l'a dit, et de nos professionnels de santé.
00:24Alors, on fait un état des lieux, on ouvre les yeux avec Rada Hatem, gynécologue et
00:28fondatrice de la Maison des Femmes, et vous pouvez, à l'appel de votre nom, me rejoindre
00:33sur cette scène.
00:34Laetitia Derby, procureure, haute fonctionnaire à l'égalité homme-femme, femme de terrain
00:39aussi, qui encourage les victimes à faire confiance à la justice, Isabelle Steyr, avocate
00:45en droit pénal et droit de la famille, spécialiste du droit des femmes et des enfants victimes
00:49de violences physiques, psychologiques ou sexuelles.
00:53Merci à toutes les trois d'être avec nous.
00:56Je vous propose de commencer par la prise en charge des victimes.
01:00Allons-y.
01:01Une personne, une femme est victime.
01:04Première chose, la prise en charge, et la prise en charge, avant tout, elle est médicale,
01:08Rada Hatem.
01:09Où en est-on ?
01:10Alors, elle est médicale si on veut bien l'organiser, parce qu'elle n'a pas toujours
01:14été médicale.
01:15Ce qu'on a vu depuis une dizaine d'années, c'est que cette entrée dans la prise en charge
01:20par le soin fonctionne très bien.
01:22Et la maison des femmes qu'on a ouverte il y a un peu moins de dix ans, comme un modèle
01:28expérimental, très rapidement, on s'est aperçu que les femmes, ça leur parlait,
01:33que ça les mettait en sécurité et on s'est aperçu que les soignants, ça leur parlait
01:37aussi parce qu'aujourd'hui, il y a trente maisons des femmes sur le territoire national
01:42et elles sont toutes portées par un médecin, un gynécologue, un légiste ou quasiment
01:48jamais un urgentiste.
01:50Et pourquoi c'est intéressant?
01:51Parce que c'est plus facile d'aller voir son médecin, sa sage femme et de dire je ne
01:56vais pas bien.
01:57Et on a fait aussi énormément de formation envers les professionnels soignants pour leur
02:03dire Vous êtes souvent la première personne à qui elle pourrait en parler, mais vous
02:07le savez pas.
02:08Donc, pour lui permettre de parler, poser la question, ça paraît tout bête, mais dans
02:14notre métier, on s'intéresse évidemment beaucoup au passé.
02:18Moi, je demande à mes patientes Est ce qu'il y a des maladies dans votre famille?
02:20Ça m'intéresse si ses trois sœurs, sa mère et sa grand mère sont morts d'un cancer
02:24du sein.
02:25Je ne vais peut être pas faire une mammographie tous les deux ans, je vais faire peut être
02:29un peu plus souvent.
02:30Je demande s'il y a d'autres antécédents.
02:32Puis ensuite, je demande à la patiente Est ce que vous buvez, est ce que vous fumez?
02:35Est ce que vous avez des conduites à risque?
02:38Et puis maintenant, je lui demande Est ce que vous avez subi des violences?
02:41Et là, souvent, c'est magique parce qu'elles ont parfois 80 ans.
02:46Elles me disent Mais pourquoi vous me demandez ça?
02:49Vous l'avez vu sur mon front?
02:50J'ai l'air d'une victime.
02:51Non, pas du tout.
02:52Pas plus que vous n'avez l'air alcoolique.
02:54Mais je vous pose cette question parce que j'ai besoin de savoir en tant que médecin.
02:58Qu'est ce qui vous arrive?
03:00Qu'est ce que vous vivez?
03:01Et là, je dois dire que depuis que je fais ça, je suis absolument stupéfait, stupéfaite
03:06des relations et des révélations que me font ces patientes en me disant parfois mais mais
03:10je n'en ai jamais parlé à personne.
03:13J'ai attendu que ma mère meure pour pouvoir dire, par exemple, que mon beau père me faisait
03:17des attouchements.
03:18Je n'ai jamais osé dire à mes parents que le jardinier me tripotait chaque fois que je
03:21passais dans la serre.
03:23Et c'est fou.
03:25Et ce qui est encore plus fou, c'est que parfois, le simple fait d'avoir parlé les
03:29soulage tellement que même si elles n'ont pas déposé plainte, c'était parfois il y
03:33a 50 ans, même si elles n'ont pas eu un accompagnement psychologique ultra musclé,
03:38elles reviennent, elles me disent Vous savez quoi?
