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Code de l'environnement, Second alinéa de l'article L. 411-2-1
Date de rendu de la décision : 7 mars 2025

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00:00L'auditoire s'est ouverte. Nous avons aujourd'hui deux questions prioritaires de constitutionnalité à examiner.
00:09Nous allons commencer avec la question n°2024-1126. Elle porte sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
00:20du second alinéa de l'article L411-2-1 du Code de l'environnement. Mme Lagré-Fier, expliquez-nous où nous en sommes.
00:29Merci, M. le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 décembre 2024 par une décision du Conseil d'État
00:35d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Association préservant la forêt des Colettes et 47 autres parties
00:42portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article L411-2-1 du Code de l'environnement.
00:51Cette question relative à la reconnaissance par décret du caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur
00:59pour la délivrance d'une dérogation aux mesures de protection des espèces et des habitats naturels a été enregistrée au secrétariat général
01:05du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1126-QPC. Maître Théodore Catry et Maître Benjamin Côté-Emmart ont produit des observations
01:15dans l'intérêt des parties requérantes le 29 décembre 2024. La SCP Spinozi a produit des observations dans l'intérêt de la société Imerys,
01:23partie à l'instance le 30 décembre 2024 et le 13 janvier 2025. Le Premier ministre a produit des observations le 30 décembre 2024.
01:32L'Association France Nature Environnement a demandé à intervenir et a produit à cette fin des observations le 30 décembre 2024 et le 13 janvier 2025.
01:43L'Association Notre Affaire à Tous a demandé à intervenir et a produit à cette fin des observations le 30 décembre 2024.
01:50Seront entendues aujourd'hui les avocats des parties requérantes, l'avocat de la partie à l'instance, les avocates des parties intervenantes et le représentant du Premier ministre.
01:58Merci, madame. Alors, maître Théodore Catry, vous êtes avocat au barreau de Blois, maître Benjamin Côté-Emmart, avocat au barreau de Lyon.
02:10Vous représentez l'association Préservons la forêt des Colettes et 47 autres parties requérantes.
02:17Nous allons donc vous écouter et vous avez généreusement chacun 5 minutes pour vous exprimer.
02:25Je vous remercie, monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres du Conseil constitutionnel.
02:29Monsieur le Président, vous avez, à l'occasion de votre récent discours prononcé pour le 75e anniversaire de la Cour européenne des droits de l'homme,
02:35affirmé en des termes très justes que le droit de l'environnement est devenu une condition des autres droits et que le juge constitutionnel aurait, dans ce contexte,
02:43un rôle crucial à jouer pour, je vous cite, la construction d'un véritable droit de l'avenir.
02:48Eh bien, nous pensons que l'occasion vous est donnée aujourd'hui de confirmer la pleine effectivité de cette idée par l'examen du dispositif qui a été créé par la loi du 23 octobre 2023,
02:58dite industrie verte et qui a été codifiée au deuxième alinéa de l'article L411-2-1 du Code de l'environnement.
03:05Lequel permet en substance aux projets industriels qui ont reçu le label de projet d'intérêt national majeur, PINM,
03:13le label lui-même consacré par cette loi, de se voir décerner, sur volonté du Premier ministre, la reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur au sens de l'article L411-2 du même code.
03:26Pour comprendre concrètement de quoi il est question sur le plan opérationnel, lorsque un porteur de projet rencontre un contexte de biodiversité qui est tel
03:35que son ambition y porterait un impact suffisamment caractérisé.
03:38Alors il doit déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, qui figure à l'article L411-1 du Code de l'environnement.
03:45Et pour ce faire, il doit répondre à trois critères qui sont posés à l'article L411-2, le suivant, parmi lesquels figure cette réponse à la fameuse raison impérative d'intérêt public majeur.
03:58Néanmoins, la loi Industrie verte est venue bouleverser ce dispositif en créant une appellation de PINM, réservée aux projets déterminants pour la souveraineté ou la transition écologique,
04:10et qui se voit alors offrir une panoplie de privilèges procéduraux, parmi lesquels la possibilité, par le truchement du décret qui décerne la qualité de PINM,
04:20de se voir octroyer également la reconnaissance de la raison impérative, avant donc même toute concrétisation et avant même tout lancement d'études sur les incidences environnementales qui seraient, le cas échéant, susceptibles de faire émerger cette condition.
04:36J'ajoute, c'est la fin de la linéa 2 de l'article L411-2-1, que s'il est fait le choix de procéder à cette reconnaissance anticipée, alors on ne pourra en contester le bien fondé qu'à l'occasion du recours contre le décret qu'il a délié.
04:49Ce que nous avons fait à l'occasion du décret du 5 juillet 2024, qui a attribué au projet de mine de lithium des Chassières, à la fois la qualification de PINM et à la fois ce fameux label de la raison impérative.
05:01Alors ce dispositif nous amène aujourd'hui sur deux séries d'interrogations.
05:04La première, est-ce que le législateur aurait commis une incompétence négative en n'encadrant pas la reconnaissance anticipée de la raison impérative, comme il aurait dû le faire ?
05:13Ce sera mon point.
05:14Et la deuxième série d'interrogations qui découle de la première, est-ce que ce dispositif porte atteinte à une pluralité de droits que nous avons visé dans nos observations,
05:24et notamment au droit au recours effectif en perturbant le droit d'accès au juge dans sa temporalité et dans son efficacité ?
05:31Ce sera le développement de mon confrère.
05:33Pour ma part, le raisonnement que je vais tenir sera en réalité relativement court, parce qu'il bénéficie quelque part d'un certain privilège du précédent.
05:41Nous savons en effet que l'article 34 de la Constitution appelle le législateur à déterminer les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement.
05:50Nous savons ainsi que le législateur pêcherait par incompétence négative s'il renvoyait au règlement d'application la détermination des règles qui doivent constitutionnellement relever de la loi.
06:03Et nous savons qu'alors, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être soulevée devant votre conseil si elle affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
06:13C'est ce que vous avez décidé en 2012.
