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Xerfi Canal a reçu Guillaume Soto-Mayor, Président, co-fondateur, Egregor, pour parler de la désinformation en Afrique.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour, Guillaume Sotomayor.
00:10Bonjour, Jean-Philippe Denis.
00:11Guillaume Sotomayor, vous êtes président et cofondateur d'Egregor.
00:14Peut-être un petit mot sur Egregor ?
00:16Egregor, c'est une structure qui soutient le passage à l'échelle, la multiplication
00:22de l'impact d'innovateurs qui agissent pour le bien de notre planète.
00:25Parfait.
00:26Donc, votre article dans Le Grand Continent, « Comprendre la désinformation en Afrique
00:31», j'ai beaucoup aimé.
00:32J'ai beaucoup aimé parce qu'on ne parle plus que de fake, de fake news, du fake, voilà,
00:38depuis Trump, en gros, élection américaine.
00:40Et en fait, votre article replonge sur ce que signifie désinformer et notamment sur
00:46le cas africain.
00:47Voilà.
00:48Donc, ce n'est pas un sujet récent et il est peut-être important de bien le penser,
00:51ce sujet.
00:52Oui, tout à fait.
00:53Expliquez-nous un peu.
00:54Qu'est-ce que c'est, cette désinformation en Afrique, dans Le Grand Continent ?
00:56Écoutez, la désinformation, c'est un acte volontaire.
00:59Et ça, je pense qu'il faut le redire dès à présent.
01:02C'est un acte qui est pensé, qui est réfléchi avec une visée, donc, qui peut être ensuite
01:06repris et donc ensuite diffusé dans la population sans nécessairement d'intention.
01:11C'est ce qu'on appelle la mésinformation, si on la caractérise.
01:14Et en réalité, comme vous l'avez dit, cette désinformation, donc cet acte volontaire
01:22qui peut permettre, encore une fois, de manipuler ou d'utiliser l'arme informationnelle à
01:27des visées de pouvoir, qu'il soit politique, culturelle, économique et extrêmement ancien,
01:34a également des caractéristiques qui sont propres à chaque contexte sociopolitique,
01:40historique, culturel, puisque donc il s'adapte au fonctionnement d'une population, d'une
01:45société.
01:46Et dans l'histoire contemporaine, les colons étaient déjà les adeptes, avec un certain
01:53nombre de leurs alliés locaux, de la désinformation autour de leur entreprise coloniale.
01:58Comme le site de mes deux collègues, c'était une arme qui était utilisée pour propager
02:04un certain nombre d'idées et également constituer une arme de pouvoir.
02:08À présent, elle est non pas, et c'est le cœur également de notre article, non pas
02:13exogène, mais donc profondément enracinée, ancrée dans les sociétés.
02:18Ça, c'est la clé.
02:20Vous dites par exemple, aujourd'hui, quand on accuse la désinformation russe, on se trompe
02:25complètement de manière de poser le problème.
02:27Oui, absolument.
02:28Et ici, c'est-à-dire de mettre une monofocale sur l'ennemi russe paradigmatique qui serait
02:33l'alpha et l'oméga de cette désinformation a un double effet catastrophique.
02:38Le premier, c'est de mécomprendre que si la désinformation marche, pourquoi la désinformation
02:43marche.
02:44C'est également qu'elle s'ancre, qu'elle trouve de l'écho en raison des défauts
02:49de nos propres gouvernants et des gouvernants avec lesquels nous sommes éventuellement
02:53alliés.
02:54Des défauts de nos modèles de société, des promesses inachevées, des deux poids
02:57deux mesures, de la parole publique dont on estime qu'elle est devenue vide de sens.
03:02C'est également la volonté, donc une recherche active des populations, de récits alternatifs.
03:08Et donc, ces récits alternatifs, quelquefois, vont être proposés non seulement par des
03:12acteurs endogènes, et ce sont de loin les premiers responsables politiques, religieux,
03:18économiques, médiatiques, et sur lesquels les acteurs exogènes comme la Russie, mais
03:23aussi la France ou les États-Unis ou la Chine vont alimenter, si vous voulez, un certain
03:29discours.
03:30Mettre de l'huile sur le feu.
03:31Mettre de l'huile sur le feu, alimenter les braises.
03:33Et vous avez donc des acteurs ici qui vont être plus ou moins spécialistes de cette
03:38désinformation.
03:39La Russie, bien sûr, avec 120 ans d'expérience depuis le Comintern, a un certain doigté
03:43autour de cela, mais il faut comprendre également qu'en mettant une monofocale sur la Russie,
03:48nous faisons, ce que je vous disais, une deuxième erreur.
03:50C'est que nous interdisons, notamment aux populations africaines, une capacité à réfléchir
03:56de manière alternative.
03:57Aux yeux des populations africaines, quand nous parlons de la Russie comme étant le
04:02responsable de l'apparition de récits critiques par rapport à l'Occident, par exemple, nous
04:08avons un rôle qui va être celui du moralisateur ou, encore une fois, du culpabilisant et
04:15de l'interdiction de ces peuples à penser par eux-mêmes, à choisir leur propre destin
04:20et donc à acquérir une forme de souveraineté.
04:22Et ça, les populations à travers toute l'Afrique le récusent, ne le supportent plus.
04:27Et donc, cela va encore alimenter un discours derrière, sur lequel notamment la Russie
04:32joue, dans une logique dans laquelle elle se replace, dans cette vieille logique soviétique
04:35anticoloniale, anti-impérialiste.
04:38Bien sûr, comprendre la désinformation en Afrique, c'est dans le grand continent.
04:42C'est un regard de longue vue qui nous renseigne beaucoup sur aujourd'hui.
04:46Merci à vous.
04:47Merci beaucoup, Jean-Philippe Denis.

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