Affaire n°2024-1128 QPC [Code monétaire et financier, Premier alinéa de l'article L. 621-12 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice]
Date de rendu de la décision : 21 mars 2025
Date de rendu de la décision : 21 mars 2025
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00:30La saison 7 est une élaboration de l'amelie de la vidéo du président de l'Assemblée nationale d'Europe, S.N.
00:38Ainsi, l'ensemble des concours et les articles sont présentés.
00:41Les informations, donc, sont présentes sur notre site web.
00:45Vous pourriez ainsi voir la liste de nos concours.
00:49Nous avons également été informé par le président de l'Assemblée nationale de notre pays.
00:57L'audience est ouverte !
00:59Examinons la question prioritaire de constitutionnalité
01:02numéro 2025-1128,
01:06portant sur la conformité aux droits et libertés
01:09que la Constitution garantit du 1er alinéa
01:12de l'article L621-12 du Code monétaire et financier.
01:16Mme Lagréfière va d'abord retracer les étapes
01:19de la procédure d'instruction pour cette question,
01:22instruction qui précède cette audience de plaidoiries.
01:24Mme Lagréfière.
01:25Merci, M. le Président.
01:27Le Conseil constitutionnel a été saisi le 3 janvier 2025
01:30par une décision du Conseil d'Etat
01:32d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:35posée par l'Association des avocats pénalistes,
01:37portant sur la conformité aux droits et libertés
01:39que la Constitution garantit du 1er alinéa
01:42de l'article L621-12 du Code monétaire et financier
01:46dans sa rédaction résultant de l'ordonnance
01:48numéro 2019-964 du 18 septembre 2019
01:53prise en application de la loi
01:55numéro 2019-222 du 23 mars 2019
01:59de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
02:03Cette question relative à la notification
02:05du droit de se taire lors d'une visite domiciliaire
02:08menée par les enquêteurs
02:09de l'autorité des marchés financiers
02:11a été enregistrée au secrétariat général
02:13du Conseil constitutionnel
02:15sous le numéro 2025-1128-QPC.
02:18L'ASCP Spinozi a produit des observations
02:21dans l'intérêt de l'Association des avocats pénalistes,
02:24partie requérante, les 24 janvier et 7 février 2025.
02:28L'ASCP Holle-Wexliard a produit des observations
02:31dans l'intérêt de l'Autorité des marchés financiers,
02:33partie à l'instance, les 24 janvier et 6 février 2025.
02:37Le Premier ministre a produit des observations
02:39le 24 janvier 2025.
02:41Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante,
02:44l'avocat de la partie à l'instance
02:45et le représentant du Premier ministre.
02:50Merci, madame la greffière.
02:52Maître Patrick... Patrice, pardon, Spinozi.
02:55Vous êtes avocat au Conseil
02:56et représentez l'Association des avocats pénalistes,
02:59partie requérante. Maître, nous vous écoutons.
03:06Monsieur le Président, mesdames, messieurs,
03:09les membres du Conseil constitutionnel,
03:11vous êtes aujourd'hui saisis des dispositions
03:13de l'article L621-12 du Code du marché financier
03:18qui concerne les conditions et les modalités
03:21des opérations de visite et saisie, les OVS,
03:25qui sont réalisées par l'autorité des marchés financiers,
03:27l'AMF, il y aura beaucoup d'acronymes,
03:30au titre de sa mission d'enquête
03:33en sa qualité de régulateur de la place financière française.
03:38Et la question qui vous saisit
03:40concerne l'application du droit au silence
03:43lors de cette phase d'enquête,
03:46sachant que lors de ces opérations de visite et saisie,
03:49les personnes sur place, qu'il s'agisse de préposés
03:52ou des dirigeants, des personnes morales,
03:55sont susceptibles d'être interrogées par les agents de l'AMF.
04:01Je pense que chacun ici sait, connaît l'influence grandissante
04:06du droit au silence,
04:09cette garantie qui est tirée du droit à ne pas s'auto-incriminer,
04:14qui n'était guère présent dans notre tradition française,
04:18continentale des libertés fondamentales,
04:21et qui a désormais vocation à se décliner
04:25à l'ensemble de la matière répréciée.
04:29Nous sommes encore globalement au milieu du guet
04:32de cette greffe de notre droit pénal,
04:34et la décision qu'il vous est demandé de rendre
04:37marquera certainement une étape importante
04:40de cette construction jurisprudentielle.
04:43C'est en effet la 1re fois que vous devez juger
04:46l'application de cette garantie aux enquêtes disciplinaires
04:51qui sont menées par une autorité administrative indépendante.
04:55Ici, c'est l'AMF qui est en cause,
04:59mais évidemment, la décision que vous êtes susceptible de rendre
05:03aura des conséquences pour toutes les autorités de régulation
05:08qui disposent d'un pouvoir disciplinaire
05:11globalement comparable pour surveiller et réguler
05:15leurs marchés respectifs.
05:17Et d'ailleurs, elles ne s'y sont pas trompées,
05:21puisqu'il s'agisse de la CNIL, de l'ARCOM, de l'ANJ,
05:25de l'ARCEP, de l'ART, de la CRE,
05:28bref, tout ce balai d'acronymes a vu les autorités
05:32en charge de la régulation intervenir à ce contentieux
05:37et soutenir leur jumelle pour vous inciter
05:41à préserver leur liberté d'action
05:44en prétendant que le droit au silence,
05:46ce droit à ne pas s'auto-incriminer,
05:49pour important qu'il puisse être,
05:51n'a pas vocation globalement à s'appliquer à elle
05:54et en tout cas certainement pas à leur enquête.
05:58Une remarque tout de même à ce sujet,
06:00il est toujours assez surprenant
06:02de voir la réticence profonde, fondamentale
06:07de ces autorités de régulation
06:09à introduire dans leurs procédures
06:10les garanties attachées au procès équitable
06:14qui sont vues toujours comme un frein à leur action.