06:15Alors en l'occurrence, qu'en est-il ?
06:17C'est une problématique que votre conseil connaît en réalité plutôt bien, puisque vous l'avez d'ores et déjà appréhendée et maîtrisée dans le cadre de l'examen de la constitutionnalité de la loi du 10 mars 2023,
06:26relative à l'accélération de la production d'énergie renouvelable.
06:30La loi apert.
06:31Et à l'occasion de votre décision, donc du 9 mars précédent, vous avez considéré qu'il était possible de faire de la raison impérative d'intérêt public majeur un critère présumé satisfait si, néanmoins et seulement si,
06:43le législateur s'emparait de la compétence qui est sienne pour poser en même temps que la consécration de cette présomption les conditions qui permettraient de la déclencher.
06:54Alors l'anticipation qui était prévue dans ce dispositif était constitutionnelle parce qu'elle était encadrée par un, ce mécanisme de présomption avec tout ce qu'il a de protecteur, et deux, des conditions de déclenchement de cette présomption.
07:06Alors cette décision, je ne crois pas la contredire par le raisonnement que je vous propose, parce que bien au contraire, c'est en comparant quelque part le régime qui nous occupe aujourd'hui avec celui que vous avez validé,
07:15et qui nous a, il nous est apparu que le point d'équilibre que vous avez dégagé n'est en l'occurrence pas atteint du tout, et pour cause, dans le cadre de la loi industrie verte, au contraire de la loi APER, il n'y a pas de présomption, il n'y a pas de critère directeur, il n'y a rien qui permette de savoir quand et comment attribuer au projet le label de la raison impérative.
07:36Alors, c'est vrai, il n'a pas été conçu de mécanisme volontairement de présomption comme l'a été celui de la loi APER, mais quelque part, c'est tout le problème, et c'est là où on perd en garantie, ce mécanisme de présomption aurait permis de satisfaire le minimum constitutionnel attendu dans votre logique jurisprudentielle, et en réalité, le système qui a été créé, il repose sur une simple faculté, le décret peut reconnaître, c'est le mot qui est employé par le texte, donc ce qui laisse à la discrétion totale du Premier ministre,
08:05le choix d'accorder au projet le sésame de la raison impérative de façon inconditionnelle, tout comme d'ailleurs, ça lui laisserait le choix, éventuellement, de ne pas l'accorder, on ne peut pas savoir à l'avance dans quels seraient les critères qui lui permettraient de le faire ou non.
08:17Donc ça revient à accorder, par une sorte de fait du prince, ni plus ni moins qu'un permis de tuer, avant même que l'on sache si le projet tuera, et auquel cas, qu'est-ce qu'il tuera, et selon quelle proportion il tuera.
08:30Donc on ne peut qu'y voir une atteinte à la charte de l'environnement, s'agissant notamment de ces articles 1er, droit à vivre dans un environnement sain, article 2, devoir de prendre part à la préservation de l'environnement, la combinaison des deux, nous donnant le devoir de vigilance, qui est un combat tout à chacun, article 5, principe de précaution, et l'objectif à valeur concessionnelle de protection de l'environnement, qui, je vous le rappelle, vous avez permis de valider le système de présomption sous critères de la loi APER.
08:56L'autre difficulté, tout aussi fondamentale, c'est que cette anticipation extrême perturbe profondément la capacité de recours des tiers, et c'est là que je cède la parole à mon confrère, et je vous remercie.
09:06Merci beaucoup, maître.
09:08Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, les membres du Conseil constitutionnel, poursuivant les observations de mon confrère, les requérant autant de soulever la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme-histoien, qui consacre notamment le droit à un recours effectif.
09:25Il ressort en effet des dispositions contestées devant vous que la reconnaissance anticipée de la RIPM attachée à un projet ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours devant le Conseil d'Etat dirigé contre le décret qualifiant le projet de PINM.
09:38Il est ensuite précisé que, passé ce délai de recours, cette RIPM ne pourra faire l'objet d'aucune exception d'illégalité, y compris en cas de recours dirigés à l'encontre de la dérogation, à l'interdiction de destruction des espèces protégées.
09:52Passé ce délai de recours, la décision portant reconnaissance de la RIPM sera donc définitivement purgée de tout recours, et ce, quelles que soient les évolutions du projet en termes de tracés, d'emplacements, de volumétrie, de technologies utilisées, de méthodes industrielles, et quelles que soient les évolutions du contexte environnemental et socio-économique.
10:11Il ne s'agit donc ni plus ni moins que de signer un chèque en blanc permettant aux porteurs de projet de purger la question de la RIPM et d'en fixer les conditions d'appréciation à un instant T au regard d'un dossier incomplet, et ce, quoi qu'il en coûte à l'avenir.
10:26Ce mécanisme agit donc comme un véritable paratonnerre contentieux, pour reprendre les termes de M. le rapporteur public devant le Conseil d'Etat, paratonnerre contentieux qui permet au maître d'ouvrage de s'éviter les foudres d'un débat contradictoire qui pourrait s'avérer plus complexe et délicat à un stade plus avancé du projet.
10:42Un tel mécanisme a pour effet de court-circuiter le droit au recours effectif des tiers, qu'il s'agisse de la possibilité d'accéder au juge ou qu'il s'agisse de la possibilité pour les requérants d'effectuer une mise en balance réelle des intérêts en présence et de porter utilement le débat contradictoire devant le juge.
10:58S'agissant de l'accès au juge, le mécanisme de la reconnaissance anticipée de la RIPM a pour effet de priver plusieurs requérants de la possibilité même de former un recours. La reconnaissance de la RIPM est illimitée dans le temps.
11:10Elle s'applique sur l'ensemble du territoire français dès lors que les aménagements ou opérations de construction se rattachent et entrent dans le périmètre du projet d'intérêt national majeur.
11:20Toutefois, il est constant que cette RIPM est analysée au regard du stade précoce d'élaboration d'un projet dont les contours et les impacts sont donc encore loin d'être fixés et précisés.