03:40Je vais tellement mieux depuis que je vous ai parlé.
03:41Moi, j'ai l'impression d'avoir fait de la magie.
03:43Je n'ai rien fait. Vous allez poser la question.
03:46Oui, oui. Et autre chose aussi qui me surprend, des femmes puissantes, des femmes aisées,
03:52des femmes CSP plus, plus, plus, plus qui vivent des trucs, mais de malades et parfois
03:58le simple fait de parler à quelqu'un parce que jusque là, je ne sais pas.
04:01Vrai, c'est pas moi, ça ne peut pas m'arriver.
04:04Et quelqu'un qui leur dit Si, je crois que ce que vous me racontez là, c'est interdit
04:07par la loi. Je crois que ça s'appelle un viol.
04:09Je crois que et elles reviennent et elles disent J'ai pris des décisions, ça fait
04:1420 ans que je n'arrivais pas à les prendre.
04:15Donc voilà, n'importe quelle porte ouverte peut faire sens.
04:19C'est mon message.
04:20Les violences sexuelles ne sont pas cantonnées à un seul milieu social.
04:23Loin, loin, loin de là.
04:25Je vois vos deux acolytes beaucoup réagir déjà à ce que vous dites.
04:28Radha Laetitia Derby.
04:29Alors, ce n'est pas toujours le cas.
04:31Parfois, il y a prescription, mais espérons qu'on peut encore agir.
04:35Place à la justice.
04:36Mettons nous dans un cas où c'est possible.
04:38Place à la justice.
04:40Il y a plusieurs axes à développer, notamment celui où on en parlait pour
04:44préparer de cette tendance à ce que la justice vienne plus à la victime
04:48plutôt que l'inverse. Ça aussi, ça facilite les procédures, ça encourage.
04:52Où en est on? Alors, j'ai envie de commencer pour répondre à cette
04:58question. On est donc pour la justice.
04:59La justice, c'est une révolution permanente et il faut et moi, je l'ai
05:04vécu, si je puis dire, évidemment, avec Isabelle sur le côté défense des
05:11victimes. Elle vous en parlera mieux que moi.
05:14C'est une révolution permanente et on a fait énormément de chemin.
05:17Il en reste tant à faire.
05:19Ce que je voulais dire, c'est qu'une parole libérée dont on parle depuis ce
05:23matin ne sert à rien en justice.
05:29Et on sait, nous, professionnels de la justice, je crois qu'on l'a appris à
05:33nos dépens et il faut qu'elle soit accompagnée.
05:39Cette parole libérée et accompagnée, c'est là où il y a une révolution pour
05:44nous. Je peux, je peux témoigner parce que je l'ai vécu dans mon exercice
05:47professionnel. C'est quoi?
05:49C'est lire des procès-verbaux, c'est assurer la direction d'une enquête,
05:53entendre le compte rendu des enquêteurs, des premiers intervenants.
05:57On m'en dit, mais on avait oublié toute une phase.
05:59C'est tous ceux qui sont intervenants avant l'État, avant les institutions,
06:05avant que la victime soit en capacité.
06:09Je le mets ce terme entre guillemets de passer la porte de, comme on dit
06:12communément, d'un commissariat ou d'une gendarmerie.
06:15Et en réalité, on s'aperçoit lorsque cette victime est prise en charge avec
06:19une prise en charge concrète, spécifique, spécialisée, notamment
06:24sous l'angle des soins. Mais pas que.
06:26Elle est donc accompagnée.
06:28Elle est elle même protégée de ce combat judiciaire.
06:31Je l'assume, c'est un combat judiciaire et c'est difficile et c'est douloureux.
06:36Et merci à notre témoin aujourd'hui de dire que c'est un processus long.
06:44La justice, mais ça peut marcher.
06:47Et vraiment, quand on est accompagné de ce point de vue là, donc nos exercices
06:52professionnels ont ensemble radicalement changé parce qu'on a appris à ce
06:57moment là à parler le terme dénonciation.
07:00Mais alors tellement j'abonde dans ce qui vient d'être dit à l'instant sur
07:04le poids de la culpabilité pour une victime ou lorsqu'elle retirait sa
07:09plainte et nous recevons les comptes rendus de ces premières paroles
07:13déposées sur procès verbal, on arrêtait l'enquête.
