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Dans « le grand témoin », Télématin reçoit Michaël Jeremiasz, champion paralympique de tennis en fauteuil et président de l'association "Comme les autres".
Dans « le grand témoin », Télématin reçoit Michaël Jeremiasz, champion paralympique de tennis en fauteuil et président de l'association "Comme les autres".
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00:00au salon pour retrouver votre grand témoin qui va revenir sur la loi handicap.
00:06Alors c'est un anniversaire qu'on commémore puisque le 20 février,
00:11enfin il y a 20 ans plutôt, en février 2005, la loi handicap avait été promulguée.
00:14Mais on va se demander si aujourd'hui les promesses ont été tenues avec donc votre grand témoin Flavie.
00:19Et on est ravis de vous accueillir. Bonjour Michael Jérémias.
00:21Bonjour.
00:22C'est une grande actualité aujourd'hui.
00:24On va rappeler qui vous êtes quand même parce que vous êtes un grand champion,
00:27un grand joueur français de tennis en fauteuil roulant.
00:30Vous avez décroché l'or en double avec Stéphane Houdet, c'était au JO de 2008.
00:34Vous étiez aussi l'un des derniers relayeurs de la flamme olympique.
00:37On vous a suivi de la flamme paralympique l'été dernier.
00:41Et, parce que ça c'est l'actu du jour,
00:43je rajoute que vous êtes également le président de l'association comme les autres
00:46qui va prendre part justement aujourd'hui Place de la République
00:49à cette manifestation qui va être organisée à 17h30.
00:52À vos côtés, on retrouvera Arthus, on retrouvera également 54 associations.
00:56Et vous le dites, il est temps là, il faut plus que jamais se mobiliser.
01:00Qu'est-ce que vous entendez par là ?
01:01Demain, c'est les 20 ans de la loi handicap qui promettait l'égalité des chances,
01:05l'égalité des droits, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
01:0820 ans plus tard, on est toujours des citoyens de seconde zone.
01:12Et donc, nous, on ne se réjouit évidemment pas de cet anniversaire-là.
01:15C'était beaucoup de promesses, beaucoup d'espoir parmi les 12 millions de personnes handicapées.
01:18Et donc, on se réunit ce soir pour justement crier fort et beaucoup plus fort qu'on l'a fait auparavant.
01:22Vous venez de parler des Jeux paralympiques.
01:24Il y a eu 40 millions de téléspectateurs.
01:25Vous avez eu un petit truc en plus, le film d'Arthus avec plus de 10 millions de personnes qui ont…
01:28Mais ça n'a pas rempli la mission, ça ?
01:30Non, mais ça, c'est un outil parmi tant d'autres.
01:32Mais s'il n'y a pas des engagements politiques forts, si cette loi de 2005 qui était audacieuse
01:36et qui, sur le papier, est intéressante, n'est pas appliquée,
01:38nous, elle n'est pas appliquée, elle ne sert à rien.
01:40Donc en fait, aujourd'hui, nous, ce qu'on veut, c'est pouvoir être des citoyens comme les autres.
01:43Ce n'est pas des revendications très folles.
01:45C'est accéder à l'école, à la santé, à l'emploi, à la culture, au sport,
01:48discuter aussi de questions comme la vie intime,
01:50que tous ces sujets-là soient finalement assez évidents
01:53et qu'on n'ait plus jamais à se manifester parce qu'on est traités différemment.
01:57Justement, vous, vous avez connu deux vies déjà en une,
02:01une vie de personne valide jusqu'à un accident de ski,
02:04vous aviez 18 ans à Avorias,
02:06et ensuite, cette vie dans ce fauteuil qui vous accompagne.
02:09Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu ce qu'est ce quotidien ?
02:11Parce qu'en fait, on entend ce que vous nous dites et en même temps,
02:14racontez-nous les journées concrètes d'une personne en fauteuil roulant
02:18et en quoi, nous, valides, on devrait se remettre en question aussi.
02:21En fait, imaginez pour quelqu'un comme moi,
02:24vous avez parlé de mon parcours et d'avoir été champion,
02:26donc imaginez les portes aussi que ça puisse ouvrir et tout.
02:28Moi, il n'y a pas une journée où je ne suis pas victime de discrimination,
02:30quelle qu'elle soit, soit discrimination ordinaire, soit discrimination positive,
02:34mais qui est une forme aussi de discrimination.
02:35Le taxi qui va vous mettre la main sur l'épaule quand vous descendez,
02:37allez, bon courage, peu importe.
02:38Ça, ça vous insupporte.