11:30L'appréciation anticipée de la RIPM comporte immanquablement une restriction sèche du droit au recours pour les tiers qui verraient leurs droits et intérêts impactés en phase opérationnelle du projet.
11:42Et c'est particulièrement le cas pour le projet de la société Imerys puisque, par exemple, il ressort des éléments de la concertation publique dans ce dossier qu'au jour de l'adoption du décret en juillet 2024, la reconnaissance de la RIPM.
11:54Il n'y avait pas de l'emplacement de la station de chargement n'était pas fixé.
12:00Et d'ailleurs, la société Imerys le reconnaît en réponse aux conclusions de la CNDP en indiquant qu'il existe des incertitudes quant à la temporalité au financement des travaux nécessaires à la régénération de la voie ferrée entre Saint-Germain-des-Fossés et Montluçon.
12:16Et d'autre part, elle reconnaît également qu'elle engage une nouvelle étude d'implantation afin de prendre une décision le plus tôt en 2025.
12:22A la date du décret contesté, l'emplacement du site de chargement était donc pressenti à Saint-Bonnet-de-Rochefort, ce qui a fortement mobilisé les habitants et dont plusieurs sont aujourd'hui requérants devant vous.
12:34Mais demain, si l'implantation du site de chargement est fixée sur une autre commune proche d'un autre espace sensible ou ayant pour effet de portée atteinte à d'autres espèces protégées, personne ne pourra plus contester la pertinence de ce nouveau choix d'implantation au regard de la RIPM, puisque celle-ci aura été purgée de tout recours et sera devenue définitive.
12:54J'ai d'ailleurs répété la démonstration s'agissant du mode de transport des minerais dans toutes les étapes de production qui n'est pas totalement fixée, trains, routes, canalisations ou encore de l'utilisation réelle de la ressource en eau.
13:06La reconnaissance anticipée de la RIPM pour un projet précoce a donc clairement pour effet d'écarter préventivement du prétoire toute une série de requérants potentiels, et ce sans aucune justification.
13:17Enfin, et c'est mon dernier point, dans l'hypothèse résiduelle où les requérants ont pu saisir le Conseil d'État à l'encontre de la RIPM, son caractère précoce et anticipé empêche tout véritable débat contradictoire.
13:28Je vous rappelle que la légalité de la RIPM doit s'apprécier in concreto par une mise en balance des intérêts en présence sous l'anticontrôle du juge administratif au regard d'un dossier complet et dont les contours, les données, les impacts sont clairement fixés.
13:41Il est inenvisageable de statuer sur la base d'hypothèses virtuelles d'un projet précoce, sauf à interdire toute vérification du degré réel d'intérêt public que présentera in fine le projet en question.
13:52Or, au stade du décret portant reconnaissance anticipée de la RIPM, il est constant que le gouvernement ne dispose d'aucun élément concret et définitif sur le projet, qu'il s'agisse de nature économique ou sociale, de la longévité du projet ou de ses impacts sur l'environnement.
14:07Au cas présent, il apparaît que le gouvernement a choisi de se prononcer sur la seule base des affirmations et des promesses de la société Imerys, lesquelles sont formulées à un stade précoce et ne l'engagent pas.
14:16Les requérants ne peuvent que constater que les informations dont dispose le gouvernement sur le volet espèces protégées ne tiennent qu'en un seul paragraphe. C'est l'objet de notre pièce numéro 2.
14:25Et je précise également que le rapport de présentation du décret reconnaissant la RIPM au projet de la société Imerys, qui a été établi par les ministères en charge de la question, a fait l'objet d'un refus de communication par le gouvernement en raison d'un prétendu secret des délibérations.
14:39Cette position a été sèchement balayée par la CADA et les requérants attendent toujours communication de ce document.
14:45A ce jour, les requérants n'ont donc qu'accès à la fiche d'impact du décret contesté, laquelle se borne sur une seule page, à faire état de projection de création d'emplois directs et indirects induits par le projet de la société Imerys.
14:59C'est totalement insuffisant. Et il apparaît donc que ce mécanisme empêche concrètement aux partis et aux juges de mettre en balance les intérêts en présence, ce qui vide le recours de sa substance et le prive de toute effectivité.
15:12Pour l'ensemble de ces raisons et celles qui ont été précédemment évoquées, j'ai l'honneur de conclure à ce qui plaise au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution les dispositions du second alinéa de l'article L411-2-1 du Code de l'environnement.
15:26Merci, maître. Alors maintenant, nous allons écouter maître Spinozzi, qui est avocat au Conseil, qui représente la société Imerys, partie à l'instance. Maître.
15:42Monsieur le Président, j'interviens effectivement pour la société Imerys, qui est donc la société qui exploite le site, à l'occasion duquel un décret a été pris qui a reconnu cette raison impérieuse d'intérêt public majeur, qui est aujourd'hui en cause devant vous.
16:04Un mot à cet égard sur la situation factuelle, puisque c'est ce qui a été évoqué. La société Imerys, c'est une société française, une multinationale, leader dans le marché de l'exploitation minière.
16:18Et elle exploite un site dans l'Allier. Et à l'occasion de l'exploitation de ce site, il y a eu du lithium qui a été... Quand on savait qu'il était présent, il y a eu des sondages qui ont été réalisés, qui ont permis de déterminer qu'il y avait un gisement qui était économiquement viable pour lequel les autorisations ont été sollicitées et qui sont aujourd'hui en cause devant le Conseil d'État et qui a amené à la QPC, dont vous avez à connaître.
16:42Et ce gisement doit permettre de pouvoir extraire à peu près 34 000 tonnes d'hydroxyde de lithium, ce qui équivaut à peu près à 700 000 batteries pour des véhicules électriques.
17:00Voilà pour le cadre qui est le cadre pratique et de la nature du projet qui est en cause. Un mot sur l'article 411-2-1. Je pense qu'un des éléments qui est déterminant et à prendre en considération dans le cadre de votre délibéré, c'est l'intention du législateur lorsqu'il a édicté ce texte.
