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La réalisatrice Mia Hansen-Løve revient sur son parcours et son travail, à l’occasion d’une rencontre exceptionnelle à laquelle elle a souhaité convier Marion Monnier (monteuse) et Clémentine Schaeffer (scripte).

Séance enregistrée le 14 février 2025 au Forum des images.

Dans le cadre de la thématique Elles sont là pour rester, 10 réalisatrices aujourd’hui en France.
Infos : https://www.forumdesimages.fr/elles-sont-la-pour-rester

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Transcription
00:00:00Merci, bonsoir à toutes et à tous.
00:00:06Merci d'être venu à cette discussion avec Myan Tsen Love,
00:00:10Clémentine Schaeffer et Marion Monnier.
00:00:14Vous avez travaillé, ça fait très longtemps que vous travaillez
00:00:16ensemble, mais avant qu'on parle plus précisément des films,
00:00:21de votre travail, de votre collaboration, j'aimerais bien
00:00:23vous demander à chacune d'entre vous la manière dont vous êtes
00:00:25arrivés au cinéma.
00:00:26Qu'est-ce qui vous a conduit à faire le métier que vous faites
00:00:28aujourd'hui et est-ce que peut-être il y a eu, je ne sais pas,
00:00:32un moment marquant dans votre vie qui a fait que le cinéma ait
00:00:37apparu comme ça ?
00:00:42Alors non, ça n'a pas été une ligne droite pour moi d'arriver
00:00:46au cinéma.
00:00:47En tout cas, le désir était plus vague que ça.
00:00:51Je pense que d'abord, j'avais l'idée de faire quelque chose
00:00:57qui avait un lien avec le documentaire.
00:01:01J'avais envie plutôt d'être journaliste, mais je ne voulais
00:01:05pas écrire.
00:01:06Donc, j'étais plutôt partie pour faire du montage, mais dans le
00:01:08but de raconter quelque chose, d'ancrer dans le réel.
00:01:13Et puis, assez vite, j'ai fait des rencontres qui m'ont dit qu'il
00:01:18y avait finalement peut-être d'autres manières, en tout cas
00:01:21par la fiction, de faire passer des choses tout aussi fortes que
00:01:24par le documentaire.
00:01:26Et le montage était une évidence très vite, mais je ne savais pas
00:01:30du tout comment ça allait évoluer.
00:01:34Et c'est vrai que je pense que ce qui est beau, ce que j'aime
00:01:38beaucoup, c'est que j'ai vraiment l'impression que c'est quand
00:01:40j'ai rencontré Mia qu'il y a quelque chose qui s'est vraiment
00:01:42scellé.
00:01:43Et c'est vrai qu'on en parlera sûrement ce soir, mais je le
00:01:46dois énormément.
00:01:49C'est vraiment le point de départ de la fiction.
00:01:52J'ai vraiment compris que je ferais ce métier quand j'ai
00:01:54rencontré Mia.
00:02:03Moi, j'avais une envie très vague.
00:02:07En fait, j'aimais aller au cinéma, mais je crois que c'était
00:02:11ça, au début, l'envie de cinéma.
00:02:15Et après, je ne savais pas forcément quoi faire là-dedans.
00:02:19Et ça s'est fait sur ce poste-là.
00:02:22Ça s'est fait un peu par hasard.
00:02:25Au début, je pensais plus à l'image ou quelque chose aussi
00:02:30où les gens voient ce que c'est comme métier.
00:02:33Et puis, par hasard, sur des courts-métrages, j'ai été
00:02:38script et je me suis trouvée à ma place là.
00:02:43Et tout d'un coup, je me suis dit qu'en fait, c'était ça.
00:02:46C'était l'endroit qui m'allait, qui me correspondait.
00:02:50Et après, je peux dire aussi un petit peu, peut-être comme Marion,
00:02:58mais c'est vrai qu'il y a eu assez rapidement aussi la rencontre
00:03:04avec Mia pendant très longtemps.
00:03:09Mia, vous, je crois que le fait d'être réalisatrice, il est
00:03:12aussi à l'origine lié quand même avec la critique de cinéma
00:03:16et la cinéphilie.
00:03:17C'est ça ?
00:03:18Vous dites souvent en interview que la critique de cinéma,
00:03:21quand vous en faisiez au Cahiers du cinéma, ça vous a permis aussi
00:03:25de savoir quel genre de cinéaste vous vouliez être.
00:03:29Ça, ça marche, ça marche.
00:03:32Vous m'entendez ?
00:03:33Ça, ça a beaucoup compté.
00:03:35Mais quand j'ai écrit pas très longtemps au Cahiers,
00:03:42je l'ai fait parce que je voulais faire des films déjà.
00:03:45Donc, ce n'est pas le fait d'écrire qui m'a permis de prendre
00:03:50conscience de mon désir de cinéaste, c'est simplement parce que j'avais
00:03:54le désir d'être cinéaste et que je n'avais pas fait d'école de cinéma,
00:03:59que je n'avais rien appris, que je ne connaissais rien non plus
00:04:03techniquement, mais je voulais apprendre d'une façon ou d'une autre.
00:04:06Et il m'a semblé que peut-être par le biais de l'écriture,
00:04:09il y avait une autre école possible et que c'était peut-être celle
00:04:11qui me correspondrait le mieux.
00:04:12Donc, c'est pour ça que j'ai voulu essayer d'écrire.
00:04:16Je l'ai vraiment pris comme une sorte d'école, une alternative à l'école.
00:04:21Mais non, pour moi, si je vais vraiment déterminer un moment de naissance
00:04:29du désir, même si c'est pas...
00:04:32Sur le moment, c'est rétrospectivement, ça a pris du temps,
00:04:35mais c'est vraiment l'expérience du tournage quand même.
00:04:38J'ai tourné dans un film deux fois, mais la deuxième fois,
00:04:41c'était vraiment que quatre ou cinq jours.
00:04:43Tant qu'actrice ?
00:04:44Oui, la première fois, fin août, début septembre d'Olivia Sayas,
00:04:48j'étais ado.
00:04:50Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire plus tard.
00:04:54Je savais ce que je ne voulais pas faire, mais l'expérience,
00:05:00avec ce qu'elle a de très physique, la puissance de l'expérience,
00:05:05d'être sur un plateau, d'être filmée, d'être un personnage,
00:05:10de rentrer dans la fiction, ce que ça peut avoir de libérateur.
00:05:13Ça a vraiment été ça, pour moi, le déclic.
00:05:16Et pas tant pour être actrice, d'ailleurs, puisque même si mon expérience,
00:05:20elle a été de ce côté-là, de la caméra, ce n'est pas tant ça
00:05:22que j'en garde.
00:05:23C'est vraiment plus la chose collective d'être ensemble sur un plateau
00:05:26pour fabriquer une histoire qui, à la fois, vous emmène ailleurs,
00:05:31tout en vous permettant d'être vous-même.
00:05:32Et c'est ce paradoxe-là qui a produit quelque chose, pour moi,
00:05:35de très fort et que, même si après, ça a pris quelques années,
00:05:39je suis passée par des études d'allemand, ça n'a pas du tout été si direct
00:05:45que ça.
00:05:46Mais au fond, je crois que c'est vraiment, c'est né là.
00:05:49Je me demandais, étant donné que le cycle dans lequel vos films,
00:05:53votre travail est montré, s'appelle Elles sont là pour rester.
00:05:56Je me suis demandé si, à un moment donné, ça avait été un enjeu
00:06:00pour vous de s'autoriser à aller vers le cinéma alors que c'était,
00:06:05ça allait encore à un milieu plus masculin.
00:06:08Est-ce que ça a été une réflexion dans votre parcours que vous aviez
00:06:13eu à un moment donné ou pas du tout ?
00:06:17Moi, pas tellement, parce qu'en fait, il y a quand même beaucoup
00:06:20de femmes dans le montage.
00:06:21Je me suis posé mille fois la question si j'allais rester,
00:06:27mais pas parce que j'étais une femme, en tout cas.
00:06:28C'était pas du tout.
00:06:30Mais en fait, on a toute la chance, grâce à Mia, j'ai commencé
00:06:35très jeune, en fait.
00:06:36C'est ça aussi.
00:06:38Avant de rencontrer Mia, j'étais essentiellement assistante,
00:06:44en fait.
00:06:45Tant qu'il y avait quelque chose où, je ne sais pas, inconsciemment,
00:06:48à quel moment on se dit qu'on est encore en train de tester des choses
00:06:51et à partir de quel moment on se dit, maintenant, c'est ça notre métier.
00:06:55On a 20 ans, on a 25 ans.
00:06:56J'ai rencontré Mia en 2003, j'avais 23 ans, 24 ans.
00:07:02C'est très jeune pour se dire encore ce qu'on va faire.
00:07:06C'est vrai que c'est notamment parce qu'elle est très prolifique
00:07:13et qu'elle a fait des courts-métrages, puis des longs,
00:07:15puis que ça s'est imposé à elle.
00:07:16Je pense que c'est vraiment quand j'ai monté mon premier
00:07:21long-métrage avec Mia que j'ai eu le sentiment d'en faire mon métier
00:07:28clairement et que j'assumais d'être monteuse à partir de là.
00:07:32Après, la question de rester ou ne pas rester, c'est encore autre chose.
00:07:36Pour vous, est-ce que ça a été une question ?
00:07:40Non, ça n'a pas été une question.
00:07:42En plus, c'est un poste très féminin, mais même...
00:07:46On parle encore du métier de script, script girl, c'est encore une expression.
00:07:52Oui, je crois.
00:07:53On le dit encore, non ?
00:07:54Non, peut-être pas.
00:07:56Script.
00:07:57Et pour vous, Mia, ça a été ?
00:07:59Je pense quand même que j'avais conscience qu'il n'y avait pas beaucoup
00:08:05de femmes cinéastes.
00:08:06C'est sûr, je ne sais pas à quel point je le formulais, mais oui,
00:08:11j'en avais conscience.
00:08:12Il y en a beaucoup plus aujourd'hui.
00:08:13Mais finalement, en 20 ans, ça a pas mal changé aussi.
00:08:18Même s'il y en avait déjà beaucoup plus quand j'ai commencé que 20 ans
00:08:21avant, etc.
00:08:22Mais c'était quand même, on était quand même très minoritaire.
00:08:26Mais pour autant, je ne l'ai pas perçu.
00:08:30Je ne crois pas l'avoir ressenti comme un handicap, mais plutôt
00:08:35comme une force.
00:08:38Parce que du coup, j'allais essayer de trouver ma voix et imposer
00:08:43cette voix dans un milieu très masculin, dans un monde où il y avait
00:08:47plus d'hommes cinéastes.
00:08:48Mais je ne me suis pas dit que ça allait être plus difficile.
