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Emmanuel Macron réunit ce lundi 17 février les chefs d'État et de gouvernement des principaux pays d'Europe, le président du Conseil européen, la présidente de la Commission européenne et le Secrétaire général de l’OTAN pour une "réunion informelle" qui portera notamment sur la situation en Ukraine, alors que les Américains ont débuté un rapprochement avec la Russie pour le règlement du conflit en Ukraine sans concertation avec les Européens.

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00:00Avec nous Jérôme Cleche, consultant Défense BFMTV, Patrick Sauss, chef du service étranger de BFMTV.
00:09Emmanuel Macron a donc convoqué d'urgence cette réunion, après les mots de G.Livens à Munich qui inquiètent sur deux points.
00:16D'abord la paix en Ukraine, négociée dans le dos des Européens, entre les États-Unis et la Russie,
00:20et en filigrane le recul de l'engagement des Américains au sein de l'OTAN.
00:25Il y a vraiment un caractère d'urgence dans la convocation de cette réunion ?
00:29Il y a d'abord un caractère de vexation. Il faut quand même ne pas oublier que vendredi, J.Livens arrive à Munich, en Allemagne,
00:37il se sait attendu sur l'Ukraine, il effleure le dossier ukrainien pour ensuite, il n'y a pas d'autre mot, cracher au visage des Européens.
00:46Il a dit « il y a un nouveau shérif en ville », et il a dit ensuite « écoutez, le principal danger pour l'Europe, ce sont les Européens,
00:54c'est surtout les dirigeants européens. Écoutez vos peuples, surtout respectez la liberté d'expression, arrêtez la régulation. »
01:01Et là-dessus, il refuse d'aller serrer la main et de discuter avec Hollande Scholes, il va voir directement la dirigeante de l'AFD,
01:07le parti d'extrême droite, à une semaine des élections législatives en Allemagne.
01:12Il y a donc cette idée d'abord de vexation, et puis évidemment d'humiliation, et évidemment il y a le fond complet,
01:18c'est que les Américains font comprendre très très vite, d'abord à Bruxelles avec le secrétaire, le nouveau leader du Pentagone,
01:25le ministre de la Défense, qui dit « écoutez, nous on va vous laisser tranquille et surtout on ne va plus assurer, s'il le faut, la sécurité européenne. »
01:33Et puis derrière, à Munich, effectivement, les Européens qui comprennent qu'ils vont devoir se défendre tout seuls pour leur propre sécurité.
01:40Mais pardonnez-moi, il n'y a aucune surprise dans tout ça ? Les Américains avaient laissé entendre pendant la campagne
01:46qu'ils se désengageraient de l'OTAN et de l'Ukraine.
01:48Tout à fait, aucune surprise là-dessus en effet, et donc la question maintenant pour les Européens, c'est de savoir si...
01:53Donc c'est une vexation un peu surjouée ?
01:55Alors c'est une vexation surjouée, mais surtout c'est une mise en demeure d'une certaine manière de jouer le rapport de force,
02:02c'est une mise en demeure de constitution de puissance européenne sur le plan militaire.
02:06C'est de ça dont il va être question à l'Élysée aujourd'hui.
02:09Cette réunion d'urgence n'a d'autre but que de relancer d'une certaine manière cette fameuse initiative européenne d'intervention
02:15que le Président Macron avait lancée lors de son discours de la Sorbonne en 2007,
02:19donc un an après l'accession au pouvoir de Donald Trump, il n'y a pas de hasard.
02:23Et en fait l'enjeu c'est de parler d'une même voie.
02:25Alors d'une même voie, ce n'est pas simple, parce que d'un côté on a le Royaume-Uni et la France, deux puissances nucléaires,
02:32et puis de l'autre l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Pologne,
02:36qui ne sont pas des puissances nucléaires et qui ne peuvent pas jouer le même jeu de la puissance.
02:40Pour autant il faudra être d'accord pour un format potentiel qui pourrait à terme assurer ces garanties de sécurité
02:46et qui sont indispensables pour les États-Unis s'ils veulent arriver à ce partage entre les concessions territoriales pour la Russie d'un côté
02:52et puis un partage économique avec l'accession aux terres rares de l'autre.
02:55Cette garantie de sécurité c'est véritablement la carte des Européens et ils doivent la jouer à fond.
02:59Cette garantie de sécurité, elle passe par l'envoi de soldats sur place,
03:03et Kjell Stramer, le Premier ministre britannique, a fait savoir dans le Daily Télégraph qu'il était prêt à envoyer des soldats en Ukraine si nécessaire.
03:09Ça servirait à quoi ?