17:24Donc il faut bien comprendre que nous sommes ici dans l'application d'une politique plus générale visant à assurer une décarbonisation de la France et aussi à assurer la possibilité pour notre pays d'être indépendant énergétiquement au regard du développement des énergies nouvelles.
17:44Et ce n'est pas un hasard si ce texte a été pris postérieurement à la période du Covid où, précisément, il a été constaté l'extrême dépendance de notre nation à l'égard d'autres pays qui ont potentiellement des intérêts politiques ou des intérêts économiques qui sont divergents du nôtre et dans lesquels nous sommes placés dans la dépendance en termes de production et d'importation d'un grand nombre de métaux ou de produits.
18:13Qui sont extraits du sol et donc c'est bien dans cette logique qu'il y a eu la volonté de la part du législateur de dire il faut réindustrialiser la France il faut décarboniser la France et donc il vaut mieux que nous ferions chez nous d'une façon qui est une façon conforme aux exigences de l'environnement plutôt que nous soyons dans la main d'autres pays qui sont moins regardant à cet égard.
18:40Et donc vous êtes par nature des juges de l'équilibre entre les droits et face à la conservation des habitats naturels et de la faune et de la flore qui est invoqué par les requérants et bien de l'autre côté de la barre vous avez deux principes constitutionnels importants l'un qui est la protection de l'environnement qui est avancé explicitement par le législateur pour justifier l'élection de l'article 400.
19:08Et du code de l'environnement et qu'un objectif à valeur constitutionnelle et l'autre l'impératif de la souveraineté nationale précisément pour garantir que nous puissions en France avoir notre propre produit nos propres produits et que nous ne soyons pas dans la dépendance des autres pays à cet égard.
19:31Et ces deux objectifs qui vous incitent à peser la balance entre ces droits et bien ils ont été parfaitement respecté cet équilibre par le législateur et on en veut pour preuve que tel qu'il vous est présenté par les associations on a l'impression que la décision.
19:54Reconnaître cette raison impérative d'intérêt public majeur est la seule condition d'une dérogation qui pourrait être portée au à l'atteinte aux espèces protégées ça n'est absolument pas le cas il faut reprendre le dispositif législatif dans sa globalité l'article 411 prévoit trois critères qui sont trois critères distincts et cumulatifs évidemment il y a le fait d'obtenir.
20:21La consécration de cette raison impérative d'intérêt public majeur mais ce n'est pas tout il est expressément prévu par la lettre de l'article 411 qu'il faut aussi justifier ne pas porter une atteinte au maintien dans un état de conservation.
20:41Des espèces concernées dans leur air de répartition naturelle donc il y a bien une prise en considération de l'atteinte qui est susceptible d'être portée aux espèces et par ailleurs il y a un autre critère qui est exigé c'est l'absence de toute solution alternative suffisante donc il y a bien une présomption qui est édictée mais cette présomption n'est qu'un.
21:09Qui a vocation à être pris en considération et donc le législateur a voulu effectivement équilibrer ce dispositif s'agissant de cette présomption dont on a parlé tout à l'heure elle est en tout cas parfaitement légitime par rapport.
21:24J'ai déjà pu juger et je vous renvoie à vos décisions du 9 novembre 2023 et du 21 juin 2023 qui ont déjà été cité par lesquelles vous avez jugé que la présomption qui est instituée par les dispositions contestées qui était de la même manière une présomption de raison impérative d'intérêt public majeur ne dispense pas les projets d'installation auquel s'appliquera du respect des autres conditions qui sont prévues pour la délivrance d'une dérogation aux interdictions prévues par l'article 411.
21:52Du code de l'environnement ces autres conditions sont les deux conditions que je viens de citer il n'y a donc aucune raison de vous départir de votre jurisprudence habituelle en la matière un mot sur la question du droit au recours qui a été évoqué.
22:05Votre jurisprudence est très claire il elle distingue entre d'un côté la disparition d'une voie de recours et de l'autre son aménagement ici nous ne sommes évidemment que dans le cadre d'un aménagement puisque ce qu'a voulu le législateur.
22:19L'instauration de cette demande et cette reconnaissance de cette raison impérative.
22:27Au tout début du projet et bien c'est d'assurer la sécurité juridique de ces grands projets industriels en évitant qu'il puisse y avoir des annulations tardives qui sont de nature à porter atteinte à la sécurité juridique et de la même manière.
22:45À la viabilité de ces projets puisque le but était de rassurer en particulier les éventuels investisseurs en leur garantissant dès le départ que le projet à défaut d'être certain était à tout le moins possible et c'est donc bien cet objectif de sécurité juridique qui justifie l'aménagement de la voie de recours.
23:11J'en terminerai par là je pense que le texte que vous avez à connaître est un texte d'équilibre on relèvera que il vous a été envoyé par le conseil d'état sur des conclusions défavorables du rapporteur public ce qui démontre qu'il y avait en tout cas très certainement une interrogation.
23:30Pour savoir s'il vous appartenait ou pas de connaître de cette question.
23:35C'est suffisamment rare pour le noter la vraie question c'est de savoir ce que l'on veut est-ce que l'on veut que nous continuons à acheter nos batteries au lithium à des pays qui sont des pays étrangers.
23:46Massivement sans prendre véritablement une quelconque attention aux exigences de droit de l'environnement où est-ce que nous voulons que nous puissions nous-mêmes être indépendants produire nos propres batteries dans le respect des exigences du droit de l'environnement le législateur a choisi il a fait ici un choix à mon avis équilibré qui mérite certainement pas votre censure mais plutôt votre confirmation.
24:13Merci maître alors nous allons maintenant écouter maître Mathilde Lacaze-Massemonteille qui est avocate au Barreau de Paris qui représente l'association France nature environnement parti intervenant maître.