00:08:52J'ai peut-être été aidée en ça par le fait d'avoir deux parents
00:08:55qui exerçaient le même métier et qui avaient une très forte
00:08:59complicité intellectuelle et une très grande égalité dans leur
00:09:02rapport au travail.
00:09:03Et je pense que du coup, j'ai eu la chance d'avoir ce modèle-là
00:09:06aussi et de jamais avoir intégré l'idée que, comme femme,
00:09:10j'aurais moins de capacités ou de chances à faire ce que je voulais.
00:09:17J'aimerais bien qu'on lance un premier extrait qui, en fait,
00:09:20est un court métrage de vous, Mia, qui s'appelle Un pur esprit,
00:09:24qui date de 2003.
00:09:25Un pur esprit.
00:09:55Un pur esprit.
00:10:25Un pur esprit.
00:10:27Un pur esprit.
00:10:28Un pur esprit.
00:10:29Un pur esprit.
00:10:30Un pur esprit.
00:10:31Un pur esprit.
00:10:33Un pur esprit.
00:10:34Un pur esprit.
00:10:35Un pur esprit.
00:10:36Un pur esprit.
00:10:37Un pur esprit.
00:10:39Un pur esprit.
00:10:40Un pur esprit.
00:10:41Un pur esprit.
00:10:42Un pur esprit.
00:10:43Un pur esprit.
00:10:45Un pur esprit.
00:10:46Un pur esprit.
00:10:47Un pur esprit.
00:10:48Un pur esprit.
00:10:49Un pur esprit.
00:10:51Un pur esprit.
00:10:52Un pur esprit.
00:10:53Un pur esprit.
00:10:54Un pur esprit.
00:10:55Un pur esprit.
00:10:56Un pur esprit.
00:10:58Un pur esprit.
00:10:59Un pur esprit.
00:11:00Un pur esprit.
00:11:01Un pur esprit.
00:11:02Un pur esprit.
00:11:04Un pur esprit.
00:11:05R回去!
00:11:06Продолжите получить!
00:11:11Pas moi!
00:11:12On va evolvesr!
00:11:14As bothers.
00:11:15Nous voulons contre recorded fait!
00:11:17Frack!
00:11:18Content?
00:11:21J'ai encore un jeu à faire de suite!
00:11:231, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 40, 41, 42, 42, 43, 43, 44, 44, 45, 46, 47, 48, 48, 49, 50, 50, 51, 51, 52, 52, 53, 53, 54, 55, 56, 57, 57, 58, 58, 59, 59, 60, 60, 61, 62, 62, 63, 62, 63, 62, 62, 63, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62
00:11:5362, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62, 62
00:12:23Pardon, j'ai dit une bêtise.
00:12:51Le film date de 2004 et pas 2003.
00:12:54C'est sur ce film là que vous vous rencontrez Marion et Emilia.
00:12:57Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu comment s'est passé cette rencontre ?
00:13:00De quelle manière vous vous êtes rencontrée ?
00:13:06C'est simplement en fait, moi j'étais assistante sur Clean d'Olivier Assayas.
00:13:12Et qui était en train de...
00:13:15Donc c'est un film qui était en montage, montré par Luc Barnier,
00:13:17qui était le chef-monteur avec qui j'ai travaillé.
00:13:20Et en fait Olivier, on se parlait quotidiennement, on se voyait tout le temps.
00:13:25Et un jour il m'a dit, il y a une amie à moi, Amie Hansenhoff,
00:13:29qui cherche quelqu'un pour monter son court-métrage.
00:13:32Et je me souviens très bien par contre de Luc Barnier.
00:13:36On me dit, vas-y, vas-y, vas-y, elle va faire des films.
00:13:40J'y suis allée.
00:13:42C'était vraiment de l'eau.
00:13:45Et après on a monté.
00:13:47Alors là, c'est la première fois que je le revois.
00:13:50Et c'est vraiment, je ne peux pas vous raconter comment ça s'est passé.
00:13:59Non mais c'est vraiment, ça n'a pas dû être très long.
00:14:03On n'a pas dû passer énormément de temps.
00:14:04Mais voilà, en tout cas, c'est clairement la première fois que j'ai rencontré Mia.
00:14:10En tout cas, on est devenus très amies très vite.
00:14:18Et Mia, vous pouvez nous raconter un peu quelle était l'idée derrière ce film?
00:14:22Comment est-ce que vous l'avez écrit?
00:14:24On a l'impression que c'est vraiment un film que vous avez tourné rapidement,
00:14:27dans une espèce d'élan, comme ça, de gestes assez presque intuitifs.
00:14:30Je ne sais pas si ça s'est déroulé comme ça.
00:14:33Oui, c'est très peu de choses.
00:14:37C'est un film qui a été tourné en une journée, avec vraiment trois fois rien.
00:14:42J'avoue que j'ai presque un peu honte qu'il soit montré là,
00:14:46parce que c'est à peine un court métrage.
00:14:49C'est vraiment un tout petit film de trois minutes.
00:14:53Mais ça a été très important.
00:14:55Je ne dis pas ça pour dire que ça n'a pas été important pour moi.
00:14:57C'est les premiers plans qu'on fait.
00:14:59C'est le deuxième, mais enfin, c'est quand même les premiers plans.
00:15:01Parce que mon premier court métrage, c'était aussi une journée de tournage.
00:15:04C'est des moments où on découvre, de découvrir qu'on est à sa place,
00:15:08à cet endroit-là, qu'on a envie de filmer, de voir ce désir-là se confirmer,
00:15:12de comprendre intuitivement pourquoi on fait ça.
00:15:16C'est des sentiments très, très forts.
00:15:18Donc, j'en garde un souvenir très fort et notamment de la rencontre avec Marion
00:15:23et de l'évidence très vite, tout de suite,
00:15:27d'une complicité intellectuelle sur le cinéma qui m'a portée aussi.
00:15:33Donc ça, je m'en souviens très bien.
00:15:35Après, le court métrage, c'est parti, ça vient d'un désir très simple,
00:15:40qui est celui de filmer quelqu'un qui me touchait.
00:15:42Et au fond, je me dis, en le revoyant là, je me dis, bon,
00:15:44il n'y a peut-être pas grand-chose qui...
00:15:45Enfin, ça ne ressemble pas beaucoup à ce que je fais aujourd'hui,
00:15:49parce que c'est très, on dit, c'est presque expérimental.
00:15:52Enfin, le son, l'image sont dissociées.
00:15:55Il n'y a pas de dialogue, il n'y a pas de scène, etc.
00:15:59Mais au fond, le désir, c'est le même pour moi aujourd'hui,
00:16:02de faire des films pour filmer des gens que j'aime, en fait.
00:16:04Des gens que j'aime ou inspirés de gens que j'ai aimés ou même imaginaires,
00:16:09mais de personnages que j'aime et d'essayer de comprendre ce désir-là,
00:16:13de quoi il est fait.
00:16:14Et en fait, ce petit court métrage, c'était ça.
00:16:18C'était cette jeune fille qui me touchait,
00:16:21qui n'était pas une amie, mais une amie d'amis.
00:16:24Mais il y avait quelque chose chez elle.
00:16:26Elle avait...
00:16:27C'était quelqu'un qui était très...
00:16:29Une fille qui travaillait énormément, qui était vraiment obsédée par le travail,
00:16:36le désir d'écrire, de parler.
00:16:38Mais en même temps, elle avait une mélancolie, une solitude.
00:16:40Et il y a quelque chose qui me touchait chez elle.
00:16:42Et je l'ai filmé, en fait, en bas de chez elle.
00:16:43C'est le parc de Bagatelle.
00:16:44Ses parents habitaient à côté.
00:16:45Elle vivait encore chez ses parents.
00:16:47Et on est vraiment parti avec la caméra, faire des plans d'elle.
00:16:50Enfin, c'était elle, quoi.
00:16:53Donc, les plans que vous voyez, les gens que je filme,
00:16:57en fait, ce qui m'intéresse, c'est de filmer son monde.
00:16:59Là où, à travers ses plans, cette réalité-là,
00:17:03c'était sa réalité, elle, dont j'essayais de me rapprocher.
00:17:07C'est vrai que moi, quand j'ai découvert le film,
00:17:09je me suis dit effectivement que le film était assez à part dans votre filmographie.
00:17:13Et en fait, en me replongeant dans vos longs métrages,
00:17:16je trouve qu'il y a quand même dans ce film-là,
00:17:18quand même des éléments, des motifs, en tout cas, très prégnants de votre cinéma.
00:17:25Et notamment un qui n'était pas apparu évident au départ,
00:17:29mais c'est peut-être la place accordée au silence.
00:17:35Alors, c'est un film muet, mais sonore.
00:17:37Et dans vos films, même si on est en présence de personnages
00:17:42qui sont plutôt cultivés, qui vont parler de littérature, de philosophie, etc.
00:17:48Le silence est presque plus parlant que les mots.
00:17:52Donc je trouvais qu'il y avait quand même déjà cette idée très forte.
00:17:56Oui, ça me fait plaisir que vous disiez ça, parce que j'allais dire la même chose.
00:18:00Je trouve que c'est aussi un point commun,
00:18:02enfin qu'en tout cas, le fait qu'il n'y ait pas de musique,
00:18:05c'est-à-dire le silence au sens où elle ne parle pas, il n'y a pas de dialogue,
00:18:09mais aussi le simple fait qu'il n'y ait pas de musique qui est finalement assez rare.
00:18:12Je pense même dans les courts-métrages, même s'il y a de la musique dans mes films,
00:18:16il y en a à des moments ponctuels et elle est pleinement là.
00:18:20Je n'ai jamais travaillé avec des compositeurs de musique de film, par exemple.
00:18:23C'est vraiment un truc, ce rapport-là au silence,
00:18:25je pense que c'est quand même une chose qui me caractérise.
00:18:27Et effectivement, quand bien même dans mes films aujourd'hui,
00:18:31les gens parlent, disent des choses et des choses qui peuvent être importantes
00:18:34pour la dramaturgie du film, il y a toujours l'idée du silence derrière,
00:18:37comme quelque chose peut-être qui transcende,
00:18:40enfin qui est au-delà de ce que les gens peuvent dire.
00:18:43Il y a toujours chez moi, je pense, le désir de filmer ou de regarder des présences
00:18:48et ça, ça s'accompagne, ça va avec l'idée du silence, je crois.
00:18:54Clémentine, vous rencontrez Mia sur son premier long-métrage,
00:18:57Tout est pardonné.
00:18:59Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle façon vous vous êtes rencontrée ?
00:19:06On s'est rencontré par la production, c'était les films Pelleas.
00:19:11Et moi, j'avais fait pas mal de courts-métrages chez eux.
00:19:15Et je pense qu'ils ont su que tu cherchais une scripte.