07:16C'est terminé aujourd'hui.
07:17Ça doit être terminé partout.
07:19Évidemment, ça passera par la formation et la conscience de ce qui est fait en
07:23amont et je voulais faire un parallèle avec ce qui a été dit parce que vous
07:26pouvez peut être vous interroger à cette heure de nos échanges et du
07:30colloque. Mais qu'est ce que vous venez de faire?
07:31Les violences sexuelles et sexistes dans la femme, dans la place de la
07:35femme, dans les métiers d'avenir.
07:37Oui, mais on a parlé exactement des mêmes choses dans la libération de la
07:44femme, dans la libération professionnelle et dans la libération de la parole
07:48d'une femme victime.
07:49C'est ce que vous dites et vous m'interrogez sur cette question.
07:53Les ministres l'ont dit, le gouvernement l'a dit.
07:55Les parlementaires très investis l'ont dit ce matin.
07:58Il faut aller chercher les femmes dans la libération professionnelle.
08:02C'est exactement la même chose pour la justice et pour que la justice soit
08:05éclairée et non aveugle.
08:07Il faut aller chercher les victimes et on va chercher les victimes.
08:10On organise des lieux uniques, spécifiques où ce sont les
08:12professionnels qui se déplacent.
08:14Évidemment, dans les structures telles qui sont développées aujourd'hui
08:18partout en France et c'est là où il y a encore énormément d'efforts à faire
08:23pour que ce soit évidemment sur l'ensemble du territoire national.
08:26Allez chercher les victimes.
08:28C'est notre devoir aujourd'hui et aller chercher les victimes.
08:31Utilisez donc l'entreprise parce qu'il y a des entreprises qui
08:36s'investissent pour identifier les victimes.
08:39Vous avez cité les chiffres pour les violences sexuelles et sexistes en
08:422022 telles qu'ils ont été publiés par l'ami Prof 230 000 victimes seulement
08:47identifiées, c'est à dire seulement celles qui se sont déclarées.
08:51Ça veut dire que nous sommes tous assis à côté dans nos bureaux, mais
08:56aussi dans notre environnement de proximité de victimes, mais aussi d'auteurs.
09:03Et il faut savoir repérer le premier combat pour des acteurs de justice
09:09de toute la chaîne pénale, c'est de faire comprendre le premier
09:12obstacle à la victime qu'elle est victime.
09:14Et c'est cet accompagnement.
09:15Et là, je rebondis sur cet accompagnement.
09:17Donc, vous voyez rendre cette visibilité là.
09:19Nous avons besoin des entreprises et elles ont mis la plupart d'entre elles.
09:22Il faut poursuivre des dispositifs de signalement, de protection avec très
09:26bien, on va en parler exactement.
09:27Un lieu de travail protecteur parce que nous, derrière, nous pouvons accueillir
09:31une parole dans la continuité de l'accompagnement.
09:33Justement, Isabelle Steyer, je sais que ça, c'est quelque chose que vous
09:37une chose sur laquelle vous êtes vraiment convaincu.
09:39Il y a un combat énorme à mener quand on démarre toute une procédure judiciaire.
09:45Je pense que ça va fonctionner.
09:46Ne vous inquiétez pas. Et là, en tant qu'avocate, vous intervenez aussi?
09:51Oui, et j'interviens soit à la faveur d'une audience, soit en amont.
09:57C'est dire que la victime parvient à venir à mon cabinet alors qu'elle n'a pas
10:03encore déposé plainte.
10:04Et ça, c'est extrêmement intéressant.
10:06D'abord, c'est intéressant de voir à quel point j'ai 35.
10:10Rue Thiel-Marcel va à 35 rue Saint-Marcel.
10:13Elle, elle n'arrive pas à trouver la porte.
10:16Elle m'appelle, elle est au 45 ou et donc je sais que c'est une épreuve pour elle
10:24de venir me poser révélateur de vulnérabilité, la difficulté.
10:30Et ça, déjà, oui, c'est un critère.
10:34J'en ai pas besoin, mais si j'en avais besoin d'un, c'est un critère de ce que
10:38elle me porte.
10:39Mais c'est le secret de sa vie et c'est la sève de sa vie.
