Xerfi Canal a reçu Jean-Louis Chandon, professeur émérite à l'IAE Aix Marseille, INSEEC Business School, OMNES Education, pour parler des perceptions du luxe.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Jean-Louis Chandon. Bonjour Jean-Philippe. Jean-Louis Chandon, vous êtes professeur émérite
00:13à l'IEE d'Aix-Marseille, spécialiste de marketing. Vous avez été président du jury d'allégation
00:18dans l'enseignement supérieur de sciences de gestion et du management 2004-2005. Vous êtes
00:24aujourd'hui à INSEC Business School, Omnes Education. On va parler ensemble du luxe.
00:31Finalement, il y a une grande question qui me turlupine. Est-ce que le luxe, c'est universel ?
00:37Les chercheurs se sont beaucoup pensés sur cette question. En fait, ils se divisent en deux groupes.
00:42Le premier groupe qui dit que le luxe est universel et que vous allez dans tous les pays, c'est la même chose.
00:47Et d'autres qui disent que non, il y a des différences par pays parce que c'est dû à la culture,
00:51mais il y a aussi des différences dues au genre et dues à l'âge et dues aux revenus.
00:58Donc, pourquoi le luxe se développe tellement ? Parce que dans les pays qui se développent beaucoup,
01:04comme l'Inde ou la Chine ou le Brésil, il y a toute une génération de nouveaux riches
01:09qui veulent asseoir leur statut ou qui même sont obligés parce que dans la culture chinoise,
01:14il faut faire des cadeaux. Plus on est riche, plus on est bien portant, plus on doit en donner à sa famille
01:20et même aux autres. Donc, voilà, les nouveaux riches font le bien de nos exportations de luxe
01:28parce qu'ils doivent démontrer leur réussite et parce que l'ostentation est une motivation
01:35qui se démocratise. Se démocratise de plus en plus.
01:39Aujourd'hui, on a le droit à la joie, on a le droit à s'acheter du luxe.
01:44Et bon, d'accord, le luxe a été dénoncé par Vigile, Cicéron, Aristote, repris par le camarade Jean-Jacques Rousseau,
01:51bien sûr, d'ailleurs contredit par Voltaire.
01:54Mais aujourd'hui, les gens ne pensent plus que le luxe est vraiment synonyme de rareté.
02:02On s'aperçoit aussi que les marques de luxe sont connues par Monsieur Tout-le-Monde.
02:08Tous les gens qui ont Instagram, c'est-à-dire le monde entier, vont regarder les défilés de Christian Dior.
02:15Et donc, ça a contribué beaucoup à ce mastige, ce luxe de masse.
02:22Et alors, voyons un peu s'il y a quand même des segments.
02:24Il y a des segments, bon, il y a ceux qu'on appelle les Absolute Luxurers.
02:29Ils sont raffinés, élégants, ils sont nés dans le luxe, en fait.
02:33Et pour eux, nothing is too much.
02:36C'est les fameux happy few du passé.
02:38Ensuite, on appelle le deuxième cran en dessous les Mega Seaters.
02:42Les gens qui vivent dans les grandes villes, New York, Londres, Paris, Rio, Shanghai, jeunes, 25 ou 35 ans,
02:48avec des moyens de cadre supérieur et qui s'intéressent au luxe, en se disant, après tout, c'est pour moi aussi.
02:58Troisième segment, les Social Climbers.
03:02Alors, c'est des gens qui s'intéressent à la Sustainability, au Made in,
03:08et qui sont très attachés à des motivations émotionnelles.
03:12Après, il y a les chasseurs d'expérience.
03:15Ça, c'est les vacances dans un lieu paradisiaque.
03:17Donc, c'est des gens qui sont discrets, sophistiqués,
03:21ou qui vont aller prendre des repas gastronomiques,
03:24ou passer de nuit dans un grand hôtel, dans un grand palace de luxe.
03:28Après, il y a ce qu'on appelle les petits princes.
03:30Ça, c'est la génération Z.
03:32Ils sont nés dans des familles fortunées, connectées,
03:35et eux, tout ce qui les intéresse, c'est la nouveauté.
03:38D'ailleurs, on a inventé pour eux le luxe jetable.
03:41On achète des vêtements de luxe.
03:43La mode est passée, on les revend.
03:44On en crée, on en achète d'autres.
03:46Le luxe, c'est aujourd'hui un cladéoscope.
03:51Il y a toutes sortes de dégradés, d'ailleurs jusqu'à la contrefaçon.
03:56Les maisons de luxe se plaignent de la contrefaçon.
03:58Elles ont peut-être tort, parce que c'est une porte d'entrée vers le luxe.
04:02Et quand les gens deviennent riches, ils continuent.
04:05Voilà.
04:05Donc, après, on peut parler aussi de la qualité.
04:10Bien sûr, on achète le luxe pour la qualité.
04:13On achète une voiture de sport ou une Rolls-Royce,
04:16parce qu'on sait qu'on a la réparation à vie avec, en plus de l'image.
04:20Donc ça, c'est un autre facteur.
04:22Et c'est aussi la tradition.
04:24Dans certaines familles, royales ou pas d'ailleurs,
04:27c'est une tradition d'avoir des véhicules de haut de gamme.
04:32Donc, le côté élitiste est ostentatoire.
04:36Merci infiniment à vous, Jean-Michel Chandon.
04:38Merci beaucoup, Jean-Philippe.
04:39Sous-titrage Société Radio-Canada