24:29Monsieur le président mesdames et messieurs les membres du conseil constitutionnel je me concentrerai pour ma part sur deux moyens l'un à titre principal qui a déjà été évoqué par mes confrères lié à l'article 16 de la déclaration de 1789 et l'autre à titre à titre subsidiaire sur la nécessité d'assortir cet article de réserve d'interprétation.
24:51J'aimerais d'emblée recentrer les débats quand j'ai entendu la partie adverse il faut recentrer le débat puisqu'il ne s'agit pas de la question de savoir si nous pouvons ou non faire un recours sur la dérogation espèce protégée qui serait ou non entaché entaché d'illégalité il s'agit d'un débat sur la constitutionnalité de l'article L411-2-1.
25:20Et sur la violation par cet article des droits et libertés fondamentaux qui sont garantis par la constitution.
25:27Cette confusion doit être tranchée notamment puisque nous abordons des moyens importants liés au recours effectif.
25:33Gardez cela en tête s'il vous plaît monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du conseil constitutionnel s'agissant du manquement à l'article 16 de la déclaration de 1789.
25:44L'on peut comprendre à l'aune de la situation écologique et de l'impérativité d'assurer une transition durable que les pouvoirs publics souhaitent accélérer la décarbonation de notre activité en limitant les risques notamment contentieux pour les industriels.
25:58Toutefois la prétendue lutte contre des recours jugés dilatoires au nom d'une efficacité du contentieux environnemental ne peut se faire en sacrifiant les droits fondamentaux des justiciables.
26:09L'article 16 de la déclaration de 1789 ne garantit pas seulement un accès aux juges pour les justiciables.
26:16Il suppose également que les requérants puissent être à même de discuter du bien fondé de la décision.
26:22En l'espèce le législateur n'a défini aucun critère pour apprécier la raison impérative et auquel pourraient se référer les justiciables.
26:32Seul le préfet aura accès à une liste de quelques informations sommaires au regard des enjeux du projet sur l'environnement.
26:39Pire encore il s'agit de germer de l'unique voie de recours des justiciables sur cette reconnaissance d'intérêt public majeur et ces derniers ne disposeront pas de l'intégralité des informations leur permettant de réaliser le dit recours.
26:54En effet au stade de la qualification de l'intérêt public majeur comme l'ont dit mes confrères le dossier du porteur de projet est en cours d'élaboration.
27:02Il peut même être embryonnaire et cela est même confirmé par l'étude d'impact de la loi industrie verte.
27:09Ainsi la seule voie possible pour contester la reconnaissance de l'intérêt public majeur ne bénéficie pas des garanties de l'article 16 de la déclaration de 1789.
27:22J'attire votre attention sur le fait que la sécurité juridique n'est pas un objectif à valeur constitutionnelle dont la poursuite pourrait justifier de limiter d'autres droits garantis par la constitution.
27:33Que serait notre monde que serait notre état de droit si la sécurité juridique juridique venait primé sur nos droits et libertés fondamentaux.
27:41Par ailleurs la jurisprudence administrative a pu faire rejaillir des contours suffisamment clair de ce que constituait l'intérêt public majeur au sens de l'article.
27:51Quatrièmement du code de l'environnement de sorte qu'il est malhonnête de vouloir soi-disant préserver la sécurité juridique des porteurs de projet en fermant cette loi contentieuse.
28:00Aux justiciables lésés quelques recherches de jurisprudence suffiront ainsi et contrairement à ce que semblent avancer les parties adverses le risque de découragement des investisseurs.
28:10N'est absolument pas établi ces menaces n'étant ni documentées ni même vérifiées.
28:16La société Mérisse prétend que les requérants peuvent très bien contester le décret de reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur et qu'à ses dégâts.
28:25Ils ne sont privés d'aucun droit ce serait là faire une mauvaise interprétation des exigences de l'article 16 de la déclaration de 1789.
28:33Étant rappelé que ce décret est extrêmement lacunaire et ne présente aucune information sur les caractéristiques de ce sujet à même de justifier de l'intérêt public majeur.
28:42Voici le décret en question.
28:44Vous constaterez le caractère sommaire.
28:47Contrairement aux allégations adverses nous ne sommes pas là en présence d'un simple dépassement déplacement ou aménagement du contentieux.
28:55Aucune information ne permet aux associations de former un recours contre le décret et les justiciables perdent en réalité des informations auxquelles ils avaient auparavant.
29:04Dans le cadre du contentieux espèce protégée.
29:07En définitive l'article l'article tel que rédigé porte une atteinte manifestement excessive aux droits au recours effectif tel que garantie par l'article 16.
29:16Dans l'hypothèse vous choisiriez de ne pas censurer les dispositions de cet article.
29:22L'association France nature environnement sollicite que vous sortissiez ces dispositions de deux réserves d'interprétation en cas de changement dans les circonstances de fait ou de droit.
29:32Postérieurement au décret reconnaissant l'intérêt public majeur.
29:36Ces réserves d'interprétation relève du bon sens et permettent en réalité de combler une lacune majeure de la loi appréhendée pourtant par l'étude d'impact de la loi industrie verte.
29:45Qui permet au requérant de revenir sur la reconnaissance d'intérêt public majeur s'il parle il justifie de changement dans les circonstances de fait ou de droit.
29:53Aucune disposition de la loi industrie verte et encore moins l'article L211-2-1 du code de l'environnement n'encadre une telle hypothèse.
30:03Toutefois comme mentionné dans l'étude d'impact il peut s'écouler plusieurs années durant laquelle le projet est affiné entre la déclaration d'utilité publique d'un projet et sa finalisation.
30:14Et notamment que le projet soit toujours d'intérêt public et majeur.
30:19Le contexte économique et social apprécié lors de la délivrance de cette reconnaissance d'intérêt public et majeur peut être amené à évoluer.
30:28Or ce décret n'est assorti d'aucune temporalité ni d'aucun mécanisme de révision par l'administration.
30:36Il convient d'octroyer Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, aux justiciables, les outils juridiques et juridictionnels pour assurer un tel contrôle.