10:44Et lorsqu'elle vient, parfois, elle n'ose pas me regarder dans les yeux et il
10:48m'est arrivé. Il m'a parfois dit ne me regardez pas, mettez vous de biais ou de
10:53dos ou voilà ou mettons nous, j'ai un petit petit fauteuil, un guéridon dans
10:58mon cabine et ne soyons pas dans ce face à face qui est très protocolaire, qui
11:03est finalement à mon bureau d'avocate.
11:06Moi, je sais et vous, vous ne savez pas, il y a quelque chose qui est dit dans
11:10cette organisation là et je lui dis mais voilà, parlez moi et moi, je vous
11:15entends et je vous crois.
11:17Et quelle que soit la suite de la procédure, c'est vrai que les chiffres
11:22ont été rappelés.
11:24Elle a un lieu à elle où je vais valider ce qu'elle me dit parce que, comme on
11:29dit, les milliers d'autres femmes que j'ai entendues et j'ai besoin de femmes
11:35comme Angélique Cauchy parce que j'ai besoin de femmes tutrices justement de
11:41cette parole là, qu'ils soient des exemples de porteuses de ces propos là
11:50parce qu'il y a 20 ans, on disait que les femmes victimes de violence étaient
11:53des femmes battues et personne n'avait envie de ressembler à une femme battue.
11:59Aujourd'hui, on parle d'égalité, de discrimination, de violence
12:02intrafamiliale, mais pas de femmes battues et avoir des visages forts comme
12:08ceux de Madame Cauchy ou d'autres qui ont parlé dans le cadre du Me Too.
12:13Pour moi, c'est extrêmement important et ce Me Too, il est déterminant pour
12:17me montrer des images de femmes qui sont, qui étaient des femmes de pouvoir,
12:22qui étaient intelligentes, qui avaient leur carrière, quelle qu'elle soit ou
12:25qu'elle soit, mais qui au-demain étaient quand même victimes de violences
12:30sexuelles gravissimes, de violences conjugales et qui ont su le dire et le porter.
12:36Et donc, ces modèles là sont très importants et la défense elle-même
12:40d'ailleurs, n'a jamais hésité à médiatiser sa propre problématique pour
12:46gagner un procès. Donc, je ne vois pas pourquoi les victimes hésiteraient à se
12:52médiatiser alors que depuis des décennies, on entend les hommes se
12:57médiatiser pour se disculper de ces faits-là. Donc, la parole intervient à
13:03mon cabinet à différents niveaux. Si c'est en amont, je vais l'accompagner jusqu'à la
13:08plainte et pourquoi pas, ça fait quand même très peu de temps que les victimes ont les
13:12mêmes droits que les agresseurs. Vous savez, en Amérique du Sud, effectivement on n'a pas les
13:17mêmes droits que les agresseurs et pour savoir que l'agresseur était là et
13:21protégé, elle se mettait devant le domicile de l'agresseur avec un panneau
13:25en disant je sais qui tu es. Evidemment, rien n'était dit, pas de
13:31problème de diffamation, mais on savait ce qui se passait.
13:33Donc, effectivement, cet accompagnement de mettre en place la réalité des
13:42choses, il est déterminant et il est déterminant en lien avec le psy, le
13:48médecin, une association, une amie. Souvent, j'ai quelqu'un qui attend aussi dans la
13:54salle d'attente et on suspend, voilà, j'ai mis une cigarette, elle est à côté.
14:00Et on peut tout être cette personne. Tout à fait, tout à fait.
14:04Si on veut regarder l'avenir et essayer de continuer de s'améliorer dans cette
14:09lutte contre les violences sexuelles et sexistes, il y a un sujet sur lequel on
14:14voulait revenir, c'est celui de la prévention. Encore mieux prévenir et
14:19surtout les jeunes. Laëtitia, peut-être que vous voulez
14:22commencer sur la prévention? Oui, parce que c'est essentiel, c'est-à-dire de mon
14:28regard de l'intervention de la justice, nous intervenons forcément toujours
14:34trop tard. Le passage à l'acte, le traumatisme et on ne rattrapera jamais
14:39ces années de souffrance, évidemment. Donc, même si on améliore nos outils
14:46judiciaires, Mme Pécresse a parlé tout à l'heure du
14:49téléphone grave danger. Je le dis quand même, je précise aujourd'hui que nous
14:52avons réussi à répandre dans l'ensemble des armoires des tribunaux judiciaires.