03:11Ça servirait à du maintien de la paix avec une mission extrêmement difficile parce qu'un peu frustrante,
03:17ça serait à une toute autre échelle, un peu ce qu'a fait pendant 45 ans la Finul,
03:21c'est-à-dire les casques bleus qui font des patrouilles le long d'une zone où de temps en temps vous avez des escarmouches.
03:27Ce serait ça, c'est extrêmement difficile à la fois de motiver vos troupes mais aussi de faire comprendre à votre population.
03:33En France ce sera pareil sans doute, vous vous souvenez d'Emmanuel Macron
03:36qui avait laissé entendre justement la possibilité d'envoi de troupes sur l'Ukrainien.
03:40Ce n'était pas pour faire la guerre, c'était très certainement pour maintenir la paix.
03:44Mais essayer d'avoir l'adhésion de la population mais aussi des députés qui votent les lois de programmation militaire en disant
03:51on envoie des dizaines de milliers de soldats pour faire des dérons dans la toundra ukrainienne,
03:56c'est extrêmement compliqué mais c'est la seule façon d'avoir une garantie de sécurité pour l'Ukraine
04:02en attendant la garantie de sécurité pour l'Europe.
04:04On parlerait potentiellement de combien de soldats britanniques qui pourraient être rejoints par combien de soldats français par exemple ?
04:10Pour que ça ait un sens il faut que ça ressemble pratiquement à la présence avancée réhaussée de l'OTAN,
04:14c'est-à-dire cette présence avancée qui permet aux Pays-Bas de s'assurer qu'il n'y ait pas d'agression russe.
04:19Il faudrait y adjoindre une forme de zone d'exclusion aérienne, c'est-à-dire une police du ciel
04:24et ça se compte en dizaines de milliers de soldats et en dizaines d'avions de combat.
04:27Est-ce que les Européens ont les budgets pour ça ?
04:29Alors ils ont, j'allais dire, les forces déjà existantes puisque cette présence avancée réhaussée elle se fait déjà.
04:34Il y a des opérations exécutives de l'OTAN, il y en a une en Bosnie-Herzégovine qui s'appelle Altea,
04:38sous commandement de l'OTAN et qui utilise en fait un centre de planification et de conduite de l'OTAN
04:43qui pourrait très bien servir, même si l'OTAN et même si les États-Unis n'entraient pas en jeu,
04:48à des forces européennes grâce aux accords de Berlin Plus.
04:51Donc en fait tous les instruments sont en place, les forces existent,
04:55la question maintenant c'est effectivement de pouvoir durer s'il devait y avoir un cessez-le-feu et des forces engagées dans la durée
05:01et c'est là où l'effort national doit être questionné.
05:04Patrick, c'est de la sécurité de l'Ukraine dont on parle et de la paix en Ukraine,
05:08mais c'est aussi derrière tout ça la sécurité de l'Europe.
05:11Bien sûr, avec véritablement une frontière entre deux types d'États, Jérôme l'évoquait,
05:18il y a, mettons, le Royaume-Uni dans l'Europe, peut-être pas l'Union Européenne,
05:23mais vous avez vraiment deux puissances nucléaires sur le continent européen que sont la France et les Anglais.
05:28Et on n'a pas exactement la même façon de penser vis-à-vis des Américains, vis-à-vis des Russes aussi,
05:34que d'autres puissances qui comptaient jusqu'ici sur le parapluie américain.
05:38Allez discuter avec des Polonais et même des Allemands en fait.
05:41Voilà pourquoi depuis trois ans en fait, vous avez les pires menaces données par les Russes aux Anglais et aux Français,
05:47parce que les Russes, notamment Poutine, savent qu'on est en train de jouer entre puissances nucléaires.
05:52L'Allemagne, ils n'ont pas besoin de menacer, ils ont juste à laisser un peu s'égayer certaines craintes.
05:58Les Allemands qui vont recenser les abris anti-aériens voire anti-nucléaires, c'est de la peur complète.
06:03Pourquoi ? Parce que l'Allemagne justement n'a pas ce genre de parapluie nucléaire.
06:07Mathieu, est-ce qu'un moyen pour l'Europe d'engager un rapport de force avec l'administration Trump,
06:10c'est pas d'arrêter d'acheter des armes américaines notamment et de se concentrer sur les armes européennes ?
06:14Alors effectivement, ça ce serait un moyen, ça concerne exclusivement les Allemands et d'autres pays européens,
06:20ça ne concerne certainement pas la France et puis le Royaume-Uni a un statut particulier de ce point de vue-là.
06:24Effectivement, ça, ça doit être un point de pression.
06:26Mais le principal point de pression, il est sans doute dans la capacité à constituer un rapport de force
06:30et à montrer finalement que les Américains ont besoin de ces garanties de sécurité européennes
06:35et que si les deux puissances nucléaires n'en veulent pas, alors on ne pourra peut-être pas compter sur le Royaume-Uni,
06:39c'est là où ça risque d'être tendu un petit peu à l'Élysée.