06:18Alors qu'il est maintenant acquis depuis plus de 30 ans,
06:21je pense, dans votre jurisprudence,
06:23comme évidemment dans celle de la Cour européenne
06:25des droits de l'homme, qu'un régulateur,
06:27lorsqu'il enquête et sanctionne,
06:30le fait au même titre qu'une juridiction répressive
06:33et à ce titre doit garantir à la personne
06:36qui est mise en cause les mêmes droits,
06:39les autorités de régulation continuent à défendre
06:43le particularisme de leur situation
06:46et c'est d'ailleurs ce qui est plaidé ou en tout cas écrit
06:51devant vous par l'AMF et par les autres autorités
06:54qui font valoir que ce droit ne serait pas adapté
06:57à leurs procédures qui garantissent d'ailleurs
07:00déjà suffisamment les droits des professionnels avertis
07:03et nuisent à l'efficacité de leur action,
07:07sachant que toute entrave à leur enquête peut être sanctionnée.
07:12Je serai rapide sur ce 1er sujet.
07:15Le droit de se taire s'applique évidemment
07:17aux peines qui sont prononcées par les juridictions répressives,
07:22mais aussi à toutes les sanctions
07:25qui ont le caractère d'une punition
07:27et c'est évidemment le cas des sanctions
07:29qui sont ordonnées par les autorités administratives
07:33indépendantes comme les enquêtes et les procédures qui y conduisent.
07:39Les régulateurs n'ont aucun passe-droit
07:42en matière d'application des libertés.
07:44Il n'existe ici aucun totem d'immunité
07:48au regard de leur mission.
07:50Certes, l'application des garanties processuelles
07:53n'est pas la culture de ces organismes hybrides
07:58à la fois administratifs et juridictionnels
08:01devenus des véritables juridictions à finalité répressive
08:06un peu malgré eux et sans vraiment s'en apercevoir,
08:09mais à grand pouvoir, grande responsabilité,
08:13le rôle exponentiel des régulateurs dans la justice économique
08:18doit aller de pair avec la mise en œuvre d'une procédure exemplaire
08:23incluant nécessairement l'ensemble des garanties
08:27qui sont attachées à une procédure équitable
08:30et, dans ces conditions, évidemment, la notification du droit de se taire.
08:36Une fois acquise l'absence de particularisme
08:39des poursuites disciplinaires des régulateurs,
08:42reste à déterminer concrètement
08:46à quel moment ce droit de se taire est susceptible de s'appliquer
08:50et, en particulier, à la question de savoir
08:54si celui-ci a vocation à intervenir dès la phase de l'enquête.
08:59C'est la défense qui est évidemment proposée
09:02par les autorités administratives indépendantes en second rang,
09:05mais c'est celle qui est essentiellement développée devant vous
09:09par le secrétariat général du gouvernement
09:12qui prétend distinguer la phase d'enquête menée par l'AMF,
09:17laquelle serait antérieure à toute poursuite
09:21et, à cet égard, dépourvue de tout caractère répressif.
09:27Ainsi, la phase d'enquête serait, je cite les écritures
09:31du secrétariat général du gouvernement,
09:33« purement administrative ».
09:36Et ce n'est qu'à compter de l'existence d'une notification des griefs
09:39que la procédure prendrait alors une coloration pénale
09:43qui entraînerait l'application de l'ensemble des garanties
09:46qui sont attachées au procès équitable.
09:48D'ailleurs, nous plaidons, de l'autre côté de la barre,
09:51n'est-il pas acquis par la jurisprudence du Conseil d'État
09:55que le principe des droits de la défense
09:57ne s'applique qu'à la procédure de sanction
10:00et non à la phase préalable qu'est l'enquête ?
10:04Mais c'est, à mon sens, oublier deux choses cardinales.
10:09D'abord, c'est la nature très particulière
10:12du droit dont nous parlons actuellement, le droit au silence,
10:15le droit de ne pas s'auto-incriminer.
10:17Ce dernier n'est pas un simple droit procédural à la contradiction,
10:22ce n'est pas un simple droit à une défense.
10:24C'est un droit de ne pas participer soi-même
10:28à sa propre incrimination.
10:31Or, s'agissant des enquêtes qui sont menées par l'AMF,
10:35les déclarations qui vont être recueillies
10:38dans le cadre de ces enquêtes
10:39et lors d'une opération de visite et saisie,
10:42elles ne vont pas disparaître,
10:45elles resteront évidemment présentes au dossier de la procédure.
10:51Et c'est d'ailleurs tout le sens de l'analyse
10:54qu'a pu avoir la doctrine sur ce sujet.
10:57Et j'ai cité la thèse de Nicolas Ida,
11:00qui porte précisément sur les enquêtes AMF,
11:04qui relève les éléments de preuve qui seraient recueillis
11:06par les enquêteurs de l'AMF
11:08dans des conditions incompatibles avec les droits fondamentaux,
11:11sont susceptibles d'être versées
11:13dans une procédure pénale ouverte pour abus de marché.
11:18Et il conclut pour regretter le risque juridique
11:21de l'absence de notification du droit de se taire
11:24dans les enquêtes AMF.
11:27Et cette remarque et ce particularisme,
11:30il est d'autant plus juste, d'autant plus déterminant
11:34que l'article 621-20-1 du Code monétaire et financier
11:41impose à l'AMF de signaler au procureur de la République
11:47tout crime ou délit dont elle aurait eu connaissance
11:50dans le cadre de ses attributions
11:52et de lui transmettre tous les renseignements
11:55et tous les procès-verbaux qui seraient relatifs
11:58à ces crimes et à ces délits.
11:59Donc on voit bien qu'à partir du moment
12:02où une enquête est diligentée
12:04et qu'à l'occasion de cette enquête,
12:06les réponses qui peuvent être données
12:09par les personnes qui sont physiquement présentes
12:11sont susceptibles de caractériser des crimes ou des délits
12:15et bien nécessairement,
12:17l'autorité des marchés financiers aura l'obligation
12:21de transmettre ces éléments au juge pénal, au procureur
12:25qui sera susceptible de les utiliser
12:28pour agir contre ces personnes.