14:57Ils sont remplis de téléphones graves dangers et ils sont bien distribués par
15:01les procureurs de la République avant même, même s'il n'y a pas de plainte.
15:05C'est-à-dire que sur réception d'un signal, c'est important de le dire et on
15:09en est à plus de 4000 distribués aujourd'hui en France. Il faut encore en
15:13parler. Le violentomètre, c'est ça la prévention.
15:17Je vais parler d'un outil concret. Il a été évoqué par Mme Pécresse tout à
15:21l'heure. Je vais compléter les propos pour
15:25revendiquer ces outils d'information collective globale à l'ensemble de nos
15:30concitoyens. Pas seulement une fois qu'on a eu, hélas, l'occasion d'être devant une
15:36cour d'assises ou les tribunaux correctionnels.
15:39Elle disait, il faut absolument distribuer à toutes les petites filles et aux
15:45petits garçons. Je le disais dans une procédure, dans une enquête, nous avons
15:51la charge de la preuve. Vous parliez de présomption d'innocence, c'est l'état de
15:54droit. Évidemment, je le revendique complètement. La parole des victimes, dans
15:59le détail, elle est décortiquée. Mais un obstacle, je le disais, les victimes ne
16:03se reconnaissent pas victimes. Il faut qu'elles soient informées sur
16:06c'est quoi l'absence de consentement. Globalement, le débat en ce moment, il est
16:10passionnant et il faut l'avoir. Tant mieux qu'il existe. Pas seulement pour la
16:14loi, pas seulement pour les professionnels de justice. Mais il faut
16:18avoir de la prévention à l'égard de nos petits garçons aussi. Et ça, c'est
16:23absolument essentiel. C'est ce qui change pour nous, aussi, l'appréhension. Parce
16:28que, bien souvent, lorsqu'on parle de multi-récidivistes, de réitérants, à
16:34l'issue du processus pénal, ils n'ont toujours pas conscience d'avoir, certes,
16:40bravé un interdit un peu plus, puisque la peine est là aussi pour ça. La
16:43condamnation et la culpabilité. Mais le changement profond, quand on a affaire,
16:48nous, à des récidivistes, malgré des condamnations, sur des enquêtes à
16:51tiroirs où on se rend compte, grâce à un rôle modèle d'une victime qui a bien
16:55voulu dénoncer, et puis derrière, il y en avait 15 autres, bien avant, qu'il a
16:58recommencé, malgré des rappels où il sait très bien qu'il commet l'interdit.
17:02Donc là, il y a une prise de conscience. Et donc, je reviens à ce qui a été dit ce
17:05matin. Vraiment, nous avons besoin, nous, à la fin de la chaîne, quand il est
17:10trop tard, que se développent ces programmes, évidemment, avec l'aide de
17:14l'éducation nationale et que ce soit un débat de société où tout le monde est
17:17concerné. Ça, c'est un message très, très important pour la fin de la chaîne.
17:21Maître Steyer, peut-être que vous voulez aussi donner un exemple, justement, sur
17:25cette conscientisation du passage à l'acte et sur la prévention.
17:29C'est ça. J'avais, avec, toujours, avec le président du tribunal pour enfants de
17:35Bobigny, on allait dans des classes et on organisait un procès. Et chacun, alors,
17:43évidemment, en fonction de l'âge. J'aurais adoré assister à ça à l'école.
17:47Ça n'a pas été le cas, mais j'aurais adoré. C'était ma fille. La scène 2, c'était le vol de
17:50trottinette. Après, c'était le regard à la sortie de la boîte en troisième parce
17:55qu'on a regardé le copain ou la copine de travers, la guerre des yeux.
17:59Donc, on faisait créer un scénario et dans la classe de français, chacun choisissait son rôle.