30:45Ainsi le rapporteur public à titre d'illustration dans un jugement du théâtre Grenoble du 16 juillet 2015 avait rappelé que la notion d'intérêt public est fluctuante et doit être en accord avec les évolutions de la société.
30:57La reconnaissance d'intérêt public majeur est accordée à un stade tellement précoce, ce que toutes les parties ici reconnaissent, qu'il est étonnant que plusieurs années après, aucun contrôle ne puisse être porté sur la constance de ces critères.
31:11Et ce côté précoce, il est important, il est inédit par rapport à vos anciennes jurisprudences, à vos anciennes décisions d'urbanisme qui ont été citées par la partie adverse.
31:21Permettre une exception d'illégalité au moment où le dossier de demande de dérogation espèces protégées et donc de demande d'autorisation environnementale est rendu public permettra aux associations, à tous justiciables intéressés, d'avoir une vision plus aboutie des enjeux du projet et de pouvoir faire des recours à viser si les conditions de la raison impérative ne sont plus réunies.
31:41La seconde réserve d'interprétation porterait sur la possibilité que le décret portant reconnaissance d'intérêt majeur puisse faire l'objet d'une demande d'abrogation auprès du Premier ministre et que le Conseil d'État puisse être saisi d'une demande d'abrogation en ce sens.
31:59Cette reconnaissance n'est pas acquise, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'investissements purement privés. Le Premier ministre, à l'origine de ces actes, qui a priori ne dispose pas de l'étendue des informations, doit pouvoir revenir sur sa décision si les conditions ne sont plus réunies.
32:23Au regard de ce que je viens de vous exposer, France Nature Environnement vous demande, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, à titre principal de censurer les deux dernières linéas de l'article L411-1 du Code de l'environnement, notamment du fait d'une violation du droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration de 1889, et à titre subsidiaire, au moins d'assortir ce texte de réserve d'interprétation, en permettant aux associations d'avoir une vision plus aboutie des enjeux du projet.
32:51Merci, Maître. Alors, maintenant, nous allons écouter Maître Clarisse Massé, qui est avocate au barreau de Paris, qui représente l'association Notre Affaire à Tous, partie intervenante. Maître.
33:11Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel. Je ne vais pas revenir sur le mécanisme de dérogation espèce protégée qui a déjà été bien décrit. Je veux me concentrer sur les écritures de Notre Affaire à Tous qui prouvent la violation de l'article 7 de la Charte de l'environnement.
33:31Que je cite « Toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenus par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. »
33:45Seulement de jurisprudence, cet article est applicable à toutes les décisions qui ont une incidence directe et significative sur l'environnement, que ce soit des décisions réglementaires ou non réglementaires.
33:55Vous l'avez d'ailleurs déjà appliqué à des décisions individuelles, comme le sont les décrets reconnaissant les raisons impératives d'intérêt public majeur en cause.
34:03En l'espèce, la linéa 2 de l'article L411-2-1 du Code de l'environnement contesté a une incidence sur l'environnement indéniable. La loi permet de reconnaître par décret l'une des trois conditions pour l'obtention d'une dérogation osée à la destruction des espèces protégées.
34:17C'est une condition sine qua non pour obtenir l'autorisation de détruire des spécimens et ou des habitats d'espèces protégées. Et la partie adverse ne dit pas le contraire en disant que sans cette mesure, des projets pourraient ne pas se faire.
34:29Il y a ici une condition fondamentale de l'obtention d'une dérogation d'espèces protégées. Et contrairement à ce qui a été allégué, ce n'est pas une présomption, c'est un octroi définitif de la raison impérative d'intérêt public majeur.
34:39C'est donc impératif et c'est une incidence concrète de ce décret sur l'environnement. De plus, la loi industrie verte vise des projets de grande ampleur dont les effets sur l'environnement seront très importants.
34:52Ainsi, la loi contestée facilite des destructions massives d'espèces protégées et l'impact direct et significatif sur l'environnement des décrets ne peut pas être contesté.
35:02Maintenant, qu'implique cet article 7 de la charte de l'environnement ?
35:06Suivant votre jurisprudence toujours, les modalités d'information et de participation du public doivent garantir au public, et je cite encore, une appréciation complète des incidences directes et significatives de ses décisions sur l'environnement.
35:18En l'espèce, je tiens encore à rappeler que la raison impérative d'intérêt public majeur n'est pas une formalité procédurale.
35:24C'est une condition fondamentale de la dérogation d'espèces protégées qui met en balance les intérêts publics poursuivis par le projet avec les impacts environnementaux.
35:33C'est donc très important que le public ait une connaissance approfondie des impacts sur l'environnement et du projet pour pouvoir exprimer et participer à la décision.
35:43Or, la linéa de l'article contesté ne prévoit aucune information de participation ou d'information du public préalablement à l'adoption des décrets.
35:51Comme il a été bien soulevé, le décret a vocation à être pris à un stade très avancé du sujet.
35:57Le projet n'est pas finalisé quand la raison impérative d'intérêt public majeur a vocation à être reconnue.
36:02Donc, le public ne peut avoir connaissance d'informations sur le projet, ni apprécier les impacts du projet, positifs comme négatifs.
36:10Dans le projet de mine qui est à l'origine de votre saisine par QPC, l'emprise du projet n'est pas définie.
36:17Une commune pourrait potentiellement être dans le projet, on ne sait pas encore, on verra dans quelques années quand le projet sera peut-être mis en œuvre.
36:24Mais au-delà, les emplois, les retombées économiques, mais aussi les impacts sur la biodiversité ne sont pas encore précisément étudiés ni connus.
36:32Ainsi, on prend une décision importante pour l'environnement qui aura des conséquences non négligeables sans que le public n'ait accès à aucune de ces informations.
36:41On le voit, comme il a été souligné par mes confrères, que dans le projet en cause, on a très peu d'informations, que la demande d'informations est même refusée par le gouvernement.
36:50Ainsi, aucune information ni participation du public n'est prévue sur cette décision en violation de l'article 7.