12:31Autre point qui me semble absolument déterminant
12:35et qui doit être d'ailleurs mis en relation avec le premier,
12:39c'est qu'il est totalement erroné,
12:42c'est ce qu'on va vous plaider dans un instant,
12:44de prétendre que l'enquête AMF
12:46serait une simple enquête purement disciplinaire
12:50qui serait menée sans lien direct
12:52avec la recherche d'auteurs d'infractions pénales,
12:55une sorte de phase complètement distincte
12:57entre l'enquête qui serait assez désincarnée hors sol
13:00où on serait uniquement sur une problématique
13:02qui serait une problématique administrative
13:06et par la suite, une véritable action
13:09qui serait une action à des finalités plus répressives.
13:11Eh bien, la loi elle-même vous dit le contraire
13:14puisque les opérations de visite et saisie ne sont possibles,
13:18c'est l'article 621-12 du Code des marchés financiers,
13:22que pour la recherche des infractions,
13:26d'abus de marché ou des faits qui sont susceptibles
13:29d'être qualifiés de délit contre les biens.
13:31Donc vous ne pouvez envisager
13:33d'avoir une opération de visite et saisie
13:35qu'à partir du moment où vous êtes d'ores et déjà
13:38dans la recherche d'infractions pénales.
13:40Et mieux encore, vous savez que ces opérations de visite et saisie
13:42elles sont autorisées par le juge des libertés de la détention.
13:45Eh bien, pour pouvoir autoriser une opération de visite et de saisie,
13:49qu'est-ce que va faire le juge des libertés de la détention ?
13:51C'est le sens de la jurisprudence.
13:53Eh bien, il doit vérifier qu'il existe bien des soupçons
13:57ou des indices qui sont des indices suffisants
14:00afin de rechercher les éléments de preuve
14:02d'une infraction pénale.
14:04Donc qu'on ne vienne pas nous raconter
14:07qu'on est dans l'éther dans le cadre des enquêtes
14:11et dans le dur dans le cadre de la procédure
14:13qui est la procédure qui suit,
14:15les deux vont évidemment de pair.
14:17Dès l'enquête, on cherche des infractions pénales
14:20et on sait globalement où les chercher.
14:22Et ce n'est pas par hasard
14:23qu'on va faire des opérations de visite et saisie
14:25dans tel ou tel endroit,
14:26ni par hasard qu'on va interroger tel ou tel dirigeant.
14:30Donc l'idée qui est défendue
14:33que les enquêtes, je cite,
14:35cherchent à recueillir des éléments factuels et objectifs
14:38sans rechercher à établir une quelconque culpabilité,
14:42qui est défendue par le secrétaire général du gouvernement
14:44et par l'AMF,
14:46me semble totalement hors sol.
14:48Et d'ailleurs, votre Conseil le sait d'autant mieux
14:52qu'il a déjà été saisi d'un certain nombre de questions
14:56qui concernaient le fait qu'il y ait en parallèle
15:00des procédures AMF et des procédures pénales.
15:04C'est évidemment l'ensemble des décisions
15:06que vous avez rendues sur la question du non-bicylidème.
15:08Vous le savez, ces deux enquêtes vont de pair le plus souvent
15:13et dans la pratique,
15:15et l'AMF travaille comme un auxiliaire du juge pénal
15:19dans les marchés qui sont les marchés financiers.
15:22Et donc c'est bien à l'aune de ce particularisme
15:26et du droit de s'auto-incriminer
15:29et de la procédure d'enquête qui est menée par l'AMF
15:33qu'il faut envisager ou lire votre précédent
15:37du 15 novembre 2024 sur le référé environnemental
15:42que, d'ailleurs, d'un côté comme de l'autre,
15:44c'est la beauté du droit,
15:45nous invoquons à notre bénéfice pour en tirer des conséquences
15:50qui sont des conséquences positives.
15:52Vous seuls savez comment interpréter et lire
15:55votre propre jurisprudence.
15:57Cette jurisprudence impose une réserve d'interprétation
16:03pour l'application du droit de se taire
16:05à l'hypothèse où, je vous cite,
16:08il apparaît que la personne est déjà suspectée
16:11ou qu'elle est poursuivie pénalement.
16:13Et c'est précisément au regard consubstantiel
16:18entre les poursuites pénales des infractions d'abus de marché
16:23qu'il existe une porosité en réalité
16:28entre, d'un côté, l'enquête AMF
16:30et, de l'autre, l'enquête pénale
16:32qui justifie que, dès la phase d'enquête,
16:37s'agissant des procédures AMF,
16:39il puisse y avoir une application du droit de se taire.
16:42En réalité, si on cherche à rapprocher l'enquête AMF
16:49soit de l'enquête pénale pour lui appliquer le droit de se taire
16:51soit de l'enquête disciplinaire
16:53pour éviter de lui appliquer le droit de se taire,
16:55ce qui est plaidé de l'autre côté de la main,
16:57il faut bien, à mon avis, constater
17:00que, évidemment, l'enquête AMF se rapproche beaucoup plus
17:04de l'enquête pénale que de l'enquête disciplinaire.
17:06Et ce, d'autant plus qu'on en a un exemple très clair,
17:09c'est que la question de la procédure disciplinaire,
17:12l'enquête disciplinaire en tant que telle,
17:13l'application du droit de se taire à la phase disciplinaire,
17:16elle vient d'être traitée par le Conseil d'État
17:19dans une décision d'Assemblée du 4 octobre 2024
17:26où le Conseil d'État a refusé de faire application,
17:28effectivement, du droit de se taire à la phase
17:31qui était la phase disciplinaire pour les fonctionnaires.