00:19:20Et puis, c'est très simple, il n'y a pas grand-chose à raconter.
00:19:25Enfin, on a bu un café, je me souviens d'une banquette.
00:19:29Non, mais voilà. Et puis, c'était, je ne sais pas quoi, c'était comme ça.
00:19:36Ce que Clémentine ne vous dira pas elle-même,
00:19:39donc je vais me permettre de prendre la parole pour elle là-dessus.
00:19:43C'est la rencontre, c'est pas tant entre nous,
00:19:46c'est pas tant le moment de la rencontre où on se voit avant le film,
00:19:48mais c'est vraiment sur le tournage.
00:19:50Pour moi, en fait, je pense que grâce à Clémentine,
00:19:56à cause de Clémentine, je ne sais pas,
00:19:57je n'ai jamais su ce que c'était vraiment que le métier d'une scripte.
00:20:00Parce que ce qu'elle fait, en tout cas, je ne sais pas sur les autres films,
00:20:04mais j'imagine que c'est vrai aussi différemment des autres films sur lesquels elle travaille.
00:20:07Mais ce qu'elle fait avec moi sur les films va tellement au-delà
00:20:12de la définition de la scripte telle que je la connais.
00:20:16Je n'avais pas eu de script, il me semble,
00:20:18enfin, pas vraiment sur les petits courts-métrages que j'ai faits.
00:20:21Donc, j'ai fait à part un film, tous mes films avec Clémentine,
00:20:24comme j'ai fait tous mes films avec Marion.
00:20:26Et en fait, je dirais que la partie, ce qu'on sait,
00:20:31l'habitude de ce que c'est le métier de script,
00:20:32ça représente qu'une toute petite partie du travail que fait Clémentine sur mes films
00:20:37et qui n'est pas forcément celle, à mon avis, qui l'intéresse le plus.
00:20:40Non, et qui ne l'intéresse pas Mia non plus.
00:20:43Parfois, je me dis que ce n'est pas vrai.
00:20:44Non, mais c'est des autres.
00:20:45Tu fais confiance quand même pour les raccords.
00:20:47Oui, il y a une confiance là-dessus.
00:20:48Mais c'est vrai que, je ne sais pas, peut-être que quand je serai plus vieille et fatiguée,
00:20:53on prendra une scripte qui fera ce boulot-là.
00:20:56Mais oui, oui.
00:20:58C'est-à-dire que la partie raccord du travail,
00:21:01tout le côté technique, Clémentine l'assure parfaitement depuis toujours.
00:21:06Et je n'ai pas à m'en soucier.
00:21:07Mais là où notre relation, elle a été spéciale dès le début
00:21:13et ça n'a fait que se développer, se consolider au fil du temps,
00:21:16c'est qu'il y a un dialogue qui s'est mis en place.
00:21:20Et au fond, j'ai l'impression que c'est le même dialogue qui se poursuit de film en film.
00:21:23Après, il y a les dialogues qui sont liés à chaque film.
00:21:25Mais au fond, c'est comme si on avait une grande conversation
00:21:27qui avait commencé il y a 20 ans et qui continue aujourd'hui.
00:21:30Il a à voir avec la question de la vérité du jeu.
00:21:33Pourquoi est-ce qu'on fait dire ceci ou cela à un acteur ?
00:21:35Pourquoi est-ce qu'on met la caméra à un endroit et pas à un autre ?
00:21:37C'est vraiment une réflexion sur le cinéma, à quoi ça sert.
00:21:43Pourquoi les scènes sont là ?
00:21:45C'est ça qui se joue, je crois, à travers le dialogue qu'on a.
00:21:48Et ce dialogue-là, il m'est tellement cher.
00:21:51J'ai l'impression que je ne pourrais plus m'en passer aujourd'hui.
00:21:54Et d'ailleurs, j'ai fait un film sans Clémentine,
00:21:56avec une scripte qui était par ailleurs très bien,
00:21:58mais avec qui je n'avais pas ce type de relation-là.
00:22:01Et j'en ai souffert.
00:22:04Dans vos films, je crois que c'est à la fois un amour de jeunesse,
00:22:09un beau matin et l'avenir.
00:22:11Il y a des scènes dans lesquelles les deux personnages discutent
00:22:16et ont une discussion sur un livre ou un film,
00:22:19et ils n'ont pas les mêmes goûts.
00:22:21Et ça crée une espèce de...
00:22:23Alors pas de crispation, mais de débat entre eux.
00:22:26Il y a ce motif qui revient souvent dans vos films.
00:22:29Qu'est-ce que c'est que de partager des goûts en commun
00:22:31avec une personne qu'on aime ?
00:22:33J'imagine que vous, au vu de votre collaboration,
00:22:36ce qui est essentiel, c'est aussi cet espèce de partage
00:22:40d'une vision de cinéma ou de goûts en commun.
00:22:43Est-ce que, par exemple, quand vous préparez des films ensemble,
00:22:46vous allez vous discuter d'autres films ?
00:22:51Vous avez besoin d'aller chercher d'autres références ?
00:22:56Est-ce que ça participe aussi à votre processus créatif ?
00:23:03On parle énormément de cinéma, disons, en tout cas.
00:23:06Mais ce n'est pas seulement...
00:23:08En ce moment, on n'est pas en train de travailler ensemble.
00:23:10On a quand même ce dialogue sur le cinéma.
00:23:12Et oui, ce n'est pas forcément en lien direct avec le film.
00:23:17Ce n'est pas parce que je prépare tel film
00:23:20que je vais avoir un dialogue avec Marion spécifique
00:23:22sur tel ou tel film en lien avec le film que je veux faire.
00:23:24Mais c'est plus, oui, une complicité sur le cinéma
00:23:29et un regard sur le cinéma contemporain aussi.
00:23:31Ce dialogue-là, il m'aide aussi à comprendre le film
00:23:36que je suis en train de faire.
00:23:37Pourquoi je le fais comme ça et pas autrement ?
00:23:39Donc oui, c'est très, très précieux, bien sûr.
00:23:45Oui, c'est bon, enfin, chez Mia, ce n'est jamais référencé.
00:23:50Elle m'a, je pense, en huit films, elle ne m'a jamais dit
00:23:53il faut que tu vois ce film parce que je veux faire une scène comme dans...
00:23:56Ça, ça existe avec d'autres cinéastes.
00:23:59Avec Mia, ce n'est jamais le cas.
00:24:01Et par contre, comme on voit souvent,
00:24:04on est très amis en dehors des films qu'on fait ensemble.
00:24:07On discute tout le temps, on se nourrit de cinéma toute l'année.
00:24:14Donc effectivement, là, en venant, on est venus toutes les deux en métro.
00:24:17On a parlé d'un imparfait inconnu.
00:24:23Je n'ai pas encore vu.
00:24:23Mais moi, j'ai vu, je monologuais, bon sûr.
00:24:28Non, non, mais voilà, mais ce n'est pas du tout...
00:24:33J'insiste sur le fait que c'est vrai qu'il n'y a jamais...
00:24:36Elle ne m'a jamais dit je voudrais que tu regardes ce film pour cette scène.
00:24:40Ce n'est pas un cinéma de référence.
00:24:41C'est vrai qu'il y a un dialogue qui est là tout le temps
00:24:44et qui est là aussi quand on monte sur le film que je suis en train de faire,
00:24:48sur d'autres films.
00:24:49Mais j'ai toujours mis un point d'honneur.
00:24:53Enfin, je ne sais pas où c'est un truc de caractère à faire mes films,
00:24:56à essayer de trouver mon propre langage.
00:24:57Je sais bien qu'on est influencé de toute façon.
00:24:59Je sais bien, il y a des cinéastes que j'admire énormément,
00:25:03qui m'accompagnent, dont la philosophie du cinéma influence la mienne.
00:25:08Évidemment, mais j'essaye de ne pas les imiter.
00:25:14Donc, j'essaie de faire cet effort-là.
00:25:17Et donc, ça passe aussi par le fait de ne pas s'appuyer sur des films
00:25:21qui ont déjà été faits pour avoir ce dialogue.
00:25:23Clémentine, vous voulez ajouter?
00:25:26Non, mais c'est la même chose.
00:25:29Effectivement, il n'y a pas de préparation.
00:25:33Il n'y a pas ce truc d'aller voir d'autres films et tout ça.
00:25:37On peut parfois, si on tourne à l'étranger,
00:25:41on peut regarder d'autres films pendant le tournage,
00:25:44mais pas plus comme quelque chose d'une ambiance.
00:25:47Je ne sais pas, je pense à l'Inde où je pense qu'on a regardé un peu des films.
00:25:53Mais voilà, en tous les cas, pas spécifiquement pour le film.
00:25:59Est-ce que vous pouvez me détailler toutes les deux, Marion et Clémentine?
00:26:03Vraiment, le moment où vous entrez dans le processus créatif du film.
00:26:07Clémentine, vous êtes là dès la préparation.
00:26:11Du film, c'est vous qui faites le minutage, c'est ça?
00:26:16Est-ce que c'est à ce moment-là, par exemple,
00:26:20je me demandais si le rythme du film,
00:26:23est-ce qu'il se joue dès ce moment-là,
00:26:25quand vous évoquez cette question de la durée des séquences, etc?
00:26:31Non, parce que pour moi, c'est un exercice déjà que je n'aime pas forcément faire.
00:26:36Et puis, je trouve très peu juste.
00:26:40Enfin, je ne sais toujours pas si je pré-minute vraiment très bien.
00:26:43Enfin, ça dépend tellement de choses.
00:26:46Donc, je ne sais même pas vraiment pourquoi on le fait.
00:26:49Enfin, disons que ce n'est pas forcément une question, moi, qui...
00:26:52Pour rassurer les producteurs.
00:26:54Mais par contre, c'est vrai.
00:26:58Effectivement, je peux dire que je n'aime pas du tout cet exercice
00:27:01parce que j'ai l'impression qu'on me demande quelque chose
00:27:03et qu'il y a un enjeu, justement, de dire
00:27:05est-ce que le film est trop long ou pas?
00:27:08Et qu'en même temps, on peut lui faire dire n'importe quoi.
00:27:11Une séquence, enfin, voilà, il marche dans la rue,
00:27:14ça peut être 5 secondes, ça peut être 30 secondes.
00:27:16Alors, on peut se parler un peu comme ça.
00:27:18Mais par contre, c'est quand même...
00:27:21Il y a ce moment, en fait, pour pré-minuter, il faut jouer le film.
00:27:27Et ça, c'est quand même...
00:27:29En fait, ce n'est pas si mal.
00:27:30Non, mais il y a quand même quelque chose d'une appropriation
00:27:33de tous les dialogues.
00:27:37Je les ai dits et je me suis déplacée, j'ai fait les choses.