06:41Mais si la France n'en veut pas, ça ne pourra pas se faire.
06:44C'est le chef de file de l'Europe de la défense en Europe.
06:48Et donc là, la France a véritablement une carte à jouer et c'est le carte du rapport de force.
06:52Mais derrière tout ça, il y a aussi le désengagement des États-Unis au sein de l'OTAN.
06:57Et ma question est la suivante.
06:58Est-ce que du coup, la sécurité globale de l'Europe est plus incertaine aujourd'hui ?
07:03Alors, elle est forcément plus incertaine si les Américains souhaitent se retirer.
07:07Mais en réalité, voyons les choses telles qu'elles sont,
07:09à partir du moment où vous avez une alliance qui est nucléaire par le fait de ses membres
07:14et donc d'abord par le fait de la France et du Royaume-Uni,
07:18la sécurité de l'Europe en tant que telle pour la France et les pourtours directs n'est pas menacée.
07:24Ce qui est menacé, c'est effectivement les régions limitrophes, la Moldavie, la Transnitrie, l'Ukraine.
07:29Oui, là, il y a effectivement un enjeu de sécurité européenne
07:33dans le sens où c'est au voisinage direct de l'Union européenne.
07:36Mais pour la France, très clairement, et les pays membres fondateurs,
07:39pour dire les choses telles qu'elles sont, il n'y a pas d'enjeu de sécurité lié à la Russie.
07:43Au sujet de l'Ukraine, quelles sont les intentions de Vladimir Poutine ?
07:46Voici les mots de Donald Trump il y a quelques heures.
07:50Je pense que Poutine veut arrêter. C'est la question que je lui ai posée.
07:55Car s'il venait à poursuivre cette guerre, cela serait un gros problème pour nous.
07:58Et un gros problème pour moi. Et on ne peut pas laisser cela se produire.
08:04Je pense que Poutine veut y mettre fin rapidement. Et Zelensky aussi.
08:10Est-ce que l'on peut croire le shérif, Patrick ?
08:12Déjà, il y a beaucoup de « je pense » et pas tellement de certitudes de la part d'un président
08:16qui se rendait sur un circuit automobile à Daytona.
08:19Mais effectivement, Donald Trump est pressé de passer à autre chose.
08:23C'est surtout cela qui le guide pour l'instant.
08:25Lui, ce qui l'intéresse, c'est la Chine.
08:26Donc si on peut régler les affaires avant, si chacun, sur chaque continent,
08:30peut régler ses petites affaires à soi, ses petites affaires, selon lui,
08:33alors que nous, on parle de quelque chose de stratégique pour tout un continent,
08:37lui, cela lui va. Mais effectivement, ce qui compte, c'est mettre des rustines.
08:41Il ne parle pas vraiment de paix, il parle de gel, de conflit.
08:44C'est la même chose pour le Proche-Orient.
08:46Pour le reste, il estime quand même qu'il a des moyens de pression sur Vladimir Poutine.
08:51C'est lui qui l'estime.
08:52Mais encore une fois, à Moscou, on a encore passé un très bon week-end.
08:54Mais Jérôme, est-ce que la méthode Trump, qui parfois s'apparente à une méthode un peu de bluff, peut fonctionner ?
09:00C'est un peu ça, en fait. Il enjambe les problèmes.
09:03Il veut enjamber la question ukrainienne en Europe,
09:05comme il veut enjamber la question de Gaza au Moyen-Orient.
09:08Dissoudre les problèmes plutôt que de les affronter de front.
09:11Et effectivement, comme le disait à juste titre Patrick,
09:13il est concentré sur la Chine.
09:15Et l'idée, c'est sans doute de désolidariser la Russie de la Chine pour mieux affronter la Chine.
09:21Et s'il ne se fait pas, j'allais dire, berner par Vladimir Poutine,
09:24on verra quel est le plus fort dans la négociation, ça pourrait marcher.
09:27La Chine est un tant soit peu agacée, en fait, par ces rapprochements entre Trump et Poutine.
09:33Quand on voit qu'Ivanka Trump tweet sur Poutine pour savoir si c'est un leader charismatique, intéressant,
09:41Poutine tout sourire sur ce tweet, ça pose des questions, effectivement.
09:45Est-ce que la méthode marchera ?
09:46On verra.
09:47On a vu que Trump s'était fait berner sur la Corée du Sud, sur l'Iran et sur l'Afghanistan.
09:52C'est une mauvaise augure.
09:53Première étape, donc, réunion de Paris tout à l'heure à l'Élysée.

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