36:56Mais pire encore, cet article est pris d'effectivité la participation du public sur le projet.
37:01Car actuellement, lors de la participation du public sur la dérogation d'espèces protégées, toutes les informations sont données et tout est rediscuté.
37:09Alors qu'avec cet article, l'existence de la raison impérative du public d'intérêt majeur ne pourra plus être discutée ni remise en cause suite à la participation du public.
37:18Quand des informations précises seront données, l'obligation d'information sera remplie, l'obligation de participation ne pourra plus être remplie car il n'y a plus de participation du public sur cette raison impérative.
37:29La mise en balance des intérêts publics majeurs allégués et des impacts sur l'environnement ne pourra plus être faite, la raison impérative étant déjà acquise.
37:39Ici, il y a une violation patente de l'article 7 de la charte de l'environnement et en conséquence, notre affaire à tous demande l'annuation de la linéa 2 de l'article L411-2-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.
37:54Je vous remercie.
37:55Merci maître.
37:56Alors maintenant, nous allons écouter pour le Premier ministre Monsieur Canguilhem qui a la parole.
38:02Merci Monsieur le Président.
38:03Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, l'article L411-1 du code de l'environnement interdit la destruction ou la perturbation des espèces animales protégées ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitants.
38:14Au regard des intérêts protégés, la dérogation à cette interdiction est nécessairement strictement limitée et encadrée.
38:22Ainsi, en application du quatrième an du grand 1 de l'article L411-2 du code de l'environnement, une telle dérogation, dite dérogation espèce protégée, ne peut être délivrée que si trois conditions distinctes et cumulatives sont réunies.
38:34Il ne doit pas exister de solution alternative satisfaisante.
38:37La dérogation ne doit pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
38:46Enfin, et c'est ce qui nous intéresse directement ce matin, la dérogation doit être justifiée par un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels le fait que le projet réponde, y compris pour des motifs sociaux ou économiques, à une raison impérative d'intérêt public majeur, RIPM.
39:03Afin de faciliter l'implantation des projets industriels les plus stratégiques pour la France, le législateur a institué une procédure permettant la reconnaissance anticipée de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur pour la réalisation de certains projets essentiels.
39:19Ainsi, la loi industrie verte du 23 octobre 2023 a créé la notion de projet d'intérêt national majeur, PINM, défini à l'article L300-6-2 du code de l'urbanisme comme un projet qui revêt, nous citons,
39:32« eu égard à son objet et à son envergure, notamment en termes d'investissement et d'emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ».
39:42Il ressort des travaux parlementaires que la reconnaissance de cette qualité de PINM, de projet d'intérêt national majeur, est conçue comme extrêmement restrictive.
39:50C'est uniquement sur des projets de très grande ampleur. Les travaux parlementaires, les observations du gouvernement à l'époque faisaient état de 1, 2, voire 3 projets par an en équivalence, donc un nombre très restreint.
40:03Cette qualité de PINM, de projet d'intérêt national majeur, est reconnue par décret, décret, et c'est là tout le cœur du sujet, qui peut également reconnaître
40:10que ce projet répond à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions précédemment évoquées.
40:20Et cette reconnaissance anticipée est prévue par la disposition de l'UPC de l'article L411-2-1 du code de l'environnement.
40:30À ce stade, il est important de souligner que cette possibilité d'une reconnaissance anticipée ne va pas du tout et ne constitue pas du tout le droit commun de la RIPM.
40:41Il y a eu, depuis l'adoption de la loi, six projets d'intérêt national majeur, tous reconnaissant par anticipation la raison d'intérêt public majeur.
40:49Et pour vous donner un ordre de grandeur, sur le nombre de dérogations espèces protégées qui ont été données, on était en 2023 à 754 dérogations et en 2024 à 511.
41:02Donc vous voyez que ce dont nous parlons aujourd'hui n'est pas du tout le droit commun de la reconnaissance de la raison d'intérêt public majeur.
41:12Et donc, afin de poursuivre cet objectif de sécurisation juridique de projets d'ampleur qui était l'objectif poursuivi par la loi Industrie verte,
41:20ces dispositions prévoient également que la reconnaissance de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours
41:30contre le décret qui retient cette qualification et qu'elle ne peut plus être contestée à l'occasion du recours qui pourra être exercé bien plus tard par construction
41:42contre l'arrêté portant dérogation espèce protégée. Les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences des articles 1 et 2 de la Charte de l'environnement.
41:54D'une part, cela a déjà été dit, le législateur a ici entendu poursuivre l'objectif de valeur constitutionnelle, de protection de l'environnement.
42:04Il s'est également conformé aux exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, au nombre desquels figurent
42:11l'indépendance de la nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. Voyez le point 62 de votre décision 851 d'essai.
42:19D'autre part, et nous insistons lourdement sur ce point, les dispositions contestées n'ont aucune incidence sur les règles de fond relative à la protection
42:29de l'environnement et particulièrement des espèces protégées. Il n'y a aucun bouleversement du système comme cela a été soutenu par la partie requérante.
42:37En effet, la reconnaissance de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur ne suffit pas, contrairement à ce qui peut vous avoir été laissé
42:46entendre de l'autre côté de la barre, ne suffit pas à l'obtention d'une dérogation espèce protégée. Si un tel motif est retenu, cela ne dispense évidemment pas
42:57l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de s'assurer du respect des deux autres conditions que nous avons citées, prévues à l'article L411-1 du Code
43:07de l'environnement. Vous l'avez d'ailleurs expressément relevé récemment à deux reprises dans vos décisions 848 d'essai et 851 d'essai de mars et juin 2023.