17:34Mais ce qui est très intéressant, c'est de savoir pourquoi il l'a fait
17:37en considération de la spécificité du régime des fonctionnaires,
17:40en considérant qu'il y avait d'abord une obligation
17:43qui était une obligation hiérarchique
17:45qui pesait sur les fonctionnaires,
17:46qui neutralisait le droit de se taire
17:49en disant qu'il y avait une nécessité d'une communication, en réalité,
17:53et qu'au regard de la spécificité du statut des fonctionnaires,
17:58nous ne pouvions pas imposer un droit de se taire.
18:01On voit bien qu'on est dans une situation
18:02qui est une situation qui n'a rien à voir avec la nôtre,
18:06où nous ne sommes pas du tout face à des personnes
18:09qui ont un quelconque lien hiérarchique avec les enquêteurs,
18:13tout au contraire.
18:15Ici, les enquêteurs de l'AMF s'invitent chez les personnes
18:20dans le cadre de ces opérations d'idées saisies
18:22qui subissent une contrainte et qui sont donc tenus, en tout cas,
18:27de se voir notifier le droit de ne pas s'auto-incriminer.
18:32Je finirai en vous disant que je sais que votre conseil
18:36n'est évidemment pas tenu par la jurisprudence
18:41de la Cour de justice de l'Union européenne,
18:42mais tout de même, il y a quand même logique
18:46à ce qu'il y ait une harmonie entre vos décisions.
18:49La CGE, dans une décision DB contre Consob du 2 février 2021,
18:55a refusé de faire application d'une sanction
19:01qui était une sanction d'entrave à des personnes
19:05qui avaient refusé de répondre lors d'opérations
19:11qui étaient des opérations d'idées saisies,
19:13et donc, implicitement, reconnaît qu'il existe bien
19:16un droit de se taire puisqu'on ne peut pas poursuivre
19:19pour les sanctionner des personnes qui auraient refusé
19:22de répondre à des enquêteurs.
19:25On vous plaidera très certainement qu'en faisant cela
19:30et en réintroduisant le droit de se taire,
19:33vous allez nuire à l'efficacité de la répression administrative,
19:37que vous allez entraver les enquêtes AMF.
19:40Tout cela n'est pas vrai.
19:42La réalité, c'est qu'il n'y aura pas de conséquence
19:46qui sera de conséquence désastreuse
19:48à l'application du droit de se taire.
19:50On voit bien, en réalité, que cela impose effectivement
19:53une contrainte qui est une contrainte supplémentaire.
19:56Si vous le décidez, c'est invoqué de toutes les façons
19:59de l'autre côté de la barre, de l'appliquer,
20:01vous avez l'outil de la modulation dans le temps.
20:03Si vous ne voulez pas créer un désordre trop important,
20:05mais en tout état de cause, ce qui est certain,
20:08c'est qu'imposer le droit de se taire
20:10dès la phase de l'enquête de l'AMF,
20:12comme d'autres procédures, en réalité,
20:14apportera certainement plus de justice,
20:18plus de garantie des libertés fondamentales,
20:20et en tout cas, n'entraînera aucun désordre.
20:24Merci, maître.
20:27Maître Claude Holle, vous êtes avocat au Conseil
20:31et vous représentez l'autorité des marchés financiers
20:34et partie à l'instance.
20:35Maître, nous vous écoutons.
20:37Monsieur le Président, mesdames et messieurs
20:40les membres du Conseil constitutionnel,
20:43droit de se taire, droit de se défendre,
20:46deux droits en apparence antagonistes
20:49à l'origine d'une véritable saga contentieuse
20:52pour reprendre l'expression d'un conseiller d'Etat,
20:55saga contentieuse qui n'est pas toujours exempte
20:58d'une certaine forme d'instrumentalisation
21:00des garanties accordées à ceux qui l'alimentent.
21:04J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises
21:06à cette barre, je le redis,
21:08même si je devine la réprobation
21:10que ce propos suscite à côté de moi,
21:13car il est bon de le garder en mémoire.
21:16Quoi qu'il en soit, un constat s'impose
21:18et qui contredit les propos entendus tout à l'heure,
21:22celui que, sous l'influence notamment de votre jurisprudence,
21:26l'information du droit de se taire des personnes poursuivies,
21:30je dis bien poursuivies,
21:31c'est-à-dire dans le cadre du contentieux qui nous occupe,
21:35des personnes à qui ont été notifiées des griefs,
21:38est pleinement assurée.
21:40Ces personnes se voient à présent notifier le droit de se taire
21:44lorsqu'elles sont entendues par le rapporteur,
21:46désignée par le président ou la présidente
21:49de la commission des sanctions,
21:50puis à nouveau lors de la séance devant cette commission.
21:54Mais cela ne suffit pas à l'association
21:58des avocats pénalistes
21:59pour qui il faudrait étendre cette exigence de notification
22:03en amont de la notification des griefs.
22:07À titre liminaire, deux points essentiels
22:10me paraissent devoir être rappelés
22:11pour cadrer exactement les termes du débat.
22:14D'abord, la question prioritaire de constitutionnalité
22:17qui vous est soumise aujourd'hui,
22:19est certes dans le contexte des visites et saisies
22:22autorisées par le juge des libertés et de la détention,
22:25dans le cadre desquelles les enquêteurs de l'AMF
22:28peuvent être autorisés à recueillir les explications
22:32des personnes sollicitées sur place.
22:35Mais il faut garder présent à l'esprit
22:38que cette question est soulevée à l'occasion d'un recours
22:42tendant à l'abrogation des articles R621.34 à R621.36
22:47du Code monétaire et financier
22:49lesquels visent plus généralement toutes les enquêtes
22:53que réalise l'AMF afin d'assurer l'exécution de sa mission.
22:57Ensuite, si l'association requérante laisse entendre
23:01dans ses écritures et encore à l'instant
23:03que l'argumentation qui lui est opposée
23:06aurait pour objet, je cite,
23:08une désactivation du droit de se taire
23:10et reviendrait, je cite encore, tout simplement
23:13à détruire purement et simplement la substance même
23:17du droit constitutionnel de se taire,
23:19elle se méprend car il faut avoir soin
23:22de distinguer le droit lui-même, le droit de se taire,
23:26et la notification de ce droit.