00:27:42Et peut-être qu'il y a quand même quelque chose de ça
00:27:45qui reste un peu après.
00:27:47Donc, c'est peut-être pas si mal.
00:27:49Mais sinon, on se voit...
00:27:52Je vois que tu veux me parler.
00:27:53Non, mais aussi dans la continuité de ça,
00:27:55il y a le travail qu'on fait qui n'est pas forcément courant.
00:27:58Enfin, ça, tu le sais mieux que moi,
00:27:59mais on fait un travail assez important en temps
00:28:03pendant la préparation de mes films.
00:28:05On va sur les décors.
00:28:06C'est pour ça que j'essaie d'avoir toujours les décors de mes films
00:28:08très tôt pour pouvoir y travailler avec Clémentine.
00:28:11Et ça, c'est un truc qu'on n'a pas forcément fait autant au début,
00:28:14mais c'est devenu une habitude.
00:28:15Et c'est devenu de plus en plus une sorte de méthode.
00:28:19Et c'est quasiment dans la préparation des films,
00:28:21le moment que je préfère,
00:28:23parce qu'au fond, c'est le seul moment où je me sens vraiment libre.
00:28:26Il n'y a pas la pression du tournage.
00:28:27Il n'y a pas une journée à finir, etc.
00:28:30Donc, je vais sur les décors avec Clémentine.
00:28:32En général, quand j'y vais, j'ai déjà fait mon découpage
00:28:34ou un brouillon du découpage et on refait ensemble les scènes.
00:28:39On est juste toutes les deux.
00:28:39Il n'y a pas d'assistante, il n'y a personne.
00:28:41Il n'y a vraiment que toutes les deux.
00:28:42Et on les joue, on y réfléchit.
00:28:45On remet en question le découpage que j'ai fait.
00:28:47Et du coup, c'est une façon de travailler la matière du film,
00:28:51de la comprendre mieux.
00:28:52Parfois, ça fait que certaines répliques peuvent changer.
00:28:56Le découpage, évidemment, change.
00:28:57Et c'est là, pour moi, c'est vraiment là où je commence
00:29:01à rentrer dans le film, à comprendre la matière.
00:29:02Et c'est grâce à ce travail,
00:29:06je veux dire, c'est des semaines entières.
00:29:07Enfin, là, on part dans 15 jours,
00:29:10on part une semaine pour faire ce travail sur des décors.
00:29:15C'est un travail très, très intensif
00:29:18et qui, pour moi, est vraiment au cœur de la fabrication du film.
00:29:25Et vous, Marion, c'est à quel stade vous entrez dans le processus créatif ?
00:29:29Alors, ce qui est marrant, c'est que déjà, généralement,
00:29:36Mya me parle du film qu'elle est en train d'écrire.
00:29:40On va dire que c'est la première entrée dans le film
00:29:41et c'est généralement déjà très précis dans sa tête.
00:29:44Et après, je lis le scénario, donc j'en fais partie, on va dire.
00:29:48Et après, j'aurais tendance à dire que je disparais un peu pendant pas mal...
00:29:53Enfin, c'est-à-dire que j'ai plutôt tendance à lire 2-3 fois le scénario,
00:29:57de le connaître vraiment bien.
00:29:58Je suis vraiment disponible tant qu'elle veut, tant qu'elle veut me parler.
00:30:01Mais il y a vraiment, je pense qu'il y a une vraie complémentarité
00:30:04entre ce que fait Clémentine et moi.
00:30:06C'est-à-dire qu'après, la prépa, encore une fois, je suis là
00:30:09dès qu'elles veulent m'appeler, elles ont besoin.
00:30:11Mais je n'ai rien à faire pendant la prépa, vraiment.
00:30:13Et pendant le tournage, finalement, c'est le moment où je suis le moins à l'aise.
00:30:19Parce que ce n'est pas facile, en fait, c'est pareil, c'est une présence.
00:30:25Elles, ça les rassure beaucoup que quelqu'un qui ne soit pas sur le plateau
00:30:28voit les rushs, mais je vois les rushs, c'est tout.
00:30:29Je ne monte pas, du tout, du tout pendant le tournage.
00:30:32Je vois les rushs, je vous assure que c'est vraiment, qu'il n'y a rien à dire.
00:30:36Donc, en fait, mon rôle est de dire tout va bien.
00:30:40Mais c'est vrai, en fait, c'est plutôt d'être là et de, si elles ont envie de parler,
00:30:44si elles ont une question, s'ils ont un doute, tu crois qu'il y a le point sur cette prise.
00:30:47Tu crois qu'on a assez de matière, tu crois que, et d'être là et de les rassurer souvent.
00:30:52Mais voilà, ils font un travail énorme, toutes les deux.
00:30:57Et moi, j'arrive vraiment qu'après le tournage.
00:31:01Et là, par contre, on est vraiment toutes les deux avec Mia et on a très peu
00:31:06d'autres interlocuteurs que nous.
00:31:08Donc, c'est vrai que c'est assez compartimenté, mais moi, ça me va très bien.
00:31:13J'aime bien l'idée de, de, de découvrir, voilà, de les laisser faire
00:31:17et de ne pas intervenir pendant le tournage.
00:31:22J'aimerais qu'on passe à un deuxième extrait qui est un extrait du père de mes enfants.
00:31:57Une fille, malheur, il est pas là, il est à l'extérieur.
00:32:01Vous vous rappelez cet après-midi?
00:32:02OK, donc je lui dirais le sur.
00:32:06Oui, oui, j'ai compris.
00:33:57Alors, le père de mes enfants, c'est votre deuxième long métrage.
00:34:20J'ai pas choisi la scène la plus, non, pas la plus jamais revue.
00:34:25C'est une scène qui m'a vraiment marquée quand j'ai découvert le film
00:34:31et qui restait comme ça dans ma mémoire.
00:34:34Donc, j'avais très envie de vous en parler et que vous nous racontiez un peu
00:34:37comment vous l'aviez écrite, mise en scène, mais juste avant pour
00:34:42contextualiser pour celles et ceux qui n'auraient pas vu le film.
00:34:45Donc, c'est votre deuxième long métrage.
00:34:46C'est un film qui est en grande partie inspiré de Humbert Balzan, qui était
00:34:50un producteur qui s'est donné la mort et qui a été une personne importante
00:34:54dans votre parcours de cinéaste.
00:34:58C'est une scène qui m'impressionne parce que j'avais rarement vu le suicide
00:35:01filmé comme ça, en fait, avec une espèce de brutalité et en même temps,
00:35:05de quelque chose de presque sobriété, de clarté.
00:35:10Il y avait quelque chose comme ça que je trouvais assez neuf.
00:35:15J'imagine que ça a été une scène avec un enjeu particulier à l'écriture,
00:35:19mais aussi au moment du tournage.
00:35:21Est-ce que vous pouvez un peu nous dire comment ça s'est passé et puis
00:35:24ensuite, comment ça s'est passé au montage ?
00:35:26Comment est-ce que vous avez imaginé ?
00:35:33A l'écriture, c'est pas la chose dont il est le plus facile de parler,
00:35:40mais disons que oui, effectivement, mon film est inspiré très ouvertement
00:35:46et très largement par Humbert Balzan, un producteur que j'ai connu pendant
00:35:51un an, qui devait produire mon premier film, à qui je devais énormément
00:35:54et sans qui, mon premier film ne serait sans doute pas fait.
00:35:58Et son suicide, sa mort m'a évidemment énormément marquée, mais je crois
00:36:06que le film est à la fois un portrait de lui, en tout cas, presque imaginaire
00:36:14parce que finalement, je ne l'ai pas si bien connu et j'invente toute une
00:36:18vie dont je ne sais rien, enfin, je veux dire, tout ce que je construis
00:36:22autour de lui, en grande partie, je l'imagine ou je l'invente ou je m'inspire
00:36:26des quelques informations que j'aime.
00:36:27Mais ce que je veux dire, c'est que ce film est aussi indirectement inspiré
00:36:34d'une histoire de ma famille, de ma propre famille, de mon grand-père
00:36:37qui s'est donné la mort et finalement, le suicide, puisque c'est cette scène
00:36:41que vous avez montrée, il est, je pense, autant inspiré par la mort
00:36:45d'Humbert Bazan que par celle de mon grand-père.
00:36:51Pour être plus précise, mon grand-père s'est tué de cette façon-là
00:36:54et Humbert Bazan ne s'est pas tué de cette façon-là.
00:36:56C'est pour dire que les films, ils sont, même des films qui sont,
00:37:00des films qui peuvent être très personnels, assemblés, biographiques,
00:37:03autobiographiques, c'est, pour moi, c'est toujours des mélanges
00:37:07de plusieurs choses, en fait, c'est toujours plusieurs inspirations
00:37:09qui se recoupent et pourquoi ça prend cette forme-là plutôt qu'une autre.
00:37:13C'est parfois difficile d'expliquer, mais bien sûr que la question
00:37:17de comment représenter le suicide, qu'est-ce que je montre,
00:37:20qu'est-ce que je ne montre pas, à quel moment je le vois de face,
00:37:22à quel moment je le vois de dos, est-ce que je veux voir son visage
00:37:24au moment où, est-ce que, en fait, justement, je ne veux pas le voir,
00:37:27cette question-là, je pense que je me la suis beaucoup, beaucoup posée.
00:37:30Je ne sais pas si, enfin, je ne sais pas si aujourd'hui,
00:37:35je devais refilmer cette scène, est-ce que je la filmerais
00:37:37exactement de la même manière ? Je ne sais pas, mais sans doute que oui.
00:37:43Sur ces choses-là, je ne pense pas avoir forcément beaucoup changé.
00:37:45Et en tout cas, ce qui était une évidence, par exemple,
00:37:47c'était de ne pas mettre de musique.
00:37:52Je pense que j'ai quand même tendance à ne pas mettre de musique
00:37:54à des moments très dramatiques où d'autres en mettraient
00:37:56et au contraire, à en mettre là où on n'en a pas forcément besoin.
00:38:00Je pense, de ce point de vue-là, avoir un rapport à la musique
00:38:03un peu particulier, peut-être, mais en tout cas, je sais qu'une chose
00:38:07que j'ai toujours su, c'est qu'il n'y aurait pas de musique
00:38:10sur cette scène-là, qu'il n'était pas question de rajouter du drame au drame,
00:38:14qu'il fallait regarder les choses, être au plus près d'une réalité
00:38:18que je voulais filmer et ne pas rajouter du pathos sur cette réalité.
00:38:24Est-ce que tu te souviens de la façon du moment où...
00:38:30Pas du tout, enfin, comment, pourquoi on a monté comme ça ?
