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00:007h-9h, Europe 1 matin, il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le professeur de droit constitutionnel Dominique Chagnolo.
00:09Bonjour Dominique Chagnolo, bienvenue sur Europe 1, vous enseignez à l'université Paris, Panthéon, Assas, Richard Ferrand sera-t-il le prochain président du conseil constitutionnel ?
00:19Emmanuel Macron, c'est le privilège présidentiel, a proposé son nom hier pour succéder à Laurent Fabius dont le mandat de 9 ans s'achève début mars.
00:27Président du conseil constitutionnel, alors c'est l'un des postes les plus prestigieux de la République, vous avez récemment pris la plume dans le journal Le Monde, Dominique Chagnolo, pour dire toutes les réserves que vous aviez à propos de Richard Ferrand pour ce poste de président du conseil constitutionnel, qu'est-ce qui ne va pas selon vous ?
00:45Écoutez, ce serait pour présider le conseil économique social, je ne dirais rien, enfin le conseil constitutionnel c'est une institution fondamentale pour la défense de l'état de droit, c'est une cour qui n'est pas constitutionnelle mais enfin comme aux Etats-Unis, mais c'est une cour de nature constitutionnelle avec le conseil d'état et la cour de cassation qui défend les libertés publiques, imaginez qu'on désigne comme vice-président de l'état un chauffeur de taxi, je ne suis pas contre d'ailleurs, ou un chirurgien dentiste.
01:14Là, dans le cas particulier, le problème de M. Ferrand, il est double, même si je vois dans les journaux qu'il a des relais, le genre de M. Chirac qui dit que c'est de l'élitisme social, de le critiquer, M. Juppé qui dit que ce serait une catastrophe, il trouve du risque, mais là ce n'est pas le problème, c'est qu'il n'en aura quasiment plus.
01:30M. Ferrand, il a fait deux études de droit, ce qui est déjà pas mal deux années, c'est important, il a été journaliste à Automoto, c'est très utile d'ailleurs pour les réparations au conseil, mais surtout il a dirigé les mutuelles de Bretagne avec l'affaire Colomb 5 qui a été classée, prescrite, le procurant général était Mme Malbec, il a nommé au conseil constitutionnel, depuis juillet 2024 il est président du conseil de surveillance d'un groupe de cliniques privées,
01:57et il a une société de consulting, qu'il a fermerait probablement, j'espère bien sûr, lors de sa nomination définitive, et puis il y a eu l'affaire de son fils qu'il a recruté comme collaborateur parlementaire, encore étant dit, si M. Fabius a fait la même chose.
02:15Donc il n'a pas le profil, si vous voulez, à aucun point de vue, donc c'est vraiment la république des copains, et ça nuit, c'est pas lui spécialement, la personne, mais ça nuit beaucoup à l'autorité du conseil constitutionnel.
02:26On pourra vous objecter que ce n'est pas le premier politique qui va entrer au conseil constitutionnel, notamment en tant que président, on pense à Jean-Louis Debré qui était arrivé, on avait dit les mêmes choses qu'aujourd'hui vous dites pour Richard Ferrand, Dominique Chagnon-Leroy.
02:39Non, non, on n'avait pas dit la même chose. D'abord il n'avait pas d'affaire, en tout cas suspecté, d'une partialité qui ne soit pas objective. Dans le cas de M. Ferrand, la femme de Césaire ne doit pas être... qu'on ne peut pas lui faire de reproche si vous préférez.
02:58Debré était quand même ancien magistrat, docteur en droit, il avait une certaine culture juridique, on aurait peut-être espéré que ce soit encore Badinter ou autre, mais enfin il avait quand même une légitimité sur le plan juridique.
03:09Fabius et les conseillers d'Etat, puis on pourrait remonter, Mazeau était aussi un excellent juriste. Bon, voilà, ils n'avaient pas ce profil d'une proximité politique telle que le seul critère pour nommer un président, ce n'est pas uniquement qu'il soit l'ami du chef de l'Etat ou qu'on le récompense.
03:27Quant à l'argument de dire qu'il existerait une tradition de président de l'Assemblée Nationale, c'est une vaste blague en réalité, puisqu'il y a sur 93 nominations, je crois, 2 ou 3 présidents, enfin président de l'Assemblée Nationale.