43:22Et à l'inverse, en l'absence de cette RIPM, de cette raison impérative d'intérêt public majeur ou de tout autre motif de dérogation prévu au quatrièmement du L411-2,
43:32la question des autres solutions satisfaisantes et de l'incidence sur l'état de conservation n'est pas examinée. La nature du projet, donc la question de la raison
43:42impérative d'intérêt public majeur, est donc évaluée dans un premier temps en elle-même et contrairement à ce qui est soutenu, l'appréciation d'une raison impérative
43:53d'intérêt public majeur n'est nullement désamorcée par les dispositions contestées. Elle a lieu en amont. La possibilité d'une reconnaissance anticipée de la raison
44:02impérative d'intérêt public majeur ne porte donc pas en elle-même atteinte au droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé,
44:10protégée par la Charte. Le législateur n'a pas davantage porté atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. En effet, les dispositions contestées n'ont ni pour objet
44:22ni pour effet de supprimer une loi de recours. Elles ont pour seul effet de déplacer dans le temps le moment de la contestation contentieuse de la qualification
44:32de raison impérative d'intérêt public majeur. Vous l'avez compris, cette contestation peut dorénavant n'avoir lieu qu'en amont, antérieurement à l'octroi de la dérogation
44:44espèce protégée. La reconnaissance anticipée s'accompagne donc assez logiquement d'une contestation anticipée afin d'assurer la sécurité juridique des grands
44:56projets industriels en les prémunissant d'un risque d'annulation tardive sur ce fondement. Et vous acceptez d'ailleurs que le législateur encadre le droit à un recours
45:09juridictionnel afin de limiter les risques particuliers d'incertitude juridique. Voyez par exemple le point 8 de votre décision 986 QPC. Ainsi, en se bornant à empêcher
45:21la contestation de la qualification de RIPM par voie d'exception, le législateur n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au recours. Aucune exigence constitutionnelle
45:32n'ayant été méconnue. Je vous invite à déclarer les dispositions contestées conformes à la Constitution.
45:38Merci M. Canguilhem. Alors, nous avons entendu des arguments de sens contraire. Est-ce que tel ou tel membre du Conseil souhaite poser des questions ? M. le Conseil Pinault.
45:50Oui, ma question s'adresse à M. Canguilhem. À la lecture du dossier, j'ai le sentiment que vous n'avez pas répondu à un argument important des requérants ou des intervenants
46:04sur la question de savoir si ce décret reconnaissant la RIPM fige ou pas pour le futur, en cas par exemple de changement de circonstances de droit est fait pour des tiers,
46:21cette reconnaissance. Est-ce que là-dessus, vous pouvez nous répondre ? Il a été dit à plusieurs reprises qu'il n'y avait rien dans la loi qui n'indique que s'il y a un changement de circonstances de droit ou de fait,
46:38ou changement du projet, etc., on puisse revenir sur la RIPM. Alors là-dessus, j'aimerais bien avoir vos éclaircissements. M. Canguilhem.
46:48Je profite de l'occasion qui est donnée pour expliciter ce qui n'était manifestement pas assez dans les observations écrites.
46:53Pour répondre à, effectivement, ce qui est le cœur de l'argumentation, il ne faut pas perdre de vue ce qu'est l'objet de la reconnaissance de la RIPM. L'objet, ce ne sont pas les contours du projet,
47:11contrairement à ce qui vous a été longuement démontré. C'est la nature du projet. La nature, ici, un projet minier, ailleurs, des infrastructures industrielles d'importance,
47:25autoroutières, que sais-je encore. C'est cet objet-là qui fait l'objet du contrôle et de la qualification ou non de raison impérative d'intérêt public majeur.
47:35Donc, en réalité, les éléments qui sont soulevés, et d'ailleurs, il y a dans les écritures de l'association La Forêt des Colettes, une liste d'éléments qui ne seraient pas assez précis,
47:49à ce stade, dans le dossier, le volume de matière extraite, le nombre d'emplois locaux, etc. Tous ces éléments ne sont pas de nature à affecter la nature du projet,
48:03qui est un projet minier. Ce sont d'autres éléments. Donc, ces changements-là n'ont pas d'incidence sur la nature du projet.
48:13Je remandis sur la question de M. Pinot. Par remettre en cause la nature du RIPM, est-ce qu'on peut former un recours contre les modalités de mise en œuvre de ce projet,
48:33qui ne sont pas dans la nature, mais dans sa consistance elle-même ? Parce que, par exemple, on a cité l'exemple d'une commune qui n'était pas à l'origine dans le périmètre géographique du RIPM et qui le devient.
48:45Est-ce qu'il y a, à ce moment-là, des possibilités de recours ?
48:47Oui. Alors, par rapport à l'élément qui a été cité par les parties adverses sur l'intérêt à agir, en réalité, qui pourrait être évolué selon l'évolution du projet,
49:03évidemment, au moment de l'arrêté portant la dérogation espèce protégée, où l'ensemble des conditions ont été examinées pour aboutir à la délivrance de cette autorisation de dérogation,
49:21les personnes qui sont dans le champ du projet tel qu'il est à ce moment-là, donc bien postérieurement au décret initial, par exemple en l'espèce, je crois qu'on est sur une réalisation du projet en 2028,
49:33donc effectivement ça a le temps d'évoluer, ceux qui sont concernés à ce moment-là dans le champ du projet ont un intérêt à agir et pourront agir,
49:43effectivement, agir contre l'arrêté portant dérogation espèce protégée, et certes, ils ne peuvent à ce moment-là pas exciper de la raison opérative d'intérêt public majeur qui est, encore une fois, uniquement sur la nature.
49:57Oui, mais restez à la barre, M. le Premier ministre. Bon, ça, c'est sur l'intérêt à agir, mais sur le contenu. S'il y a une commune qui n'est pas prévue et puis, finalement, elle se retrouve dedans.
50:09Elle ne pourra pas contester à ce stade, ça c'est prévu par la loi, l'existence d'une RIPM, ça c'est certain.
50:17Vous considérez que le contenu même du projet n'a pas changé ?
50:21La nature n'a pas changé.
50:23Il n'y en a pas, vous êtes éclairé ? Très bien. Alors, nous sommes aujourd'hui le 25 février. Nous allons regarder tout ça très précisément et nous rendrons notre décision le 7 mars.
50:49C'est ça ? Le 7 mars. Très bien.