18:06Il y avait le président du tribunal. Il y avait, qui avait parfois déjà connu, lui-même était
18:13auteur de violences. Ce qui était très intéressant, c'était de voir comment lui-même
18:18interroger. On avait les témoins et chacun des élèves choisissait sa fonction, son rôle
18:26et les questions qu'il posait. Et à la fin de cette pièce, finalement, chacun concluait
18:33que la parole protégeait. C'est effectivement pas la violence qui protège, mais c'est la parole
18:40qui protège. Et on allait jouer cette pièce au sein du tribunal pour enfants de Bobigny,
18:45dans la salle du tribunal pour enfants de Bobigny. Et c'était dans la classe de professeurs de
18:50français. Cette enseignante nous disait, mais c'est incroyable à quel point vous avez
18:53transcendé les relations de ces élèves qui, à la fin, à la suite de cet événement-là, se
19:02parlaient différemment, se respectaient quand il y avait des ethnies dont on ne savait pas qu'en
19:06Afrique, elles étaient en guerre. Donc, jouer le lieu où se nomme la justice et où chacun a sa
19:16place et utiliser des mots fait que c'est un outil extrêmement important. Les exemples ils
19:23existent, on peut les utiliser. J'avais aussi initié des groupes de parole pour auteurs. Là,
19:33on est dans l'autre côté et on réalise là aussi que les hommes violents n'ont jamais parlé de leur
19:46violence d'ailleurs, ailleurs qu'en garde à vue, en confrontation et devant le tribunal correctionnel.
19:52Et donc, cette violence n'a jamais été dite, travaillée, expliquée, remontée et que face à
20:01quatre autres hommes, ils vont parler et quand il y en a un qui va craquer, il va embarquer les autres
20:09avec lui et là, effectivement, faire parler de pourquoi, d'où ça vient, qu'est-ce qui s'est
20:16passé dans ma vie. Et ça me semblait extrêmement enrichissant de voir ces groupes de parole
20:22que j'avais fait par ailleurs pour femmes. Mais là, c'était plutôt, tiens, les groupes de parole pour femmes,
20:26c'est plutôt une réassurance de ce que l'on dit, de ce que l'on pense et pas vraiment de dévoilement
20:32puisque les femmes parlent et parlent dans de multiples lieux tandis que les hommes eux-mêmes
20:36ne s'expriment pas sur ces questions-là. Et donc, le positionnement est extrêmement différent dans
20:42ces groupes de parole et très intéressant. Merci pour cet exemple Isabelle. Pour conclure,
20:47peut-être, Radha, à la thème, un exemple d'un outil, soit dans l'accompagnement, soit pour
20:55mieux former, soit dans la prévention, peut-être, pour continuer cette lutte contre les violences
21:01sexuelles et sexistes. Plutôt qu'un outil, moi, je voudrais faire des vœux. En santé, on a plusieurs
21:09formes de prévention. On a la prévention primaire si on veut éviter de tomber malade, la prévention
21:13secondaire une fois qu'on est déjà malade. Il faut faire beaucoup de prévention primaire, c'est-à-dire
21:18aller très très jeune dans les classes et, alors avec les outils qu'on veut, le violent-tomate,
21:24des films, des livres. Nous, on accompagne des auteurs dans la production d'outils, de livres
21:30pour les enfants, etc. Il faut faire ça partout, tout le temps. Il faut commencer à la maternelle et
21:35mon vœu, c'est qu'il y ait assez de ressources humaines parce que ce n'est pas du tout le cas. Il n'y a
21:37même plus d'infirmières scolaires. Les médecins, on est à la gorge. Là, je ne sais pas si vous
21:43vous rendez compte, mais on manque cruellement de médecins dans toutes les spécialités. C'est
21:48effrayant. Donc, j'espère qu'on va pouvoir se remonter la pente et avoir suffisamment de
21:55ressources humaines pour aller vers les jeunes et faire cette prévention. Et je pense que c'est ça
22:01qui pourrait vraiment, vraiment changer la donne parce que je suis d'accord avec vous, les petits
22:06garçons sont les oubliés. Alors, j'ai un deuxième vœu. Les petites filles, leur maman les traîne
22:11souvent chez la gynéco qui va leur expliquer les rapports sexuels, machin, la pilule, bidule, les
22:17petits garçons, personne ne les emmène nulle part. Donc, j'aimerais bien qu'il y ait un examen
22:21obligatoire, je ne sais pas, 12 ans, 13 ans pour les filles et les garçons. On leur parlerait de
22:26prévention, de consentement, de maladies sexuellement transmissibles avec un professionnel de la santé.
22:32Voilà. Merci beaucoup à toutes les trois. Isabelle Steyer, Alexis Derby et Radha Atem. Je vous laisse
22:39récupérer votre livre blanc, faire une petite photo. Merci pour tous ces messages.