03:42On pourrait dire d'ailleurs que les avocats ça va avec, les secrétaires généraux des assemblées, mais tous ces gens qui sont nommés, pour beaucoup bien sûr, ils ont une orientation philosophico-politique, mais ce n'est pas le premier critère de choix, et en tout cas dans les pays européens.
03:57En Russie, ce serait impensable une nomination pareille, ça paraît rigolo si je puis dire, donc on en est en situation. Alors après, il est probable, puisque je crois savoir que M. Ferron a un bureau à l'Assemblée, donc il rencontre tous les députés, il est probable que ça va passer peut-être comme une lettre à la Poste.
04:15Ce qui va être auditionné le 19 février par les deux commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat, les membres voteront à bulletin secret, il faudra une majorité des deux tiers des voix, vous les incitez à bien réfléchir, y compris les élus de la majorité, les élus macronistes ?
04:30Oui tout à fait, je les incite éventuellement à ne pas venir d'ailleurs, mais je les incite éventuellement s'ils vont vraiment hésitant à voter blanc, et alors après, quant à la blague de dire qu'il va favoriser Mme Le Pen ou le contraire, c'est complètement stupide, il va entacher toutes les décisions importantes concernant X ou Y sujets du nombre de suspicions, c'est ça le problème de cette affaire.
04:55J'ai une question pour vous Dominique Chagnoleau, vous avez fort raison, de la légitimité du Conseil constitutionnel, mais que penser de son action, qui quand même aboutit souvent à ligoter complètement le législateur, notamment sur les sujets d'immigration par exemple, 2018, c'est Laurent Fabius Président, on voit que le contrôle de la loi va se faire sur des principes parfois très vagues, quand il par exemple élève la fraternité en principe constitutionnel, ce qui va avoir pour effet de totalement désamorcer le délit de séjour irrégulier.
05:24C'est aussi ça le Conseil constitutionnel ?
05:26Alors ça c'est lié, moi je pense aussi, si vous voulez, à la composition actuelle, qui rend les décisions impossibles. Je prends l'exemple de l'immigration, on a eu une décision qui renvoie à tout ce qui est de cavalier, c'est des mesures qui n'ont rien à voir avec le texte.
05:46Et donc finalement il n'y a plus de texte. Alors comme ils sont partagés, ils se mettent d'accord sur le rien. Sur l'immigration, ça a été un peu la même chose, en partie en tout cas, et sur des grands sujets qu'on attendait vraiment des décisions équilibrées, ou surtout qui fassent consensus, parce qu'en fait le fond de l'affaire c'est ça.
06:10La situation est telle que soit le Conseil utilise des cavaliers législatifs à tas l'arrigo pour éviter de rendre une décision sur le fond, soit valorise des principes dont on ne voit pas très bien leur attachement potentiel.
06:24Alors on peut toujours critiquer la jurisprudence du Conseil, mais je trouve que l'évolution, d'ailleurs je ne suis pas le seul à partager ce sentiment, il y a un excellent livre d'une jeune collègue qui s'appelle L'Aurélie Fontaine, qui s'appelle la constitution maltraitée, qui montre un peu comment cette évolution se fait.
06:38Et il y a d'autres avis d'ailleurs du même genre, de tous bords. Mais lorsqu'une institution est fragilisée à son point par une nomination comme celle-là, est-ce qu'elle est critiquée par plusieurs côtés politiques, ça devient inquiétant.
06:50Qui s'amuse à critiquer systématiquement les décisions du Conseil d'Etat ? Qui critique à tas l'arrigo, si je puis dire, la Cour d'accusation ? Il y a des critiques, mais personne ne remet en cause la légitimité de la composition de la Cour d'accusation ou du Conseil d'Etat.
07:04Ce qui est le cas pour le Conseil constitutionnel. En tout cas, merci de vos lumières Dominique Chagnolo, professeure de droit constitutionnel à Paris, Panthéon, Assas, merci d'avoir été avec nous ce matin.
07:13On reparlera du Conseil constitutionnel tout à l'heure à 8h moins 10 avec Alexis Brézet et son édito politique. Bonne journée.