"Des femmes nous suppliaient, si jamais on rentrait, de raconter ce qu'on avait vu."
Le témoignage de Nadine Heftler, survivante du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, dans le documentaire "Auschwitz, des survivants racontent".
Le témoignage de Nadine Heftler, survivante du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, dans le documentaire "Auschwitz, des survivants racontent".
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00L'arrivée au camp, c'est une vision absolument hors de la Terre.
00:07J'ai l'impression de ne plus être sur la planète Terre.
00:11D'abord, on ne sait pas où on est, au point de vue géographique, il a fallu qu'on nous l'explique.
00:16Ensuite, c'est une vision de femmes qui courent dans tous les sens.
00:21Personne ne marche, tout le monde court.
00:24Elles sont vêtues de sacs.
00:27Et puis, les pauvres gens qui mouraient dans la boue, qui nous suppliaient très vite.
00:33Moi, j'ai entendu des femmes qui étaient déjà couchées par terre, en train de mourir dans la boue,
00:38et qui nous suppliaient, si jamais on rentrait, de raconter ce qu'on avait vu.
00:45Déjà dès le premier jour.
00:46Parce que les souffrances étaient multiples et variées, donc on avait le choix.
00:52Mais une des grosses souffrances, c'est de penser qu'on mourait tellement loin de chez soi, dans l'indifférence,
01:00et sans que personne ne sache ce qui vous arrivait.
01:04On avait l'impression d'être soustrait à la communauté humaine.
01:07On n'était plus dans la communauté humaine.
01:10On ne savait pas où on était, ni physiquement, ni moralement.
01:16Pendant longtemps, j'ai cru que ces cheminées, qui vraiment, c'était comme des énormes cheminées d'usine,
01:23ce n'était pas une fumée noire, comme j'ai souvent lu.
01:26Pour moi, c'était des flammes qui sortaient de la haute cheminée, jour et nuit, qui éclairaient le camp la nuit.
01:32Ça sentait le poulet grillé autant qu'on en voulait.
01:35Et pendant très longtemps, j'ai pensé que c'était les gens qui étaient soumis à un régime extrêmement dur,
01:43et qui mouraient, je ne dirais pas de mort naturelle, mais enfin, qui mouraient par épuisement.
01:51Et dont les corps étaient brûlés.
01:52Et dont les corps étaient brûlés.
01:54Comme c'était le cas dans presque tous les camps de concentration, mais pas dans les camps d'extermination.
01:59J'ai cru ça très longtemps.
02:01Ça m'a sauvée, parce que si j'avais dû savoir la réalité...
02:03C'est-à-dire qu'il y avait des chambres à gaz.
02:06Qu'il y avait des chambres à gaz, que les gens que j'avais vus une heure avant étaient déjà en train de mourir.
02:13Et puis qu'après le gaz, on les brûlait.
02:17Si j'avais pensé à ces gazages de masse, je ne crois pas que j'aurais survécu.
02:24Bien.