00:38:34Je me souviens, en tout cas, très, très, très bien
00:38:39d'avoir enrobé surtout tout ça, d'avoir cherché, en tout cas,
00:38:45beaucoup de mystères autour de, quand même, d'en faire un geste
00:38:49vraiment spontané, non réfléchi, en tout cas, je ne crois pas,
00:38:53et d'avoir, il y avait à la fois, il prend un revolver,
00:38:57il y avait prendre ce RER pour où, pour quoi, voilà.
00:39:03Et des lettres qu'il prend et qu'il brûle avant de mourir.
00:39:07Et avec cette envie, et qui, je crois, a marché dans la deuxième partie,
00:39:14de suggérer, enfin, voilà, il s'est abordé, mais d'une manière très
00:39:18brève par son assistante, qui jouait par Sandrine Dumas,
00:39:22qui dit qu'il s'était quand même procuré un revolver.
00:39:24Donc ça interroge ses proches comme ça peut interroger le spectateur.
00:39:28Et ça, je sais que c'est quelque chose qu'on a cherché, en tout cas, sans doute.
00:39:33En fait, il y avait l'idée de ne pas répondre aux questions qu'on pouvait
00:39:37se poser et que ces questions sont là.
00:39:39Et en fait, je crois que ce qui a déterminé tout, ce qui détermine
00:39:44la mise en scène, l'usage ou pas de la musique, ce que dit Marion,
00:39:49c'est le choix.
00:39:51On raconte ce suicide, on le montre, mais on ne prétend pas être dans
00:39:55la peau de Grégoire Canvel.
00:39:58Je ne suis pas Grégoire Canvel et même, je me mets à distance de lui,
00:40:01je regarde son geste.
00:40:02Je veux le voir, je veux le montrer, je veux le dire, mais je ne prétends
00:40:05pas connaître toutes les raisons qui aboutissent à ce geste,
00:40:10tout ce qui se passe à l'intérieur de lui.
00:40:11Je ne crois pas à cette idée du point de vue, que tout d'un coup,
00:40:14parce qu'on filme quelqu'un, parce qu'on le regarde, on est lui
00:40:17ou qu'on est avec lui ou qu'on se confond avec cette personne.
00:40:19Donc en fait, il y a une distance.
00:40:21Et pour moi, c'est particulièrement vrai au moment d'un geste aussi
00:40:26terrible.
00:40:27Ces raisons lui appartiennent.
00:40:28Et la deuxième partie, quand bien même la deuxième partie du film
00:40:32regarde des choses qu'il a faites, qui peuvent ressembler à des pistes
00:40:37d'explications de pourquoi il a fait ce geste.
00:40:39Mais au fond, je crois, l'idée, c'est justement de ne pas y répondre.
00:40:43Ça peut être ça, ça peut être ça, peut-être c'est ça, peut-être
00:40:45ce n'est pas du tout ça.
00:40:46Et en fait, je crois que ça reflète aussi ce que j'ai ressenti
00:40:51par rapport à l'histoire de ma famille et la mort de mon grand-père
00:40:55pour laquelle il n'y a pas vraiment eu, jamais eu une explication claire.
00:40:58Donc moi, j'ai interprété enfant, on m'a raconté des choses,
00:41:03d'autres.
00:41:04Mais au fond, c'est un geste, un tel désespoir, la violence qui fait
00:41:10qu'on arrive à ce geste là, c'est insaisissable.
00:41:13Donc en fait, je crois que c'était l'idée de rendre compte de cette
00:41:16dimension insaisissable de ce geste qui a guidé la mise en scène
00:41:20et certainement le montage aussi.
00:41:22C'est un film qui, de par son sujet, aborde des choses très sombres,
00:41:26graves, mais qui, paradoxalement, a une forme de lumière, de légèreté.
00:41:32On se rappelle du film, il y a vraiment des moments de bonheur
00:41:35dans ce film très intense.
00:41:37Et ça me faisait penser à une phrase que dit Vicky Cripps dans
00:41:41Bergman Island.
00:41:43Elle parle du cinéma de Bergman en disant, ces films me font mal.
00:41:46J'ai l'impression que vous, votre travail de cinéa, c'est de dire
00:41:50le mal, mais sans trop en faire.
00:41:52Qu'il y a un peu cette idée là dans...
00:41:56Disons que j'ai, je crois qu'une des choses qui me détermine,
00:42:02c'est le désir de montrer le monde tel que j'en fais l'expérience,
00:42:05tel que je le vois.
00:42:06Donc certains films, certains de mes films sont peut-être plus
00:42:08légers que d'autres, selon, je ne sais pas, différents moments
00:42:12de ma vie ou de mon inspiration.
00:42:13Mais dans tous les cas, ce qui les guide tous, c'est le désir
00:42:16de montrer le monde tel qu'il est.
00:42:18Même si, une fois qu'on a dit ça, on n'a rien dit, dans le sens où
00:42:22en fait, c'est forcément le reconstruire, c'est forcément
00:42:27trouver une distance, un cadre, faire du montage.
00:42:31Finalement, tout ça fait appel à de la subjectivité.
00:42:34Donc quand bien même, l'objectivité réelle n'existe pas.
00:42:38Mais j'essaie de transmettre ce sentiment-là, non pas d'une
00:42:43objectivité, mais en tout cas d'une réalité du monde.
00:42:48Et c'est vrai que je trouve que le cinéma, et c'est à ça que ça me
00:42:55sert aussi de voir des films et d'en parler avec Marion Clémentine,
00:43:00je trouve que très souvent, il y a de la manipulation, beaucoup
00:43:04de pathos, beaucoup de...
00:43:05Je trouve le cinéma souvent très édifiant dans sa façon de
00:43:10rendre compte du monde.
00:43:10Et comme sûrement tous les cinéastes, j'ai un regard souvent très
00:43:15critique sur ce qu'on fait avec le cinéma.
00:43:19Et j'essaie dans mes propres films de m'astreindre à une espèce de
00:43:23oui, de sobriété, d'épouillement, c'est un grand mot, mais en tout
00:43:27cas, une sobriété, surtout dans le rapport aux émotions.
00:43:33Et ce n'est pas parce que l'émotion ne m'intéresse pas ou que je ne
00:43:36cherche pas, que je n'espère pas atteindre.
00:43:37En fait, elle m'intéresse énormément.
00:43:39J'aspire, comme tout le monde, à produire chez les spectateurs
00:43:42une émotion.
00:43:43Je suis pleine d'émotions, mais disons pas de n'importe quelle
00:43:48manière.
00:43:49Je crois que c'est un film que vous avez tourné sur deux étés,
00:43:51c'est ça ?
00:43:52Bergman Island ?
00:43:53Non, Le père de mes enfants.
00:43:54Non, Bergman Island, oui.
00:43:55Pas Le père de mes enfants.
00:43:56D'accord.
00:43:57Clémentine, est-ce que vous pouvez nous parler de cette expérience
00:44:01sur Le père de mes enfants, du souvenir que vous en avez ?
00:44:04Il y a quelque chose de particulier aussi dans ce film-là, c'est que
00:44:08très souvent dans vos films, on a des personnages qui sont sans
00:44:11arrêt en mouvement, qui marchent beaucoup.
00:44:12Et celui-ci, il y a vraiment une cadence particulière.
00:44:16Le personnage est vraiment tout le temps en action.
00:44:17Il y a presque un côté film d'action.
00:44:20Qu'est-ce que ça a créé sur votre travail ?
00:44:25Moi, j'ai une script avec une très mauvaise mémoire, donc je ne me
00:44:29souviens plus de beaucoup de choses.
00:44:31Mais quand même, je pense que déjà, c'est le deuxième.
00:44:38Ça, je m'en souviens et je pense que c'est là aussi où on a commencé
00:44:45à plus travailler aussi en préparation, plus que sur Tout
00:44:49est pardonné.
00:44:50Et il y avait, je sais qu'on avait été justement dans des boîtes
00:44:57de production et on s'était mis un peu à l'écart.
00:45:00On avait regardé, enfin, il y avait déjà cette recherche,
00:45:04il y a effectivement quelque chose de juste, mais qui soit central
00:45:12au niveau vraiment des personnages principaux.
00:45:14Mais il y a aussi de tout ce qui est un peu plus de l'ordre du détail.
00:45:20Et cette société de production, là qu'on le voit même juste dans
00:45:27ce petit extrait, il y avait la volonté vraiment d'être dans
00:45:32quelque chose de juste, de ne pas être dans des déplacements
00:45:36aléatoires, même dans la figuration.
00:45:39Enfin voilà, il y avait déjà aussi une recherche, vraiment un travail
00:45:43aussi très méticuleux pour tout justement trouver quelque chose
00:45:49de vrai.
00:45:50Enfin, il y a toujours aussi quelque chose d'en fait très construit
00:45:57et travaillé qui va vers ce côté naturel.
00:46:01Enfin, pour arriver à ça, voilà, tout est un peu écrit et déjà
00:46:09dans ce film-là, il y avait cette recherche-là que ce n'est pas
00:46:14un personnage qui se déplace d'un point A à un point B.
00:46:16Chacun savait, on se racontait plein d'histoires aussi.
00:46:20On avait les films, la personne qui est derrière au téléphone,
00:46:23on sait, nous, on sait ce qu'elle faisait.
00:46:26Vous avez écrit tous les dialogues de tous les...
00:46:28En fait, puisqu'il y avait beaucoup de scènes dans les bureaux
00:46:30de production et on avait énormément travaillé sur les arrière-plans
00:46:33ensemble et ça, c'est ce qu'on avait fait en prépa et finalement,
00:46:35on avait écrit des micro-dialogues pour tous les personnages qui étaient
00:46:40dans les arrière-plans, ce qui fait qu'ils savaient tous,
00:46:42ils avaient tous...
00:46:42S'ils passaient un coup de fil, ils savaient à qui ils passaient
00:46:45le coup de fil.
00:46:46Ils ne faisaient pas juste blabla, ils appelaient telle personne.
00:46:48On avait défini chaque chose avec l'idée que ça aiderait les comédiens
00:46:52à ce que leur déplacement soit motivé, pour que ce soit incarné.
00:46:56Mais ce dont je me souviens aussi, c'est que c'est le premier film,
00:47:00mon premier film était sur un autre rythme.
00:47:02Celui-là, du fait de Grégoire Canvel, de ce personnage de producteur
00:47:05qui allait si vite et qui était dans une course folle,
00:47:09ça nous a beaucoup influencé, je pense même pour la suite en fait,
00:47:12parce qu'on y a pris goût.
00:47:13Je sais que c'est une chose sur laquelle on a énormément travaillé
00:47:16et je m'en souviens comme quelque chose d'extraordinairement amusant.