02:40Ça m'insupporte, mais parce que ce n'est pas le juste ton.
02:42S'il me dépose à l'hosto le matin parce que j'ai un rendez-vous très tôt
02:45et que je vais me faire opérer, bon, je veux bien le bon courage,
02:46c'est plutôt sympa, mais le bon courage en permanence, non.
02:49C'est-à-dire qu'on ne veut pas d'empathie accessible
02:51et on ne veut pas non plus qu'on nous ignore à l'inverse.
02:53La réalité, c'est qu'il y a plein d'endroits où je ne peux pas aller.
02:56On m'intervient à plus de 50% de l'espace public.
02:59Quand vous, librement, vous avez envie le soir d'aller avec des amis au théâtre, au restaurant,
03:02vous dites, tiens, on va là, en réserve et un peu à l'avance.
03:05Moi, je ne me dis pas, je vais là.
03:06Moi, je dois anticiper où est-ce que je peux aller,
03:08où est-ce que la société me laisse accéder.
03:10Quand vous êtes en situation de handicap,
03:11vous avez deux fois plus de chances d'être au chômage.
03:13On parle de santé.
03:15Vous avez trois fois plus de chances de ne pas avoir accès aux soins.
03:18Si on parle d'éducation, vous avez 80 000 enfants aujourd'hui
03:20qui n'ont pas accès à l'école de la République.
03:22Alors que depuis les années 70, en Italie, 100% des enfants,
03:25quel que soit leur handicap, ont accès à l'école de la République.
03:27Donc, il y a un problème de fond.
03:29Donc, vous, ce que vous pouvez faire,
03:30c'est-à-dire que nous, on va faire ce qu'il faut pour rappeler à l'État ses obligations
03:33et on va le faire de plus en plus fort et on sera de plus en plus nombreux,
03:36mais vous, Jacques Anvilus, est-ce que vous posez la question,
03:37dans vos foyers, dans vos quotidiens, dans vos quartiers,
03:40dans vos entreprises, de la manière dont vous comportez avec l'autre ?
03:43C'est valable pour le personne handicapée, mais c'est valable pour tout le monde.
03:46Comment on peut être meilleur ?
03:47Moi, je trouve que c'est un pari plutôt intéressant,
03:49en tout cas une philosophie plutôt intéressante, de se dire
03:51qu'est-ce que je peux faire dans ma vie quotidienne
03:53pour être meilleur et permettre aux autres d'avoir une vie plus épanouie ?
03:56– Mais la manif de ce soir,
03:57vous réclamez des mesures concrètes au gouvernement ?
04:01– On va exiger qu'il n'y ait plus de report de la loi de 2005,
04:04qu'il n'y ait plus de dérogation,
04:06– Si on en parle de cette loi, elle n'a de cesse d'être évoquée,
04:08mais elle n'est jamais véritablement mise en pratique, c'est ça ?
04:10– Elle est mise en pratique, mais pas suffisamment, il y a eu des évolutions.
04:12Évidemment, c'est mieux en 2025 qu'en 2005,
04:14si on prend l'école, il y a eu beaucoup plus d'enfants scolarisés,
04:17mais on s'en fout qu'il y en ait beaucoup plus, au final.
04:19Ceux qui avaient 18 ans comme moi en 1975,
04:22aujourd'hui, ils ont 70 balais et on leur dit qu'il y a une loi
04:25qui n'est toujours pas appliquée, celle de 2005.
04:27Donc en fait, jamais le gouvernement de droite ou de gauche
04:29a réussi à régler la problématique de nos droits.
04:31– C'est quoi, c'est une histoire de moyens, c'est une histoire d'argent ?
04:33Là, on vient de voir qu'il y a des dizaines de milliards,
04:35pour ne pas dire des centaines de milliards,
04:36mis sur le sommet de l'intelligence artificielle, etc.
04:38Si vous trouvez ça injuste, vous avez envie de dire,
04:40mais attendez, il y a aussi des priorités en France…
04:44– Mais toutes les personnes victimes de discriminations,
04:46quelles qu'elles soient, qui manquent de moyens, diront que c'est injuste.
04:49Moi, je ne suis pas en train de dire qu'il faudrait qu'on prenne l'argent là,
04:52mais par exemple, quand vous avez le budget de la GFIB,
04:53qui est l'organisme qui collecte justement les taxes sur les entreprises
04:56qui ne respectent pas leurs obligations d'emploi,
04:58on leur ponctionne 100 millions d'euros pour une autre utilisation du budget de l'État,
05:01mais on voudrait que ce soit utilisé pour l'accompagnement à l'emploi des personnes handicapées.