23:28Pour le dire autrement, il n'est pas question
23:30pour l'AMF de nier le droit d'une personne
23:33de ne pas s'auto-incriminer.
23:35Il est question de savoir si ce droit doit lui être notifié
23:39dès le stade de l'enquête.
23:41J'entends bien que cette notification est présentée
23:44comme une garantie de ce droit
23:46dont elle serait un corollaire nécessaire.
23:49À dire le vrai, les véritables garanties
23:52du droit de se taire sont l'interdiction faite
23:55aux autorités de contraindre une personne à parler
23:58et l'interdiction faite au juge de tirer argument
24:02de son silence pour asseoir une culpabilité.
24:05Moins qu'une garantie, la notification du droit
24:08de se taire se situe plus exactement
24:10au niveau d'une obligation d'information
24:12de la personne entendue et on la justifie habituellement
24:16et qu'à défaut, celle-ci risquerait de croire
24:19qu'elle ne dispose pas de ce droit.
24:21Il est donc légitime de s'interroger sur la réalité,
24:25en tous les cas, l'intensité de ce risque
24:28et sur le point de savoir si cette notification
24:31doit s'imposer à tous les stades.
24:33C'est d'autant plus légitime que si vous avez étendu
24:37aux sanctions ayant le caractère d'une punition
24:40la plupart des principes constitutionnels
24:42du droit répressif, il résulte de votre jurisprudence
24:46que leur soumission à ces principes
24:48ne se situe pas nécessairement au même niveau
24:51que celles requises en matière pénale stricto sensu
24:55compte tenu des spécificités qui s'attachent
24:57aux sanctions administratives.
25:00Comme le soulignait un auteur dans la revue
25:02des droits et libertés fondamentaux,
25:04l'ensemble des prérogatives qui garantissent
25:06les droits de la défense ne peut se concevoir
25:09comme un bloc monolithique de prérogatives indissociables
25:13les unes des autres.
25:15Il soulignait en particulier que la notification
25:18du droit de se taire ne revêt pas la même importance
25:21à tous les stades pour en déduire
25:23qu'un éclatement du régime de la prérogative en cause
25:26ne peut apparaître comme synonyme d'incohérence.
25:30C'est une chose, en effet, de notifier le droit
25:33de se taire à des personnes poursuivies
25:35impliquées dans une procédure de sanction
25:38pour reprendre l'expression de mon contradicteur,
25:40droit que vous avez récemment consacré
25:41dans une série de décisions en matière disciplinaire.
25:44C'en est une autre, de notifier ce droit
25:47à des personnes à qui rien encore n'est reproché,
25:50à qui, d'ailleurs, rien peut-être ne sera jamais reproché,
25:53et ce, au stade d'une enquête administrative préalable.
25:58Doivent donc être pris en considération
26:00le cadre dans lequel la personne est entendue
26:03et les modalités de son audition.
26:06Et il faut bien admettre à cet égard
26:08qu'il est quelque peu insolite d'informer
26:10du droit de ne pas s'auto-incriminer
26:13une personne qui n'est encore accusée de rien
26:15et dont on voit mal, dans le cas qui nous occupe,
26:18compte tenu des garanties
26:20qui entourent le recueil de ces explications,
26:22j'y reviendrai dans un instant,
26:24ce qui pourrait être, selon la formule de vos décisions,
26:27de nature à lui laisser croire
26:29qu'elle ne dispose pas du droit de se taire.
26:32Doit encore être pris en considération le fait
26:35que l'exigence de cette notification
26:38à supposer qu'elle doive être consacrée
26:41entre alors en tension avec une autre exigence,
26:45celle de ne pas entraver l'exercice par l'AMF
26:48de l'une de ses missions essentielles
26:50de recherche et de sanction des faits
26:53susceptibles de caractériser des abus de marché.
26:56C'est tout l'enjeu du débat qui se tient devant vous,
26:59enjeu qui dépasse effectivement le seul contentieux AMF
27:02ainsi qu'en atteste l'intervention
27:04d'un certain nombre d'autres autorités de régulation,
27:07enjeu qui, s'agissant de l'AMF, est d'autant plus crucial
27:11que les procédés à l'œuvre, dont les abus de marché,
27:15sont de plus en plus sophistiqués,
27:17de plus en plus internationalisés,
27:19tout en visant évidemment à échapper
27:21au radar des autorités de marché.
27:24Les services d'enquête de l'AMF sont donc confrontés
27:27à de très importantes difficultés de preuves
27:30et il ne faudrait pas qu'une processualisation excessive
27:34des enquêtes administratives auxquelles ils procèdent
27:38se fasse par trop aux dépens de l'objectif majeur
27:41de préservation de l'ordre public économique
27:44au cœur de la mission de l'AMF.
27:48Du droit au silence à l'encouragement à se taire.
27:52Tel est le titre d'un récent article
27:54d'un magistrat chargé de l'instruction
27:56au tribunal judiciaire de Lyon.
27:58La question doit en effet être posée
28:00dans le cadre de la recherche de la conciliation nécessaire
28:04entre ces deux objectifs en tension
28:07que sont l'efficacité des enquêtes
28:10et la garantie des droits de la défense
28:12de manière à trouver un juste point d'équilibre.
28:16Or, ces garanties sont très importantes
28:19car les modalités de recueil par les enquêteurs
28:21des explications des personnes sollicitées sur place
28:25sont très strictement encadrées.
28:27Très brièvement, je rappelle que la personne entendue
28:31a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix,
28:34que les enquêteurs ne peuvent l'entendre que sous réserve
28:38non seulement qu'elle ait été expressément informée
28:41de ce droit, mais encore qu'elle ait expressément renoncé
28:45aux bénéfices du délai prévu en cas de convocation.