00:47:20On a pris goût au fait de filmer la vitesse, sa vitesse à lui et c'est
00:47:25quelque chose qu'on a énormément travaillé, sur laquelle on a réfléchi
00:47:28de trouver la façon d'utiliser aussi tous les petits objets du quotidien,
00:47:31de la boîte de production, pour s'en servir dans le rythme des scènes
00:47:35et dans leur vitesse.
00:47:36Alors les figurants, les personnages, les assistants autour de lui,
00:47:39mais vraiment tous les portes, les objets, les objets du cinéma.
00:47:43Et ça, c'est un truc sur lequel il me semble qu'on avait énormément
00:47:46travaillé pour ce film.
00:47:47Effectivement, et tous les...
00:47:49Voilà, qu'il ait plusieurs téléphones, enfin tous les trucs de trouver
00:47:54toujours qu'il fasse plusieurs choses en même temps.
00:47:57Et d'ailleurs, le comédien Luido de Langzin, il a pris goût aussi,
00:48:01il a bien compris assez vite que ce petit jeu qu'on avait d'essayer
00:48:04vraiment de le pousser à une sorte de vitesse, il n'avait pas l'habitude
00:48:06lui-même et il y a pris goût.
00:48:08Et après, c'est devenu une espèce de frénésie.
00:48:10Je me souviens d'une scène qu'on a tournée, que je pense qu'on ne
00:48:13pourrait plus tourner aujourd'hui dans une voiture sur l'autoroute.
00:48:17Vraiment, je pense que ce qu'on a fait, je pense que ce ne serait
00:48:20plus possible aujourd'hui.
00:48:21Moi, j'étais dans le coffre de la voiture, il était sur l'autoroute,
00:48:24il n'y avait pas de...
00:48:25Ce n'était pas voiture-traveling du tout, il conduisait pour de vrai
00:48:27et avec ses deux téléphones.
00:48:29Mais ça, c'était vraiment un peu la conséquence de cette chose
00:48:33dans laquelle on était tous, de vouloir construire ce personnage
00:48:37comme dans une espèce d'agilité et de frénésie.
00:48:41Sinon, il fumait.
00:48:43Oui, il fumait, il avait les deux téléphones et nous, on était
00:48:46dans le coffre.
00:48:49On va passer à un troisième extrait, un extrait d'un amour de jeunesse.
00:48:55C'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça.
00:49:25Tu as toujours ton studio ?
00:49:32Non, je ne suis plus à Paris.
00:49:34Ça fait trois ans que j'habite à Marseille, mais je passe assez
00:49:38régulièrement pour voir mes amis, mes parents.
00:49:42Je viens aussi pour le boulot.
00:49:45Je ne suis pas venu exprès pour toi.
00:49:47Je m'en doute.
00:49:49Mais tu travailles ?
00:49:51Je suis photographe.
00:49:52C'est bien, c'est ce que tu voulais faire.
00:49:54Je bosse pour la presse régionale.
00:49:56Je couvre l'effet d'hiver.
00:50:00Sinon, je me suis associé avec un copain, on a monté une petite
00:50:03boîte de bricolage.
00:50:05C'est surtout ça qui me permet de garder ma vie.
00:50:08Ça te plaît, Marseille ?
00:50:09Ça me plaît, oui.
00:50:13Je n'ai jamais vraiment su m'adapter à Paris.
00:50:16Cet film me donne le cafard.
00:50:21J'ai un copain qui a une maison à Cassis.
00:50:24On passe quasiment tous les week-ends dans les calanques.
00:50:27Tu ne veux pas qu'on sorte ?
00:50:28J'ai envie de marcher.
00:50:30Juste pour contextualiser par rapport au film, on est, je pense,
00:50:35aux trois quarts du film ou vers le milieu, je ne serais plus trop
00:50:39bien.
00:50:40Camille et Sullivan, qui ont été amoureux quand ils étaient jeunes,
00:50:43se retrouvent après des années de séparation.
00:50:45Et là encore, il y a quelque chose de très frappant dans la manière
00:50:47dont vous filmez ce retrouvaille.
00:50:49Et c'est un peu la même manière, il y a un peu ce même genre de
00:50:56scène dans Tout est pardonné, c'est-à-dire le moment des
00:50:59retrouvailles avec le père, entre le père et la fille qui ne se
00:51:01sont pas vues depuis des années.
00:51:03Vous désamorcez le côté spectaculaire des retrouvailles.
00:51:07Il y a ce mouvement de vélo que j'aime beaucoup, parce qu'on a
00:51:10l'impression que quand Sullivan arrive, vous allez couper pour
00:51:13ensuite filmer le visage de l'actrice Lola Créton pour voir
00:51:17sa réaction.
00:51:18Ce mouvement de vélo accompagne le mouvement de Lola Créton.
00:51:22Et il y a un côté, on a l'impression qu'ils ne se sont jamais
00:51:25quittés, comme si c'était un fantôme qui ressurgissait du passé.
00:51:29Est-ce que vous pouvez nous parler de cette scène-là en particulier ?
00:51:32J'ai l'impression peut-être aussi que je trouve que la mélancolie
00:51:38de vos films, elle vient du fait que ce sont des films au présent,
00:51:41mais qui sont hantés par le passé.
00:51:42Je trouve que dans cette scène, il y a aussi quelque chose de
00:51:45cet ordre-là, peut-être.
00:51:48Oui, c'est une scène qui est au cœur du film, puisque le film raconte
00:51:55l'histoire d'une jeune fille qui n'arrive jamais à tourner la page
00:51:58de son premier amour.
00:51:59Et au milieu du film, il disparaît de sa vie.
00:52:03Pendant plusieurs années, elle ne le voit pas.
00:52:04Puis là, il revient et c'est cette scène.
00:52:06Et elle est aussi, d'une certaine façon, je l'avouerais presque anodine,
00:52:11comme vous le dites, parce que les enjeux sont absolument
00:52:18dramatiques pour le film, mais en même temps, dans la vie,
00:52:21ce n'est pas parce que les enjeux sont dramatiques qu'il y a de la musique,
00:52:23qu'il y a des ralentis.
00:52:25Et donc, en fait, ça m'émeut plus, moi.
00:52:28Là-dessus, je suis spectatrice aussi de mes propres films,
00:52:31donc je les construis aussi en fonction de ce que je suis,
00:52:34de ma sensibilité.
00:52:35Je trouve ça plus émouvant en étant moins dramatique.
00:52:39Mais ce que je vois aussi dans la scène, en la revoyant là,
00:52:41qui rejoint, qui, pour moi, n'est pas sans rapport avec
00:52:47le père de mes enfants, c'est la ville, la présence de la ville.
00:52:50C'est par hasard, si j'ai filmé, c'est à Stalingrad, dans un café
00:52:55qui est très bruyant, avec beaucoup, beaucoup de passages.
00:52:59Quelque chose que j'ai énormément aimé quand on a fait
00:53:01le père de mes enfants, c'était de filmer le quartier.
00:53:04On était beaucoup dans le quartier des grands boulevards au début,
00:53:06mais après, surtout vers Strasbourg-Saint-Denis, un quartier
00:53:10très, très vivant, très animé.
00:53:12Et j'ai appris, en faisant ce film, à filmer vraiment en s'adaptant
00:53:18aux passants, à la circulation, ne pas couper la circulation,
00:53:20ne pas couper les passants, ne pas travailler avec des figurants,
00:53:22ou très peu, mais plutôt travailler en essayant d'utiliser la vie
00:53:27de la ville.
00:53:28Et j'ai adoré faire ça pour le père de mes enfants.
00:53:30Et là encore, c'était lié au personnage, c'était son monde
00:53:32et c'était sa façon de vivre.
00:53:34Mais pour moi, ça raconte aussi quelque chose de ce que sont
00:53:38les personnages.
00:53:38Finalement, comme dans le court métrage que vous avez montré
00:53:41tout à l'heure, au début, c'est la même chose.
00:53:43En fait, c'est à travers cette atmosphère de cette ville,
00:53:46Paris, c'est la musique urbaine.
00:53:49Au fond, je parle de mes personnages, ils appartiennent
00:53:53à cette ville et je le ressens très fort en voyant ces images.
00:53:59À quel point les lieux conditionnent votre écriture ?
00:54:01Est-ce que ça vous est arrivé de vraiment écrire parce qu'il y avait
00:54:05d'abord l'idée et l'envie de filmer un lieu ?
00:54:09Oui, ça m'est arrivé souvent.
00:54:10Enfin, je pense, presque dans tous mes films, il y a d'abord l'idée
00:54:15non pas d'une histoire, mais il y a un mouvement, un élan
00:54:18vers une émotion, un personnage, un destin.
00:54:21Mais souvent, on se greffe à ça assez vite, des lieux.
00:54:25Mais par exemple, Bergman Island, c'est vraiment un film qui est...
00:54:29Il y avait le désir de faire un film sur un couple de cinéastes,
00:54:35de personnes qui créent, qui écrivent, en l'occurrence,
00:54:38qui font des films.
00:54:39Et il y avait le désir de ce lieu.
00:54:41Et les deux se sont rencontrés.
00:54:45Mais oui, le désir des lieux, pour moi, il peut être vraiment tout
00:54:50au début du désir d'un film.
00:54:53Et notamment, quand j'ai fait Un amour de jeunesse, j'avais par exemple
00:54:57très envie d'aller filmer la Haute-Loire, là où j'avais passé
00:55:02mes étés d'enfant, parce que ma grand-mère avait une maison,
00:55:06une ferme, là-bas, où j'ai été toute mon enfance.
00:55:10Et je voulais filmer ce lieu.
00:55:12Et le film se termine là-bas, sur les sources de la loi.
00:55:17Donc, le désir des lieux est vraiment quelque chose de récurrent
00:55:22et un moteur, pour moi, même un moteur de la fiction.
00:55:26Il y a une autre donnée essentielle aussi de votre cinéma,
00:55:28c'est le temps qui passe, c'est-à-dire que c'est des films
00:55:32vraiment dans lesquels il y a des grandes ellipses temporelles
00:55:36qui nous font passer parfois 20 ans.
00:55:40Vous ne faites jamais vieillir vos personnages avec des trucages ?
00:55:45Et donc, j'avais une question un peu simple, mais comment est-ce que
00:55:49concrètement, toutes les trois, comment est-ce que vous réfléchissez
00:55:53à cette question de comment incarner le temps qui passe sans avoir recours
00:55:57à des artifices trop évidents ?
00:56:01C'est vraiment un choix au départ de mise en scène.
00:56:06C'est vrai que pour raconter le temps qui passe, soit on se dit qu'on a
00:56:11besoin que les comédiens changent et que ce soit vraiment clair
00:56:17physiquement.
00:56:18Et sans doute que si j'avais fait des films qui se passaient sur 50 ans
00:56:21ou 40 ans, bien sûr, je l'aurais fait ou j'aurais changé de comédien.