05:04Aujourd'hui, c'est un problème de moyens, effectivement,
05:07mais si à un moment vous imposez, notamment aux entreprises,
05:09aux promoteurs immobiliers, aux gens qui ne respectent pas la loi,
05:12c'est aussi des rentrées d'argent pour être réinjectés là-dedans.
05:14Et là, ce que je vous dis, pour vous et pour la société dans son ensemble,
05:17c'est du bon sens, c'est du bon sens et c'est finalement faire société,
05:20vivre ensemble, c'est une belle promesse politique
05:22qu'on entend tous les cinq ans pour les élections.
05:24Aujourd'hui, c'est ça qu'on demande aussi.
05:26On a appris, il y a quelques jours, la gratuité des fauteuils roulants
05:31qui vont être remboursés à partir du mois de décembre à 100%.
05:34Ça, c'est une avancée, mais pour vous, ça n'est pas suffisant ?
05:37C'est une bonne nouvelle, évidemment.
05:38En tout cas, pour vous, c'est normal.
05:40Évidemment que c'est normal.
05:41Dans la loi de 2005, on parlait de la compensation.
05:43Moi, demain, j'ai un accident, je ne peux plus marcher,
05:44si on ne me donne pas de fauteuil roulant, ça n'est pas possible.
05:46Donc la réalité aujourd'hui, c'est que cette annonce-là, ça fait deux ans qu'on l'attend,
05:50elle est faite quelques jours avant les 20 ans de la loi.
05:52Vous dites que c'est un petit peu opportun.
05:54Oui, et puis pour nous dire que ce sera effectif qu'à partir du mois de décembre.
05:58Donc on n'est pas des enfants, on sait très bien comment ça fonctionne,
06:00mais c'est un point de départ.
06:01Mais avoir un fauteuil, si je n'ai pas de logement accessible,
06:03si je ne peux pas sortir de chez moi, si je ne peux pas avoir un travail,
06:05si je n'ai pas de vie sociale épanouie,
06:07je suis bien content, je suis confortable, mais ça ne sert pas à grand-chose.
06:09Un mot pour les gens qui nous regardent.
06:10J'étais très frappé par l'anecdote du chauffeur de taxi
06:12parce que la plupart des gens ne savent pas vraiment
06:14comment s'adresser aux personnes handicapées.
06:16Dites-nous comment faire.
06:17Est-ce qu'il faut en parler, faire comme si ça n'existait pas concrètement ?
06:21Mais en fait, c'est une question de bon sens.
06:22Moi, si je ne suis pas en situation d'échec,
06:24si vous ne me voyez pas par terre,
06:25si vous ne me voyez pas en train de tirer la langue
06:26parce que le trottoir, il est comme ça,
06:28ou parce que je suis bloqué, parce qu'il y a une poubelle en plein milieu,
06:30partir du principe que je n'ai pas besoin de vous.
06:31Par contre, effectivement, mais ça, c'est une façon de vivre ensemble.
06:34Si je suis dans une situation d'échec, proposez votre aide.
06:37Mais comme je pourrais vous le proposer si demain vous glissez dans la rue,
06:41Flavie, vous êtes là, je vais vous proposer de l'aide.
06:43Ce n'est peut-être pas être le plus à même de vous aider à vous relever,
06:45mais quand même, ne serait-ce qu'être là.
06:46Mais cette empathie excessive...
06:49Moi, la première fois que je suis sorti de chez moi,
06:50le regard qu'on a posé sur moi,
06:51c'était un regard rempli de toute la tristesse et toute la misère du monde.
06:55Banaliser la différence, c'est aussi apprendre à se comporter normalement.
06:57Mais ce n'est pas votre faute.
06:58C'est notre boulot aussi et le boulot de l'État
06:59qu'on ait accès à l'éducation ensemble depuis le plus jeune âge
07:02et qu'on apprenne à vivre ensemble pour que ce soit banal, tout ça, finalement.
07:04Et vous le dites, ça commence au plus jeune âge.
07:07Merci beaucoup, en tout cas, Mickaël Jérémiez d'avoir été matinale
07:10et d'être venu sur ce plateau.
07:11Je rappelle donc que la manifestation, c'est à 17h30, place de la République.
07:15Et venez, on vous attend tous.
07:17Merci. Et vous espérez effectivement une mobilisation historique.
07:21Allez, il y aura du monde. Merci beaucoup.
07:22On se retrouve dans quelques instants après la pub, à tout de suite.