28:48Cette information vaut donc à tout le moins
28:51une notification à la personne sollicitée
28:54du droit de se taire le temps d'être convoquée
28:57et ou le temps que puisse être fourni
29:00l'assistance de son conseil qu'elle a souhaitée,
29:03conseil qui ne manquera pas à son tour
29:05de l'informer de ce droit.
29:07Les opérations des enquêteurs sont par ailleurs effectuées
29:10sous le contrôle du juge à qui il peut être référé
29:13en cas de difficulté.
29:15Il résulte encore de la jurisprudence constante
29:17du Conseil d'État comme de la Cour de cassation
29:20que non seulement les juridictions de recours
29:23peuvent bien évidemment sanctionner le non-respect
29:25des garanties que je viens de rappeler,
29:28mais encore, et plus généralement,
29:31toute atteinte à la loyauté de la procédure
29:34de nature à compromettre les droits de la défense.
29:37Enfin, il est essentiel de souligner
29:39que les enquêteurs ne disposent strictement
29:42d'aucune mesure de contrainte
29:44à l'égard des personnes sollicitées sur place
29:47qui ne sont pas tenues, évidemment,
29:50de répondre aux questions qui leur sont posées.
29:54Nous ne sommes donc pas ici en présence
29:57d'une personne qui serait pressée de répondre
30:00sans délai aux questions des enquêteurs
30:02et si cela devait être,
30:04elle serait en mesure de s'opposer
30:06à ce que des déclarations qu'elle aurait faites
30:09de nature à l'incriminée
30:11puissent servir à asseoir sa culpabilité.
30:15L'ensemble de ces garanties assurent ainsi
30:18entre le respect des exigences
30:20découlant de l'article 9
30:22de la Déclaration des droits de l'homme
30:24et l'objectif de valeurs constitutionnelles
30:26de recherche des infractions
30:28une conciliation qui n'est pas déséquilibrée
30:31et vous pourrez en déduire
30:33que les dispositions contestées sont conformes
30:35à la Constitution.
30:37Pour le cas où vous devriez en décider autrement,
30:40l'AMF entend souligner à nouveau tout spécialement
30:44les conséquences manifestement excessives
30:46qu'entraînerait une abrogation immédiate
30:49des dispositions contestées
30:51en tant que cette abrogation serait susceptible
30:53d'affecter la régularité d'enquête diligentée
30:57conformément aux droits
30:59et à la jurisprudence constitutionnelle
31:01telles qu'ils se présentaient
31:03au moment où elles ont été effectuées.
31:05C'est pourquoi l'AMF vous demanderait alors
31:07de reporter cette abrogation
31:09selon les modalités indiquées
31:11dans ces premières observations.
31:13Je vous remercie.
31:16Merci, maître.
31:18La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
31:20l'Autorité de régulation
31:22de la communication audiovisuelle et numérique,
31:24l'Autorité de régulation
31:26des communications électroniques
31:28des postes et de la distribution de la presse,
31:30l'Autorité nationale des jeux,
31:32l'Autorité de régulation des transports
31:34et la Commission régulation de l'énergie,
31:36parties intervenantes, ont fait savoir
31:38qu'elles sont rapportées à leurs écritures.
31:40Je donne maintenant la parole
31:42à M. Benoît Canguilhem, chargé de mission
31:44au secrétariat général du gouvernement,
31:46pour le Premier ministre.
31:47M., nous vous écoutons.
31:49Merci, M. le Président.
31:50Mesdames et messieurs les membres
31:51du Conseil constitutionnel,
31:53votre jurisprudence a récemment étendu
31:55l'exigence de notification du droit de se taire
31:57à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
32:00Cette exigence, qui résulte de l'article 9
32:03de la déclaration de 1789,
32:05est donc plus cantonnée à la seule procédure pénale,
32:07mais s'applique également aux procédures
32:09de sanctions, notamment disciplinaires.
32:12Élargissement du champ de cette obligation, donc,
32:15mais élargissement que vous avez strictement circonscrit
32:18aux procédures répressives,
32:20sans l'élargir aux éléments antérieurs
32:23au déclenchement des poursuites.
32:26Votre jurisprudence n'est donc pas au milieu du guet,
32:28comme cela a été soutenu,
32:29mais elle a au contraire trouvé un équilibre
32:31et c'est cet équilibre qui vous conduira à rejeter
32:34cette question prioritaire de constitutionnalité
32:36qui ne concerne pas une procédure répressive.
32:39En effet, la présente QPC porte sur le 1er alinéa
32:42de l'article 621-12 du Code monétaire et financier
32:45qui permet au secrétaire général de l'AMF
32:47de demander au JLD
32:50d'autoriser les enquêteurs de l'autorité
32:53d'effectuer des visites en tous lieux
32:55ainsi qu'à procéder à la saisie de documents.
32:59Par hypothèse, cette procédure est nécessairement antérieure
33:03à toute poursuite et se trouve de ce fait
33:05dépourvue en elle-même de caractère répressif.
33:09Au stade de l'enquête, aucun manquement n'est reproché,
33:14car aucun grief n'a été notifié.
33:16Nous sommes à un stade antérieur.
33:18A ce stade, aucune procédure répressive n'est encore engagée
33:22et le Code monétaire et financier distingue clairement
33:26cette phase de recherche des faits
33:29qui ne peut en aucun cas déboucher par elle-même
33:32dans ce cadre procédural-là sur le prononcé d'une sanction
33:36d'une seconde phase incontestablement répressive
33:39qui vise là effectivement à sanctionner
33:42les auteurs de manquements ou d'infractions.
33:45L'enquête a uniquement pour objet d'établir des faits
33:48et à l'issue de cette enquête, un rapport est établi
33:51par les services de l'autorité, transmis au Collège,
33:55rapport qui indique si des faits susceptibles
33:58de constituer des manquements ont été révélés
34:00et à ce moment-là, une procédure de sanction
34:03pourra ou pas être ouverte devant la commission des sanctions.