00:56:23Là, c'était un nombre d'années à la fois très important parfois,
00:56:27mais suffisamment réduit entre guillemets pour que je puisse à peu
00:56:32près m'en passer.
00:56:33Si ça avait été vraiment très loin, j'aurais bien été obligée d'y venir.
00:56:36Mais moi, c'est un truc qui me met vachement à l'écart des films,
00:56:40les postiches, tout le côté maquillage, postiches, ça me sort
00:56:45des films.
00:56:46Donc en fait, j'ai voulu y répondre à ma façon, c'est-à-dire comment
00:56:49ne pas faire dans mes propres films ce que je n'aime pas dans les films
00:56:53des autres, c'est-à-dire amener des postiches qui fait qu'on regarde ça.
00:56:57Comment ils ont fait ?
00:56:58Qu'est-ce qu'il est bien vieilli ?
00:56:59Même quand c'est bien fait, je veux dire, souvent, en général,
00:57:01c'est bien fait d'ailleurs, mais on regarde ça.
00:57:03Et donc, c'était prendre le risque, faire le pari que l'on pouvait faire
00:57:09le pari de l'adhésion du spectateur et aussi faire le pari du montage
00:57:12d'une certaine façon, parce que l'autre façon de raconter le passage
00:57:14du temps, finalement, c'est le montage, c'est de l'imposer,
00:57:18c'est-à-dire le temps a passé.
00:57:19C'est comme ça.
00:57:20Oui, on ne voit pas sur les traits de son visage les rides.
00:57:25Lola, dans ce film, Lola Créton, elle ne vieillit quasiment pas,
00:57:28elle change un petit peu, elle a différentes coiffures,
00:57:30mais elle reste quand même vraiment la même.
00:57:32Mais je fais très grande confiance au spectateur dans sa capacité
00:57:37de croire au temps qui a passé parce qu'il a vu le temps passer,
00:57:41ou il a ressenti dans le film, même si ça ne se traduit pas forcément
00:57:45par les passages du temps sur un visage.
00:57:49Et puis enfin, je pense qu'il y a une troisième chose, c'est la jeunesse.
00:57:52C'était vraiment toujours au cœur, en tout cas, de mes premiers films,
00:57:55l'idée qu'il y a peut-être quelque chose d'un peu naïf ou d'idéaliste là-dedans,
00:57:59mais j'ai toujours écrit des personnages dont je pensais qu'ils ne vieillissaient
00:58:02fondamentalement pas.
00:58:03C'est-à-dire que même si le temps passait, ils vieillissaient en âge,
00:58:06mais il y avait une jeunesse chez eux qui perdurait, une innocence.
00:58:10Et je pense que la volonté de ne pas les vieillir, ça a aussi à voir avec ça.
00:58:16Marion, peut-être sur cette question.
00:58:18Par exemple, sur le recours aux ellipses, il y en a beaucoup dans votre cinéma.
00:58:23Ça, c'est des choses qui sont déjà très claires au moment du scénario
00:58:27ou c'est ensuite au montage que vous choisissez de couper à tel moment ?
00:58:32Comment est-ce que vous discutez de ces moments-là, par exemple ?
00:58:37Alors, c'est quelque chose qui est très récurrent.
00:58:43Tous les films de Millard, d'une certaine manière, parlent du passage du temps.
00:58:46Donc, c'est très souvent que les gens viennent me voir en me disant
00:58:49les ellipses, Marion, dans ce film, les ellipses.
00:58:53À chaque fois, je fais la même réponse.
00:58:54Je leur dis, mais c'est vous ?
00:58:55Non, ce n'est pas moi.
00:58:58Vraiment, je veux dire, 80, 80 %, 90 % des ellipses sont dans le scénario.
00:59:02J'adorerais que ce soit moi, mais elles sont dans le scénario.
00:59:05Donc, elles sont écrites comme ça, elles sont pensées comme ça.
00:59:07Et des fois, lors de la nuance, c'est-à-dire que des fois,
00:59:11on change un peu des choses.
00:59:12Mais j'ai deux choses, deux exemples à vous donner.
00:59:16Par exemple, on va parler de cet extrait qu'on a vu d'Un amour de jeunesse.
00:59:22C'est marrant que vous ayez montré cette scène, que j'aime beaucoup.
00:59:25Et en fait, j'aime beaucoup celle d'avant et celle d'après.
00:59:27En fait, c'est que celle d'avant, peut-être qu'il y a quelque chose entre,
00:59:32mais elle est au travail, elle est architecte, elle est avec Magneux,
00:59:36il rentre en bus d'un chantier et il parle trop fort.
00:59:40Magneux parle trop fort, elle va à l'arrière du bus.
00:59:43Elle va à l'arrière du bus et là, en allant à l'arrière du bus,
00:59:45parce que son amie parle trop fort, elle voit la mère de Sullivan.
00:59:50La mère de Sullivan, elle voit même pas Sullivan,
00:59:52elle voit la mère de Sullivan, depuis tant de temps, voilà.
00:59:56Et là, ils discutent, mais de rien, presque.
00:59:59Et on sait même pas ce qui va se passer, ce qu'il y a comme enjeu.
01:00:02Et Magneux se rapproche, est encore en train de parler au téléphone,
01:00:05il parle encore fort, mais juste, elle lui chope son ticket de métro
01:00:08et c'est sur ce ticket de métro.
01:00:10Qu'elle va écrire son numéro de téléphone et qu'elle va laisser
01:00:16son numéro à la mère de Sullivan.
01:00:18Et Sullivan, on n'aura pas vu, après, va recevoir un texto
01:00:23et ils vont se retrouver là.
01:00:24Cette conversation un peu, pas anodine, mais en fait assez plate
01:00:28de qu'est-ce que t'es, où est-ce que tu vis, voilà.
01:00:30Tu veux pas prendre l'air parce qu'ils sont gênés.
01:00:32Ils vont dehors, ils vont continuer à marcher et il va couper.
01:00:34Et en fait, la scène, c'est juste, on attend à quel moment
01:00:41ils vont se retrouver et comment ça va se passer.
01:00:43Et elle a écrit ça, elles ont découpé ça comme ça.
01:00:45Et ce qui est génial, c'est que l'élipse, elle est là,
01:00:46en fait, pour moi.
01:00:47C'est comment on a décidé de filmer le moment où ils se retrouvent.
01:00:51Et moi, j'y participe, je le montre.
01:00:54Mais l'idée, elle est nia, et le temps, il est passé comme ça,
01:00:59en fait.
01:01:00Et ça, je trouve que c'est tellement beau.
01:01:02Moi, j'adore cette manière de faire passer le temps d'une manière
01:01:05totalement invisible.
01:01:09Et peut-être quand même, j'en ai un autre exemple comme ça,
01:01:13c'est peut-être Maya, où là, vous me dites sur les élipses et tout.
01:01:19Et c'est vrai que je me souviens de Maya, un peu dans cette même
01:01:25cas de figure, en disant, il était otage, il revoit son ancien
01:01:29ami qui était otage et il se retrouve dans un café, il discute
01:01:31qu'est-ce que tu vas faire, mais il parle de plein de choses.
01:01:34Et tout d'un coup, il dit, mais vraiment, comme ça, je vais aller
01:01:39en Inde, j'ai une maison à retaper.
01:01:41Et avant, il y avait dans le scénario, il y avait là, pour le coup,
01:01:43il y avait un peu d'autres choses.
01:01:44Il parlait de sa mère, il parlait que sa mère vivait là-bas.
01:01:47Et puis, Maya, elle a dit, non, vas-y, on coupe tout ça.
01:01:50Et en fait, presque, si on n'y fait pas attention, il vient de dire,
01:01:53mais il faut que j'aille en Inde, j'ai une maison à retaper.
01:01:56Et après, on le voit dans sa voiture, il repart et il quitte son ami.
01:02:01Et c'est le cut.
01:02:02On est en Inde.
01:02:03Il y a un raccord.
01:02:04Voilà.
01:02:05Et bon, c'est des choses qu'on a déjà vues, mais ça, c'est l'aéroport
01:02:10de l'Inde.
01:02:11L'arrivée, on l'avait.
01:02:12Et ça, donc ça, c'est que j'avais envie de vous donner un exemple
01:02:16où, des fois, effectivement, au montage, on va créer des petites
01:02:18ellipses, des petites choses comme ça et on va enlever des informations
01:02:22pour...
01:02:23Evidemment, on cherche tout le temps ça, en fait, à garder une espèce
01:02:25de...
01:02:26Mais quand j'ai revu cette scène, je me suis dit, mais c'est vraiment
01:02:30des moments symptomatiques de Mia, de comment on fait passer le temps,
01:02:33de comment tous ces moments charnières, comment elle les traite,
01:02:38comment elle fait ça.
01:02:39Et sincèrement, à la base, c'est un gros travail d'écriture.
01:02:45On va peut-être passer à un dernier extrait, puis ensuite, on vous
01:02:47laissera la parole pour poser des questions.
01:02:50Donc, c'est l'extrait numéro 4.
01:04:30Donc, c'est un extrait de Tout est pardonné, votre premier long métrage,
01:04:52mais j'avais envie de montrer cet extrait pour parler d'Eden,
01:04:55qui est le film qui brosse le portrait d'un garçon qui est inspiré de votre
01:05:03frère, qui était DJ dans les années 90.
01:05:05C'est aussi le portrait d'une génération, le portrait d'un mouvement musical,
01:05:09la French Touch.
01:05:13En fait, ce qui m'intéressait en montrant cet extrait, c'est qu'on a
01:05:18l'impression que tous vos personnages peuvent voyager à travers vos films.
01:05:22Et je ne sais pas si vous avez la conscience de ça quand vous écrivez.
01:05:25Est-ce que vous écrivez des personnages en vous disant qu'ils n'appartiennent
01:05:31pas à un seul film et qu'ils peuvent très bien voyager d'un film à l'autre ?
01:05:38Oui, en fait, c'est vrai que c'est une chose que je me suis dite.
01:05:41En tout cas, à un moment, je me la disais beaucoup, que j'avais
01:05:44l'impression avec mes films de construire une maison, comme si chaque
01:05:47film était une nouvelle pièce de la même maison, mais que ça circulait.
01:05:52Et c'est vrai que je crois que ça tient aussi au fait que j'ai écrit
01:05:58tous mes films.
01:05:59Eden, je l'ai écrit avec mon frère, on l'a écrit à deux.
01:06:02Mais bon, je l'ai écrit quand même en grande partie et tous mes autres
01:06:04films, je les ai écrits seuls.
01:06:06Et c'est tous des films très personnels qui ont souvent une dimension,
01:06:09je ne dirais pas autobiographique, mais biographique, en tout cas,
01:06:11qui s'inspire de personnes que j'ai connues.