34:08L'engagement de la procédure répressive
34:11est donc bien la frontière à partir de laquelle
34:15commence l'exigence de notification
34:17du droit de conserver le silence.
34:20Vous avez ainsi précisé au commentaire
34:22de votre décision 1097-QPC
34:25que le droit de ce terme ne s'impose constitutionnellement
34:28qu'à compter du moment où une procédure disciplinaire
34:31est effectivement engagée à l'encontre
34:34du professionnel en cause, ce que le Conseil d'État
34:37a également admis dans sa récente décision
34:40du 19 décembre dernier qui exclut
34:43l'enquête disciplinaire de l'exigence
34:46de notification du droit de conserver le silence.
34:49Et vous avez d'ailleurs vous-même refusé
34:51d'étendre le champ de cette exigence
34:54pour le législateur de prévoir expressément
34:57la notification du droit de ce terme
34:59à la procédure du référé pénal environnemental
35:02dans laquelle une personne est entendue sur des faits
35:04qui ne pourraient qu'ultérieurement faire l'objet
35:07d'une procédure répressive.
35:10Et vous avez certes assorti cette décision
35:13d'une réserve et là encore
35:16le commentaire de votre décision 1111-QPC
35:20donc sur le référé pénal environnemental
35:22précise que cette réserve vise les cas
35:24dans lesquels la personne entendue
35:26est effectivement mise en cause
35:28dans le cadre d'une procédure pénale en cours
35:30or en l'espèce, les personnes qui font l'objet
35:33d'une visite domiciliaire par les agents de l'autorité
35:36des marchés financiers ne sont pas de ce fait
35:38pénalement poursuivies.
35:40Elles n'entrent pas dans le champ
35:42défini par votre jurisprudence
35:44des personnes à qui le droit de ce terme
35:46doit être expressément et obligatoirement notifié.
35:48Aucune exigence concernant une identité méconnue.
35:50Je vous invite à déclarer les dispositions
35:52du 1er alinéa du L621-12
35:54du Code monétaire et financier
35:56conformes à la Constitution.
35:58Merci Monsieur.
36:00Nous avons entendu les observations
36:02des parties présentes.
36:04L'un des membres du Conseil
36:06a posé une question à l'une des parties.
36:12Monsieur Mézard, vous avez la parole.
36:15Une question d'abord à Monsieur Canguilhem
36:18puisqu'il nous a indiqué
36:21qu'il s'agissait de procédures
36:23purement administratives.
36:25Mais est-ce qu'il y a d'autres cas
36:27en dehors des A.I. et des A.P.I.
36:29où ces procédures administratives
36:31nécessitent pour être exécutées
36:33l'autorisation du juge des libertés
36:35Monsieur Canguilhem.
36:39A ma connaissance, non.
36:41Mais ce n'est pas directement en lien
36:43avec la question de la notification
36:45du droit de se taire.
36:47L'intervention du JLD est nécessitée
36:49par le lieu où cela se passe.
36:52Ce qui est, à mon sens,
36:54une autre question que la notification
36:56du droit de conserver le silence.
36:58Et j'en profite pour préciser
37:00qu'il ne faut pas se méprendre
37:02sur l'objet de ces visites.
37:05Certes, il y a le recueil d'explications
37:08comme cela a pu être évoqué.
37:10Mais il ne s'agit pas...
37:12L'objet de ces visites
37:14n'est pas de réaliser une audition.
37:16Ce n'est pas d'interroger.
37:18Ce n'est pas un interrogatoire.
37:20Ce n'est pas l'objet.
37:22Donc c'est, à mon avis,
37:24en ces termes-là qu'il faut
37:26prendre cette question
37:28de l'exigence de notification
37:30du droit de conserver le silence.
37:32Les visites sur les lieux,
37:34les saisies,
37:36et puis quand même aussi
37:38le recueil dans les conditions
37:40et les modalités précisées
37:42des explications des personnes.
37:44Et si...
37:46J'ai bien compris,
37:48c'est une autorisation donnée
37:50par le juge des libertés
37:52au cas par cas.
37:54Ce n'est pas une autorisation globale
37:56donnée à des A.I. ou des A.P.I.
37:58Encore une fois,
38:00la possibilité ménagée
38:02du recueil des explications
38:04ne signifie pas
38:06qu'il s'agit pour autant
38:08d'une audition ou d'un interrogatoire.
38:10Les personnes visitées
38:12peuvent, à l'occasion de la saisie,
38:14des recherches, etc.,
38:16fournir des explications
38:18sur un document, un matériel, etc.
38:20Mais il ne s'agit pas d'une audition.
38:26Si j'ai une question...
38:28Oui, bien sûr.
38:33Pardon pour la contradiction.
38:35Je pense qu'évidemment,
38:37la question est tout à fait justifiée.
38:39Ce n'est évidemment pas un hasard
38:41si le législateur a prévu
38:43l'autorisation du GLD.
38:45Et comme je l'ai dit tout à l'heure,
38:47il faut bien savoir
38:49que par rapport à la finalité
38:51de ces opérations visitées et saisies,
38:53c'est le texte
38:55et c'est le contrôle du GLD,
38:57c'est la découverte des infractions.
38:59Donc il ne faut pas se tromper,
39:01on n'est pas dans le cadre
39:03d'une procédure administrative
39:05de régulation.
39:07Non, on est là pour chercher les infractions.
39:09Première chose.
39:11Deuxième chose que le législateur a prévue aussi,
39:13et ça vous a été plaidé de l'autre côté de la barre,
39:15puisqu'on vous dit qu'il n'y a pas de nécessité
39:17de la notification du droit au silence.
39:19Mais personne ne nie le droit au silence
39:21de la personne qui fait l'objet
39:23d'une opération visitée et saisie.
39:25D'ailleurs, elle a droit à un avocat.
39:27Et d'ailleurs, si elle demande son avocat,
39:29il a déjà le droit au silence,
39:31puisqu'il lui suffit de se taire
39:33dans l'attente de l'arrivée de l'avocat.
39:35Et une fois que l'avocat est arrivé,
39:37l'avocat va lui dire, de toutes façons,
39:39si vous voulez, vous ne pouvez pas répondre aux questions.
39:41Donc ce n'est pas complètement par hasard non plus
39:43que le législateur a prévu
39:45que vous aviez la possibilité d'être assisté de l'avocat.
39:47Donc il y a bien évidemment une menace
39:49qui pèse sur les personnes
39:51qui sont physiquement présentes
39:53et qui ont vocation à répondre
39:55aux questions des enquêteurs.
39:57Et cette menace, elle doit être garantie.
39:59Il faut être très sophistique,
40:01de dire, de toutes les façons,
40:03il y a bien la reconnaissance d'un droit au silence
40:05à ce moment-là, bien sûr,
40:07vous n'êtes pas obligé de répondre à vos questions.
40:09En revanche, nous, nous n'avons pas l'obligation
40:11de vous le notifier.
40:13Merci. Une autre question ?
40:15Oui, au Conseil de l'AMF.
40:17Est-ce qu'il y a une difficulté pratique,
40:19concrète, à dire aux personnes rencontrées sur place
40:22qu'elles ont le droit de se taire ?
40:26Des concrètes, non.
40:29Mais comme je l'indiquais tout à l'heure,
40:34la question se pose.
40:36Notification du droit au silence,
40:38encouragement à se taire.
40:44Pourquoi notifier d'emblée
40:47à des personnes sollicitées sur place,
40:49encore une fois, qui rien n'est reproché
40:52au moment où elles sont éventuellement entendues,
40:55le droit de se taire ?
40:57Concrètement,
41:00il n'y a pas de difficulté particulière.
41:03C'est dans les conséquences
41:05qui pourraient être attachées
41:07à la notification de ce droit
41:10que réside la réticence
41:13des autorités qui sont amenées
41:16à procéder à des enquêtes
41:18à notifier ce droit.
41:23Merci.
41:25Oui, M. Sénère, s'il vous plaît, la parole.
41:28Une question pour M. Spinozzi
41:31qui a fait référence à la décision
41:33que nous avons rendue en novembre dernier
41:35dans le cadre du référé environnemental
41:38dans lequel nous avons souligné
41:41la jurisprudence précédente
41:43qui a été évoquée également
41:45par le représentant du Premier ministre.
41:47Maître, ma question est assez directe.
41:50Ce qui a été jugé dans ce précédent
41:53c'est que dans une problématique
41:55qui est très proche de la nôtre,
41:57une phase de recherche potentielle
41:59d'infraction susceptible
42:01d'ouvrir la voie à des poursuites,
42:04mais compte tenu du fait
42:06que l'enquête conduite
42:08ne concerne pas nécessairement
42:10une personne susceptible
42:12d'être mise en cause,
42:14mise en cause au sens juridique,
42:16c'est-à-dire accusée, imprévenue,
42:18mise en examen, etc.,
42:20nous avons jugé que,
42:22hormis le cas où la personne serait mise en cause,
42:25qui n'arrive pas systématiquement,
42:27l'obligation ne jouait pas.
42:29Donc ma question est assez directe.
42:31Est-ce que vous nous demandez
42:33de revenir dans cette configuration
42:35sur cette ligne
42:37ou est-ce que vous nous demandez
42:39d'ajuster en quelque sorte
42:41d'une manière qui deviendrait
42:43un petit peu subtile
42:45dans une configuration
42:47qui est tout de même très similaire ?
42:49La réponse est directe.
42:51Donc elle est claire.
42:53Donc je vais vous répondre
42:55avec, j'espère, autant de clarté.
42:57Je pense qu'il y a une différence
42:59objective sur laquelle
43:01j'ai cherché à insister
43:03qui concerne la nature même
43:05de la procédure.
43:07C'est-à-dire que nous sommes ici
43:09dans le cadre, en tout cas
43:11si on raisonne des enquêtes AMF,
43:13comme je l'ai dit tout à l'heure,
43:15dans une logique qui tente
43:17à la découverte des infractions.
43:19Donc il y a une spécificité
43:21dans les enquêtes dérégulateurs
43:23qui est beaucoup plus proche
43:25en réalité de l'enquête pénale
43:27ou beaucoup plus imbriquée
43:29avec l'enquête pénale
43:31et qui fonctionne beaucoup plus
43:33avec l'enquête pénale
43:35que dans l'hypothèse
43:37qui était l'hypothèse
43:39du référé environnemental
43:41qui est globalement
43:43dans une situation procédurale
43:45qui est fondamentalement différente.
43:47Donc pour moi, il n'y a pas
43:49de spécificité
43:51de la poursuite dite
43:53disciplinaire qui est
43:55aujourd'hui engagée par l'AMF
43:57et qui, en réalité,
43:59est une poursuite à des finalités répressives.
44:01Donc l'idée, c'est vraiment
44:03de rapprocher, selon nous,
44:05cette phase d'enquête disciplinaire
44:07d'une enquête qui serait
44:09une enquête pénale
44:11et donc d'appliquer les mêmes garanties
44:13que celles qui existeraient
44:15dans le cadre d'une enquête pénale
44:17pour éviter
44:19les risques de ce que des personnes
44:21se retrouvent effectivement mises en cause
44:23ou des personnes morales
44:25ou des personnes physiques, d'ailleurs,
44:27en considération des déclarations
44:29qui auraient pu être recueillies sur place.
44:31L'élément de distinction, pour moi, est là.
44:34Merci, Maître.
44:36S'il n'y a pas d'autres questions,
44:38cette question prioritaire
44:40de constitutionnalité
44:42est mise en délibérée.
44:44La décision publique sera
44:46le 21 mars 2025
44:47et vous pourrez en prendre connaissance
44:49en vous connectant sur notre site Internet.
44:51L'audience est levée.