01:06:13Donc, finalement, ces personnes, parfois, se connaissent, les personnes
01:06:17qui m'ont inspirée.
01:06:18Donc, finalement, il y a une certaine logique à ce qu'il y ait cette
01:06:21circulation.
01:06:22Mais c'est vrai que j'établis moi-même des ponts entre mes films,
01:06:27pas tous avec tous.
01:06:28Mais quand j'ai fait mon dernier film, Un beau matin, pour moi,
01:06:33il y avait un lien très fort avec mon premier film aussi, deux films
01:06:37qui parlaient du père et d'une relation entre un père et sa fille
01:06:41de façon différente.
01:06:42Mais il y avait un lien profond pour moi dans ces deux films.
01:06:45Et je crois que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai, en partie pour ça,
01:06:49c'est une des raisons qui a fait que j'ai amené l'héroïne d'Un beau
01:06:53matin à habiter près du jardin des plantes où se passait la scène
01:06:55des retrouvailles dans Tout est pardonné.
01:06:57Je crois que tout ça a été lié.
01:06:58Et c'est vrai que dans Tout est pardonné, il y a cette scène de boîte
01:07:01de nuit qui est la seule et qui ne ressemble pas complètement au reste
01:07:03du film et que c'était le moment où je voulais vous, je voulais voir,
01:07:06j'en ai donné à voir la légèreté, la jeunesse.
01:07:09Avec un remix de votre frère.
01:07:10Avec un morceau que j'adore de mon frère qui a à la fois une énergie
01:07:15et en même temps une mélancolie et une plénitude qui sont des choses
01:07:21que j'ai recherchées aussi dans Eden.
01:07:23C'est vrai que d'ailleurs, on a tourné cette scène, elle est tournée
01:07:25dans un bar, une boîte de nuit où j'ai aussi tourné dans Eden.
01:07:29Donc effectivement, mais il y a beaucoup.
01:07:32Bien sûr, mes films se parlent, se parlent entre eux, bien sûr.
01:07:37Clémentine et Marion, est-ce que vous voulez peut-être, je ne sais pas,
01:07:40partager des souvenirs sur Eden, parce que c'est un film aussi qui
01:07:44arrive après une sorte de trilogie.
01:07:46Donc j'ai l'impression que les enjeux, peut-être, sont différents.
01:07:50Vous tournez plus de nuit à l'intérieur.
01:07:52Est-ce que ça a reconfiguré un peu votre travail avec Mia?
01:08:00Je pense que c'était un film qui aussi était impressionnant parce que
01:08:05tout d'un coup, il y avait ces scènes de fête qui étaient autre chose
01:08:12que sur le moins timiste dans ces moments.
01:08:16Et moi, je me souviens, j'ai l'impression qu'en plus,
01:08:19on avait commencé par ça, mais je ne suis pas sûre.
01:08:22Mais on est arrivé pour la scène de fête dans le fort et on est
01:08:29arrivés et là, il y avait des bus entiers de figurants.
01:08:34Mia n'avait pas très envie de sortir de la voiture à ce moment-là.
01:08:38Enfin voilà, parce que c'est pareil, c'est-à-dire que ces scènes
01:08:42vraiment de fête avec énormément de figurants, ça ne va pas non plus.
01:08:53Il y a une concentration sur la scène, sur les comédiens principaux,
01:08:57mais c'est pas non plus le reste.
01:08:59Je m'en fiche et tout le monde danse.
01:09:03C'est-à-dire que comme il y a un travail à différents niveaux aussi
01:09:10sur tout ça, ça rendait les journées très impressionnantes parce qu'il
01:09:14fallait mettre en scène beaucoup de choses.
01:09:24Marion, sur ce film, est-ce que vous avez l'impression que c'était
01:09:30une nouvelle étape un peu dans votre collaboration ou finalement
01:09:33que c'était la continuité ?
01:09:34Tous les films ont été une nouvelle étape.
01:09:35Enfin, c'est tous des souvenirs absolument géniaux.
01:09:39Celui-là, ça a été, je pense, le film le plus compliqué quand même,
01:09:45parce qu'il a été compliqué essentiellement à produire.
01:09:50Donc en fait, à la base, Mia avait écrit deux films de deux heures.
01:09:54Enfin, ça n'a pas été possible de faire deux films de deux heures sur
01:09:58le scénario.
01:09:59Partie un, partie deux.
01:10:01Et voilà.
01:10:02Celui-là, ça n'a pas été possible.
01:10:04Elle en a fait un film plutôt, un des plus longs.
01:10:07Ça doit être ton plus long film.
01:10:09Mais voilà, j'ai surtout ce souvenir-là, parce que sinon,
01:10:15tous les autres films, en fait, ce sont vraiment, pour moi,
01:10:19du point de vue de montage, très bien passés.
01:10:22Ce ne sont vraiment pas des films compliqués.
01:10:26C'est tellement...
01:10:27Tout est bien.
01:10:28Même Eden, tout est chorégraphie.
01:10:30Vous ne pouvez pas savoir à quel point, c'est la seule cinéaste
01:10:34avec qui je travaille, à quel point tout est mis en place.
01:10:36Enfin, c'est vrai.
01:10:38Et à la fois, ça ne se voit pas, mais vraiment.
01:10:42Mais c'est vrai qu'Eden, ils ont tous une particularité.
01:10:46Je dirais qu'Eden, ça a été le plus compliqué,
01:10:52mais du point de vue de, pas particulièrement du montage
01:10:56du film global à faire.
01:10:59J'ai quand même le souvenir, pour moi, d'une des expériences
01:11:03les plus exaltantes.
01:11:04De manière générale, j'adore tourner, donc j'aurais du mal
01:11:07à dire que j'ai pas aimé un seul de mes tournages.
01:11:10Mais Eden, il y avait un truc, c'est qu'on tournait avec des jeunes gens
01:11:14et c'était vraiment un film de bande.
01:11:15Et on tournait avec des jeunes gens que je ne connaissais pas,
01:11:18que je découvrais en les filmant, mais qui avaient entre 20 et 30 ans
01:11:21et qui m'aidaient.
01:11:22Enfin, mon frère m'a aidé énormément, mais aussi Félix de Givry,
01:11:25qui était l'acteur principal du film, m'a vraiment aidé,
01:11:28mais aidé énormément, pas juste comme acteur.
01:11:31Il m'a aidé mentalement, parce que ça a été un film,
01:11:34vraiment, tous les films sont des batailles, franchement,
01:11:37vraiment tous.
01:11:38Mais celui-là, ça a été particulièrement une bataille.
01:11:40Et l'énergie, la foi qu'avaient Félix et autour de lui, ses copains,
01:11:46dans ce projet, ça nous apportait.
01:11:48Et j'ai le souvenir d'un tournage qui, à la fois, a été dur,
01:11:51parce que ce n'étaient pas des conditions évidentes,
01:11:54c'était long, il y avait, oui, énormément de figurants,
01:11:58mais en même temps, exaltant.
01:11:59Enfin, je nous vois vraiment dans une sorte d'état second,
01:12:03vraiment puisés dans les réserves pour trouver la force jusqu'au bout,
01:12:08parce que c'était vraiment très, très fatigant.
01:12:10Et effectivement, on avait à gérer des centaines de figurants
01:12:13dans certaines scènes.
01:12:14Je me souviens notamment, on a été tourné à New York,
01:12:16mais là, ce n'étaient pas des figurants, mais c'est ça qui était génial,
01:12:18mais ce n'était pas moins fatigant.
01:12:20On a tourné à PS1, qui était un musée d'art moderne,
01:12:26mais dans lequel il y a d'immenses fêtes qui existaient encore
01:12:28et qui étaient inspirées par les fêtes.
01:12:30En fait, c'était les fêtes qui nous ont inspirées existaient encore.
01:12:33Et donc, on a obtenu l'autorisation de filmer une vraie fête,
01:12:36mais du coup, c'était, je ne sais pas, 2000, 3000 personnes.
01:12:38Et on s'est retrouvés dans cette fête à filmer, je ne sais plus,
01:12:41on devait avoir deux caméras, trois, avec des...
01:12:45Moi, j'ai perdu, c'est revenu après,
01:12:47mais j'ai perdu quelque chose de mon audition à ce moment-là,
01:12:52parce qu'on tournait à côté de baffles gigantesques.
01:12:55C'était assez extrême comme expérience de tournage,
01:12:59mais en même temps, on était quand même portés par l'amour de cette musique,
01:13:04de cette génération, l'envie de raconter cette histoire,
01:13:07et puis entourés par des jeunes gens qui étaient tout aussi passionnés.
01:13:11Donc pour ça, pour moi, ça reste un souvenir assez à part quand même.
01:13:14Oui, mais c'est vrai que le fait que ça soit un groupe de gens
01:13:20et qu'ils s'entendaient quand même tous très bien.
01:13:24Et eux, ils avaient du plaisir à être là aussi,
01:13:29ce qui est aussi agréable et qui était porteur, effectivement,
01:13:34d'avoir ce groupe.
01:13:38J'avais envie de vous dire aussi que ce film,
01:13:42on a tellement, je pense, on a appris énormément de choses.
01:13:46Et aussi, le souvenir que j'ai, c'est que c'était jusqu'ici,
01:13:52c'était quand même beaucoup, beaucoup de jeunesse, tout ça.
01:13:54Et en fait, Mya, comme elle a eu beaucoup de mal à produire ce film,
01:14:00je me souviens très bien qu'elle s'est dit,
01:14:02ça met trop de temps, je ne sais même pas si ce film va se faire.
01:14:05Et elle a commencé à écrire de son côté.
01:14:07Elle ne disait pas trop ce qu'elle faisait.
01:14:10Et on avait, je pense qu'on n'avait pas fini le montage d'Eden.
01:14:13C'était encore compliqué qu'elle avait écrit l'avenir.
01:14:16Et que du coup, le montage d'Eden est aussi marqué par l'avenir
01:14:23et qu'en fait, contraint par tout ce qu'on avait eu comme difficulté
01:14:28par Eden, après, on nous a donné des tout petits moyens
01:14:33pour faire l'avenir.
01:14:34Et on a eu huit semaines pour monter l'avenir.
01:14:40Et on avait tellement, je ne sais pas, c'était génial.
01:14:45C'était fantastique.
01:14:46L'avenir, ça s'est fait d'un geste comme ça.
01:14:49Mais je pense que l'énergie qu'on avait sur l'avenir,
01:14:51on l'a vraiment puisé dans Eden.
01:14:54Et donc, c'est aussi dans ça que c'est bien de voir les films dans leur
01:14:56parcours, parce que tout ce qui se passe, c'est merveilleux.
01:15:00Merci beaucoup.
01:15:09– Sous-titrage ST' 501

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